Date de début de publication du BOI : 01/08/2001
Identifiant juridique : 5B8113
Références du document :  5B8113

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SOUS-SECTION 3 DEMANDES D'ÉCLAIRCISSEMENTS OU DE JUSTIFICATIONS VISÉES À L'ARTICLE L. 16 DU LPF

SOUS-SECTION 3

Demandes d'éclaircissements ou de justifications
visées à l'article L. 16 du LPF

  A. CARACTÈRE DES DEMANDES D'ÉCLAIRCISSEMENTS OU DE JUSTIFICATIONS

1En vertu des dispositions particulières aux impôts directs prévues par l'article L. 16 du LPF, l'administration peut adresser au contribuable soit des demandes d'éclaircissements, soit des demandes de justifications sur l'un des points visés audit article.

Cette procédure revêt la forme écrite. Les éclaircissements et justifications nécessaires sont donc obligatoirement demandés en faisant usage des imprimés n° 2172 prévus à cet effet qui sont envoyés sous pli recommandé avec accusé de réception.

Au demeurant, l'administration peut envoyer au contribuable une demande d'éclaircissements ou de justifications puis des demandes complémentaires (CE, arrêt du 19 décembre 1984, n° 33410).

Dans le même sens, le fait d'avoir adressé à un contribuable plusieurs demandes de renseignements ne prive pas l'administration du droit de lui demander des justifications (CE, arrêt du 29 mars 1985, n° 35475).

D'autre part, lorsqu'un contribuable soumis à un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle (ESFP) [cf. DB 13 L 1311] a communiqué à l'administration, à la demande de celle-ci divers documents personnels, une demande de justifications ne peut lui être adressée que si, au préalable, l'administration lui restitue les documents qu'il lui avait remis (CE, 19 décembre 1984, n° 34731 ; CE, 14 juin 1989, n° 66089 ; CE, 1 er juin 1990, n° 52583 et 52555 ; CE, 6 juillet 1990, n° 62103 ; CE, 9 janvier 1991, n os 65364-65941 ; CE, 9 octobre 1992, n° 88301 ; CE, 3 juin 1994, n° 117801).

Cette règle peut cependant ne pas être suivie dans la mesure où il peut être établi avec certitude que le contribuable a conservé personnellement un double des documents transmis - qu'il s'agisse de l'original ou d'une copie. Ce fait peut résulter de la teneur de la réponse présentée (en ce sens, CE, 16 mai 1990, n° 90437 ; CAA Paris, 16 juin 1992, n° 90-963 ; CE, 17 mars 1993, n° 74 775 ; CAA Lyon, 24 mars 1994, n° 92-292 ; CAA Paris, 10 octobre 1996, n° 94-1905).

La restitution des documents doit être impérativement effectuée au contribuable lui-même ou le cas échéant à une personne dûment mandatée (CAA Lyon, 9 octobre 1996, n° 94-1652).

Par ailleurs, le conseil d'État retient une approche finaliste et vérifie si les documents retenus par l'administration peuvent être utiles au contribuable compte tenu des points sur lesquels des justifications lui sont demandées (CE, 5 mars 1993, n° 78-764 ; CE, 3 septembre 1997, n° 147 419 ; CE, 28 novembre 1997, n° 145 492 ; CE, 23 novembre 1998, n° 159 470 ; CE, 6 octobre 1999, n° 169 140).

Enfin, un contribuable domicilié à l'étranger peut être invité à justifier à la suite d'un examen de sa situation fiscale, de l'origine et de la nature de versements à ses comptes bancaires d'un montant élevé permettant d'estimer que l'intéressé, eu égard à ses activités déployées en France, pouvait avoir disposé de revenus de source française plus importants que ceux faisant l'objet de ses déclarations de revenus (CE, arrêt du 4 décembre 1985, n° 43383). Ainsi, l'administration est en droit d'adresser une demande de justifications à un contribuable non domicilié en France dès lors que les sommes créditées sur ses comptes bancaires français étaient au moins égales au double des revenus de source française déclaré par l'intéressé (CE, 28 juillet 1999, n° 168 699).

2En cas de défaut de réponse dans le délai imparti, le contribuable peut, par application des dispositions de l'article L. 69 du LPF, faire l'objet d'une taxation d'office (cf. DB 5 B 822 ). Si la réponse à la demande d'éclaircissements ou de justifications est insuffisante, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse (cf. n° 29 ).

3Dans les autres cas, le service, s'il estime la réponse non satisfaisante, ne peut rectifier la déclaration qu'en utilisant la procédure de redressement contradictoire (cf. DB 5 B 8122 ).

4La procédure résultant des articles L. 16 et L. 69 du LPF doit être mise en oeuvre avant toutes les procédures exceptionnelles dont dispose le service, car elle offre jusqu'à la fin la possibilité pour le contribuable de justifier les éléments portés dans sa déclaration, notamment que les fonds qu'il a employés pour financer ses dépenses n'ont pas pour origine des ressources occultes ou le produit de fraudes fiscales.

