Date de début de publication du BOI : 01/07/2002
Identifiant juridique : 13L1315
Références du document :  13L1315

SOUS-SECTION 5 IMPOSSIBILITÉ POUR L'ADMINISTRATION DE RENOUVELER UNE VÉRIFICATION DE COMPTABILITÉ DÉJÀ EFFECTUÉE POUR UN IMPÔT OU UNE PÉRIODE DÉTERMINÉE

SOUS-SECTION 5

Impossibilité pour l'administration de renouveler une vérification de comptabilité
déjà effectuée pour un impôt ou une période déterminée 1

Les dispositions de l'article L. 51 du LPF sont commentées ci-après sous le quadruple aspect :

- de la date à laquelle une vérification doit être considérée comme achevée (cf. n° 1 ) ;

- de l'étendue et de la portée de l'interdiction édictée (cf. n os2 à 10 ) ;

- des exceptions et dérogations à cette interdiction (cf. nos 11 à 22 ) ;

- des conséquences de son inobservation par l'administration (cf. n° 23 ).

  A. DATE A LAQUELLE UNE VÉRIFICATION DOIT ÊTRE CONSIDÉRÉE COMME ACHEVÉE AU SENS DE L'ARTICLE L. 51 DU LPF

1Une vérification doit être considérée comme achevée au sens de l'article L. 51 du LPF à la date de la dernière intervention sur place du vérificateur (CE, arrêt du 14 octobre 1988, n os 48148 et 77349).

  B. ÉTENDUE ET PORTÉE DE L'INTERDICTION ÉDICTÉE PAR L'ARTICLE L. 51 DU LPF

1. Caractère de vérification de comptabilité.

2L'interdiction édictée par l'article L. 51 du LPF ne s'applique que si les deux interventions successives du service ont le caractère d'une vérification de comptabilité (cf. DB 13 L 131 ).

Il a été jugé que l'administration n'avait pas enfreint cette interdiction dans les cas suivants :

- vérification de comptabilité faisant suite à une enquête de la police économique, quand bien même les renseignements recueillis au cours de cette enquête auraient servi à effectuer la vérification et à motiver les redressements opérés à la suite du contrôle (CE, arrêts du 11 mars 1970, n° 78266, RJ, n° IV, p. 45 et du 8 octobre 1975, n os 80676 et 81118, RJ, n° IV, p. 63 et du 20 avril 1983, n° 25347) ;

- vérification de comptabilité postérieure à un contrôle sur pièces, opérée dans les locaux de l'administration et portant sur des documents dont la production par le contribuable est obligatoire (CE, arrêt du 20 mars 1985, n° 45589) ;

- concomitance ou succession de la vérification de la comptabilité d'un contribuable et de l'examen d'ensemble de sa situation fiscale quand bien même les deux contrôles auraient porté sur les mêmes années (CE, arrêts des 23 novembre 1983, n° 34313 ; 6 mars 1985, n os 43463 et 48737 et 14 octobre 1985, n° 42066) ;

- rappel d'impôt, consécutif à la réintégration dans le revenu imposable d'un contribuable établi après deux notifications de redressements au vu d'un examen d'ensemble de la situation fiscale de l'intéressé et après vérification de la comptabilité de la société dont il était président-directeur général (CE, arrêt du 30 mai 1973, req. n° 79311, 7e et 8e sous-sections) ;

- imposition supplémentaire établie après vérification de sa comptabilité, mise à la charge d'un contribuable initialement taxé d'office à la suite d'un simple entretien avec l'inspecteur (CE, arrêt du 18 juin 1962, req, n° 50227, RO, p. 106) ;

- seconde notification modificative de la première comportant des rehaussements plus élevés et fondés sur des évaluations différentes, dès lors qu'il n'est pas établi que des opérations de vérification indépendantes de celles qui étaient nécessaires à l'instruction des observations présentées par le contribuable, aient eu lieu (CE, arrêt du 22 décembre 1982, n° 19905) ; ne constitue pas davantage une seconde vérification, la rencontre organisée au cabinet de l'inspecteur des impôts à la demande du contribuable pour examiner ses observations sur une seconde notification de redressements opérée par le service postérieurement à la clôture de la vérification de sa comptabilité (CE, arrêt du 7 décembre 1983, n° 33444) ;

- impositions établies à la suite de la communication du bail conclu entre une société et l'un de ses dirigeants, dès lors qu'à l'occasion de cette communication, obtenue après achèvement de la vérification, il n'a pas été procédé à un nouvel examen des écritures comptables (CE, arrêt du 13 mars 1967, req. n os 65126 à 65128, RJCD, 1ère partie, p. 75).

3De même, lorsqu'une expertise comptable a été ordonnée par le tribunal administratif, les dispositions de l'article L. 51 du LPF ne s'opposent, ni à ce que l'administration désigne l'un des trois experts (CE, arrêt du 27 octobre 1967, req. n° 71911, RJCD 2e partie, p. 218), ni à ce que le représentant de l'administration examine les documents produits par le contribuable (CE, arrêt du 6 février 1970, req. n° 75832, RJ, 1970, n° IV, p. 22), ces actions n'ayant pas pour effet de donner à une mesure d'instruction judiciaire le caractère d'une vérification de comptabilité.

