SOUS-SECTION 2 BIEN RURAL DONNÉ À BAIL À LONG TERME (CGI, ARTICLES 793-2-3° ET 793 BIS)
SOUS-SECTION 2
Bien rural donné à bail à long terme
(CGI, articles 793-2-3° et 793 bis )
TEXTES
CODE GÉNÉRAL DES IMPÔTS
(Législation applicable au 12 mai 1996)
Art. 793. - Sont exonérés des droits de mutation à titre gratuit :
2. 1° (Abrogé) ;
3° les biens donnés à bail dans les conditions prévues aux articles L. 416-1 à L. 416-6, L. 416-8 et L. 416-9 du code rural, à concurrence des trois quarts de leur valeur, sous réserve des dispositions de l'article 793 bis ;
Art. 793 bis. - L'exonération partielle prévue au 4° du 1 et au 3° du 2 de l'article 793 est subordonnée à la condition que le bien reste la propriété du donataire, héritier et légataire pendant cinq ans à compter de la date de la transmission à titre gratuit. Lorsque cette condition n'est pas respectée, les droits sont rappelés, majorés de l'intérêt de retard visé à l'article 1727.
Lorsque la valeur totale des biens susceptibles de bénéficier de l'exonération partielle visée au premier alinéa, transmis par le donateur ou le défunt à chaque donataire, héritier ou légataire, excède 500 000 F, l'exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit est ramenée à 50 % au-delà de cette limite.
Pour l'appréciation de cette limite, il est tenu compte de l'ensemble des donations consenties par la même personne à un titre, à une date et sous une forme quelconques, à l'exception des donations passées devant notaire depuis plus de dix ans.
L'exonération partielle visée au premier alinéa ne s'applique pas lorsque le bail a été consenti depuis moins de deux ans au donataire de la transmission, à son conjoint, à un de leurs descendants ou à une société contrôlée par une ou plusieurs de ces personnes.
[ Les dispositions des 2e et 3e alinéas modifiées par le II de l'article 59 de la loi de finances rectificative pour 1991, n° 91-1323 du 30 décembre 1991 et le 4e alinéa sont applicables aux successions ouvertes et aux donations consenties à compter du 1er juillet 1992 ].
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1Le bail à long terme répond à la nécessité de mieux assurer la sécurité et la stabilité du preneur d'un bien rural donné à bail, en le garantissant contre toute reprise du propriétaire pendant une période de dix-huit ans, pour que les investissements réalisés au début de bail soient amortis à l'expiration de celui-ci. Il s'inscrit dans le cadre de la politique de développement des baux dont l'objectif est de décharger l'exploitant du poids de l'investissement foncier.
Pour, d'une part, établir un équilibre entre les intérêts du bailleur à long terme et ceux du preneur et, d'autre part, encourager les propriétaires à conclure des baux de ce type, des avantages fiscaux ont été accordés aux bailleurs. Parmi ces avantages figure l'exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit pour les biens donnés à bail à long terme lors de leur première mutation à titre gratuit.
La loi de finances rectificative pour 1991 (n° 91-1323 du 30 décembre 1991) a modifié le champ et les conditions d'application de cette exonération partielle.
L'étude du régime fiscal de faveur sera précédée d'un bref exposé du régime juridique du bail à long terme. .
A. RÉGIME JURIDIQUE DU BAIL À LONG TERME
1. Différentes formes de baux.
2La loi n° 70-1298 du 31 décembre 1970 modifiée a créé, indépendamment des baux régis par le statut du fermage, le bail à long terme susceptible de revêtir une des trois formes définies par les articles L 416-1 à L 416-6, L 416-8 et L 416-9 du Code rural (cf. annexe I).
a. Le bail d'au moins dix-huit ans.
3Le bail rural à long terme peut revêtir la forme d'un bail conclu pour une durée initiale d'au moins dix-huit ans, sans possibilité de reprise triennale pendant son cours. Un tel bail est cessible dans les conditions prévues aux articles L 411-34 et L 411-35 du Code rural, et renouvelable de plein droit par période de neuf ans (cf. annexe I).
