SOUS-SECTION 3 DEMANDES D'ÉCLAIRCISSEMENTS OU DE JUSTIFICATIONS VISÉES À L'ARTICLE L. 16 DU LPF
2. Mais il convient de rappeler que, d'une manière générale, la possibilité de demander au contribuable des justifications n'est nullement limitée aux matières énumérées à l'article L. 16 du LPF.
Conformément aux dispositions de l'article L. 10 du LPF (cf. DB 5 B 8111 ), cette possibilité s'étend notamment :
17 a. Aux charges portées en déduction pour la détermination du revenu net de chaque catégorie de revenus. C'est ainsi que doivent être justifiées les dépenses dont la déduction est expressément prévue par une disposition particulière, telles que :
- les frais professionnels des salariés. Ceux-ci sont en effet admis à justifier du montant réel de leurs frais (CGI, art. 83-3°). Il est précisé que la nature des justifications demandées et la portée de l'obligation de justifier font l'objet de commentaires particuliers (cf. DB 5 F 2542 ) ;
- les frais inhérents à l'exploitation sociale et effectivement supportés par les dirigeants de sociétés visés à l'article 62 dudit code (cf. DB 5 H ) ;
- les frais visés à l'article 150 H du CGI, qui sont à prendre en compte pour la détermination de la plus-value imposable afférente à la cession de biens meubles ou immeubles et de droits immobiliers ou mobiliers sur des immeubles (cf. DB 8 M 212).
Il en est de même, d'une manière générale, des dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu dont la déduction est admise par l'article 13-1 du CGI.
18 b. Aux allocations spéciales destinées à couvrir les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi, perçues par les salariés, à l'exception des allocations dont le montant est fixé par voie législative et qui sont toujours réputées utilisées conformément à leur objet 1 . L'exonération n'est acquise que si lesdites allocations sont effectivement utilisées conformément à leur objet (CGI, art. 81-1°). Dès lors, sauf exception mentionnée ci-dessus, les bénéficiaires doivent être en mesure d'apporter des justifications suffisantes quant à la raison d'être et à l'emploi des allocations en cause (cf. DB 5 F 1151 ).
19Mais il convient de souligner que le défaut de réponse à une demande de justifications portant sur les points évoqués ci-dessus, n'est pas de nature à entraîner une taxation d'office qui n'est en effet applicable que si les justifications demandées portent sur des points visés à l'article L. 16 du LPF (CE, arrêt du 3 novembre 1972, n° 75469, RJCD, 4 ème partie, p. 79 ; partie de l'arrêt concernant la réintégration des indemnités pour frais d'emploi). Seule la procédure de redressement contradictoire peut alors être mise en oeuvre (cf. DB 5 B 8122 ).
3. Cas des revenus fonciers.
20En vertu de l'article L. 16 , 2° al. du LPF, l'administration peut demander au contribuabje des justifications sur tous les éléments servant de base à la détermination des revenus fonciers, tels qu'ils sont définis aux articles 28 à 33 quinquies du CGI.
Si le contribuable s'abstient de répondre, ses revenus fonciers peuvent être évalués d'office en vertu de l'article L. 73-3° du LPF (cf. DB 5 D 33 et 13 L 1553, n os 7 et suiv.).
4. Cas des plus-values de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux réalisées par les particuliers.
21L'article 94 de la loi de finances n° 99-1172 du 30 décembre 1999 a complété le deuxième alinéa de l'article L. 16 en étendant le domaine de la demande de justifications aux gains de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux définis aux articles 150-0 A à 150-0 E du CGI.
Dès lors, en application de l'alinéa 2 de l'article L. 16 du LPF, l'administration peut demander au contribuable des justifications sur tous les éléments servant de base à la détermination de tels gains. Si le contribuable s'abstient de répondre, ces gains de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux peuvent être évalués d'office en application du 4° de l'article L. 73 du LPF (BOI 5 C-1-01 ).
D. CONTENU DES DEMANDES
I. Précisions demandées
22Les demandes d'éclaircissements ou de justifications doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent (LPF, art. L. 16 , dernier alinéa).
Une demande de justifications doit être suffisamment précise pour permettre au contribuable l'identification des crédits litigieux de ses comptes bancaires (CE, arrêt du 25 janvier 1985, n° 40952).