2. Vérification portant sur les mêmes Impôts et les mêmes périodes.

4L'interdiction édictée par l'article L. 51 du LPF ne s'applique que si la seconde vérification porte sur les mêmes impôts que la première (CE, arrêt du 22 décembre 1982, n° 19904) et pour les mêmes périodes (CE, arrêt du 2 juillet 1986, n° 38610).

Elle ne met pas obstacle à ce que le service exige, à l'occasion d'un contrôle portant sur un exercice déterminé, toutes justifications relatives aux résultats dudit exercice, même si ces justifications figurent dans les écritures et documents comptables d'un exercice antérieur précédemment vérifié dans la mesure où il s'agit de déterminer les résultats de l'exercice qui fait l'objet de la vérification actuelle et non de remettre en cause ceux de l'exercice sur lequel a porté le contrôle précédent (CE, arrêt du 7 avril 1970, req. n° 73737, RJ, 1970, n° IV, p. 47).

3. Article L. 51 du LPF et droit de communication.

5Les dispositions de l'article L. 51 du LPF demeurent sans effet sur l'exercice du droit de communication. Il est donc permis au service de demander communication de documents comptables afférents à des périodes vérifiées, à condition que ce soit à d'autres fins que le renouvellement d'une précédente vérification. Le service peut, notamment, effectuer tous recoupements et recherches nécessaires au contrôle de la situation fiscale d'autres contribuables.

6Par ailleurs, le Conseil d'État a jugé qu'il n'y avait pas eu de nouvelle vérification dans les cas suivants :

- bien que régulièrement avisé du contrôle auquel il allait être soumis, un contribuable n'était pas présent à la date où devaient débuter les opérations de vérification et resta d'ailleurs absent plusieurs mois sans qu'il fût possible de le joindre. Le contrôle fiscal n'ayant pu avoir lieu du fait de l'intéressé, l'administration était en droit d'évaluer d'office son bénéfice. La vérification de comptabilité qui a pu être entreprise quelques mois plus tard ne constitue pas une « nouvelle vérification » au sens de l'article L. 51 du LPF dès lors que le premier contrôle sur place n'a pas eu lieu et que le vérificateur s'était alors borné, pour évaluer les bénéfices du contribuable, à examiner les comptes bancaires de celui-ci en faisant usage du droit de communication (CE, arrêt du 7 décembre 1977, req. n° 3071) ;

- l'administration demeure fondée, lorsqu'elle a procédé à une vérification de comptabilité, à notifier de nouveaux redressements concernant les mêmes années dès lors que ces redressements proviennent d'un simple examen de documents obtenus de tiers dans le cadre du droit de communication notamment :

* des services des Douanes (CE, arrêt du 14 avril 1982, n° 20415),

* de la police judiciaire (CE, arrêt du 7 décembre 1983, n° 36195).

4. Article L. 51 du LPF et droit général de reprise.

7L'administration conserve, au regard des impôts sur lesquels a porté la vérification, son droit général de reprise et les conclusions initiales d'une vérification achevée peuvent être modifiées dans le délai de reprise sous la seule réserve que les modifications proposées ne résultent pas de constatations faites à l'occasion d'investigations nouvelles dans les écritures ou documents comptables.

8À cet égard, il a été jugé que le service pouvait réparer, par de nouvelles notifications de redressements, l'insuffisance des premières propositions du vérificateur, lorsque la découverte de cette insuffisance résultait de l'étude des rapports établis à la suite de la vérification (CE, arrêt du 3 décembre 1962, req. n° 53922, RO, p. 209) ; de l'examen critique des déclarations du contribuable et des pièces y annexées (CE, arrêt du 23 novembre 1962, req. n° 56900) ; de renseignements fournis par des tiers et d'explications données par le contribuable lui-même (CE, arrêts des 21 février 1966, req. n os 60581 et 63736 ; 14 avril 1982, n° 20415 et 7 décembre 1983, n° 36195) ; ou encore de l'exploitation de renseignements figurant dans une comptabilité occulte transmise à l'administration par l'autorité judiciaire en vertu des dispositions de l'article L. 101 du LPF (CE, arrêt du 20 mars 1974, req. n° 81925), sans qu'il ait été procédé à une nouvelle vérification des écritures comptables.

5. Article L. 51 du LPF et droit de compensation.

9L'administration conserve également le droit d'opérer en cas de réclamation, conformément aux dispositions des articles L. 203 et L. 204 du LPF, toutes compensations utiles entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions constatées au cours de l'instruction, sous réserve bien entendu, que la découverte de ces insuffisances ou omissions résulte de renseignements autres que ceux qui proviendraient d'investigations nouvelles dans les écritures de l'entreprise.

