SOUS-SECTION 4 EXAMEN AU FOND
SOUS-SECTION 4
Examen au fond
1Après avoir examiné la forme des demandes, l'agent procède à l'instruction au fond.
La manière suivant laquelle l'agent doit conduire cette instruction varie selon qu'il s'agit :
- d'une demande tendant à obtenir la remise ou une modération de droits en principal, l'octroi d'une telle mesure n'étant possible qu'en matière d'impôts directs ;
- ou d'une demande visant des pénalités, et tendant à obtenir, en toute matière fiscale, soit une transaction soit une remise ou modération.
A. DEMANDES VISANT L'IMPÔT EN PRINCIPAL : REMISE OU MODÉRATION D'IMPÔTS DIRECTS
I. Généralité des demandes
2Ainsi qu'il a été précédemment indiqué, des dégrèvements gracieux d'impôts régulièrement établis ne peuvent être sollicités qu'en matière d'impôts directs et, conformément aux dispositions de l'article L. 247 du LPF, uniquement pour cause de gêne ou d'indigence mettant les contribuables intéressés dans l'impossibilité de s'acquitter envers le Trésor. Les remises ou modérations portant sur les droits en principal doivent donc être strictement réservées aux redevables d'impôts directs et elles ne peuvent être accordées qu'à ceux des intéressés qui se trouvent réellement hors d'état de se libérer envers le Trésor.
Il est rappelé que l'article L. 247 précité, modifié par la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, dispose désormais que ces remises totales ou partielles sont également prises au vu des recommandations de la commission visée à l'article L. 331-1 du Code de la consommation ou des mesures prises par le juge visées à l'article L. 332-3 du même code (cf. DB 13 S 2432 ).
1. Liaison avec le service du recouvrement.
3Lorsqu'il est saisi d'une demande en remise ou modération fondée sur la gêne ou l'indigence, l'agent recherche auprès du comptable (receveur des Impôts lorsqu'il perçoit des impôts directs ou percepteur selon le cas) si les impositions dont la remise est demandée ont été acquitées en tout ou en partie.
La liaison assurée au moyen d'un imprimé n° 4806 revêt un double intérêt puisqu'elle permet au comptable de connaître l'existence d'une requête gracieuse et à l'agent instructeur d'obtenir des informations précises sur les cotisations dues par le contribuable. Cette liaison doit avoir lieu dans tous les cas et dans les meilleurs délais.
La circonstance que les cotisations en cause ont été soldées ne constitue d'ailleurs qu'un élément d'appréciation ; elle ne suffirait pas pour entraîner systématiquement le rejet d'une demande en remise ou modération s'il était établi que le redevable n'est parvenu à se libérer qu'au moyen de sacrifices considérables ou à l'aide d'emprunts.
Lorsqu'il s'agit de cotisations importantes 1 , l'agent consulte le comptable sur le point de savoir quelles mesures le service du recouvrement peut envisager pour recouvrer les sommes restant dues, ainsi que sur la nature et l'importance des gages que possède le Trésor et il examine, en accord avec le comptable, si des délais de paiement peuvent être accordés.
De même, pour l'examen de chaque demande, au moins lorsque celle-ci a trait à des sommes importantes, il y a lieu de tenir compte de la situation du contribuable au regard des impôts de toute nature dont il est redevable.
Ainsi, lorsque le pétitionnaire est susceptible d'être assujetti à des taxes sur le chiffre d'affaires, à des accises ou à des droits d'enregistrement, l'agent chargé de l'instruction demande aux comptables de lui faire connaître s'ils ont été acquittés, et dans la négative, de lui indiquer les sommes restant dues ainsi que tous les renseigements utiles sur la possibilité de parvenir au recouvrement.