C'est seulement dans le cas où son utilisation est impossible ou présente des difficultés particulières eu égard aux circonstances de fait, et où il y a tout lieu de penser que le revenu déclaré ne correspond pas aux ressources dont le contribuable a disposé, que le service doit recourir à la taxation forfaitaire prévue par l'article 168 du CGI en cas de disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et les revenus qu'il déclare (cf. DB 5 B 521 ).

  B. DESTINATAIRE DES DEMANDES

5Les demandes d'éclaircissements ou de justifications sont adressées par l'administration au contribuable au domicile indiqué dans sa déclaration.

  I. Contribuables mariés

6S'agissant des contribuables mariés faisant l'objet d'une imposition commune et bien que l'article L. 54 A du LPF autorise l'administration à adresser les actes de procédure à l'un des deux époux seulement, ces actes sont adressés à « Monsieur ou Madame ». Il en est ainsi de la demande d'éclaircissements ou de justifications. Cette procédure est applicable depuis le 1 er janvier 1983 pour tous les actes de procédure relatifs aux revenus des années 1982 et suivantes. Bien entendu, une demande qui aurait été adressée à l'un des deux époux conserve, compte tenu des dispositions légales, toute sa valeur.

  II. Contribuables liés par un pacte civil de solidarité (PACS)

7Les dispositions fiscales relatives au PACS prévoient que les règles d'imposition, d'assiette, de liquidation de l'impôt sur le revenu ainsi que celles concernant la souscription des déclarations et le contrôle de cet impôt, prévues pour les contribuables mariés, s'appliquent aux partenaires liés par un PACS qui font l'objet d'une imposition commune (CGI, art. 6-1 alinéa 3, 6-7 et 1685 bis ; LPF, art. L. 286) [BOI 5 B-1-00 ].

S'agissant des contribuables liés par un PACS et faisant l'objet d'une imposition commune, la demande d'éclaircissements ou de justifications est établie aux noms des deux partenaires séparés par le mot « ou ». Par analogie avec la solution retenue à l'égard des contribuables mariés (cf. n° 6 ), une demande qui aurait été adressée à l'un des deux partenaires conserve toute sa valeur.

  III. Contribuable décédé

8Il convient de noter que la déclaration des revenus imposables prévue, dans le cas de décès du contribuable, par l'article 204-1 du CGI, et produite par les ayants droit du défunt, est soumise aux règles et sanctions prévues à l'égard des déclarations annuelles. En conséquence, les demandes d'éclaircissements ou de justifications visées à l'article L. 16 du LPF peuvent être valablement adressées à l'un quelconque des ayants droit ou des signataires de la déclaration de succession (CGI, art. 204-2).

Ainsi, une demande d'éclaircissements ou de justifications concernant la situation fiscale d'un contribuable décédé peut être adressée aux héritiers qui ont accepté la succession (CE, arrêt du 29 mai 1985, n° 49236).

  IV. Adresse du destinataire

9En cas de déménagement, il appartient au contribuable de prendre éventuellement les dispositions nécessaires pour que son courrier, recommandé ou non, soit retiré et lui soit réexpédié. S'il ne l'a pas fait, il n'est pas fondé à soutenir que le défaut de réponse à une demande de justifications ne lui est pas imputable (CE, arrêt du 13 juin 1980, n° 10716).

  C. DOMAINE DE CES DEMANDES

Une distinction doit être effectuée entre les demandes d'éclaircissements et les demandes de justifications.

  I. Demandes d'éclaircissements

10Le texte légal ne précise pas l'objet de ces demandes. De manière générale, elles tendent à provoquer les explications du déclarant sur les discordances relevées soit entre les énonciations des diverses parties de la déclaration, soit entre ces énonciations et celles d'une déclaration antérieure, soit enfin entre la teneur de la déclaration et les renseignements dont le service est à même de faire état, notamment à la suite de recoupements (déclaration de location ou baux, bulletins de salaires, pensions ou rentes viagères dressés au vu des déclarations d'employeurs ou débirentiers, relevés de coupons, déclaration annuelle récapitulative des opérations sur valeurs mobilières et des revenus de capitaux mobiliers, recoupements divers établis à partir des déclarations souscrites par les sociétés, notamment en ce qui concerne les rémunérations des dirigeants, ou par les débiteurs d'intérêts de créances, etc.) [cf. DB 5 A ].

  II. Demandes de justifications

1. Le domaine des demandes de justifications visées à l'article L. 16 du LPF est limité par la loi.

Ces demandes ne peuvent être formulées que dans les cas suivants.

11 a. Au sujet de la situation et des charges de famille du contribuable qui sont susceptibles d'entraîner l'octroi de certains avantages (déductions en faveur des personnes âgées, par exemple) ou d'influer directement sur le calcul de l'impôt (nombre de parts).

12 b. Au sujet des charges retranchées du revenu global et prévues à l'article 156 du CGI  ; c'est ainsi que les demandes du service peuvent notamment porter sur la déduction :

- des pensions alimentaires (cf. DB 5 B 2421 ) ;

- des arrérages de rentes payées à titre obligatoire et gratuit (cf. DB 5 B 2428 ) ;

- de certaines dépenses afférentes aux monuments historiques (cf. DB 5 B 2428 ) ;

- des intérêts de certains emprunts, des cotisations à caractère social et des versements effectués en vue de la retraite mutualiste du combattant (cf. DB 5 B 2428 ).

