Date de début de publication du BOI : 30/10/1997
Identifiant juridique : 4C421
Références du document :  4C42
4C421

CHAPITRE 2 LES CHARGES EXTERNES

CHAPITRE 2

LES CHARGES EXTERNES

SECTION 1

Redevances, loyers et charges locatives

  A. REDEVANCES OU LOYERS SE RAPPORTANT À L'EXPLOITATION D'ÉLÉMENTS INCORPORELS

  I. Redevances pour l'exploitation de droits de la propriété industrielle

1Les redevances pour la simple concession d'une licence d'exploitation d'un brevet, d'une formule, d'un procédé ou pour l'usage d'une marque sont admises en déduction du résultat fiscal. Il en est de même de celles engagées en contrepartie d'une assistance technique ou en rémunération de divers services.

Ainsi, la redevance versée à l'inventeur pour la concession de la licence d'exploitation d'un brevet peut être comprise par l'entreprise concessionnaire dans ses charges d'exploitation déductibles, sous réserve, bien entendu, qu'il s'agisse effectivement de la concession d'une licence d'exploitation et que la redevance en cause ne puisse être considérée, en fait, comme le prix de cession du brevet.

Les redevances annuelles versées par une entreprise pour l'achat d'un brevet d'invention, d'une formule, d'un procédé de fabrication ou d'une marque ne peuvent pas être portées parmi les frais et charges d'exploitation déductibles car elles représentent le paiement du prix d'acquisition d'un élément de l'actif (cf. sur ce point, 4 C 2111, n° 12 et 4 D 123, n° 6 ).

Il va donc de soi que, pour être admis en déduction, le versement des redevances doit dans tous les cas être effectué en rémunération de droits de propriété industrielle véritables.

Ainsi dans le cas de redevances versées par une société anonyme aux enfants de son ancien président-directeur général en contrepartie de la location à elle consentie par les intéressés, qui étaient d'ailleurs ses principaux actionnaires, de formules et procédés de fabrication dont leur auteur leur avait fait donation en quittant la présidence de la société, il a été jugé que ces redevances ne sauraient être admises en déduction des bénéfices sociaux imposables dès lors que la société ayant toujours fait déposer et exploiter elle-même les procédés et formules mis au point par son président-directeur général sans que ce dernier ait jamais obtenu ni même revendiqué un droit particulier sur aucune des inventions, la donation ultérieure de celle-ci n'a pas conféré aux donataires d'autres droits que ceux dont le donateur était titulaire (CE, arrêt du 19 mai 1965, req. n°s 52806, 54627 et 56250, RO, p. 349).

En outre, le montant des redevances déduites doit présenter un caractère normal. L'Administration est fondée à discuter la quotité des sommes versées si elles apparaissent excessives, compte tenu des circonstances de fait.

  II. Redevances versées par le gérant libre d'un fonds de commerce

2Les redevances versées par le gérant libre d'un fonds de commerce sont normalement admises en déduction pour la détermination du résultat fiscal.

Toutefois, il en serait autrement si, le contrat de gérance comportant à titre accessoire une promesse de vente, l'annuité de gérance était versée par anticipation sur le prix du fonds (cf. 4 C 2111 n° 8 ).

Par ailleurs, le complément de redevance que la société locataire d'un fonds de commerce a, en cours de bail, versé à l'indivision propriétaire du fonds doit être regardé comme une libéralité dès lors que le contrat de bail conclu devant notaire moins de deux ans auparavant pour une durée de quinze années ne comportait aucune clause de révision du montant du loyer fixé, lequel consistait en une redevance proportionnelle au chiffre d'affaires de la société. Il convient de noter que les propriétaires indivis du fonds de commerce étaient également associés de la société exploitant le fonds. Celle-ci faisait état d'un avenant verbal au contrat initial, mais n'avait pu en établir l'existence (CE, arrêt du 31 janvier 1973, req. n° 78161, RJ II, p. 13).

