SOUS-SECTION 7 COMPENSATION ENTRE UN REHAUSSEMENT JUSTIFIÉ ET UNE SURTAXE OU UNE DOUBLE IMPOSITION
C. DROIT DE COMPENSATION OUVERT AU CONTRIBUABLE
27Aux termes du 3e alinéa de l'article L. 80 du LPF, les compensations de droits prévues aux 1er et 2e alinéas dudit article sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue un redressement, lorsque l'intéressé invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque le redressement fait apparaître une double imposition.
28Dès lors que le texte légal énonce le principe selon lequel les conditions relatives au droit de compensation de l'administration s'appliquent au même droit ouvert au contribuable, les commentaires consacrés ci-avant à ces conditions trouvent entièrement à s'appliquer dans cette dernière situation. Tel est le cas notamment des conditions relatives :
- à l'identité de contribuable et de période d'imposition (cf. ci-dessus n os6 à 9 ) ;
- à la nature des impôts et taxes à prendre en considération pour la compensation (cf. ci-dessus n os16 à 26 ).
29En revanche, le 3e alinéa de l'article L. 80 du LPF précise les circonstances particulières dans lesquelles le contribuable peut exercer son droit de compensation.
Ces circonstances appellent les commentaires suivants.
I. Redressement ouvrant droit à la compensation au profit du contribuable
30II résulte des termes mêmes du texte légal que le droit de compensation est ouvert au contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue un redressement.
En l'absence de toute disposition restrictive quant à l'acception du mot « redressement », celui-ci doit être entendu dans son sens le plus large.
C'est ainsi que constitue un redressement toute action par laquelle, pour une période ou une opération donnée, le service ajoute ou supplée aux éléments qui ont été ou qui auraient dû être déclarés par un contribuable lorsqu'elle tend à obtenir une majoration immédiate ou différée de l'impôt exigible.
31Ces éléments comprennent, non seulement, tous ceux que le contribuable doit déclarer à l'administration, en vertu d'une disposition légale ou réglementaire, mais encore ceux que le service peut prendre d'office en considération (par exemple : substitution, en matière d'enregistrement, de la valeur vénale au prix déclaré).
32Ils peuvent se rapporter soit à l'assiette de l'impôt, soit seulement aux modalités de sa liquidation (par exemple, nombre d'enfants à considérer à charge pour l'application des articles 194 à 196 du CGI), soit encore au montant de l'impôt précédemment acquitté et admis en déduction de la cotisation présentement exigible (imputations d'impôt précédemment versé au Trésor...).
33Mais les modifications de tous ordres ainsi apportées aux éléments déclarés (ou qui auraient dû être déclarés) par le contribuable doivent, pour être qualifiées de redressements, tendre à la mise en recouvrement d'un impôt majoré par rapport à la somme qui résulterait de la seule application des droits légalement prévus aux éléments spontanément déclarés par ce contribuable.
Dans cette optique, l'opération consistant à réduire un déficit déclaré doit être considérée comme un redressement puisqu'elle a pour résultat de diminuer le montant du déficit imputable sur un bénéfice ultérieur et peut donc ainsi permettre une majoration différée de l'impôt exigible.
34Dans la pratique, le droit de compensation ouvert au contribuable par le 3e alinéa de l'article L. 80 du LPF trouve à s'exercer lorsque l'intéressé a connaissance de l'intention de l'administration de procéder à un redressement à son encontre, c'est-à-dire, en fait, lorsque le redressement donne lieu à une notification.
35Lorsqu'il en est autrement, en cas d'évaluation d'office consécutive à une opposition à contrôle fiscal, par exemple, le contribuable n'a, en principe, connaissance du redressement qu'au moment de la mise en recouvrement de l'imposition. Dans cette hypothèse, l'intéressé ne peut, le cas échéant, faire jouer son droit à compensation, que dans le seul cadre d'une demande en décharge ou réduction (LPF, art. L. 203 ; cf. DB 13 O 14 ).
Il est rappelé enfin que la demande de compensation ne peut concerner que les impôts ou taxes expressément désignés par les 1er et 2e alinéas de l'article L. 80 déjà cité (cf. cl-dessus n os16 à 26 ).