À cet égard, une demande de justifications sur une insuffisance entre les disponibilités investies (achat d'immeubles, impôt, train de vie) et celles dégagées (revenu commercial, forfait, allocations familiales, remboursement de prêt) constatée pour une période déterminée a été reconnue comme indiquant explicitement les points sur lesquels elle portait (CE, arrêt du 12 mars 1980, n° 9705).
Lorsqu'une demande de justifications est rédigée en termes généraux et ne pose pas de questions particulières portant sur des faits précis, la réponse fournie par le contribuable qui est elle-même énoncée en termes généraux et n'est pas assortie de justifications particulières ne peut être assimilée à un refus ou à un défaut de réponse (CE, arrêt du 14 février 1979, n° 10.161 RJ III, p. 12).
En l'espèce, le service avait invité le contribuable, dont les comptes bancaires comportaient d'importants mouvements à « faire connaître les raisons précises de ces mouvements et notamment l'origine des fonds reçus » et à préciser s'il exerçait une profession, autre que ses fonctions déclarées de dirigeant de sociétés, « qui justifierait les mouvements de fonds en cause ». À cette demande, l'intéressé avait répondu, d'une part, que les mouvements constatés dans. ses comptes servaient à éviter de faire des chèques croisés entre deux sociétés dont il était dirigeant et qu'à chaque entrée correspondait une sortie d'un montant équivalent et, d'autre part, qu'il n'exerçait pas d'autre profession que celle d'administrateur de sociétés.
L'attention est appelée sur la nécessité de formuler avec précision les points sur lesquels porte la demande de justifications : par exemple, s'il s'agit d'une ou plusieurs opérations déterminées, d'indiquer la date, le montant et la nature de chacune d'elles, s'il s'agit du solde créditeur d'une balance de trésorerie de faire connaître au contribuable tous les éléments de la balance qui ont permis de dégager ce solde créditeur, etc.
Ainsi, une demande de justifications concernant des apports en espèces qui ne fait état que des chiffres globaux par année sans mentionner pour chacun des apports la date, le montant et le compte correspondant, ne permet pas au contribuable de répondre utilement et n'autorise donc pas l'administration à taxer d'office les revenus d'origine indéterminée (CE, arrêts du 10 février 1988 n os 57.602 et 58.926).
De même, une demande de justifications qui invite le contribuable à préciser l'origine de nombreux chèques portés au crédit de son compte bancaire pendant quatre ans et dont les montants globaux sont indiqués par mois n'est pas suffisamment précise - à défaut d'indication des dates de remise et du montant des chèques - pour que le contribuable puisse y répondre utilement dans le délai imparti (CE, 10 décembre 1990, n° 73489, 9° et 8° s.s., X... ).
En revanche, une demande de justifications portant sur des crédits bancaires est régulière dès lors qu'elle précise pour chacune des années vérifiées, le montant et la nature (espèces ou chèques) des sommes versées sur les comptes bancaires du contribuable (CE, 18 juin 1990, n° 53601, 7° et 8° s.s., X... ).
II. Indication des conséquences du défaut de réponse
23À peine de nullité de la procédure, les demandes de justifications doivent comporter l'indication des conséquences du défaut de réponse (CE, arrêt du 2 décembre 1977, n° 99098, RJ III, p. 205).
Le service fait usage de l'imprimé n° 2172 qui est envoyé au contribuable sous pli recommandé avec demande d'accusé de réception.
Ainsi, une demande qui empruntait le formulaire usuel indiquant avec précision sa cause et l'année concernée, les dispositions législatives sur lesquelles elle était fondée, les éclaircissements et justifications recherchés, ainsi que les conséquences d'une absence de réponse dans lé délai imparti a pu être regardée comme ayant été régulièrement établie (CE, arrêt du 16 décembre 1981, n° 19837).
Il est précisé qu'aucun texte n'oblige l'administration à aviser le contribuable de la faculté de se faire assister d'un conseil avant de lui demander des éclaircissements ou des justifications (CE, arrêt du 2 octobre, 1985, n° 41977).
