SOUS-SECTION 1 CHAMP D'APPLICATION DE LA PROCÉDURE DE REDRESSEMENT CONTRADICTOIRE
SOUS-SECTION 1
Champ d'application de la procédure de redressement contradictoire
1Aux termes de l'article L. 55 du LPF, une procédure de redressement doit être engagée lorsque l'administration constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dus en vertu du code général des impôts.
2La procédure de redressement contradictoire ne doit pas être confondue avec les autres moyens ou procédures à la disposition de l'administration pour le contrôle de l'impôt.
Cette procédure a une portée générale. Elle n'est écartée que dans certains cas limitativement énumérés à l'article L. 56 du LPF (cf. DB 13 L 1512 ).
A. NATURE ET PORTÉE DES REDRESSEMENTS
3Sous réserve des exceptions expressément prévues par le texte légal (cf. DB 13 L 1512 ), la procédure de redressement contradictoire a un caractère général. Elle trouve à s'appliquer pour tous les redressements :
- correspondant à une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation ;
- apportés aux déclarations des contribuables ;
- concernant les éléments servant de base au calcul de l'impôt ;
- effectués pour les impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dus en vertu du code général des impôts.
Ces critères d'application de la procédure de redressement contradictoire appellent les commentaires suivants.
I. Redressements concernés
4Par redressement, il convient d'entendre, d'une manière générale, toute action par laquelle, pour une période ou une opération donnée, le service ajoute ou supplée aux éléments qui ont été ou auraient dû être déclarés par un contribuable, lorsqu'elle tend à obtenir une majoration immédiate ou différée de l'impôt exigible.
Dans cette optique, l'opération consistant à réduire un déficit déclaré doit être considérée comme un redressement puisqu'elle a pour résultat de diminuer le montant du déficit imputable sur un bénéfice ultérieur et peut ainsi permettre une majoration différée de l'impôt exigible. Il en est de même pour la déchéance d'un régime de faveur tel, par exemple, celui prévu à l'article 1594 F quinquies D du CGI.
5En principe, et dès lors que les autres critères d'application de l'article L. 55 du LPF sont réunis, tout redressement comporte l'engagement de la procédure de redressement contradictoire. Peu importe, pour l'application de cette procédure, qu'il s'agisse de la constatation d'une insuffisance, d'une inexactitude, d'une omission ou d'une dissimulation.
6La nature des manquements constatés et les circonstances de leur découverte n'ont, en principe, aucune conséquence sur l'obligation de respecter la procédure de redressement contradictoire.
Ainsi, celle-ci doit être engagée :
- aussi bien à l'égard des redressements qui découlent de l'application directe d'un texte légal ou réglementaire que pour ceux qui procèdent d'une appréciation des faits ;
- tant en ce qui concerne les rehaussements qui font suite à une vérification de comptabilité, à un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ou à tout autre contrôle comportant une intervention sur place ou des recherches extérieures, que pour ceux qui sont consécutifs à un contrôle sur pièces ;
- quelles que soient la nature de l'infraction et la sanction éventuellement applicable. C'est ainsi que la procédure de redressement contradictoire s'applique en cas d'infractions :
• pour lesquelles la bonne foi est admise ;
•pour lesquelles la mauvaise foi est établie ou qui constituent des manoeuvres frauduleuses ou des dissimulations au sens de l'article 1827 du CGI ;
•susceptibles de donner lieu à l'exercice de poursuites correctionnelles en vertu des dispositions des articles 1741 et suivants du CGI ;
•faisant l'objet de la tolérance légale prévue à l'article 1733 du même code.
II. Redressements apportés aux déclarations des contribuables
7L'exposé des motifs du titre III de la loi du 27 décembre 1963, codifié sous les articles L. 55 et suivants du LPF, précise que la procédure de redressement contradictoire s'applique lorsque le contrôle de l'administration fiscale révèle que des redressements doivent être apportés aux déclarations des contribuables.
Par « déclarations des contribuables », il convient d'entendre toute pièce ou tout document que celui-ci est tenu de déposer auprès du service des impôts en vertu d'une disposition légale ou réglementaire et qui comporte des éléments servant à établir ou à liquider l'impôt.
Il est précisé que la présentation d'un acte obligatoirement soumis à la formalité de l'enregistrement ou à la formalité unique est assimilée à une déclaration.
L'engagement de la procédure de redressement contradictoire n'est donc pas obligatoire dans les cas et sous les conditions suivantes :
1. Défaut de production dans les délais d'une déclaration exigée par la loi.
8Lorsqu'une déclaration exigée par la loi pour la liquidation de l'impôt n'est pas produite dans le délai prévu à cet effet, l'administration peut exercer son droit de reprise sans recourir à la procédure de redressement contradictoire 1 si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une première mise en demeure (délai porté à quatre-vingt-dix jours pour la présentation à l'enregistrement de la déclaration de succession mentionnée à l'article 641 du CGI).