II. Surtaxes et doubles impositions permettant au contribuable d'invoquer la compensation
36Lorsque l'administration effectue un redressement, le droit à compensation est ouvert au contribuable à même d'invoquer une surtaxe commise à son préjudice ou une double imposition découlant du redressement.
37Pour ce qui concerne le bien-fondé des demandes visant des surtaxes, la compensation ne peut être accordée que s'il n'existe aucune ambiguïté sur le véritable caractère et la réalité des éléments invoqués par le contribuable. Notamment, en présence de frais et charges déductibles pour l'assiette de l'impôt dû par les entreprises, il convient de s'assurer, dans tous les cas, qu'il s'agit bien de frais exposés dans l'intérêt de l'entreprise (cf. DB 4 C 11 ) et de dépenses effectives et justifiées (cf. DB 4 C 12 ).
38Quant aux compensations demandées à raison d'un double emploi, elles peuvent provenir, le plus, souvent, des conséquences du redressement envisagé.
Tel est le cas, par exemple, de la compensation qui peut éventuellement être opérée entre une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et la taxe sur les salaires ou la taxe d'apprentissage, lorsque des salaires excessifs alloués à des dirigeants de sociétés sont réintégrés dans les bénéfices sociaux.
39Compte tenu de ces éléments, toute surtaxe peut être alléguée par le contribuable, qu'elle consiste en des droits simples indûment perçus ou en pénalités illégalement appliquées, qu'elle résulte d'une erreur du service ou du contribuable ou provienne de la suppression de l'exigibilité de l'impôt par un événement postérieur à la perception.
40Mais aucune compensation ne saurait être admise si la surtaxe invoquée concerne des droits qui ne sont pas restituables, soit que la loi subordonne le dégrèvement ou la restitution à des conditions qui ne sont pas remplies, soit qu'elle édicte une prohibition spéciale de restitution.
D. MODALITÉS D'APPLICATION DE LA COMPENSATION
I. Conditions pratiques de mise en oeuvre de la compensation
41Le service peut être amené à opérer la compensation au profit du contribuable sans attendre une éventuelle action de ce dernier (cf. ci-dessus n os13 et suiv. ).
Le contribuable peut se prévaloir de son droit de compensation par simple demande adressée au service avant l'établissement définitif de l'imposition consécutive au redressement.
Après l'établissement définitif de l'imposition, le contribuable peut, bien entendu, faire valoir son droit à compensation par la voie contentieuse (cf. DB 13 O ).
1. Compensation d'office.
42Le service doit, en présence d'une compensation possible, prendre l'initiative de la régularisation correspondante.
C'est ainsi que, lors d'un examen de situation fiscale ou d'une vérification de comptabilité, il convient de procéder, par année ou par exercice, et pour l'assiette de chaque impôt, à la compensation entre les sommes omises et celles déclarées en trop dont il a constaté l'existence. De même, avant d'établir une imposition supplémentaire consécutive à un redressement, les agents ne doivent pas manquer de réparer, le cas échéant, les erreurs commises au préjudice du contribuable dans l'assiette, la liquidation et le calcul de l'imposition primitive. Enfin, la compensation doit être également opérée d'office chaque fois que le redressement fait apparaître une double imposition.
2. Demande de compensation du contribuable.
43Le contribuable a toujours la possibilité de formuler une demande de compensation tant au cours des investigations du service qu'en réponse à la notification d'un redressement. L'intéressé est également en mesure d'invoquer son droit de compensation à l'occasion d'une demande tendant à obtenir le bénéfice de la procédure de règlement particulière prévue par l'article L. 62 du LPF (cf. DB 13 L 152 ).
44La demande de compensation ainsi présentée avant l'établissement définitif de l'imposition supplémentaire résultant du redressement n'est soumise à aucune forme particulière et peut être formulée aussi bien oralement que par écrit.
Toutefois, lorsque l'instruction d'une demande de compensation présentée oralement après l'achèvement d'une vérification de comptabilité nécessite un nouvel examen des écritures, il convient, chaque fois que le contribuable entre dans les prévisions de l'article L. 52 du LPF ou que les investigations dans sa comptabilité doivent porter sur la même période et le même groupe d'impôts que la présente vérification, d'exiger de l'intéressé qu'il renouvelle sa requête par écrit. Ainsi, sera dissipée toute ambiguïté quant à l'objet de la nouvelle intervention du service.
