SECTION 3 DÉROGATIONS À LA RÈGLE DE L'IMPOSITION PAR FOYER
2. Conditions de l'option.
a. Enfant isolé chargé de famille.
27Pour l'enfant célibataire, veuf, divorcé ou séparé, chargé de famille, le rattachement ne peut être demandé que s'il remplit, à titre personnel, les conditions pour pouvoir être compté à charge.
Cet enfant peut demander le rattachement à ses propres parents ou à l'un d'eux s'ils sont eux-mêmes divorcés ou imposés séparément (cf. n°s 19 à 21 ).
b. Enfant marié.
1 ° Personnes susceptibles de demander le rattachement du jeune ménage.
28Antérieurement, cette possibilité était réservée au « chef de famille » du jeune foyer, c'est-à-dire au mari. La suppression de la notion de « chef de famille », par la loi de finances pour 1983, a pour conséquence que le rattachement du jeune ménage peut être demandé par l'un ou l'autre des conjoints à compter de l'imposition des revenus de 1983.
Par suite, la demande peut même être faite par celui des époux qui ne satisfait pas personnellement aux conditions requises pour le rattachement, dès lors que celles-ci sont remplies par son conjoint (cf. DB 5 B 3121 ).
2° Contribuable bénéficiaire du rattachement.
29Comme par le passé, le rattachement est global et peut être demandé aux parents de l'un ou l'autre des jeunes époux ; lorsque les parents sont imposés distinctement, le rattachement peut s'effectuer au profit de l'un ou l'autre de ces parents. Bien entendu, le jeune ménage ne peut se rattacher qu'à un seul de ces contribuables.
En raison de la suppression de la notion de chef de famille, l'accord pour le rattachement peut être donné, pour les personnes mariées imposées conjointement, soit par le père, soit par la mère (cf. n°s 19 à 21 ).
3° Règles applicables en cas de mariage en cours d'année d'enfants âgés de plus de 18 ans.
30Voir ci-après DB 5 B 3121 .
3. Conséquences de l'option.
31L'option est opérée dans les mêmes conditions que pour les enfants majeurs célibataires.
Le rattachement entraîne, pour le parent qui en est bénéficiaire, l'obligation d'inclure dans son revenu imposable, les revenus perçus pendant l'année entière par l'enfant ou le jeune ménage ; en contrepartie, ce parent bénéficie d'un abattement, cf. DB 5 B 3121 .
Cette règle a une portée générale. Elle s'applique même pour l'année au cours de laquelle l'enfant, ou son conjoint suivant le cas :
- atteint l'âge de 21 ans, ou celui de 25 ans, s'il est étudiant ;
- commence et/ou finit son service national (cf. RM Couanau n° 64763, JO, déb. AN du 1er février 1993, p. 375) ;
- achève ses études avant 25 ans.
III. Enfants infirmes majeurs ou ayant fondé un foyer distinct
32Par enfants infirmes, il convient d'entendre les enfants qui, en raison de leur invalidité, sont hors d'état de subvenir à leurs besoins, qu'ils soient ou non titulaires de la carte prévue à l'article 173 du Code de la famille et de l'aide sociale.
Les enfants infirmes ont la qualité d'enfants à charge, quel que soit leur âge, mais, s'ils sont majeurs ou ont fondé un foyer distinct, ces enfants n'en ont pas moins la qualité de contribuables imposables sous leur propre responsabilité.
Cette situation entraîne les conséquences suivantes :
331° Les enfants infirmes peuvent, comme les autres enfants majeurs, opter pour le rattachement au foyer fiscal de leurs parents. Mais ce n'est pas une obligation ; à défaut d'option, ou de souscription d'une déclaration personnelle, ils sont considérés comme étant à la charge de leurs parents, au même titre que les mineurs (cf. n°s 2 et suiv. ).
Le service s'abstiendra donc d'exiger une option expresse de l'enfant infirme.
342° Les parents d'enfants majeurs infirmes peuvent renoncer au bénéfice du quotient familial et déduire une pension alimentaire.
Les parents sont donc en droit de déduire les subsides versés à leur enfant infirme âgé de plus de 18 ans au 1er janvier de l'année d'imposition. Bien entendu, les sommes ainsi déduites doivent rester dans la limite prévue par l'article 156-II-2° du CGI (cf. DB 5 B 2421 ) et dans celle des besoins de l'enfant.
353° Les enfants infirmes ayant fondé un foyer distinct peuvent demander le rattachement au foyer de leurs parents dans les mêmes conditions que les autres enfants qui ont fondé un foyer distinct.