9L'obligation, pour l'administration d'adresser une mise en demeure au contribuable avant de l'imposer d'office a été instituée par la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977 (articles 3-I-1 et 3-III) et a été progressivement étendue depuis par les lois n° 85-1403 du 30 décembre 1985 (article 67), n° 86-1317 du 30 décembre 1986 (article 81-II) et n° 87-502 du 8 juillet 1987 (article 3).
10L'envoi d'une mise en demeure et l'octroi au contribuable d'un délai de trente jours (ou quatre-vingt-dix jours, cf. n° 8 ) pour y répondre est exigé ainsi en matière d'impôt sur le revenu, d'impôt sur les sociétés, de droits d'enregistrement et taxes assimilées ainsi que de taxes assises sur les salaires (LPF, art. L. 67 et L. 68).
En ce qui concerne la TVA, cet envoi n'est pas exigé par la loi même s'il est recommandé par l'administration.
Lorsque le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans le délai, il peut, pour ces impôts, ainsi qu'en matière de TVA, faire l'objet d'impositions d'office. Ces procédures particulières et leur articulation avec la procédure de redressement contradictoire sont étudiées plus loin (cf. DB 13 L 155 ).
En matière de taxe sur les salaires prévue aux articles 231 et suivants du CGI (cf. DB 5 L 1 ), quand l'administration constate, lors de la vérification des déclarations, une insuffisance, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul de ladite taxe, les redressements correspondants sont effectués suivant la procédure de redressement contradictoire.
En revanche, cette procédure ne trouve pas à s'appliquer lorsqu'il s'agit de régulariser par voie de rôle les insuffisances de versement dans les délais prescrits de la taxe sur les salaires ; cette régularisation donne lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1731 du CGI (intérêt de retard et majoration de 5 % du montant des sommes dont le paiement a été différé).
De même, la retenue à la source, le précompte et les divers prélèvements sur les revenus de capitaux mobiliers sont recouvrés sans mise en oeuvre obligatoire de la procédure de redressement contradictoire dès lors qu'aucun état n'a été déposé à la date de la liquidation prévue par la loi.
• Remarque :
11En matière de taxe sur les véhicules des sociétés, l'imposition résultant du contrôle est établie après mise en oeuvre de la procédure de redressement contradictoire bien qu'il s'agisse d'un droit de timbre payé sur déclaration (cf. DB 13 L 1551, n° 22 ).
2. Matières pour lesquelles il n'est pas prévu de déclarations obligatoires.
12Lorsque l'insuffisance résulte de la constatation de faits devant être pris en considération pour la liquidation sans que le contribuable ait eu à faire la déclaration auprès de l'administration, cette dernière n'est pas tenue de suivre la procédure de redressement contradictoire pour établir l'imposition correspondante. Tel est notamment le cas en matière de taxe sur les véhicules à moteur et de droits de timbre, lorsque ceux-ci ne sont pas payés sur état ou sur déclaration ainsi que pour les retenues à la source de l'impôt sur le revenu prévues par les articles 182 A, 182 B et 182 C du CGI.
III. Redressements concernant les éléments servant de base au calcul de l'impôt
1. Principe général.
13La procédure de redressement contradictoire s'applique aux insuffisances, inexactitudes, omissions ou dissimulations dans les éléments servant de base au calcul de l'impôt.
14Les éléments à prendre en considération sont ceux qui constituent la base imposable ou ceux qui doivent être retenus pour sa détermination, ou bien encore les éléments qui n'ont d'influence que sur les tarifs et les modalités de liquidation des droits.
15Il est signalé à cet égard qu'en matière d'impôt sur le revenu, lorsque la déclaration du contribuable doit seulement comporter l'indication du montant des éléments du revenu global l'administration calcule le revenu imposable correspondant à ces éléments en tenant compte des déductions et charges de revenu auxquelles le contribuable a légalement droit. Les avis d'imposition correspondants comportent le décompte détaillé du revenu imposable faisant apparaître, notamment, le montant des revenus catégoriels, celui des déductions pratiquées ou des charges retranchées du revenu global. Le revenu déclaré s'entend dans cette situation, du revenu imposable ainsi calculé (CGI art. 170-3).
La constatation ultérieure d'une insuffisance ou d'une omission de l'un quelconque des éléments de la déclaration primitive entraînant une modification du revenu déclaré - tel qu'il est défini ci-dessus-doit, en principe, faire l'objet de la procédure de redressement contradictoire.
16Toutefois, cette règle n'est éventuellement pas applicable lorsqu'une mention expresse accompagne la déclaration. Le Conseil d'État a été ainsi amené à juger que, dans le cas d'un contribuable ayant dans les déclarations souscrites par lui pour l'établissement de l'impôt sur le revenu indiqué le montant des plus-values réalisées sur la vente de plusieurs appartements tout en joignant auxdites déclarations une note par laquelle il faisait toutes réserves sur le caractère imposable des profits en cause et sollicitait, subsidiairement, le bénéfice de l'étalement prévu par l'article 163 2 du CGI, l'administration peut, si elle estime l'opération imposable, établir l'imposition correspondante sans mettre en oeuvre la procédure de redressement unifiée [actuellement contradictoire] (CE, arrêt du 25 mai 1970, req. n° 77655, RJ, n° IV, p. 79 ; à rapprocher également CAA Paris, 27 juin 1991, n°2686 et CE, 11 janvier 1993, n° 90179).
