SECTION 5 LIQUIDATION DES DROITS EN CAS DE TRANSMISSIONS À TITRE GRATUIT SUCCESSIVES ENTRE MÊMES PERSONNES
SECTION 5
Liquidation des droits en cas de transmissions à titre gratuit successives
entre mêmes personnes
TEXTES
CODE GÉNÉRAL DES IMPÔTS
(Législation applicable au 12 mai 1996)
Art. 784. - Les parties sont tenues de faire connaître, dans tout acte constatant une transmission entre vifs à titre gratuit et dans toute déclaration de succession, s'il existe ou non des donations antérieures consenties à un titre et sous une forme quelconque par le donateur ou le défunt aux donataires, héritiers ou légataires et, dans l'affirmative, le montant de ces donations ainsi que, le cas échéant, les noms, qualités et résidences des officiers ministériels qui ont reçu les actes de donation, et la date de l'enregistrement de ces actes.
La perception est effectuée en ajoutant à la valeur des biens compris dans la donation ou la déclaration de succession celle des biens qui ont fait l'objet de donations antérieures, à l'exception de celles passées depuis plus de dix ans, et, lorsqu'il y a lieu à application d'un tarif progressif, en considérant ceux de ces biens dont la transmission n'a pas encore été assujettie au droit de mutation à titre gratuit comme inclus dans les tranches les plus élevées de l'actif imposable.
Pour le calcul des abattements et réductions édictés par les articles 779 et 780, il est tenu compte des abattements et des réductions effectués sur les donations antérieures visées à l'alinéa précédent consenties par la même personne.
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A. RÈGLES GÉNÉRALES
1. Principes
1Les donations sont soumises aux droits de mutation au même tarif que les successions. En outre, les donations successives consenties par une même personne et la transmission par décès de son patrimoine sont reliées les unes aux autres.
L'ensemble des biens transmis à titre gratuit entre les mêmes personnes fait l'objet, en principe, d'une liquidation unique des droits ; les perceptions effectuées sur les donations successives et sur la succession du donateur sont reliées les unes aux autres, en ce qui concerne les abattements, le tarif progressif et les réductions de droits. Chaque donation est en quelque sorte assimilée, sur ces points, à une ouverture partielle et anticipée de la succession du donateur.
2Toutefois, la portée de ces règles, dites du « rapport fiscal », a été réduite par l'article 15-I de la loi de finances pour 1992 (n° 91-1322 du 30 décembre 1991, JO du 31).
Ce texte, entré en vigueur le 1er janvier 1992 1 , a modifié les deuxième et troisième alinéas de l'article 784 du CGI de façon à ne plus tenir compte, pour la liquidation des droits de mutation à titre gratuit, des donations passées depuis plus de dix ans.
II. Transmissions concernées
3Les obligations imposées aux parties par l'article 784 du CGI concernent toutes les donations antérieures consenties par le défunt aux héritiers, donataires ou légataires, quelle que. soit la forme dans laquelle ces donations ont été constatées. Elles s'appliquent, notamment, aux dons manuels (cf. infra 7 G 3162, n° 2 ). Toutefois, le rapport ne s'applique pas aux donations qui ont effectivement supporté le droit proportionnel sous le régime antérieur à l'entrée en vigueur de la loi du 14 mars 1942.
L'obligation du rapport fiscal prévu à l'article 784 du CGI concerne également les biens situés hors de France lorsque le donateur ou le défunt est domicilié en France. Toutefois, compte tenu de l'entrée en vigueur au 1er janvier 1977 des dispositions de l'article 750 ter du CGI (cf. supra 7 G 2141, n°s 1 et suiv. ) l'obligation du rapport fiscal ne s'applique pas aux libéralités portant sur des biens corporels situés hors de France et ayant fait l'objet d'un acte ayant date certaine avant le 1er janvier 1977. En revanche, elle s'applique aux autres libéralités et notamment aux dons manuels, quelle que soit leur date, dès lors que la nouvelle libéralité ou le décès du donateur est postérieur au 31 décembre 1976 (cf. infra 7 G 3162 ).
Par ailleurs, l'obligation de rappeler les donations antérieures est limitée aux seules libéralités consenties par le donateur au nouveau donataire.
III. Obligations déclaratives des parties
4L'article 15-I de la loi de finances pour 1992 n'a apporté aucune modification aux obligations déclaratives prévues par les dispositions du 1er alinéa de l'article 784 du CGI.
Aux termes du 1er alinéa de l'article 784 du CGI, les parties sont tenues de faire connaître, dans tout acte constatant une transmission entre vifs à titre gratuit et dans toute déclaration de succession, s'il existe ou non des donations antérieures consenties à un titre et sous une forme quelconque par le donateur ou le défunt aux donataires, héritiers ou légataires et, dans l'affirmative, le montant de ces donations ainsi que, le cas échéant, les noms, qualités et résidences des officiers ministériels qui ont reçu les actes de donations, et la date de l'enregistrement de ces actes.
