TITRE PREMIER LES CONDITIONS GÉNÉRALES DE DÉDUCTION DES FRAIS ET CHARGES
TITRE PREMIER
LES CONDITIONS GÉNÉRALES DE DÉDUCTION DES FRAIS ET CHARGES
1Pour être admises en déduction pour la détermination du résultat fiscal au titre des frais et charges les dépenses doivent, d'une manière générale, satisfaire aux conditions suivantes :
- être exposées dans l'intérêt direct de l'exploitation ou se rattacher à la gestion normale de l'entreprise ( 4 C 11 ) ;
- correspondre à une charge effective et être appuyés de justifications suffisantes ( 4 C 12 ) ;
- être compris dans les charges de l'exercice au cours duquel elles ont été engagées ( 4 C 13 ) ;
- entraîner une diminution de l'actif net au sens de l'article 38-2 du CGI ( 4 C 2 ) ;
- ne pas être exclues par une disposition expresse de la loi ( 4 C 31 ).
2Par ailleurs, des mesures spéciales ont été édictées afin de renforcer le contrôle de certaines catégories de dépenses déduites par les entreprises.
La déduction des dépenses énumérées au paragraphe 5 de l'article 39 du CGI était subordonnée, avant l'entrée en vigueur de l'article 5-III de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 1 à la condition que ces dépenses figurent sur un relevé spécial lorsqu'elles excèdent certains chiffres. Depuis l'entrée en vigueur de cet article 5-III, le défaut de production de ce relevé n'entraîne plus l'exclusion des dépenses en cause des charges déductibles mais donne lieu à l'application de l'amende prévue à l'article 1734 bis du CGI. Les mêmes dépenses peuvent également être réintégrées dans les résultats imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise. De plus, lorsqu'elles augmentent dans une proportion supérieure à celles des bénéfices imposables ou lorsque leur montant excède celui de ces bénéfices, des justifications particulières peuvent être exigées de l'entreprise (cf. 4 C 457 ).
CHAPITRE PREMIER
FRAIS ET CHARGES EXPOSES DANS L'INTERET DE L'ENTREPRISE
1.L'entreprise est en principe libre de sa gestion et les dépenses qu'elle engage pour son fonctionnement constituent normalement des charges déductibles pour la détermination du résultat fiscal dès lors qu'elles satisfont aux conditions générales de déduction et ne sont pas exclues par une disposition particulière.
2Il faut notamment que ces dépenses soient exposées dans l'intérêt de l'exploitation ou dans le cadre d'une gestion normale de l'entreprise.
3Bien que l'Administration ne soit pas autorisée à s'immiscer dans la gestion des entreprises, elle peut cependant conformément à une jurisprudence constante du Conseil d'État, remettre en cause les dépenses qui ne se rattacheraient pas une gestion normale ou n'auraient pas été exposées dans l'intérêt direct de l'entreprise.
4Tel est le cas notamment :
- de dépenses qui auraient bénéficié en fait à des dirigeants ou à certains membres du personnel, sans pouvoir être considérées comme la contrepartie de services rendus ;
- de dépenses afférentes à des biens meubles ou immeubles non affectés à l'exploitation ;
- de certaines libéralités ou dépenses d'agrément dont le rapport avec l'objet de l'entreprise ne serait pas établi.
5On examinera dans le présent chapitre, à titre d'exemples, divers cas dans lesquels certains frais ou charges ont été considérés comme exposés ou non dans l'intérêt de l'exploitation ou comme ressortissant à une gestion normale et corrélativement ont été admis ou exclus des charges déductibles.
SECTION 1
FRAIS ET CHARGES ENGAGES DANS L'INTERET DE L'ENTREPRISE
OU DANS LE CADRE D'UNE GESTION NORMALE
A. AU PROFIT DE PERSONNES PHYSIQUES
1. Honoraires versés pour défendre à une demande de mise en faillite et rétribuer les administrateurs en règlement judiciaire.
