B.O.I. N° 11 du 20 JANVIER 2004
TITRE I :
RAPPEL DES DISPOSITIONS ANTERIEURES
CHAPITRE 1 ER :
UN DISPOSITIF CIVIL EN MUTATION : DE LA PUISSANCE PATERNELLE A LA " COPARENTALITE "
1.La loi du 4 mars 2002 sur l'autorité parentale marque l'aboutissement d'une évolution législative qui a conduit de la notion de puissance paternelle qui prévalait avant la loi n° 70-459 du 4 juin 1970, à celle de « coparentalité ».
2.La loi du 4 juin 1970 attribue, en cas de séparation des parents, l'exercice de l'autorité parentale au parent auquel le juge confie la garde de l'enfant. La loi de 1975 sur le divorce dissocie pour sa part le « droit de garde » attribué à l'un des parents et le « droit de surveillance et de visite et d'hébergement » consenti à l'autre parent.
La loi n° 87-570 du 22 juillet 1987 dite loi « Malhuret » pose le principe de l'exercice en commun de l'autorité parentale. La loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 en fait la règle en cas de divorce, l'exercice de l'autorité parentale n'étant confiée à un seul des deux parents que sur décision du juge, lorsque l'intérêt de l'enfant le commande. Elle étend par ailleurs le principe de l'exercice de l'autorité parentale conjointe aux parents d'enfants naturels.
L'exercice en commun de l'autorité parentale s'applique ainsi dans tous les cas, qu'il s'agisse de couples mariés, divorcés, séparés, ou de personnes engagées dans une union de fait (concubin), de parents d'enfants légitimes ou naturels.
3.Cette évolution emporte d'importantes conséquences, et en particulier l'abandon de la notion juridique de garde. Les parents prennent désormais ensemble les décisions importantes relatives à la personne de l'enfant. Pour les actes usuels, chacun d'eux est réputé agir avec l'accord de l'autre à l'égard des tiers de bonne foi.
4.Le lieu de la résidence habituelle des enfants est en principe fixé de façon amiable par les parents. A défaut d'accord, ou en cas d'accord contraire à l'intérêt de l'enfant, il est fixé par le juge.
Pour sa part, la jurisprudence de La Cour de Cassation ne reconnaît pas la résidence alternée comme mode d'exercice de l'autorité parentale (Cass. Civ., 2ème , 2 mai 1984).
5.Du point de vue matériel, la situation respective des parents au regard de l'obligation d'entretien de l'enfant, qui résulte de l'exercice de l'autorité parentale, est schématiquement la suivante :
- le parent au domicile duquel l'enfant réside habituellement exécute son obligation au quotidien en pourvoyant au jour le jour aux besoins matériels de l'enfant ;
- celui au domicile duquel l'enfant ne réside pas habituellement contribue à travers une pension alimentaire versée à l'autre parent.
6.La loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 sur l'autorité parentale vise à développer l'exercice consensuel de l'autorité parentale en vue de promouvoir, dans l'intérêt de l'enfant, une véritable coparentalité.
Elle favorise l'accord amiable en incitant à la conclusion de conventions qui seront homologuées par le juge dès lors qu'elles préservent l'intérêt de l'enfant et que les parents y auront librement consenti.
Elle introduit la possibilité, pour le juge ou les parents dans leur convention homologuée, de fixer la résidence de l'enfant en alternance au domicile de chacun de ses père et mère.
CHAPITRE 2 :
UN DISPOSITIF FISCAL INADAPTE A L'EVOLUTION DU DROIT DE LA FAMILLE
I - RAPPEL DES DISPOSITIONS APPLICABLES AVANT L'ADOPTION DE L'ARTICLE 30 DE LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2002
A - EN CE QUI CONCERNE L'ATTRIBUTION DES MAJORATIONS DE QUOTIENT FAMILIAL
1 - Dans les cas d'instance de divorce ou de séparation de corps, séparation de corps et de divorce
a - Instance de divorce et instance de séparation de corps (situations visées au b du 4 de l'article 6 du CGI), séparation de corps
7.Conformément au 3 e alinéa du I de l'article 194 du code général des impôts, les majorations de quotient familial sont attribuées au parent qui détient la garde juridique des enfants en cas d'instance de divorce ou de séparation de corps.
8.Aux termes de la jurisprudence du Conseil d'Etat, cette solution s'applique également de manière irréfragable en cas de séparation de corps (Conseil d'Etat, 16/9/1998, n° 151208, X... ).
b - Divorce
9.Le quotient familial est attribué au parent qui a la charge du ou des enfants (1 er alinéa du I de l'article 194).
10.La majoration de quotient familial est en principe attribuée au parent au domicile duquel est fixée la résidence habituelle de l'enfant, et qui, de ce fait, est réputé en assumer la charge d'entretien.
Toutefois, l'avantage de quotient familial peut être attribué à l'autre parent lorsqu'il est établi que celui-ci assume la charge exclusive des enfants 1 .