2. Renseignements à recueillir sur les contribuables.
4Après avoir recueilli auprès du service du recouvrement toutes indications utiles, l'agent s'attache à rassembler les renseignements les plus complets sur le pétitionnaire : profession, âge, situation et charges de famille, ressources actuelles du foyer, signes extérieurs de richesse, situation de fortune, revenus et patrimoine des ascendants et descendants, etc.
Lorsque la demande est présentée par une société ou par un contribuable exploitant une entreprise industrielle ou commerciale, l'agent recueille, en outre, toutes les précisions utiles touchant la nature, l'objet ainsi que la situation financière de l'entreprise : actif disponible ou réalisable, passif exigible à court, moyen et long terme, montant du chiffre d'affaires et des bénéfices ou pertes des derniers exercices.
S'il s'agit d'une société, l'agent réunit tous les renseignements relatifs à la forme de la société, à la constitution et aux variations de son capital, à la situation des dirigeants ou administrateurs et des gérants ou associés responsables du paiement des dettes sociales (appointements des administrateurs ou gérants, prélèvements des associés).
Par ailleurs, il s'attache à examiner le comportement du pétitionnaire à l'égard des créanciers autres que le Trésor et à connaître, le cas échéant, l'étendue des sacrifices consentis par ces derniers, leur attitude conditionnant dans une certaine mesure - surtout lorsqu'il s'agit d'une entreprise en état de redressement ou de liquidation judiciaire - la position à adopter à l'égard de la demande en remise d'impôt. Enfin, l'agent recherche les éléments (sincérité des déclarations, ponctualité, infractions diverses, etc.) de nature à permettre d'apprécier l'attitude habituelle du redevable au point de vue fiscal.
Lorsqu'une procédure de traitement du surendettement a été engagée, l'agent prend connaissance de l'endettement privé des contribuables qui sollicitent une remise ou modération gracieuse afin de prendre sa décision en toute connaissance de cause (cf. ci-dessus n° 2 ).
3. Principes dont il convient de s'inspirer pour l'octroi ou le refus des remises ou modération.
5En principe, les remises ou modérations d'impôts directs sont réservées aux contribuables se trouvant réellement hors d'état de se libérer ou à ceux qui, ayant acquitté leurs cotisations, ne sont parvenus à se libérer qu'au prix de sacrifices considérables ou à l'aide d'emprunts.
Ainsi, sauf cas tout à fait exceptionnel, aucune remise ou modération ne doit être accordée, sur l'impôt retenu à la source ou sur le précompte que les sociétés ou organismes qui ont procédé à des distributions de bénéfices se sont abstenus de verser au Trésor.
Par ailleurs, des dégrèvements gracieux ne peuvent être accordés en considération du seul caractère philanthropique, artistique ou littéraire des opérations auxquelles se livrent les pétitionnaires.
En ce qui concerne les demandes émanant d'entreprises industrielles ou commerciales (personnes physiques ou sociétés), il y a lieu, en général, lorsqu'il s'agit d'une affaire saine dont la gêne de trésorerie peut être tenue pour passagère, de proposer le rejet et de se borner à envisager des délais de paiement convenables en accord avec le service du recouvrement, notamment, en saisissant, le cas échéant, la commission départementale des chefs de services financiers et des représentants des organismes de sécurité sociale (cf. DB 13 S 252, n° 3 ).
Lorsque, au contraire, la demande émane d'une entreprise traversant de graves difficultés financières, mais qui paraît susceptible de relèvement, le Trésor peut avoir intérêt à faciliter le redressement de cette entreprise en accordant une remise proportionnelle aux sacrifices consentis par les autres créanciers et en envisageant l'octroi des délais de paiement.
Enfin, lorsqu'il s'agit d'une demande présentée par une entreprise dont la liquidation, en l'absence de sacrifices consentis par les créanciers ou malgré ces sacrifices, paraît inévitable, le Trésor, créancier privilégié, ne saurait être appelé, en règle générale et sauf circonstances exceptionnelles, à supporter un dégrèvement gracieux sur les impôts qui lui sont dus.