13 c. Au sujet des charges ouvrant droit à une réduction d'impôt en application des articles 199 sexies et 199 septies du CGI. Il s'agit :

- de certaines dépenses afférentes à l'habitation principale (cf. DB 5 B 3321 , 3322 , 3323 ) ;

- de certaines primes d'assurance-vie, rente survie, épargne handicap (cf. DB 5 B 333 ).

14 d. Au sujet des avoirs ou revenus d'avoirs à l'étranger.

La demande de justifications a été étendue à ce domaine par le paragraphe 7 de l'article 98 de la loi de finances pour 1990, n° 89-935 du 29 décembre 1989, codifié à l'article L. 16 , 1 er alinéa du LPF.

15 e. Lorsque le service a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir un revenu plus important que le revenu déclaré.

Cette dernière disposition permet notamment de contrôler les déclarations de revenus grâce à la connaissance des mouvements de capitaux ou des variations survenus dans le patrimoine des contribuables.

Le service peut ainsi demander à un contribuable :

- l'origine des fonds ayant servi à l'accroissement de son patrimoine (CE, arrêt du 3 mars 1971, n° 78129, RJ IV, p. 43), notamment lorsque l'administration a relevé diverses acquisitions de biens mobiliers et immobiliers, pour un montant très important et sans rapport avec les revenus déclarés par lui (CE, arrêt du 26 avril 1972, n° 76061, RJ IV, p. 24) ;

- la production des relevés de ses comptes bancaires personnels ainsi que la nature et l'origine des sommes importantes portées au crédit desdits comptes (CE, arrêt du 31 mai 1967, n° 62704, RJCD, 1 ère partie, p. 148 et du 3 novembre 1972, n° 75469, RJ IV, p. 79). Dans ce cas, cette demande doit être obligatoirement précédée d'un avis d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (anciennement VASFE) conformément aux dispositions de l'article L. 47 du LPF (cf. DB 13 L 1311) ;

- l'origine et la date d'entrée dans son patrimoine d'une somme de 400 000 F prêtée par lui en 1969, cette somme étant hors de proportion avec les revenus déclarés (CE, arrêt du 29 décembre 1978, n° 6487, RJ III, p. 214) ;

- l'explication de la différence importante apparaissant entre les investissements immobiliers et divers prêts consentis par lui d'une part, et d'autre part, les ressources lui ayant permis de financer ces opérations (CE, arrêt du 13 juin 1979, n os 5557 et 6520, RJ III, p. 60) ;

- l'origine de la différence existant entre ses ressources et ses dépenses effectuées au cours des années d'imposition : acquisition d'un immeuble, travaux immobiliers importants, frais de remboursement d'emprunt et dépenses normalement nécessaires à l'entretien du contribuable et de son épouse (CE, arrêt du 25 juillet 1980, n° 5744) ;

- la justification d'un apport à une SARL dont il était devenu le gérant non salarié (CE, arrêt du 22 octobre 1980, n° 16114) ;

- la justification, sans se référer au résultat d'une balance de trésorerie, d'investissements immobiliers et mobiliers, et de versements en compte courant dont l'ensemble représentait environ le double de ses revenus déclarés au cours des années vérifiées (CE, arrêt du 25 janvier 1985, n° 39362) ;

- la justification de la discordance importante existant entre le montant de ses revenus déclarés et celui de ses dépenses personnelles, de ses investissements et de ses versements à des tiers (CE, arrêt du 27 février 1985, n° 37910) ;

- l'origine de l'écart important entre ses revenus déclarés et les disponibilités employées par lui pendant les années d'imposition (CE, arrêt du 26 juillet 1985, n° 46083) ;

- l'origine de l'accroissement important de son patrimoine (RM Henri Caillavet, JO, Sénat du 3 février 1983, p. 180) ;

- l'origine des fonds qui ont permis de financer l'acquisition des avoirs en or mentionnés sur la déclaration d'impôt sur les grandes fortunes (RM Pierre Bas, JO, AN du 29 août 1983, p. 3711) ;

- l'origine des fond prêtés par des parents à leurs enfants (RM Paul Pernin, JO, AN du 27 mai 1985, p. 2363) ;

- l'origine des sommes qu'il a prêtées et dont l'administration n'a eu connaissance qu'après l'envoi d'une notification de redressements à la suite d'une VASFE 1 (CE, arrêt du 20 avril 1988, n° 81787).

16S'agissant de l'écart devant exister entre encaissements bancaires et revenus bruts déclarés, le conseil d'Etat a par un arrêt du 5 mars 1999, n° 164 412 (BANCAREL) instauré une norme ayant valeur de règle de droit. Désormais, la règle dite « du double » est devenue une règle intangible (voir également CE, 19 mai 1999, n° 171 925 et CE, 13 octobre 1999, n os 181 010 et 181 209).

1   Actuellement ESFP.