Toutefois, un preneur qui est à plus de neuf ans et à moins de dix-huit ans de l'âge de la retraite peut conclure un bail à long terme d'une durée égale à celle qui doit lui permettre d'atteindre cet age (Code rural, art. L 416-4). Ce bail est également renouvelable par période de neuf ans. Mais lorsque le preneur a atteint l'age de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles, chacune des parties peut refuser le renouvellement du bail ou mettre fin à celui-ci à l'expiration de chaque période annuelle à partir de laquelle le preneur aura atteint ledit age.
Par ailleurs, le bail de dix-huit ans renouvelable peut comporter une clause écartant la cessibilité du droit au bail aux descendants du fermier, telle qu'elle est prévue par l'article L 411-35 du Code rural.
Aux termes du 1er alinéa de l'article L 416-2 du même code, un bail rural peut à tout moment être converti, par accord des parties, en bail à long terme soit par transformation du bail initial, soit par conclusion d'un nouveau contrat.
b. Le bail d'au moins vingt-cinq ans.
4Le bail à long terme peut revêtir la forme d'un bail conclu pour une durée initiale de vingt-cinq ans au moins et, à l'expiration de cette période, se renouveler sans limitation de durée, par tacite reconduction. Dans ce cas, chacune des parties peut y mettre fin chaque année par acte extra-judiciaire et le congé prend effet à la fin de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle il a été donné.
c. Le bail de carrière.
5L'article L 416-5 du Code rural prévoit que le bail à long terme prend la dénomination de bail de carrière lorsqu'il porte sur une exploitation agricole constituant une unité économique ou sur un lot de terres d'une superficie supérieure à la surface minimale d'installation, qu'il est conclu pour une durée qui ne peut être inférieure à vingt-cinq ans et qu'il prend fin à l'expiration de l'année culturale pendant laquelle le preneur atteint l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse agricole.
2. Établissement d'un état des lieux.
6Le bail à long terme doit être suivi d'un état des lieux établi selon les dispositions de l'article L 411-4 du Code rural (Code rural, art. L 416-6).
Bien que l'article L 416-6 du Code rural n'ait pas été modifié en même temps que l'article L 411-4 du même code et qu'il contienne toujours les termes « suivi d'une état des lieux », cet état des lieux peut être établi contradictoirement et à frais communs soit dans le mois qui précède l'entrée en jouissance, soit dans le mois suivant celle-ci.
Passé ce délai d'un mois, la partie la plus diligente établit un état des lieux qu'elle notifie à l'autre partie par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Cette dernière dispose, à compter de ce jour, de deux mois pour faire ses observations sur tout ou partie du projet ou pour l'accepter. Passé ce délai, son silence vaudra accord et l'état des lieux deviendra définitif et réputé établi contradictoirement.
L'état des lieux a pour objet de permettre de déterminer, le moment venu, les améliorations apportées par le preneur ou les dégradations subies par les constructions, le fonds et les cultures. Il constate avec précision l'état des bâtiments et des terres ainsi que le degré d'entretien des terres et leurs rendements moyens au cours des cinq dernières années (Code rural, art. L 411-4, dernier alinéa).
Il n'est pas nécessaire que l'état des lieux ait été déposé au rang des minutes d'un notaire, ni qu'il ait acquis date certaine mais la date certaine conférée à l'état des lieux est de nature à éviter toute contestation sur la date réelle de ce document.
3. Cession du bail.
7Aux termes de l'article L 411-35 du Code rural, toute cession d'un bail rural est interdite. Toutefois, ce même article permet la cession du bail, consentie avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l'age de la majorité ou ayant été émancipés. À défaut d'agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire.
Néanmoins, s'agissant des baux à long terme, l'article L 416-2, 4e alinéa du Code rural, prévoit qu'il peut être convenu que les descendants du preneur ne pourront bénéficier des dispositions de l'article L 411-35 dudit code.
B. RÉGIME FISCAL. EXONÉRATION PARTIELLE DES DROITS DE MUTATION À TITRE GRATUIT
8Les dispositions des articles 793-2-3° et 793 bis du CGI qui définissent le champ d'application et la portée de l'exonération partielle applicable aux mutations à titre gratuit de biens ruraux donnés à bail à long terme ont été sensiblement aménagées par l'article 59 de la loi de finances rectificative pour 1991 (n° 91-1323 du 30 décembre 1991.
Les modifications introduites par ce texte s'appliquent aux successions ouvertes (et aux donations consenties) depuis le 1er juillet 1992.