  B. LOYERS ET CHARGES LOCATIVES SE RAPPORTANT A DES ELEMENTS CORPORELS

  I. Locaux, matériels et autres éléments n'appartenant pas à l'exploitant (individuel ou société) et donc non inscrits à l'actif

1. Cas général : éléments pris en location affectés à l'exploitation.

3Le loyer des locaux professionnels et du matériel dont l'exploitant n'est pas propriétaire constitue une charge déductible dès lors que les conditions générales de déduction des charges sont remplies.

a. Montant du loyer déductible.

4Le loyer déductible comprend le loyer proprement dit et, le cas échéant, les dépenses accessoires mises à la charge du preneur par le contrat de location. C'est ainsi que lorsqu'une entreprise locataire d'un immeuble prend à sa charge l'impôt foncier, ce dernier a le caractère d'un supplément de loyer. Il constitue donc une charge déductible du bénéfice imposable (CE, arrêt du 25 juin 1951, req. n° 5027, RO, p. 206).

Cependant, pour que l'intégralité du loyer soit admise en déduction il faut que le bail puisse être considéré comme normal.

Il a été jugé à cet égard que lorsqu'une société a pris en location des immeubles appartenant à une autre société avec laquelle elle est en étroite communauté d'intérêts et que le loyer qu'elle paie -sans d'ailleurs qu'aucun bail n'ait été conclu- est anormalement élevé, ce loyer ne peut être regardé dans son intégralité comme une charge d'exploitation. Il s'ensuit que l'excédent dudit loyer sur la valeur locative réelle des immeubles doit être réintégré dans le bénéfice imposable (CE, arrêt du 5 septembre 1944, req. n° 70177, RO, p. 185).

Par ailleurs, aucune disposition législative n'exige que la prise en charge par un locataire, en sus de son loyer, de dépenses incombant normalement au propriétaire résulte d'une convention écrite. Il s'ensuit que les dépenses non locatives (telles que les grosses réparations) qu'une société accepte de supporter aux lieu et place du propriétaire, peuvent, bien que l'accord n'ait pas fait l'objet d'un acte écrit, être comprises parmi les charges dès lors que le montant total des frais ainsi déduits n'est pas exagéré eu égard à la valeur locative réelle de l'immeuble loué (CE, arrêt du 12 février 1964, req. n° 54607, RO, p. 30).

Lorsque les sommes versées par une société à son président-directeur général, à titre de redevance pour l'extraction de matériaux provenant de terres appartenant à ce dernier, excédent celles qui seraient dues en application des statuts sociaux, l'Administration est fondée, dès lors que la société n'apporte aucune indication sur les méthodes employées pour le calcul de ladite redevance, à réintégrer cet excédent dans les bénéfices imposables de la société (CE, arrêt du 26 avril 1967, req. n°s 69146 et 69147, RJCD, 1er partie, p. 155).

b. Exercice de déduction du loyer.

5En raison de leur caractère de fruits civils acquis au jour le jour par le bailleur, les loyers sont compris parmi les charges de l'entreprise à concurrence de la fraction courue au titre de chaque exercice.

Lorsque le bail prévoit que les loyers sont payables d'avance, ils peuvent être déduits au titre de l'exercice de l'échéance (ou des échéances) prévue. Ils ne peuvent être déduits des bénéfices des exercices suivants mêmes s'ils ont été payés au cours de ces exercices (CE, arrêt du 14 mars 1988, req. n° 54678, RD, 18e vol., p. 171) 1 .

Remarque. - Loyer commercial fixé à un chiffre inférieur à la valeur locative normale des locaux loués.

Dans ce cas, l'indemnité que le preneur a versée au bailleur, lors de l'entrée en jouissance, doit être regardée comme un supplément de loyer susceptible d'être porté dans les charges de l'entreprise commerciale, à condition d'être répartie sur la durée du bail, et à concurrence de la différence existant entre la valeur locative réelle du local en cause et le loyer effectivement versé.