1Lorsqu'un commerçant ayant fait l'objet d'une assignation en faillite a été mis, par jugement du tribunal de commerce prononcé d'office, en état de règlement judiciaire, les honoraires qu'il a versés, d'une part, pour défendre à la demande de mise en faillite et, d'autre part, rétribuer les administrateurs au règlement judiciaire, constituent, bien que au cas particulier l'origine de la dette soit étrangère à son entreprise personnelle, soit des dépenses effectuées dans l'intérêt même de l'entreprise, soit des dépenses se rattachant à son exploitation. Il s'ensuit que le montant de ces honoraires peut, dans sa totalité, être déduit des résultats de ladite entreprise (CE, arrêt du 3 mai 1972, req. n° 82127, RJ II, p. 62 ; à rapprocher de l'arrêt du 14 novembre 1970, cf. 4 C 112, n° 4 ).
2. Indemnités de licenciement versées à des représentants de commerce.
2Une société ayant pour activité la fabrication et la vente de vins et spiritueux avait obtenu la concession de la commercialisation d'une marque de rhum précédemment exploitée par une de ses filiales.
À cette occasion, elle avait repris à son service les représentants de ladite filiale qu'elle avait licenciés, six mois après, en leur versant des indemnités de licenciement.
Elle avait fait valoir sans être sérieusement contredite par le service que ces licenciements étaient motivés par le fait que les représentants vendaient, en dehors du rhum de la marque concédée, d'autres produits spiritueux concurrents de sa propre production.
Jugé dans ces conditions que les indemnités, versées dans l'intérêt de son exploitation et non pour le compte de sa filiale, avaient le caractère d'une dépense déductible de ses bénéfices pour le calcul de l'impôt sur les sociétés (CE, arrêt du 14 janvier1976, req. n° 96189, RJ II, p. 115).
3. Frais exposés pour l'exercice d'une activité syndicale.
3Les dépenses supportées par les travailleurs indépendants pour l'exercice de leur activité au sein de syndicats professionnels régis par les articles L 411-1 -modifié par l'article 1er de la loi du 28 octobre 1982- et L 411-2 du Code du travail, constituant des dépenses exposées au profit de l'ensemble de la profession et non d'une entreprise déterminée, sont, en principe, exclues des charges déductibles.
Néanmoins, pour tenir compte de ce que les responsables syndicaux sont choisis en considération de leur notoriété et de leur compétence personnelle, et aussi de ce que leurs propres entreprises bénéficient, le cas échéant, de leur action collective, il a été admis, dans une réponse faite à M. Maujoüan du Gasset, député (JO, débats AN du 12 décembre 1983, p. 5299), par mesure de tempérament, que ces dépenses soient prises en compte pour la détermination du bénéfice imposable de l'entreprise.
L'application de cette mesure est subordonnée à la condition, d'une part, que le contribuable apporte des justifications suffisantes quant à la nature et au montant des dépenses en cause et, d'autre part, que ces dernières n'apparaissent pas excessives eu égard à l'importance de l'entreprise. Bien entendu, les allocations pour frais et les remboursements de frais éventuellement perçus des syndicats susvisés devront être compris dans les produits ou recettes de l'entreprise.
B. AU PROFIT D'UNE ENTREPRISE
I. En l'absence de liens juridiques
1. Frais financiers supportés à raison d'avances consenties sans intérêt à une autre entreprise.
4Une société ayant pour objet l'exploitation de bois pour pâtes à papier avait consenti à une autre société, au moyen de fonds d'emprunt, des avances sans intérêt afin de lui permettre de poursuivre la mise au point d'un prototype de machine de transformation du bois en vue de la fabrication de pâte à papier. La société ayant consenti les avances devait recevoir l'exploitation exclusive pour la France du brevet relatif à cet appareil. Jugé que la société prêteuse avait ainsi un intérêt à ce que la société bénéficiaire des avances soit en mesure de poursuivre la mise au point de cette machine et n'a donc pas accompli d'opérations étrangères à une gestion commerciale normale.
