B.O.I. N° 147 du 6 AOUT 1999
III. Distinction entre exécution provisoire et exécution inconditionnelle ou définitive :
5.L'exécution provisoire constitue une dérogation à l'effet suspensif des voies de recours ordinaires.
Dans son principe, elle n'anéantit pas totalement cet effet suspensif, mais tend seulement à le neutraliser.
En revanche, l'exécution provisoire n'a vocation à s'appliquer que pour autant que la décision n'est pas exécutoire de manière inconditionnelle ou à titre définitif.
Est ainsi exécutoire à titre définitif le jugement rendu par un tribunal de grande instance qui est passé en force de chose jugée au sens de l'article 500 du NCPC. Tel est, par exemple, le cas d'un jugement auquel la partie perdante a acquiescé, l'acquiescement emportant renonciation aux-voies de recours (Civ. 2ème 9 octobre 1985, Bull. II, n° 146 voir toutefois infra, § 6 , 7 et 48 , le cas d'un appel formalisé tardivement)
Devient exécutoire de manière inconditionnelle le jugement frappé d'appel, lorsque, apres avoir existé, l'effet suspensif du recours a ultérieurement disparu. Ainsi lorsque l'affaire est radiée du rôle de la cour d'appel faute pour l'avoué de l'appelant d'avoir déposé ses conclusions au greffe dans les quatre mois de la déclaration d'appel (art. 915, al. 2 du NCPC), le jugement dont il est interjeté appel devient exécutoire de manière immédiate et inconditionnelle
Il s'ensuit qu'est dès lors irrecevable comme dépourvue d'objet la demande d'arrêt de l'exécution provisoire (CA Limoges, 24 septembre 1992, D.1993, Somm. p 186). De même, l'ordonnance suspendant l'exécution provisoire prise avant la radiation de l'affaire est privée de tout effet à compter de la date de la radiation (CA. Paris 10 juin 1991, Gaz. Pal. 1993, 1, p. 249).
6.Toutefois, bien que l'article 539 du NCPC précise que n'est suspensif de l'exécution du jugement que le recours « exercé dans le délai », la formalisation d'un appel manifestement tardif produit néanmoins - en droit commun - un effet suspensif dès lors qu'il n'appartient qu'au seul juge du fond (formation de jugement de la cour d'appel ou conseiller de la mise en état ; rappr. art. 911 du NCPC, DB 13 O 4924, n° 51 ), et non au greffe ou au premier président, de déclarer l'appel irrecevable comme tardif.
Il s'ensuit qu'en cas d'appel, même tardif, le jugement déféré n'est susceptible que d'une exécution provisoire.
Tel est notamment le cas lorsque l'extinction prématurée de l'instance d'appel par suite de la caducité de la déclaration d'appel (art. 905, al. 3 du NCPC) ou de la péremption de l'instance (art. 386 du NCPC) est suivie d'un nouvel appel, même formalisé hors délai.
Mais cette exécution devient définitive lorsque la cour ou le conseiller de la mise en état constate l'irrecevabilité du recours.
7.Bien entendu, l'exercice d'un appel manifestement tardif dans le seul but d'écarter le caractère définitif de l'exécution de la décision des premiers juges, voire aux fins de saisine du premier président d'une demande d'arrêt ou d'aménagement de l'exécution du jugement, pourrait, pour ce motif, être qualifié d'abusif ou dilatoire, et ainsi exposer son auteur à une amende civile, sans préjudice des dommages et intérêts qui pourraient lui être réclamés par ailleurs (rappr. art. 559 du NCPC).
La distinction entre exécution provisoire et exécution définitive revêt une importance toute particulière en ce qui concerne l'intervention éventuelle du premier président, dès lors que ce dernier n'a de pouvoirs, en vertu des articles R.* 202-5 du LPF et 517 à 524 du NCPC, qu'à l'égard des décisions assorties de l'exécution provisoire de droit.
Il s'ensuit que ne saurait être arrêtée ou aménagée l'exécution d'un jugement de première instance, même frappé d'appel, lorsque celui-ci présente un caractère exécutoire définitif ou inconditionnel.