Mais aucune disposition législative ou réglementaire ni aucune règle comptable n'interdisent à l'entreprise de répartir cette indemnité sur une période plus longue que la durée du bail (CE, arrêt du 5 février 1975, req. n° 93068, RJ II, p. 21). Dans l'espèce ainsi analysée le bail avait été conclu pour une durée de neuf ans tacitement reconductible par période de trois ans. Le litige portait sur les déductions effectuées par l'entreprise au cours de la période pendant laquelle le bail s'était trouvé prorogé par tacite reconduction.

c. Loyers d'avance.

6Les loyers d'avance, qui sont généralement exigés à titre de cautionnement par le bailleur, doivent être inscrits à l'actif du bilan et demeurer sans incidence sur les résultats comptable et fiscal de l'exercice de leur versement. Ce n'est qu'au moment où l'avance de loyer peut être utilement imputée sur la dette de loyer effectivement courue, c'est-à-dire dans la très grande généralité des cas lors de la dernière échéance de loyer, que sa déduction des bases de l'impôt peut être autorisée.

2. Cas particuliers : éléments pris en location non affectés ou partiellement affectés à l'exploitation.

a. Entrepreneur individuel (ou associé de sociétés de personnes non soumises à l'IS).

7En aucun cas le loyer et frais annexes afférents à l'habitation personnelle de l'exploitant individuel (ou de l'associé) ne peuvent être compris dans les charges déductibles de l'entreprise.

S'agissant de dépenses couvrant à la fois des charges d'exploitation et des frais personnels de l'exploitant individuel (ou de l'associé), seule la fraction de ces dépenses directement motivée par les nécessités de l'exploitation peut donner lieu à déduction.

À titre d'exemple, lorsqu'un immeuble est utilisé partie pour l'habitation de l'exploitant individuel (ou de l'associé), partie pour l'exercice de son activité professionnelle, une ventilation du loyer doit être effectuée pour déterminer la fraction correspondant à une charge déductible.

b. Salariés de toute entreprise et dirigeants de sociétés soumises à l'IS.

8La prise en charge du loyer de l'habitation personnelle d'un salarié ou d'un dirigeant de société soumise à l'IS peut s'analyser en un avantage en espèce ou en nature constituant un complément de rémunération 23 .

  II. Locaux, matériels et autres éléments appartenant à l'exploitant individuel affectés à l'exploitation mais non inscrits à l'actif du bilan de l'entreprise

9Il résulte de la jurisprudence du Conseil d'État (CE, arrêt du 24 mai 1967, req. n° 65436, 7°, 8° et 9° s.-s. réunies, RJCD, 1er partie, p. 141) qu'un commerçant est en droit de laisser figurer dans son patrimoine personnel et de ne pas comprendre dans son actif commercial un immeuble qu'il affecte aux besoins de son exploitation.

Le revenu des immeubles appartenant à l'exploitant et que celui-ci affecte à l'exploitation sans les inscrire au bilan se trouve normalement compris dans le bénéfice commercial. Ce bénéfice n'a donc aucune réfaction à subir de ce chef. Il n'y a pas lieu notamment d'en déduire un loyer fictif représentant la rémunération, par l'entreprise, de la mise à sa disposition d'un bien faisant partie du patrimoine privé de l'exploitant.

Dans une telle situation, l'intéressé est autorisé à comprendre parmi ses dépenses d'exploitation déductibles uniquement les charges locatives afférentes à ces immeubles, notamment les frais d'entretien et de réparation, à l'exclusion des charges de la propriété telles que les frais d'acquisition, les taxes foncières, les grosses réparations et l'amortissement.

  C. REDEVANCES OU LOYERS AFFÉRENTS À DES CONTRATS DE CRÉDIT-BAIL 4

10Seule la situation du preneur est évoquée ci-après.

Les opérations de crédit-bail se caractérisent généralement par des relations contractuelles qui comportent simultanément les éléments suivants :

- un engagement de location d'un bien pour une durée déterminée et moyennant le versement d'un loyer ;

- la possibilité pour le preneur de devenir propriétaire du bien en exécution en principe d'une promesse unilatérale de vente, pour un prix donné.