Le régime applicable depuis le 1er juillet 1992 est exposé ci-dessous n°s 9 à 45 ; le régime antérieur fait l'objet des développements figurant aux n°s 46 à 69 .
I. Régime applicable depuis le 1er juillet 1992
9Aux termes de l'article 793-2-3° du CGI sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit à concurrence des trois quarts de leur valeur les biens donnés à bail à long terme dans les conditions prévues aux articles L. 416-1 à L. 416-6, L. 416-8 et L. 416-9 du Code rural.
Toutefois, lorsque la valeur totale des biens en cause transmis par le défunt à chaque héritier, donataire ou légataire excède 500 000 F, l'exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit est ramené à 50 % au-delà de cette limite (CGI, art. 793 bis ).
10 L'exonération des droits de mutation à titre gratuit est subordonnée à la réunion de plusieurs conditions et limitée, ainsi qu'il est énoncé ci-dessus, à une fraction de la valeur des biens transmis. En outre, l'exonération partielle est susceptible d'être remise en cause si les biens exonérés sont aliénés dans les cinq ans de la transmission à titre gratuit.
Ces dispositions conduisent à envisager successivement :
- les conditions d'application du régime de faveur ;
- la portée de l'exonération ;
- la déchéance du régime.
1. Conditions d'application du régime de faveur.
11L'exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit est subordonnée aux conditions suivantes :
- le bien transmis doit constituer un bien rural ;
- il doit faire l'objet d'un bail à long terme au jour de la transmission ;
- il doit rester la propriété du donataire, héritier ou légataire pendant cinq ans à compter de la mutation à titre gratuit ;
- le bail doit avoir été consenti depuis au moins deux ans lorsque le preneur est le donataire ou un membre de sa famille.
a. Le bien en cause doit constituer un bien rural.
12Le bail à long terme tel qu'il est défini par les articles L 416-1 et suivants du Code rural (cf. annexe I), n'est susceptible de s'appliquer qu'aux biens ruraux et seuls ces biens peuvent bénéficier de l'exonération de droits de mutation à titre gratuit.
Constitue un immeuble rural l'immeuble principalement affecté à la production de récoltes agricoles ou de fruits naturels ou artificiels : prairies, terres labourables ou vignobles. Présentent également le caractère d'immeubles ruraux les bâtiments d'exploitation et ceux destinés à l'habitation de l'exploitant ou du personnel qui constituent un même ensemble, une unité économique.
Par ailleurs, ces biens peuvent comprendre des immeubles par nature et des immeubles par destination.
b. Le bien doit faire l'objet d'un bail à long terme en cours au jour de la transmission.
13 Seuls les biens donnés à bail à long terme dans les conditions prévues aux articles L 416-1 à L 416-6 et L 416-8 du Code rural sont susceptibles de bénéficier du régime de faveur.
Cas particulier. - baux conclus antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 31 décembre 1970 :
14L'exonération s'applique uniquement aux biens ruraux donnés à bail à long terme dans les conditions prévues à l'article premier de la loi. Seuls les baux conclus postérieurement à la publication de la loi du 31 décembre 1970 peuvent donc répondre à ces prescriptions.
Par contre, les baux conclus avant l'entrée en vigueur de la loi du 31 décembre 1970 ne peuvent pas, quelle que soit leur durée, être considérés comme des baux ruraux à long terme.
1° Le bail doit être en cours au moment de la transmission.
15Pour bénéficier de l'exonération prévue à l'article 793-2-3° du CGI, le bail doit notamment être en cours au moment de la mutation, mais peu importe que celle-ci intervienne pendant la durée prévue au contrat initial ou au cours des renouvellements successifs du contrat.
En revanche, l'exonération ne peut s'appliquer lorsque la transmission intervient avant que le bail ait pris effet.
Tel est le cas lorsque le bailleur décède entre la date de la conclusion du contrat de bail et la date prévue pour l'entrée en jouissance du preneur, puisque la durée de la location n'a pas commencé à courir.
2° Établissement obligatoire d'un état des lieux.
16L'article L. 416-6 du Code rural prévoit l'établissement d'un état des lieux conforme aux dispositions de l'article L. 411-4 du même code (cf. ci-avant n° 6 ).
Toute clause tendant à déroger à ces dispositions est réputée non écrite.
Toutefois, l'administration ne peut pas exciper l'absence de l'état des lieux, avant la transmission, pour refuser le bénéfice de l'exonération.