D'un autre point de vue, lorsqu'il conclut à l'octroi d'une remise ou d'une modération, l'agent ne doit pas manquer d'examiner s'il convient, ou non, de subordonner le dégrèvement gracieux envisagé au paiement préalable des impositions restant à la charge du pétitionnaire, que ces impositions aient ou non été visées dans sa demande.
En principe, l'agent doit s'abstenir de faire connaître au contribuable le sens des propositions qu'il sera appelé à formuler.
Cependant, au cours de l'entrevue qu'il peut avoir avec le redevable, en particulier dans le cas où ce dernier doit prendre des engagements envers le service du recouvrement pour l'octroi de délais, l'agent peut être amené à indiquer le montant du dégrèvement qu'il proposera d'accorder, mais, dans cette éventualité, et afin d'éviter toute équivoque dans l'esprit du contribuable, il doit bien préciser qu'il ne formule que de simples propositions, qui ne sauraient en aucune façon lier ses supérieurs hiérarchiques ou l'autorité chargée de statuer.
II. Cas particuliers
1. Demandes présentées par les associations ou collectivités à caractère philanthropique.
6Dans le cas, cependant, où le directeur envisage d'accorder une remise ou modération d'impôts non professionnels, il doit, quel que soit le montant des droits en jeu, en référer à la direction générale. Il n'en serait autrement que si l'Administration centrale avait déjà été consultée sur la suite à donner à une précédente demande formulée par le même organisme.
2. Demandes visant la taxe sur les salaires.
7La taxe sur les salaires constitue un impôt direct dont le versement doit être effectué spontanément. À défaut de paiement spontané dans les délais prescrits, la taxe est recouvrée par voie de rôle (CGI, art. 1679 bis).
Les dispositions de l'article L. 247-1° du LPF lui sont, dès lors, applicables.
Toutefois, un dégrèvement ne peut être envisagé que dans la mesure où les sommes dues par le contribuable ont été comprises dans un rôle.
De plus, compte tenu de l'origine de cet impôt, c'est seulement dans des cas absolument exceptionnels et lorsque les autres cotisations d'impôts directs à la charge du débiteur se trouvent déjà soldées, soit par voie de paiement, soit par voie de dégrèvement, qu'il est possible d'envisager une remise ou modération.
3. Demandes visant la cotisation perçue au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction.
8La cotisation de 2 % prévue à l'article 235 bis du CGI et à laquelle certains employeurs sont assujettis lorsqu'ils n'ont pas investi dans la construction de logements des sommes représentant, pour les investissements réalisés depuis 1er janvier 1992, 0,45 % au moins du montant des salaires payés, doit être considéré comme ayant, dans la limite de ce taux de 0,45 % le caractère d'un impôt proprement dit et comme représentant pour le surplus une pénalité.
Cette cotisation peut, dès lors, donner lieu, comme la généralité des impôts directs, à l'allocation de remises ou modérations en faveur des contribuables qui, pour cause d'indigence et de gêne, se trouvent dans l'impossibilité d'en acquitter le montant.
Pour ce qui est de la fraction de cotisation ayant le caractère de pénalité, voir plus loin n° 27.
4. Demandes visant les taxes foncières et se fondant sur des pertes de revenus.
9La juridiction contentieuse peut accorder des dégrèvements de taxe foncière sur les propriétés bâties en cas de vacance de maison ou d'inexploitation d'immeuble à usage commercial ou industriel (CGI, art. 1389), ou des dégrèvements de la taxe foncière sur les propriétés non bâties en cas de disparition d'immeuble, de perte de récoltes sur pied, de perte de bétail par suite d'épizootie (CGI, art. 1397 et 1398).
En dehors des circonstances limitativement énumérées ci-dessus, aucun dégrèvement « pour perte de revenus » n'est susceptible, en droit, d'être prononcé.