11.En l'absence de désignation du lieu de résidence habituelle de l'enfant, situation normalement peu fréquente (cf. n° 4 ), les parents désignent d'un commun accord celui d'entre eux qui bénéficiera du quotient familial. A défaut d'accord, le bénéfice du quotient familial est attribué au parent qui dispose des revenus les plus élevés, c'est à dire à celui qui, en raison de ses moyens, contribue en principe majoritairement à l'entretien des enfants (DB 5 B 3121 n° 27-3 °).
2 - En cas de séparation de fait
a - Séparation de fait de contribuables mariés
12.Il s'agit des personnes mariées mais qui ne vivent pas ensemble et remplissent les conditions de l'imposition distincte prévues au a ou au c du 4 de l'article 6 du code général des impôts. Sont concernés :
- les époux séparés de biens et qui ne vivent plus sous le même toit (a du 4 de l'article 6), sans qu'il y ait lieu de rechercher si la rupture de la vie commune résulte de dissentiments entre les intéressés ou d'une cause indépendante de leur volonté (cf. DB 5 B 123 n° 38 ) ;
- les époux qui disposent de revenus distincts et dont l'un d'entre eux a abandonné le domicile conjugal (c du 4 de l'article 6).
Dans ces situations, conformément au 3 ème alinéa de l'article 194 du code général des impôts, les majorations de quotient familial liées à l'enfant sont accordées au parent qui en a la garde c'est à dire, en pratique, celui chez lequel l'enfant réside (cf. DB 5B 3121 n° 27 ).
Aux termes de la jurisprudence, l'autre parent peut toutefois revendiquer à son profit le bénéfice du quotient familial s'il démontre qu'il assure la charge exclusive de l'enfant 2 .
b - Séparation de fait de contribuables non mariés
13.Il s'agit par exemple des situations de fin de concubinage et, plus généralement, du cas des personnes non mariées qui ont en commun un enfant reconnu par ses deux parents. Ces personnes sont dans tous les cas imposées séparément. Les règles applicables sont identiques à celles qui concernent les contribuables mariés séparés de fait et imposés séparément (n° 12 ).
B - EN CE QUI CONCERNE LA DÉDUCTION DES PENSIONS ALIMENTAIRES
1 - Dans les situations de séparation de droit (instance en séparation de corps ou de divorce, séparation de corps ou divorce)
14.Les pensions versées pour l'entretien de l'enfant mineur par le parent qui n'en a pas la garde sont déductibles (2° du II de l'article 156 du code général des impôts).
15.En pratique, le débirentier peut déduire de ses revenus la pension versée pour les enfants dont la résidence habituelle n'est pas fixée à son domicile par la convention ou le jugement de divorce, et au titre desquels il ne bénéficie d'aucune majoration de quotient familial.
2 - Dans les situations de séparation de fait
a - Séparation de fait de contribuables mariés
16.Il s'agit des situations visées au a. et au c. de l'article 6 du code général des impôts dans lesquelles les époux font l'objet d'impositions distinctes.
17.Le parent qui n'a pas la garde de fait de l'enfant peut déduire de ses revenus les sommes versées pour l'entretien de celui-ci lorsqu'elles revêtent la forme d'une pension alimentaire au sens de l'article 205 du code civil (2° du II de l'article 156 du code général des impôts).
18.En pratique, le débiteur peut déduire de ses revenus les sommes versées pour l'entretien de l'enfant dont la résidence est fixée chez l'autre parent et au titre duquel il ne bénéficie d'aucune majoration de quotient familial.
b - Séparation de fait de contribuables non mariés
19.Les enfants naturels reconnus disposent des mêmes droits que les enfants légitimes vis à vis de leurs parents. Par suite, en cas de séparation de parents non mariés, par exemple de personnes vivant en concubinage, le parent qui n'assume pas la garde de l'enfant contribue à l'entretien de celui-ci en versant une pension alimentaire déductible de son revenu imposable (DB 5B 2421 n° 74 ).
C - EN CE QUI CONCERNE L'ATTRIBUTION DE CERTAINS CRÉDITS ET RÉDUCTIONS D'IMPÔT
1 - Au titre des frais de garde ou de scolarité des enfants
20.Les enfants âgés de moins de 7 ans au 31 décembre de l'année d'imposition ouvrent droit à une réduction d'impôt de 25 % au titre des frais que nécessitent leur garde, ceux-ci étant retenus dans la limite d'un plafond annuel de 2 300 € par enfant.
21.En outre, les enfants qui poursuivent des études secondaires ou supérieures ouvrent droit à une réduction d'impôt dont le montant varie en fonction du cycle d'enseignement (collège : 61 € ; lycée : 153 € ; enseignement supérieur : 183 €).
22.Ces avantages fiscaux sont accordés au parent qui bénéficie de la majoration de quotient familial.
2 - Au titre des autres dispositifs
23.Certains avantages fiscaux font également l'objet d'une majoration spécifique lorsque le foyer fiscal qui en bénéficie comprend un ou plusieurs enfants à sa charge. Tel est le cas :
- de la réduction d'impôt au titre des dépenses afférentes à l'habitation principale (article 199 sexies du code général des impôts) ;
- de celle accordée au titre de certaines primes d'assurance vie (article 199 septies du code général des impôts) ;
- du crédit d'impôt pour l'acquisition de certains gros équipements (article 200 quater du code général des impôts) ;
- et enfin, de la prime pour l'emploi (article 200 sexies du code général des impôts).
