Date de début de publication du BOI : 06/08/1999
Identifiant juridique :

B.O.I. N° 147 du 6 AOUT 1999


  II. Les mesures d'aménagement de l'exécution provisoire :


  1. Le régime des mesures d'aménagement

30.Les articles 517 à 522 du NCPC auxquels renvoie l'article R.* 202-5 du LPF 3 prévoient différentes mesures d'aménagement de l'exécution provisoire de droit.

Si la règle posée par l'article 524-2°, al. 3 du NCPC n'autorise, dans le cadre de la procédure ordinaire et s'agissant d'une exécution provisoire de droit, que les mesures prévues aux articles 521, al. 2 et 522 du NCPC, l'article R.* 202-5 du LPF déroge expressément à cette limitation et permet au premier président de prendre également les mesures d'aménagement indiquées aux articles 517 à 521, al. 1 du NCPC.

En outre, il résulte de la combinaison des articles R.* 202-5 du LPF, 521 et 524 du NCPC, ainsi que de la jurisprudence de la Cour de cassation (Civ. 2ème, 23 janvier 1991, Bull. II, n° 26 ; 29 mars 1995, Bull. II, n° 112) que les mesures d'aménagement de l'exécution provisoire ne sont pas subordonnées à la constatation préalable de l'existence d'un risque aux conséquences manifestement excessives.

Le premier président dispose ainsi en ce domaine d'un pouvoir d'appréciation laissé à sa discrétion, tant pour l'opportunité d'accorder une mesure que dans le choix de celle-ci. Il ne peut refuser une mesure d'aménagement au seul motif de l'absence de risque de conséquences manifestement excessives dans la poursuite de l'exécution provisoire (23 janvier 1991 précité), mais peut justifier un tel refus par l'absence de preuve, tant de l'existence de risques graves résultant de l'exécution provisoire, que de l'insolvabilité de la partie gagnante (29 mars 1995 précité).

31.Quoi qu'il en soit, la demande d'une mesure d'aménagement doit, bien entendu, être motivée par des considérations précises (cf. infra, § 35 et 43 ).

Il importe donc, lorsque l'administration sollicite une mesure d'aménagement, ou lorsqu'elle s'y oppose, de fournir au premier président tous les éléments propres à justifier du caractère opportun ou inopportun de la demande d'aménagement, de même qu'il convient de justifier toute appréciation sur le caractère approprié ou non de la mesure sollicitée ou combattue.

32.Le premier président est, conformément aux dispositions des articles R.* 202-5 du LPF et 523 du NCPC, seul compétent pour prescrire les mesures d'aménagement de l'exécution provisoire (cf. infra, § 44 à 47 ).

Outre la décision prescrivant la réalisation de la mesure décidée et en organisant les modalités (cf. infra), il a donc tous pouvoirs pour régler tous les incidents pouvant naître du chef de cette décision.

Il est en particulier compétent pour statuer sur les conséquences de la défaillance de la partie condamnée à constituer garantie.

33.Il est aussi compétent en application de l'article 522 du NCPC, pour autoriser la substitution à la garantie primitive d'une garantie équivalente.

Ce texte ne concerne, en principe, que les situations dans lesquelles la constitution d'une garantie a été primitivement ordonnée dans le cadre des articles 517 à 521 (Rep. Dalloz, proc. civ. V° Exécution provisoire, n° 190 à propos de Metz, 27 février 1986).

Toutefois, il est admis que cette disposition puisse s'appliquer également aux garanties constituées dans le cadre du sursis de paiement.

Néanmoins, la demande de substitution d'une garantie à une autre, spécialement lorsqu'il s'agit de la sûreté initiale acceptée par l'administration en contrepartie de l'octroi du sursis de paiement, doit être justifiée par une modification survenue dans la situation du débiteur (Rennes, 31 mars 1983, Gaz. Pal. 1984, 1, p. 164).

La garantie substituée doit en outre être strictement équivalente à la sûreté ainsi remplacée (il a été jugé en ce sens qu'une caution bancaire n'est pas équivalente à une consignation : Rennes, décision précitée, RTDC 1984, p. 368).

Une demande de substitution peut être indifféremment introduite par le créancier ou le débiteur.

34.L'attention est attirée sur le fait que la requête adressée par un contribuable au premier président en vue d'autoriser, à l'encontre du jugement l'ayant débouté de ses prétentions, le maintien du sursis de paiement en contrepartie d'une nouvelle garantie substituée à la garantie initialement constituée dans le cadre d'un tel sursis s'analyse d'abord comme une demande d'arrêt pur et simple de l'exécution provisoire de droit, et non comme une simple mesure d'aménagement.

Le requérant est donc tenu en ce cas de faire la preuve des conséquences manifestement excessives que la poursuite de l'exécution provisoire serait susceptible d'entraîner.

  2. Le contenu des mesures d'aménagement

a) Les mesures mises à la charge du créancier

35.Les articles 517 à 520 du NCPC prévoient les mesures d'aménagement pouvant être mises à la charge du créancier.