Toutefois, dans le cas où, par suite d'un événement extraordinaire - autre que ceux visés aux articles précités - affectant l'immeuble lui-même, un propriétaire a effectivement éprouvé une perte de revenu ou une privation de jouissance, un dégrèvement proportionnel à la perte subie peut néanmoins être prononcé, à titre gracieux, sur demande de l'intéressé.
5. Demandes présentées par les contribuables âgés et disposant de faibles ressources.
10Les demandes en remise ou en modération de la taxe foncière des propriétés bâties, présentées par les propriétaires ou usufruitiers doivent être examinées dans un esprit libéral, lorsque les revenus qu'ils en tirent, joints à leurs autres ressources, ne leur permettent pas de satisfaire aux besoins normaux de l'existence.
Il en est de même des demandes en remise ou modération des cotisations dues, au titre de l'impôt sur le revenu, présentées par des contribuables âgés consacrant la quasi-totalité de leur revenu au paiement de frais de séjour dans une maison de retraite.
D'une manière générale, il convient de faire preuve d'une bienveillance particulière envers les contribuables âgés et dont les revenus sont minimes, notamment lorsque les intéressés ne paraissent pouvoir compter sur aucune aide familiale ou autre, ou lorsque, personnes isolées, ils doivent consacrer une part importante de leurs revenus au paiement d'une location en meublé.
À cet égard, le service doit s'abstenir, en principe, de refuser à ces redevables un allégement pour le seul motif qu'ils posséderaient un petit capital dont le produit constitue un élément de leurs ressources.
6. Demandes visant les impositions d'un contribuable décédé.
11En ce qui concerne les demandes en remise ou modération visant des impôts restant dus au décès d'un contribuable ou mis en recouvrement après le décès, il convient d'observer que ces impôts constituent soit en totalité, soit pour partie 2 , une charge de la succession. Il est d'ailleurs éventuellement tenu compte desdits impôts pour le calcul des droits de mutation par décès, puisqu'ils sont compris dans le passif successoral déductible pour la détermination de l'actif net imposable.
Il convient donc, dans la mesure ou lesdits impôts représentent une dette héréditaire, de prendre en considération, en premier lieu et principalement, l'actif net successoral pour apprécier la suite à donner à la pétition, la situation personnelle du ou des héritiers n'intervenant qu'à titre accessoire.
Toutefois, il n'en est pas exactement de même dans le cas du décès d'un conjoint. Sans devenir l'élément prépondérant d'appréciation, la situation du conjoint ou des enfants survivants doit entrer réellement en ligne de compte. C'est ainsi que dans le cas d'une demande présentée par une veuve et a fortiori si celle-ci a des enfants à charge, le service doit rechercher si le décès du mari a, ou non, entraîné un changement sensible dans la situation matérielle de la pétitionnaire et de sa famille ; dans l'affirmative, rien ne s'oppose, en règle générale, à ce que la dette d'impôts directs soit adaptée, par l'octroi d'une remise ou d'une modération, à la nouvelle situation des intéressés, sauf, bien entendu, si cette dernière leur permet de se libérer sans gêne particulière.
De même, en raison du principe de l'annualité des impôts locaux, le maintien pour l'année entière de la taxe d'habitation concernant un logement resté libre après le décès de son occupant risque de constituer une charge inéquitable pour les héritiers.
Les demandes gracieuses que ces derniers viendraient à présenter doivent donc être examinées avec une particulière bienveillance - sous réserve bien entendu que le logement n'ait pas été occupé par eux soit à titre de résidence principale soit à titre de résidence secondaire - lorsque le décès de leur auteur est survenu à une date proche du début de la période d'imposition.
1 Sont, dans tous les cas, considérées comme telles les demandes sur lesquelles la décision appartient au ministre.
2 Il est rappelé que, sous un régime de communauté, les impôts restant dus au décès de l'un des conjoints ne constituent pas en totalité une charge de la succession du de cujus.