IV. Distinction entre exécution provisoire et exécution immédiate ordinaire :
8.Il convient encore de distinguer l'exécution provisoire de l'exécution immédiate. Sont ainsi immédiatement exécutoires les jugements avant-dire droit, notamment ceux prescrivant une expertise, dès lors que l'article 545 du NCPC fait défense d'interjeter appel à leur encontre indépendamment du jugement sur le fond.
Aucun effet suspensif lié à l'ouverture du délai d'appel n'est donc attaché à de telles décisions.
Un jugement décidant une expertise ou un sursis à statuer n'entrerait dans le champ de l'exécution provisoire de droit qu'en cas d'autorisation d'un appel immédiat par le premier président de la cour dans les conditions fixées aux articles 272 et 380 du NCPC (DB 13 O 4912, n° 2 ).
Sauf cette dernière hypothèse, qui devrait demeurer marginale dans le cadre du contentieux des droits d'enregistrement et assimilés, les parties ne peuvent donc pas solliciter une mesure d'arrêt ou d'aménagement de l'exécution immédiate d'un jugement décidant une mesure d'expertise.
B. PORTEE DANS LE TEMPS DE L'EXECUTION PROVISOIRE DE DROIT
I. Origine :
9.L'exécution provisoire de droit attachée à un jugement au fond rendu dans le cadre de l'article L. 199 du LPF ne saurait produire d'effet qu'à compter de sa notification (Civ. 2ème 9 février 1983, Bull. II, n° 33 ; Civ. 2ème 2 avril 1997, Juriscl. proc. civ. fasc. 518, n° 60).
Sauf exécution volontaire par la partie perdante, la signification du jugement constitue ainsi un préalable obligatoire à toute mesure d'exécution forcée.
Mais dès lors que le jugement a été notifié, l'administration est en droit de reprendre les mesures d'exécution de l'avis de mise en recouvrement. Ni la formation d'un appel, ni même l'introduction d'une demande d'arrêt ou d'aménagement de l'exécution provisoire n'ont, à cet égard d'effet suspensif.
Toutefois, en ce dernier cas, et sauf circonstances particulières susceptibles de compromettre irrémédiablement et de manière imminente les droits du Trésor, l'administration limitera son action aux seules mesures conservatoires jugées nécessaires, jusqu'à la décision relative à l'arrêt ou l'aménagement de l'exécution provisoire.
En sens contraire, et par voie de conséquence, lorsqu'elle entend solliciter l'arrêt ou l'aménagement de l'exécution provisoire d'un jugement qui lui est partiellement ou totalement défavorable, l'administration saisira dans les meilleurs délais, à la suite de sa déclaration d'appel, le premier président de la cour d'appel et diffèrera toute mesure d'exécution jusqu'au prononcé de sa décision.
II. Terme :
10.Hors les cas où l'exécution provisoire de droit est prématurément remplacée par une exécution inconditionnelle (supra § 5 ), et ceux dans lesquels elle est arrêtée ou aménagée par le premier président (infra, §§ 28 et suiv.), le caractère provisoire de l'exécution de droit du jugement de première instance frappé d'appel cesse au jour de la notification de l'arrêt de la cour d'appel, soit qu'elle devienne définitive (arrêt confirmatif), ou qu'à l'inverse, elle soit annulée (arrêt infirmatif).
1. Arrêt confirmatif
11.Si le jugement exécuté à titre provisoire est confirmé par la cour, l'exécution et les actes pris pour cette exécution deviennent définitifs.
La formation éventuelle d'un pouvoir en cassation, voie extraordinaire de recours dépourvue de tout effet suspensif, est sans incidence sur cette substitution de l'exécution définitive à l'exécution provisoire.
2. Arrêt infirmatif
12.En revanche, lorsque la cour d'appel infirme le jugement déféré, celui-ci disparaît en même temps que les effets de l'exécution provisoire dont il était assorti (Civ. 2ème 27 janv. 1993, Bull. II, n° 34).
La partie ayant poursuivi l'exécution forcée de la décision de première instance est donc tenue de restituer les sommes reçues du chef de cette exécution provisoire. La cour d'appel n'est cependant pas tenue d'ordonner expressément une telle restitution, l'obligation de remboursement découlant en effet de plein droit de la reformation de la décision exécutoire à titre provisoire (Cass. soc. 20 mars 1990, Bull. V, n° 126).