Le montant des insuffisances d'évaluation reconnues sur les donations antérieures doit être indiqué.
Si aucune donation antérieure n'a été consentie, les parties sont tenues de le préciser.
En ce qui concerne les transmissions à titre gratuit entre vifs (ou à cause de mort) comprenant des biens mentionnés à l'article 793-1-4° (parts de groupements fonciers agricoles ou de groupements fonciers ruraux), à l'article 793-2-3° (biens ruraux loués par bail à long terme), à l'article 793-2-4° et 5° (constructions nouvelles), et à l'article 793-2-6° (immeubles locatifs anciens) du CGI : cf. infra 7 G 2622 ; 2623 ; 2624 et 7 G 2627, n° 21 , 2628, n° 2 et 2629, n° 2 ).
B. LE RAPPORT FISCAL POUR LA LIQUIDATION DES DROITS DE MUTATION À TITRE GRATUIT
I. Champ d'application
1. Donations réalisées au successions ouvertes avant le 1er janvier 1992.
5Avant le 1er janvier 1992, toutes les donations antérieures consenties par le donateur ou le défunt aux donataires, héritiers ou légataires devaient être rapportées pour la taxation, quelle que soit leur ancienneté vis-à-vis de la mutation à taxer (sous les seules réserves générales indiquées supra n° 3 ).
2. Donations réalisées ou successions ouvertes à compter du 1er janvier 1992.
6 Afin d'encourager la transmission anticipée des patrimoines, l'article 15-I de la loi de finances pour 1992 prévoit que les donations passées depuis plus de dix ans ne sont plus prises en compte pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit (entre vifs ou par décès).
7 En revanche, les donations consenties depuis moins de dix ans avant la nouvelle mutation à titre gratuit et les donations plus anciennes n'ayant pas été sujettes aux droits de mutation à titre gratuit demeurent rapportables.
Remarque : Les conditions de la dispense de rapport fiscal, depuis le 1er janvier 1992, font l'objet de développements infra n°s 14 et suivants.
II. Définition du rapport fiscal
8 Lorsqu'une mutation à titre gratuit entre vifs ou par décès a été précédée de donation consenties par le même donateur ou le défunt au même bénéficiaire, la perception est effectuée en ajoutant à la valeur des biens compris dans la donation ou la déclaration de succession celle des biens qui ont fait l'objet de donations antérieures et, lorsqu'il y a lieu à application d'un tarif progressif, en considérant ceux de ces biens dont la transmission n'a pas encore été assujettie au droit de mutation à titre gratuit comme inclus dans les tranches les plus élevées de l'actif imposable (CGI, art. 784 , al. 2).
Les perceptions effectuées sur les donations successives consenties par une personne et sur la déclaration de sa succession sont donc reliées les unes aux autres non par les droits liquidés mais par l'actif imposable. Ainsi, la transmission de l'ensemble du patrimoine d'une personne est taxée de la même manière que si ce patrimoine avait fait l'objet d'une mutation par décés.
Pour l'application de l'article 784 du CGI, il est toujours tenu compte de la valeur du bien au jour de la donation.
Cette règle « du rapport fiscal » des donations antérieures, ne doit pas être confondue ni dans sa nature, ni dans ses effets, avec celle du rapport des donations qui résulte de l'article 843 du Code civil (cf. supra 7 G 2112, n° 68 et supra 7 G 2412, n° 3 ). Il est souligné que ses effets sont favorables aux héritiers, notamment dans le cas où une donation a été faite à une époque où l'abattement prévu à l'article 779-I du CGI était inférieur à son niveau actuel. Dans ce cas, en effet, le supplément d'abattement résultant du relèvement intervenu depuis la donation précédente ne se trouve pas amputé ou épuisé par l'accroissement de la valeur du bien depuis la donation et bénéficie par conséquent entièrement aux héritiers.
III. Conséquences sur la liquidation des droits
1. Considérations générales.
9La somme des perceptions successives n'est pas toujours égale au montant de l'impôt qui aurait été exigible si la perception avait été effectuée globalement lors de la dernière mutation, car chaque transmission ne cesse pas d'être considérée comme un fait générateur particulier :
- la liaison entre les transmissions successives est fondée sur l'actif imposé (compte tenu des reconnaissances d'insuffisance d'évaluation (cf. ci-avant n° 4 ) lors de l'enregistrement de la mutation rappelée et non sur la valeur actuelle des biens antérieurement donnés ;
- les perceptions sont établies sans que soient remises en cause les perceptions antérieures en cas de changement de tarif.
2. Incidence sur l'application des abattements.
10Pour le calcul des abattements édictés par l'article 779 du CGI, qu'il s'agisse de l'abattement applicable en ligne directe et entre époux (cf. supra 7 G 2421 ) ou de l'abattement dont bénéficient les handicapés physiques ou mentaux (cf. supra 7 G 2423 ), il est tenu compte des abattements effectués sur les donations antérieures consenties par la même personne au même bénéficiaire (CGI, art. 784 , 3e al.).