E. DÉLAI DE RÉPONSE
24Les demandes d'éclaircissements ou de justifications doivent mentionner explicitement le délai de réponse dont le contribuable dispose pour répondre (LPF, art. L. 16 , dernier alinéa). Depuis sa modification introduite par l'article 9-III de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 entrée en vigueur le 11 juillet 1987, l'article L. 16 A du LPF est ainsi rédigé :
« Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois.
Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite. »
Cet aménagement des délais de réponse concerne l'ensemble des demandes d'éclaircissements ou de justifications, y compris celles adressées en dehors d'une procédure d'examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle.
Ces dispositions s'appliquent depuis la date d'entrée en vigueur de la loi, c'est-à-dire depuis le 11 juillet 1987.
Tous les actes de procédure accomplis postérieurement à cette entrée en vigueur sont régis par la loi nouvelle. En conséquence, quelle que soit la date de début du contrôle, les dispositions visées à l'article L. 16 A précité se sont appliquées dès lors que la notification de redressements n'était pas intervenue à cette date.
Il convient de distinguer, d'une part, les demandes d'éclaircissements ou de justifications, d'autre part, les mises en demeure en cas de réponse insuffisante.
I. Demandes d'éclaircissements ou de justifications
1. Principe.
25Le délai de deux mois dont dispose le contribuable pour répondre à une demande d'éclaircissements ou de justifications, qui doit indiquer explicitement les points sur lesquels elle porte, a pour point de départ la date de réception ou de remise au contribuable de la demande d'éclaircissements ou de justifications.
Il expire à la fin du jour du deuxième mois portant le même quantième que celui de son point de départ.
Toutefois, si le dernier jour du délai est un samedi, un dimanche, un jour férié ou chômé, le délai est prolongé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.
Lorsque le quantième du mois de réception de la demande d'éclaircissements ou de justifications n'a pas d'équivalent dans le mois au cours duquel aurait dû expirer le délai de deux mois (exemple : demande reçue les 29, 30, 31 décembre ou le 31 juillet), le point d'arrivée de ce délai est fixé au premier jour du mois suivant.
Remarque : l'article 16 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative à l'amélioration des relations entre l'administration et les usagers a pour effet, en matière fiscale, de neutraliser le délai d'acheminement postal au profit du contribuable. En conséquence, pour les délais expirant depuis le 1 er novembre 2000, il y a lieu de considérer que le contribuable a respecté le délai de deux mois si sa réponse à la demande d'éclaircissements ou de justifications est adressée au service dans ce délai, le cachet de la poste faisant foi.
2. Présentation des plis recommandés.
26Une demande de justifications notifiée par pli recommandé avec accusé de réception à l'adresse indiquée par le contribuable et qui y a été présentée à deux reprises, est régulière, alors même que l'intéressé était absent de son domicile. Le délai de réponse à cette demande court à compter de la date de première présentation 2 du pli, la circonstance que l'administration ait communiqué ultérieurement une copie de sa demande au contribuable n'est pas de nature à prolonger ce délai (CE, arrêt du 28 novembre 1984, n° 43417 ; voir aussi arrêt CE du 4 mai 1988, n° 58432).
3. Demande de délai complémentaire.
27Lorsque le contribuable sollicite un délai complémentaire pour répondre à la demande d'éclaircissements ou de justifications, il doit en faire la demande par écrit ; cette demande doit préciser la durée du délai souhaité.
Dans cette hypothèse, il incombe au service d'apprécier s'il accorde un délai complémentaire et d'informer le contribuable de la décision retenue en lui indiquant, dans l'affirmative, la date d'expiration du délai complémentaire accordé.
Dans la négative, le contribuable est informé du refus du report de délai afin de lui permettre de s'organiser pour répondre dans le délai légal imparti si tant est que le service a lui-même été saisi suffisamment tôt.
1 En pratique, il s'agit des allocations versées aux joumalistes à concurrence de 50 000 F (7 600 E à compter du 1 er janvier 2002) et de la fraction représentative de frais d'emploi de l'indemnité de fonction des élus locaux soumis à la retenue à la source (cf. BOI 5 F-14-99 ).
2 La réglementation postale modifiée à compter du 1 er juin 1990 (Bulletin officiel des PTT du 11 mai 1990) supprime le deuxième avis d'instance.