Sont donc exclus du champ d'application du dispositif légal les contrats qui ne s'analysent pas en des opérations de crédit-bail ; il en est ainsi en principe :

- d'un contrat de location simple ;

- d'un contrat de location assorti d'un engagement synallagmatique de vente, qui contraint le locataire à acquérir le bien concerné ;

- d'une vente à tempérament.

Le contrat de crédit-bail, dont le but est de permettre le financement d'investissements effectués par les entreprises, peut porter, soit sur des meubles, soit sur des immeubles, soit sur des fonds de commerce ou des fonds artisanaux.

  I. Crédit-bail mobilier

11Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance n° 67-837 du 28 septembre 1967 relative aux opérations de crédit-bail et aux sociétés immobilières pour le commerce et l'industrie, est réputée crédit-bail mobilier l'opération de location de biens d'équipement ou de matériel d'outillage achetés, en vue de cette location, par des entreprises qui en demeurent propriétaires lorsque cette opération quelle que soit son appellation, donne au locataire la possibilité d'acquérir tout ou partie des biens loués moyennant un prix convenu tenant compte, au moins pour partie, des versements effectués à titre de loyers.

1. Loyers déductibles.

12Sous réserve de la limitation prévue à l'article 39-4 du code général des impôts relative aux opérations portant sur des voitures particulières 5 , les loyers de crédit-bail versés en cours de contrat sont normalement déductibles dans leur intégralité des résultats imposables de l'entreprise locataire. Conformément aux principes qui régissent la détermination du bénéfice imposable, les loyers versés doivent satisfaire les conditions générales de déductibilité des charges (cf. 4 C 1 ).

Ils doivent par conséquent :

- être exposés dans l'intérêt direct de l'exploitation ou se rattacher à la gestion normale de l'entreprise. Tel n'est pas le cas notamment lorsqu'en raison de leur montant les loyers de crédit-bail traduitsent des avantages commerciaux anormaux ou déguisent des transferts de bénéfices au profit du bailleur ;

- correspondre à une charge effective et être appuyés de justifications suffisantes ;

- se traduire par une diminution de l'actif net de l'entreprise. En particulier, cette condition n'est pas remplie lorsque, à l'échéance d'un contrat de crédit-bail mobilier, la levée d'option s'opère moyennant un prix anormalement bas compte tenu de la durée noramle d'utilisation du bien concerné et de la période de location écoulée. En effet, cette circonstance ne peut que faire présumer qu'une fraction des loyers versés a trouvé sa contrepartie dans un accroissement de l'actif du locataire. Dès lors, la fraction des loyers concernée ne peut être déduite des résultats.imposables de ce dernier (RM. LOGOT, député, JO, déb. AN du 14 janvier 1985, p. 155) ;

- être compris dans les charges de l'exercice auquel ils se rapportent. En application de ce principe, le loyer est compris parmi les charges déductibles d'un exercice à concurrence de sa fraction courue au titre de cet exercice.

1   Toutefois, des loyers arriérés dus par une entreprise commerciale ont été considérés comme une charge de l'exercice au cours duquel est intervenu un arrêt de la Cour d'appel condamnant définitivement l'entreprise à en payer le montant (CE, arrêt du 13 décembre 1937, req. n° 56170, RO, 17° vol., p. 716 ; cf. dans le même sens, CE, arrêt du 13 mai 1957, req. n° 10325, RO, p. 332).

2   Sur ce point voir 4 C 4421, n°s 6 et suiv. , avantages en nature ou en espèce.

3   Voir également les notions de rémunérations excessives (4 J 1212, n°s 122 et suiv. ) ou occultes (4 J 1212, n°s 62 et suiv. ).

4   Pour une étude générale du régime fiscal des opérations de crédit-bail, cf. 4 A 216 et 4 A 217, notamment en ce qui concerne la situation du preneur.

5   Cf. 4 C 351 .