6. Article L. 51 du LPF et contrôle sur pièces des droits d'enregistrement et assimilés.

10La limitation des droits de contrôle de l'administration, prévue aux articles L. 50 (cf. DB 13 L 1325 ) et L. 51 du LPF, ne concerne que l'impôt sur le revenu établi à la suite d'un examen de la situation fiscale d'un contribuable au regard de cet impôt, ou les impôts ou taxes au regard desquels une vérification de comptabilité a eu lieu. Elle ne s'applique donc pas au redressement contradictoire de droits de succession (Cass. Com., arrêt du 24 mars 1998, n° 802 D ; cf. annexe).

Dans l'affaire jugée par la Cour, l'administration avait été conduite à abandonner un premier redressement consécutif au contrôle d'une déclaration de succession. En l'espèce, le dégrèvement des droits correspondants découlait de l'irrégularité de la procédure suivie.

Une seconde notification avait alors été envoyée aux contribuables, concernant la même succession, mais apportant des modifications aux redressements précédemment notifiés.

Le Tribunal de grande instance devait cependant juger - à tort - que la seconde procédure était, elle aussi, irrégulière aux motifs que le service avait en fait procédé à une nouvelle vérification postérieure à la première, qui était achevée, et qu'il ne s'agissait donc pas de la reprise d'une première procédure simplement rectifiée.

La Cour de cassation censure une telle extension implicite du champ d'application des articles L. 50 (cf. DB 13 L 1325 ) et L. 51 du LPF, qui ne concernent que les examens contradictoires de la situation fiscale personnelle d'un contribuable au regard de l'impôt sur le revenu et les vérifications de comptabilité.

Dans le cadre du contrôle d'une déclaration de succession, ces dispositions ne font ainsi nullement obstacle à la reprise d'une nouvelle procédure, laquelle peut, au surplus, différer de la première quant à la nature, à l'étendue ou à la justification des chefs de redressement.

  C. EXCEPTION ET DÉROGATIONS À L'INTERDICTION ÉDICTÉE PAR L'ARTICLE L. 51 DU LPF

  I. Exception prévue lorsque la vérification a été limitée à des opérations déterminées

11L'interdiction de renouveler une vérification déjà effectuée, ne s'applique pas lorsqu'une partie seulement de l'activité du redevable ou un aspect de cette activité a été vérifié.

Il arrive en effet qu'un contribuable exerce concurremment plusieurs activités économiques différentes ou une activité unique mais passible de régimes fiscaux différents.

C'est ainsi qu'un redevable de la TVA peut vendre à la fois à l'exportation et à l'intérieur.

Le fait que les exportations aient été contrôlées, pour une période déterminée, au cours d'une vérification limitée n'enlève pas au service la possibilité de vérifier ultérieurement lors d'une seconde intervention, les ventes réalisées en France pendant la même période.

Ce type de vérification appelé également « vérification ponctuelle » est en fait une vérification de comptabilité qui porte seulement sur certains points nettement précisés tels que les provisions, les amortissements, les opérations d'exportations au regard de la TVA.

Ce contrôle obéit aux mêmes règles et bénéficie des mêmes garanties que toute vérification de comptabilité.

12Dans le cas d'une vérification ayant donné lieu, en matière de taxes sur le chiffre d'affaires, à deux avis de redressement notifiés à des dates distinctes, avec l'indication donnée qu'ils concemaient, le premier, le contrôle des exportations et des ventes, et le second, le contrôle des déductions, le Conseil d'État a jugé qu'on se trouvait en présence d'une vérification unique qui n'avait pas été achevée à la même date pour chacune des deux catégories d'opérations différentes vérifiées et qu'au surplus, même s'il s'était agi de deux vérifications successives, elles n'auraient pas été contraires aux dispositions de l'article L. 51 du LPF puisqu'elles n'auraient pas eu pour objet les mêmes opérations (CE, arrêt du 5 novembre 1969, req. n° 65993, RJCD, 2e partie, p. 125).

13La Haute Assemblée a également jugé que l'administration pouvait valablement procéder à la vérification des bases de l'impôt sur les sociétés dû par une entreprise, encore qu'un précèdent contrôle effectué en matière de taxes sur le chiffre d'affaires et ayant porté uniquement sur les ventes réalisées ait abouti à la réintégration dans le bénéfice du montant des recettes dissimulées, dès lors que, les autres éléments constitutifs du bénéfice n'ayant pas été examinés, ce premier contrôle avait été, au regard de l'impôt sur les sociétés, limité à des opérations déterminées (CE, arrêt du 4 novembre 1969, req. n os 75741 et 76082, RJCD, 2e partie, p. 119).

14Par ailleurs, un contribuable exerçant deux activités différentes, mais dont une seule a été révélée au service, ne saurait exciper des dispositions de l'article L. 51 du LPF pour s'opposer à la vérification de la comptabilité afférente à sa deuxième activité, lorsque seule celle relative à la première de ces activités a été examinée.

1   En ce qui concerne la limitation du droit de reprise de l'administration en matière d'ESFP, cf. DB 13 L 1325 .