L'agent qui sera saisi d'une demande de compensation devra s'assurer de son bien-fondé et, pour ce faire, ne manquera pas d'examiner les motifs de fait et de droit invoqués et de procéder, au besoin, aux recherches nécessaires, notamment dans la comptabilité du contribuable.
45Si cette comptabilité a déjà fait l'objet d'une vérification, cette circonstance n'empêche pas le vérificateur de se livrer à un nouvel examen des mêmes écritures, nonobstant les termes de l'article L. 51 du LPF (cf. DB 13 L 1315 ) et remarque faite que, suivant les dispositions de l'antépénultième alinéa de l'article L. 52 du même livre (cf. DB 13 L 1314 ), la limitation de la durée des vérifications prévue audit article n'est pas opposable à l'administration pour l'instruction des requêtes présentées par les contribuables après l'achèvement des opérations de vérification.
À cet égard, il convient toutefois de noter qu'une demande de compensation même formulée par écrit par un contribuable entrant dans les prévisions de l'article L. 52 du LPF ne saurait, lorsqu'elle est présentée avant l'achèvement d'une vérification de comptabilité autoriser le vérificateur à prolonger pour les besoins de l'instruction, son contrôle sur place au-delà du délai de trois mois.
46L'instruction de la demande peut, le cas échéant, entraîner l'obligation de prendre l'attache du service qui a établi l'imposition comportant la surtaxe invoquée si ce service n'est pas le même que celui qui procède au redressement.
47Lorsqu'il a recueilli tous les éléments d'appréciation utiles et, d'une manière générale, dans un délai maximum de trente jours, l'agent saisi de la requête avise le contribuable de la suite qui lui est donnée. Dans le cas général où la procédure de redressement contradictoire a été suivie, le contribuable est informé de la décision du service soit par la notification des redressements si la compensation a été demandée avant même cette notification, soit par la notification d'un avis ultérieur, si la demande de compensation a revêtu la forme d'observations présentées en réponse à la notification des redressements.
Remarque : il est précisé que les compensations en base et en droits accordées au contribuable, lors d'une vérification, doivent figurer de manière explicite sur la notification.
II. Modalités des opérations de compensation
Les modalités des opérations de compensation diffèrent selon que le redressement et la surtaxe se rapportent à un même impôt ou à des impôts différents.
1. Compensation dans le cadre d'un même impôt.
48 a. Lorsque, avant l'établissement de l'imposition consécutive à un redressement déterminé, le contribuable oppose valablement à ce dernier une surtaxe affectant le même impôt et commise à son préjudice dans l'imposition primitive ou, éventuellement, dans une précédente imposition supplémentaire, il convient :
- de procéder d'abord à la liquidation des droits simples effectivement dus et des pénalités réellement encourues pour l'ensemble de l'imposition, après avoir séparé aussi bien les irrégularités qui ont motivé le redressement que les erreurs qui sont à l'origine de la surtaxe ;
- et d'imputer ensuite sur le montant desdits droits et pénalités, celui des droits et pénalités antérieurement liquidés à l'occasion tant de l'imposition initiale que, le cas échéant, des impositions supplémentaires déjà établies.
49Si la différence constatée s'avère positive, c'est-à-dire correspond à une insuffisance de perception, l'imposition supplémentaire à mettre en recouvrement est limitée au montant de cette insuffisance.
Si, au contraire, la différence est négative et représente alors un excédent de perception, elle doit faire l'objet d'une décision de dégrèvement ou de restitution prise d'office.
En l'absence de toute différence, les choses seront, évidemment, laissées en l'état.
50 b. Lorsqu'elle s'exerce au sein d'un même impôt, la compensation a pour effet d'atténuer le montant des sanctions fiscales dont le redressement est assorti en réduisant la base de calcul des pénalités proportionnelles encourues. Elle peut même entraîner la suppression totale de toutes pénalités proportionnelles en privant ces dernières de toute base ou en permettant l'application de la tolérance prévue par l'article 1733-I du CGI.