L'abattement dont chaque ayant droit est susceptible de bénéficier lors d'une mutation doit donc être calculé sous déduction de celui dont il a déjà pu bénéficier lors de donation antérieures à lui faites par la même personne depuis l'entrée en vigueur de la loi du 14 mars 1942.
Lorsqu'un bénéficiaire est appelé à une succession par l'effet de la représentation, il convient de tenir compte, pour déterminer le montant de l'abattement restant disponible, des abattements dont son auteur a pu bénéficier antérieurement en raison de transmissions provenant du même disposant.
11Le montant de l'abattement susceptible d'être pratiqué doit être déterminé, pour chaque transmission, d'après la législation en vigueur à l'époque où elle a lieu, sans que les perceptions antérieures puissent être remises en cause.
Ainsi, dans le cas d'une donation en ligne directe consentie en 1989 et taxée dans la tranche à 20 % après application d'un abattement de 275 000 F, la nouvelle donation consentie entre les mêmes personnes en 1995 bénéficie d'un abattement complémentaire de 25 000 F égal à la différence entre l'abattement en vigueur en 1995 (300 000 F) et celui applicable lors de la première donation en 1989 (275 000 F). La fraction des biens transmis lors de la nouvelle donation qui excède 25 000 F est taxée en fonction du montant de l'ensemble de l'actif transmis et selon le tarif en vigueur en 1995 ; si l'on suppose que la part nette taxable de la première donation excédait 100 000 F, la taxation de la seconde donation débute à 20 %.
3. Influence sur le calcul des réductions de droits.
12En ce qui concerne l'application des réductions édictées par l'article 780 du CGI (cf. supra 7 G 244 ), il est tenu compte, également, des réductions effectuées sur les donations antérieures consenties par la même personne (CGI, art. 784 , 3e al.).
Il s'ensuit que le maximum de réduction (2 000 F ou 4 000 F) par enfant du donataire ou du successible au-delà du deuxième, suivant qu'il s'agit d'une transmission en ligne collatérale ou entre non-parents ou d'une transmission en ligne directe ou entre époux, s'applique à l'ensemble des mutations à titre gratuit intervenues entre les mêmes personnes.
Lors de chaque mutation à titre gratuit, il y a donc lieu de calculer le maximum de réduction, puis d'en déduire le montant des réductions accordées lors des donations antérieurement consenties par la même personne au même bénéficiaire : la différence représente le montant de la déduction susceptible d'être opérée.
Le montant de la réduction à effectuer doit être calculé pour chaque transmission compte tenu de la législation applicable à cette époque et de la situation de famille de l'héritier ou du donataire à la même date.
En cas de modification du quantum de la réduction entre deux transmissions, par suite de changement dans la législation ou dans la situation de famille, l'extension, ou, à l'inverse, la diminution (ou la suppression) de la réduction n'a d'influence que sur la mutation nouvelle.
C. LES DONATIONS DISPENSÉES DU RAPPORT FISCAL
13Les deuxième et troisième alinéas de l'article 784 du CGI ont été modifiés par l'article 15-I de la loi de finances pour 1992 2 de façon à ne plus tenir compte, pour la liquidation des droits de mutation à titre gratuit, des donations passées depuis plus de dix ans.
Ainsi, les donations régulièrement enregistrées depuis plus de dix ans, sous les conditions précisées ci-dessous (n°s 14 et suiv. ), ne sont pas rapportées aux donations réalisées ou aux successions ouvertes à compter du 1er janvier 1992.
I. Champ d'application de la dispense du rapport fiscal
Seules sont dispensées du rapport fiscal, pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, les mutations qui répondent, cumulativement, aux critères suivants :
1. La mutation antérieure doit avoir été effectuée par voie de donation et soumise aux droits d'enregistrement.
14 a. Le bénéfice de la mesure est réservé aux actes qui constituent de véritables donations. Les donations sont des actes à titre gratuit par lesquels un donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l'accepte (C. Civ., art. 894).
Sont donc susceptibles d'être exclues du rappel fiscal :
- les donations passées devant notaires y compris les donations-partages, c'est-à-dire les donations effectuées conformément aux dispositions de l'article 931 du code civil selon lesquelles les actes portant donation doivent être passés devant notaire ;
- les donations résultant d'actes sous seing privé qui comportent notamment l'acceptation du donataire. À cet égard, il est précisé que la simple reconnaissance d'un don manuel par le donateur, qui ne peut donner lieu au paiement des droits de mutation, n'est pas susceptible d'être considérée comme une donation ouvrant droit au bénéfice du non-rappel.
1 Cf. art. 1er II de la loi de finances pour 1992.
2 Texte entré en vigueur le 1er janvier 1992 (cf. art. 1er de la loi de finances pour 1992).