24.Ces avantages fiscaux sont accordés au parent qui bénéficie de la majoration de quotient familial.
II - CES DISPOSITIONS FISCALES SONT DESORMAIS INADAPTÉES AU DROIT DE LA FAMILLE
A - LA NOTION DE « GARDE JURIDIQUE » DE L'ENFANT A DISPARU ET LA SITUATION DES ENFANTS EN CAS DE RÉSIDENCE ALTERNÉE N'EST PAS RÉGLÉE
1 - La notion de « garde juridique » de l'enfant a disparu
25.Le code civil ne se réfère plus à la notion de garde contrairement à la législation fiscale où elle subsiste en matière d'attribution des majorations de quotient familial pour charge de famille en cas de séparation de corps ou d'instance en séparation ou de divorce (cf. n° 7 , 8 et 9 ; 12 et 13 ) et de déduction des pensions alimentaires (cf. n° 14 ).
26.La mise en cohérence du droit fiscal avec le droit civil sur lequel s'appuie la législation fiscale en la matière nécessitait par conséquent de définir un nouveau critère objectif et pertinent applicable dans toutes les situations de séparation, de droit ou de fait.
2 - La situation des enfants en cas de résidence alternée n'est pas réglée
27.Aux termes de l'article 196 du code général des impôts, un enfant ne peut être à la charge que d'un foyer au titre d'une même année d'imposition.
Ce principe confirmé de manière constante par la jurisprudence 3 conduit alors à attribuer l'intégralité de l'avantage de quotient familial à seulement l'un des deux parents alors que les deux contribuent à l'entretien de l'enfant.
Il en résulte une situation déséquilibrée d'autant plus sensible que les réductions ou crédits d'impôt attachés aux enfants à charge bénéficient au parent titulaire de l'avantage de quotient familial (cf. supra n° 20 à 24 ).
B - CETTE INADAPTATION A ÉTÉ CONFIRMÉE PAR LE CONSEIL D'ETAT
28.Saisi par la Cour administrative d'appel de Lyon au sujet de l'affaire " X... " , le Conseil d'Etat a émis l'avis suivant :
" II - Eu égard à l'évolution des dispositions du code civil relatives au divorce et à l'autorité parentale et notamment aux circonstances que, depuis la loi du 22 juillet 1987, l'autorité parentale peut être exercée en commun par les deux parents et que, depuis la loi du 4 mars 2002, ces dispositions ne font plus référence à la notion de garde juridique des enfants nés de parents séparés, divorcés ou en instance de séparation ou de divorce, il y a lieu, pour l'application des dispositions précitées, de retenir que le seul critère d'attribution de la majoration du quotient familial prévue au premier alinéa de l'article 194 de ce code est celui de la répartition, entre deux parents distinctement imposés, de la charge effective d'entretien et d'éducation des enfants mineurs nés de leur union, que ces parents soient séparés, divorcés ou en instance de séparation ou de divorce.
Pour la preuve de cette répartition, toute convention conclue par les parents, homologuée par le juge judiciaire et stipulant leurs contributions respectives à la couverture de cette charge fait foi jusqu'à preuve du contraire ; à défaut de convention cette preuve peut être apportée par tout moyen.
III - Lorsque la charge effective d'entretien et d'éducation d'un enfant est répartie de façon inégale entre ses parents séparés, divorcés ou en instance de séparation ou de divorce et distinctement imposés, le bénéfice de la majoration de quotient familial prévue au premier alinéa de l'article 194 du code général des impôts est acquis à celui d'entre eux qui justifie supporter la part principale de cette charge, quels que soient tant les modalités de résidence de cet enfant chez ses parents que le mode d'exercice de l'autorité parentale.
IV - Lorsqu'il est établi que la charge effective d'entretien et d'éducation d'un enfant mineur est répartie de façon égale entre ses parents séparés, divorcés ou en instance de séparation ou de divorce et distinctement imposés, il y a lieu, en l'absence de dispositions de la loi fiscale adaptant celle-ci à l'évolution du code civil, et pour assurer aux contribuables le bénéfice de l'avantage fiscal voulu par le législateur dans les limites que celui-ci a fixées, de procéder de la manière suivante :
- le bénéfice de la majoration du quotient familial est attribué à celui des parents que la convention homologuée par le juge judiciaire a expressément désigné à cette fin ;
- en l'absence d'une telle convention ou dans son silence, l'enfant est réputé à la charge de chacun de ses parents, au sens et pour l'application de l'article 196 du code général des impôts, mais n'ouvre droit, qu'à un avantage égal à la moitié de celui prévu au premier alinéa de l'article 194 et à l'article 197 de ce code pour un enfant de même rang. " .
29.Cet avis confirme l'inadaptation des règles actuelles et trace les voies d'une réforme.