Bien entendu, le remboursement résultant de la décision de la cour d'appel est assorti du paiement des intérêts moratoires dans les conditions habituelles (rappr. DB 13 0 15).
III. Incidences d'une cassation de l'arrêt d'appel :
13.Lorsqu'à la suite d'un pourvoi, la Cour de cassation censure l'arrêt rendu par la cour d'appel, et sauf les cas où la cassation est prononcée sans renvoi, la Cour Suprême mettant elle-même fin au litige, l'annulation de la décision attaquée a pour effet, aux termes de l'article 625 du NCPC, de replacer la cause et les parties au même et semblable état où elles se trouvaient avant la décision cassée.
Cette même disposition prévoit que la cassation encourue entraîne de plein droit la nullité de tous les actes qui sont la suite ou l'exécution de la décision cassée.
Ce principe doit cependant être combiné avec les effets liés à l'exécution provisoire de droit des jugements de première instance.
Ainsi la cassation d'un arrêt d'appel confirmatif du jugement de première instance a pour effet de redonner force exécutoire à titre provisoire audit jugement (Com. 9 mars 1959, Bull. III, n° 125 ; 14 mars 1984, ibid. IV, n° 105).
Les conséquences d'un arrêt de censure de la Cour de cassation dépendent ainsi du sens et de l'effet attachés, d'une part, à l'arrêt d'appel ainsi annulé et, d'autre part, au jugement de première instance frappé d'appel.
Des tableaux synthétiques (annexes II et III) exposent les différentes situations pouvant se rencontrer.
C. L'EXECUTION PROVISOIRE DE DROIT AU REGARD DES SPECIFICITES DU CONTENTIEUX FISCAL
I. Principes généraux du contentieux fiscal :
14.Hormis le cas des demandes en restitution d'impositions antérieurement acquittées, les réclamations présentées par les contribuables en matière de droits d'enregistrement et assimilés ont généralement pour objet la contestation d'un avis de mise en recouvrement notifié à la suite d'une procédure d'imposition.
Or, le contentieux fiscal de l'assiette de l'impôt présente la particularité de déférer à la connaissance du juge non directement le titre de recouvrement de la créance du Trésor mais la décision administrative, expresse ou implicite, de rejet de la réclamation préalable (article L. 199 du LPF).
Par ailleurs, le titre qui authentifie la créance du Trésor est rendu exécutoire dans les conditions fixées à l'article L. 256 du LPF.
L'administration disposant ainsi d'un titre exécutoire serait fondée à poursuivre le recouvrement forcé des sommes qui y sont mentionnées, nonobstant l'existence d'une contestation.
Toutefois, en application des articles L. 277 et suivants du LPF, le contribuable qui désire surseoir au paiement d'une imposition qu'il conteste est en droit d'obtenir un tel sursis à la double condition d'en faire la demande et de constituer des garanties propres à assurer le recouvrement de l'impôt différé (DB 13 O 1632 ).
Une fois obtenu, le sursis de paiement produit ses effets jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la réclamation par une décision exécutoire.
Il découle de ce principe que le sursis de paiement continue à bénéficier au contribuable ayant contesté dans les délais impartis le rejet de sa réclamation, devant le tribunal compétent (DB 13 O 1632, n° 7 ).
II. Conséquences sur l'exécution provisoire :
15.L'effet suspensif lié à l'existence d'un sursis de paiement ne survit pas à l'intervention du jugement de première instance.
De la même manière en effet que l'article L. 8 du Code des T.A.-C.A.A. prive de tout effet suspensif le recours devant la cour administrative d'appel, l'article R.* 202-5 du LPF neutralise l'effet suspensif conféré à l'appel, en matière de contentieux civil devant la cour d'appel judiciaire, par l'article 539 du NCPC.
Le jugement du tribunal de grande instance ou du tribunal administratif constitue ainsi la décision exécutoire mettant un terme au sursis de paiement et conduisant, selon le sens de la décision, soit au dégrèvement des sommes contestées, soit au rétablissement de la force exécutoire de l'avis de mise en recouvrement.