17Les exploitants agricoles soumis au régime du forfait peuvent souscrire leur déclaration d'ensemble de revenus dans le délai d'un mois suivant celui de la publication des bénéfices forfaitaires agricoles au Journal officiel ; dans le cas d'exploitation de polyculture, le délai est prolongé jusqu'au vingtième jour suivant la détermination définitive du classement de l'exploitation.
Toutefois, les agriculteurs qui, outre les bénéfices forfaitaires provenant d'une exploitation agricole, ont disposé de revenus d'autres catégories dépassant le chiffre à partir duquel l'impôt sur le revenu est effectivement dû, doivent déclarer ces autres revenus, à titre provisoire, dans le délai normal, c'est-à-dire le 1er mars au plus tard, en portant la mention « forfait à fixer » dans le cadre réservé aux bénéfices forfaitaires agricoles. Ils souscrivent ensuite une déclaration rectificative dans le mois suivant la publication des tarifs forfaitaires (cf. DB 5 B 4214, n os3 et 4 ) ou dans les vingt jours du classement définitif de l'exploitation de polyculture.
Il est admis que, dans le cas où les exploitants se trouvent dans l'impossibilité de calculer leur bénéfice, ils peuvent laisser à l'administration le soin d'y procéder à leur place. Dans ce cas, il leur suffit d'indiquer sur leur déclaration les différents éléments à prendre en considération pour la détermination de ce bénéfice.
Dans la généralité des cas, cette opération conduit à émettre une imposition primitive qui n'a pas à être notifiée préalablement au contribuable.
Mais lorsqu'il y a eu souscription d'une déclaration n° 2042 provisoire à raison de la perception d'autres revenus par le contribuable, l'intégration du bénéfice forfaitaire parmi ces autres éléments du revenu global conduit à l'émission d'un rôle supplémentaire.
18En principe, la procédure prévue à l'article L. 55 du LPF est susceptible de s'appliquer :
- lorsqu'un élément servant de base au calcul de l'impôt n'a pas été correctement apprécié ou lorsqu'il fait totalement défaut ;
- à la fois aux insuffisances en quantité ou en valeur, aux qualifications erronées des éléments déclarés ou retenus et aux abus de droit tels qu'ils sont définis à l'article L. 64 du LPF (cf. DB 13 L 153 ).
C'est ainsi, par exemple, que la procédure de redressement contradictoire doit être engagée dès lors que les constatations de l'administration entraînent un supplément de droits :
1° En matière d'impôt sur le revenu :
19- lorsque le contribuable a, dans la déclaration d'ensemble régulièrement souscrite, classé un revenu dans une catégorie inappropriée ;
- lorsque des personnes déclarées comme à charge par le contribuable ne répondent pas à la définition desdites personnes donnée par les articles 6-3, 196 et 196 A bis du CGI.
2° En matière de taxes sur le chiffre d'affaires :
20- lorsque le redressement concerne le chiffre d'affaires lui-même, sa ventilation entre les divers taux ou taxes et le montant des droits à déduction ouverts au profit du redevable.
3° En matière de droits d'enregistrement et de taxe de publicité foncière :
21- en cas de dissimulation du véritable caractère d'un contrat ou lorsqu'en raison de l'inexactitude de sa déclaration, le redevable a bénéficié d'un tarif d'abattements et de réductions auxquels il n'avait pas droit.
S'agissant, en particulier, des mutations à titre gratuit, doivent être notifiés les redressements afférents aux omissions de l'actif successoral, au rejet total ou partiel d'éléments du passif déclaré, aux erreurs ou insuffisances d'évaluation, aux indications inexactes du nombre d'enfants, des héritiers, légataires ou donataires, au tarif dont se prévalent à tort les redevables, à l'absence de rappel drs donations antérieures, ainsi que, notamment, aux évaluations effectuées en application des articles 761, 764 et 776 du CGI.
La procédure de redressement contradictoire doit également être appliquée en cas de mise en oeuvre de la présomption de l'article 752 du CGI ; elle doit s'articuler avec la procédure spéciale prévue par ce dernier texte ainsi que par les articles L. 19 et R* 19-1 du LPF (Cour de cassation, chambre commerciale, arrêt du 6 juin 1984).
1 Si l'absence de déclaration non régularisée à la suite d'une mise en demeure dispense le service de suivre la procédure de redressement contradictoire, il doit, en revanche, informer le contribuable des motifs de la procédure retenue ainsi que des bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office.
2 Depuis l'imposition des revenus de 1992, le système de l'étalement (ancien article 163 du CGI) est remplacé par celui du quotient (article 163-0 A du même code).