Décidé, en conséquence que le montant des intérêts qu'elle a supportés pour le financement desdites avances constituait une charge déductible de ses bénéfices imposables (CE, arrêt du 3 décembre 1975, req. n° 89412, RJ II, p. 163).
2. Prise en charge par un associé des dettes d'une société après sa mise en liquidation.
5Une société à responsabilité limitée avait été créée en vue de favoriser le développement des entreprises individuelles de ses associés et avait effectivement exercé son activité dans ce but avant d'être mise en liquidation.
Jugé que l'un de ces associés, connu des tiers avec lesquels son entreprise pouvait avoir des relations, comme étant l'un des membres de la société, a pu, sans s'écarter d'une gestion commerciale normale de son entreprise, désintéresser les créanciers de la société après sa mise en liquidation et comprendre les sommes correspondantes dans les charges de sa propre exploitation (CE, arrêt du 6 mars 1981, req. n° 20708, RJ II, p. 27).
3. Subvention versée par une entreprise à une autre entreprise en liquidation.
6L'exploitant d'une entreprise A avait imposé à une société B dont il était le fournisseur unique et le gérant, des conditions de revente anormales dans le but d'accroître ses propres débouchés par une politique de bas prix.
Ces pratiques commerciales, mises en oeuvre en faveur de l'entreprise A, ayant été à l'origine quasi exclusive des difficultés financières rencontrées par la société B, il a été jugé que l'exploitant ne s'est pas écarté d'une gestion commerciale normale en allouant à la société B une subvention destinée à apurer une partie du passif constaté lors de sa liquidation.
Les sommes correspondantes pouvaient donc figurer parmi les charges déductibles de l'entreprise A (CE, arrêt du 9 octobre 1981, req. n° 15553, RJ II, p. 106).
II. Dans le cadre de relations mère-filiale
1. Remboursement par une filiale à sa société mère d'une dépense exposée pour son compte par cette dernière.
7Une société anonyme assurant la diffusion commerciale de produits de beauté fabriqués par sa société mère lui avait remboursé une somme représentant le dédit que cette dernière avait dû abandonner à un tiers pour n'avoir pas donné suite à une promesse d'achat de parts sociales d'une société d'édition propriétaire de journaux distribués dans la clientèle intéressée par ses produits.
Il avait été convenu entre les sociétés qu'au cas où la tentative d'acquisition aboutirait, les parts sociales en cause seraient attribuées à la filiale.
Jugé dans ces conditions que, dans la mesure où aucune intention frauduleuse n'a pu être établie, l'opération envisagée devait être considérée comme faite dans l'intérêt de la société requérante et que, par suite, cette dernière ne s'était pas livrée à une opération étrangère à sa gestion normale en prenant à sa charge la dépense exposée pour son compte par la société mère (CE, arrêt du 15 décembre 1976, req. n° 1208, RJ II, p. 119).
2. Avantages commerciaux jugés normaux.
8Une société ne peut pas comprendre dans ses charges les avantages qu'elle accorde à une autre société dans le cadre d'une gestion commerciale anormale, c'est-à-dire dans un intérêt autre que le sien.
Pour l'application de ce principe, le Conseil d'État considère que les avantages que se consentent des sociétés ayant une société mère commune sont présumés correspondre à une gestion commerciale anormale dès lors que ces sociétés, bien qu'appartenant à un même groupe, sont juridiquement étrangères.
Par contre, les avantages consentis par une société mère à sa filiale correspondent, en principe, à une gestion commerciale normale sauf si, ce faisant, la société a poursuivi des fins étrangères à son propre intérêt.
À cet égard, le Conseil d'État a jugé qu'une société mère ne pouvait être considérée comme ayant poursuivi une fin étrangère à son propre intérêt en subventionnant ses filiales, même si ces dernières étaient en déficit et si leur comptabilité n'était pas en ordre, ces circonstances ne suffisant pas à établir que leur activité n'offrait aucun espoir de redressement (CE, arrêt du 12 juillet 1978, req. n° 2138 et req. n° 2769, RJ II, p. 101).
1 Loi modifiant les procédures fiscales et douanières.