Ces textes visent la « constitution d'une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations ».

Il s'agit donc de mesures destinées, non pas à faire obstacle à la poursuite de l'exécution provisoire, mais à assurer au débiteur qu'en cas d'annulation ou reformation par la cour d'appel du jugement de première instance, il pourra récupérer les sommes payées et, le cas échéant, obtenir réparation des dommages causés par l'exécution.

La garantie peut prendre la forme tant d'une sûreté personnelle, et en ce domaine le cautionnement bancaire paraît le mode de sûreté le plus approprié (rappr. Grenoble, 31 mai 1988 JCP 1989-II-21272), que réelle.

Dans ce dernier cas, la doctrine (Juriscl. proc. civ., fasc. 518, n° 13) admet tous les types de garanties réelles (prise d'hypothèque, nantissement, consignation), étant observé que dans le cas où la garantie est constituée par une somme d'argent, l'article 519 du NCPC règle les modalités de sa consignation, effectuée normalement à la caisse des dépôts et consignation ou, sur demande de l'une des parties, entre les mains d'un tiers, si celui-ci accepte le dépôt.

Mais il n'est pas possible, sans excéder les limites des mesures autorisées par l'article 517 du NCPC, d'étendre la notion de garantie à d'autres mesures de sauvegarde, telle par exemple une mesure de contrôle par un expert (Rennes, 24 janvier 1980, Gaz. Pal. 1982, doctr. 151).

Il incombe au débiteur, demandeur de la mesure de garantie, d'en établir la nécessité et l'opportunité.

S'agissant d'une garantie mise à la charge du créancier poursuivant une exécution provisoire, l'intéressé devra généralement démontrer l'existence d'un risque caractérisé d'insolvabilité du bénéficiaire des paiements (cf. RTDC, 1983, p. 392 ; voir cependant n° 40 infra).

Le premier président doit bien entendu tenir compte des facultés du créancier et ne prescrire que des mesures réalisables par l'intéressé.

36.L'article 518 du NCPC dispose par ailleurs que la nature, l'étendue et les modalités de la garantie sont précisées par la décision qui en prescrit la constitution.

Le premier président règle en conséquence souverainement l'ensemble des questions relatives à la garantie, notamment celles qui concernent le délai de sa constitution, sa durée - qui ne peut, en tout état de cause, aller au-delà du prononcé de l'arrêt confirmatif de la cour - ou encore les modalités de sa libération.

L'article 517 du NCPC prévoit que la garantie doit être suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations.

Il s'ensuit que celle-ci doit couvrir l'ensemble des droits et pénalités contestés devant la cour d'appel, mais également, le cas échéant, (lorsque l'administration a perdu devant le tribunal) les intérêts moratoires versés ainsi que les frais remboursés en application de l'article L. 208, alinéa 2 du LPF.

37.Par ailleurs, le montant de la garantie à constituer ne doit pas, en principe, être déterminé en fonction des réparations demandées à l'administration, dès lors que l'article L. 207 du LPF fait défense aux juridictions d'allouer une indemnité quelconque en sus des intérêts moratoires tels que prévus à l'article L. 208 du même livre (cf. supra, § 19 ).

Cela étant, le montant des intérêts moratoires prévisibles, compte tenu de la durée envisageable de l'instance d'appel, que l'administration serait amenée à verser au contribuable ayant payé des impositions finalement déchargées par la cour d'appel peut néanmoins être pris en compte pour le calcul de la garantie.

38.L'article 520 du NCPC prévoit qu'en cas de difficulté d'appréciation de la valeur de la garantie, le juge invite les parties à se présenter devant lui, à la date qu'il fixe, avec leurs justifications. Il est alors statué sans recours. Compte tenu de ce qui précède, cette disposition devrait rester d'application marginale dans le cadre du contentieux fiscal de l'assiette des droits d'enregistrement.

39.Dans les faits, les mesures prévues aux articles 517 à 520 devraient rester limitées aux situations dans lesquelles la décision exécutoire de droit entraîne le versement par le Trésor d'une somme au contribuable, qu'il s'agisse de la restitution d'impositions acquittées spontanément ou du reversement de sommes payées à la suite de l'envoi d'un avis de mise en recouvrement.

En effet, dès lors que la décision défavorable au Trésor intervient dans un litige où les impositions critiquées bénéficiaient du sursis de paiement, le dégrèvement qui en résulte n'entraîne aucune restitution, mais seulement des paiements limités (remboursement des frais de constitution des garanties afférentes au sursis de paiement). Le Trésor ne peut donc invoquer les dispositions de l'article 517 du NCPC aux fins de constitution par le contribuable d'une garantie propre à répondre d'une restitution inexistante. Dans cette hypothèse, l'administration ne peut que soutenir l'existence d'un risque de conséquences manifestement excessives pour solliciter l'arrêt pur et simple de l'exécution provisoire et le maintien des garanties assortissant le sursis de paiement.