16.Mais, dans ce dernier cas, le jugement déboutant le contribuable ne constitue en aucun cas en lui-même un titre venant compléter où se substituer au titre exécutoire de l'administration. La Cour de cassation juge en effet qu'aucune juridiction n'est compétente pour délivrer un titre de perception d'impôts (Com. 27 novembre 1984, Bull. IV, n° 321 ; Com. 7 mars 1995 Bull. IV, n° 70) ou pour condamner un contribuable au paiement d'un impôt (Com. 13 février 1996, n° 265 D, RJF 5/96, n° 673).
Ces principes constants ont permis au premier président de la Cour de cassation de rejeter une demande de retrait du rôle émanant de l'administration et visant un pourvoi formé par un contribuable, au motif que « l'obligation de payer l'imposition litigieuse procède des avis de mise en recouvrement devenus exécutoires, et non de la décision attaquée, laquelle, ne comportant aucune condamnation, échappe au domaine de l'article 1009-1 du NCPC » (Ordonnance du 20 juin 1996, RJF 11/96, n° 1365).
17. En définitive, l'exécution à titre provisoire d'un jugement de première instance défavorable au contribuable signifie seulement la disparition des effets attachés au sursis de paiement, s'il en existait un à la date de la décision en cause.
Cette disparition a pour effet de permettre au comptable compétent de reprendre les procédures de recouvrement prévues par la loi.
Parallèlement, les mesures d'arrêt ou d'aménagement de cette exécution provisoire ne peuvent ainsi avoir pour objet que d'empêcher ou aménager la disparition du sursis de paiement initialement accordé au contribuable.
Mais, dès lors que l'obligation au paiement des sommes portées sur l'avis de mise en recouvrement ne procède pas directement du jugement du tribunal mais seulement du caractère exécutoire intrinsèque de ce titre - qui recommence à produire tous ses effets au terme du sursis de paiement -, les dispositions de l'article R.* 202-5 du LPF ne sauraient conférer au premier président le pouvoir d'accorder, de son propre chef, un sursis de paiement que le contribuable aurait omis de demander ou qui lui aurait été refusé, notamment en raison de garanties insuffisantes.
Il sera, à cet égard, observé que les articles L. 279 et L. 279 A du LPF ont institué une procédure spécifique de recours contre les décisions portant refus des garanties offertes par le contribuable à l'appui de la demande de sursis, de sorte que le premier président n'est pas compétent pour connaître ultérieurement d'un tel contentieux, étranger au domaine de son intervention dans le cadre de l'article R.* 202-5 du LPF.
18.Par ailleurs, la défense de différer, suspendre ou faire suspendre le recouvrement des droits d'enregistrement et assimilés et des pénalités encourues, édictée aux articles 1701, al. 2 et 1702 du Code général des impôts, renforce l'interdiction faite au premier président d'agir sur le caractère exécutoire de l'avis de mise en recouvrement lorsque le jugement du tribunal de grande instance, exécutoire à titre provisoire, est lui-même dépourvu de tout effet en ce domaine, faute pour le contribuable d'avoir sollicité ou obtenu un sursis de paiement.
Dans cette hypothèse, en effet, la contestation de l'impôt ne dispense pas le contribuable de payer les sommes litigieuses, nonobstant la formulation d'une réclamation et la saisine du tribunal de grande instance.
De manière plus générale, les juridictions judiciaires ne peuvent imposer des délais de paiement aux comptables publics, notamment en se fondant sur les dispositions de l'article 1244-1 du Code civil prévoyant le délai de grâce (rappr. CA Paris 12 juin 1987, D. 87, IR 174 ; Com. 13 octobre 1992, Bull. IV, n° 309 ; Com. 23 novembre 1993, Bull. IV, n° 426, p. 309 ; Juriscl. proc. civ., fasc. 520, n° 64).
La Cour de cassation a solennellement rappelé que, sauf dispositions spéciales - inexistantes en matière de contentieux d'assiette des droits d'enregistrement et assimilés -, la loi générale excluait l'octroi de délais de grâce par le juge, sur le fondement de l'article 1244-1 du Code civil, pour les créances fiscales (Com. 16 juin 1998, Bull. IV, n° 193).