40.A l'inverse, lorsque l'exécution provisoire entraîne le rétablissement du caractère exécutoire de l'avis de mise en recouvrement et l'exigibilité des sommes qui y figurent, il serait vain pour le contribuable de solliciter la constitution par le Trésor d'une garantie dès lors qu'eu égard à la qualité de ce dernier, le débiteur n'a, par construction, pas à redouter un risque d'insolvabilité et de non-restitution (jugé pour l'Etat : Paris 18 mai 1994 précité ; pour l'URSSAF : Rennes, 2 janvier 1980, Gaz Pal, doctr. 1982, p. 183).

En pratique, l'administration ne sollicitera la constitution de garanties par le contribuable que dans le cas où, contrainte par le caractère exécutoire du jugement de lui rembourser des droits, pénalités ou intérêts moratoires, sans qu'il soit besoin de recourir à la notion de conséquences manifestement excessives, elle estimerait douteuse, eu égard aux circonstances de l'espèce, la capacité ou la volonté de restitution par l'intéressé des sommes en cause.

b) Les mesures mises à la charge du débiteur

41.L'article 521, alinéa 1 4 du NCPC prévoit que la partie condamnée au paiement d'une somme ne présentant pas le caractère d'aliments, de rentes indemnitaires ou de provisions peut éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir en principal, intérêts et frais le montant de la condamnation.

Il ne s'agit pas là, à proprement parler, d'un arrêt de l'exécution provisoire, mais d'une modalité particulière de sa poursuite dès lors, d'une part, que la consignation dont il s'agit procède incontestablement du caractère exécutoire du jugement de première instance, et, d'autre part, qu'une telle mesure impose une charge à la partie perdante.

Tout comme dans le cas des garanties mises à la charge du créancier (cf. supra, § 30 ), la mise en oeuvre des dispositions de l'article 521, al. 1 du NCPC n'est pas subordonnée à la caractérisation de conséquences manifestement excessives (Civ. 23 janvier 1998 et 16 juillet 1992 précités).

Mais, sauf en ce qui concerne les dépens et, le cas échéant, les sommes allouées sur le fondement de l'article 700 du NCPC, une application stricte des règles du contentieux fiscal pourrait conduire à écarter totalement ce texte, dès lors que les juridictions, saisies dans le cadre de l'article L. 199 al. 2 du LPF, ne peuvent condamner au paiement d'une somme (supra, § 16 ), mais seulement infirmer ou confirmer, en tout ou partie, la décision contentieuse de rejet de la réclamation.

Or, la lettre de l'article 521, al. 1 du NCPC réserve expressément son application aux condamnations au paiement d'une somme.

Aussi, pour la mise en oeuvre de l'article R.* 202-5 du LPF, il est admis que le contribuable, contraint d'acquitter des droits et pénalités mentionnés sur un avis de mise en recouvrement redevenu exécutoire par suite d'un jugement de première instance rejetant ses prétentions, puisse invoquer devant le premier président le bénéfice de l'article 521 al. 1 du NCPC.

La même faculté est, par voie de conséquence, ouverte à l'administration lorsque le jugement exécutoire met à sa charge une obligation de restitution de sommes antérieurement acquittées.

42.L'article 521, al. 1 du NCPC ne prévoit qu'un seul mode d'aménagement, sous forme d'une consignation de sommes ou de valeurs.

Il n'est donc pas possible d'y substituer une autre sûreté (notamment une caution), ni originairement, ni par substitution, de sorte que les dispositions de l'article 522 du NCPC sont inapplicables à cette situation (rappr. Rennes 31 mars 1983, Gaz. Pal, 1984 Jurisp. p. 164 ; RTDC 1984, p. 368 ; Rep. Dalloz proc. civile précité, n° 191 ; JCP. 1985, Doctr. 3183, n° 23).

43.De la même manière que pour les garanties mises à la charge du créancier, la demande de consignation doit être motivée par des considérations de fait propres à justifier son opportunité et sa nécessité.

C'est au débiteur qui entend exécuter la décision sous la forme d'une consignation qu'il incombe de proposer cette mesure et d'apporter les justifications précitées.

Le premier président dispose alors d'un pouvoir souverain d'appréciation pour l'accepter ou la refuser.

Il en règle les modalités et désigne le tiers chargé de recevoir les fonds dans sa décision.

Mais la mesure de consignation ne saurait aboutir à octroyer indirectement un délai de grâce au débiteur. Est ainsi prohibée une consignation échelonnée dans le temps sur plusieurs termes successifs (Rouen, 6 juin 1978 : RTDC 1979, p. 200).

La consignation effective des sommes garantissant le montant des droits, pénalités et frais dont le jugement a constitué le redevable débiteur s'analyse comme une exécution par équivalence du jugement exécutoire. Elle entraîne, par voie de conséquence, la mainlevée des garanties constituées dans le cadre du sursis de paiement.