Toutefois, les parents d'enfants infirmes mariés peuvent préférer renoncer au bénéfice du rattachement et déduire une pension alimentaire. Bien entendu, les sommes ainsi déduites doivent rester dans la limite prévue par l'article 156-II-2° du CGI (cf. DB 5 B 2421 ) et dans celle des besoins du ménage, compte tenu des revenus que le conjoint de l'infirme est en mesure de percevoir et de l'aide éventuelle fournie par les parents de ce conjoint.
C. IMPOSITION DISTINCTE DES CONJOINTS
36Aux termes de l'article 6-5 du CGI applicable à compter de l'imposition des revenus de l'année 1983, chacun des époux est personnellement imposable pour les revenus dont il a disposé pendant l'année de son mariage jusqu'à la date de celui-ci.
Le principe de l'imposition commune des époux défini par l'article 6-1 du CGI s'applique à compter de la date du mariage (cf. DB 5 B 121 ).
37Par dérogation à ce principe, et, conformément aux dispositions de l'article 6-4 du CGI applicable à compter de l'imposition des revenus de l'année 1983, les époux font l'objet d'une imposition distincte :
- lorsqu'ils sont mariés sous le régime de séparation de biens et ne vivent pas ensemble ;
- lorsqu'étant en instance de séparation de corps ou de divorce, ils ont été autorisés à résider séparément ;
- lorsque, l'un des époux ayant abandonné le domicile conjugal, ils disposent l'un et l'autre de revenus distincts.
Remarque : l'ancien article 6-3 du CGI (voir édition 1982) prévoyait que la femme mariée faisait l'objet d'une imposition distincte dans trois situations similaires.
L'article 2-VIII-3-a de la loi de finances pour 1983 entrant en vigueur pour l'imposition des revenus de l'année 1983 a prévu que les dispositions de l'article 6-3 susvisé s'appliquent dans les mêmes conditions à chacun des conjoints.
Dès lors, pour l'examen des cas d'imposition séparée des époux, la jurisprudence du Conseil d'État en cas d'imposition séparée de la femme mariée pour l'imposition des revenus des années antérieures à 1983 demeure applicable.
I. Époux séparés de biens et ne vivant pas sous le même toit
1. Les deux conditions prévues à l'article 64-a du CGI - séparation de biens et vie séparée des époux - doivent être simultanément remplies.
38La jurisprudence du Conseil d'État est en ce sens.
Le contribuable a dû ainsi apporter la preuve que sa femme, séparée de biens avait eu au cours de l'année d'imposition, une résidence distincte de la sienne (CE, arrêt du 21 mars 1960, n° 43229, RO, p. 47).
Par suite, la règle de l'imposition distincte ne pouvait jouer :
- dans le cas de deux époux qui, bien que séparés de corps et de biens, vivaient sous le même toit (CE, arrêt du 18 mai 1966, n° 60146, RO, p. 170) ;
- s'il était établi que la femme avait, durant l'année d'imposition, habité au domicile de son époux à différentes reprises (CE, arrêt du 21 mars 1960, n° 43229, RO, p. 47) ;
- lorsqu'un contribuable, même marié sous le régime de la séparation de biens, vivait en mauvaise intelligence avec son épouse, sans pour autant que les époux eussent cessé la vie commune (CE, arrêt du 16 juin 1971, n° 81220, RJ n° III, p. 150). La circonstance que l'épouse se refusait à faire connaître au mari le montant de ses revenus et entendait les déclarer directement à l'Administration ne pouvait justifier l'imposition distincte de la femme.
2. Dès lors que les deux conditions prévues par le texte légal sont réalisées, l'imposition distincte des époux doit s'appliquer sans qu'il y ait lieu de rechercher si la rupture de la vie commune provient de dissentiments entre les intéressés ou d'une cause indépendante de leur volonté.
39C'est ainsi que deux époux fonctionnaires, mariés sous le régime de la séparation de biens et ayant des résidences séparées, sont imposables individuellement s'il est établi qu'ils ne vivent pas en commun.
De même, l'imposition séparée des époux est susceptible de s'appliquer dans le cas d'un officier de la Marine nationale qui, au cours de l'année de l'imposition, a résidé à bord du navire dont il assurait le commandement alors que sa femme mariée sous le régime de la séparation de biens n'a pas cessé, durant la même année, d'habiter dans un appartement à Paris (CE, arrêt du 16 juin 1965, req. n° 62036, RO, p. 363).
Nota. - Au cas particulier, le foyer n'était nullement rompu et le mari se rendait à son domicile familial dans la limite de ses permissions.
Par ailleurs, lorsque les époux sont placés sous le régime de la communauté, la circonstance que le mari dispose d'un logement distinct ne suffit pas à elle seule à établir que toute vie commune a cessé entre eux et donc à justifier des impositions personnelles. Les intéressés s'étant, par la suite, séparés de biens, le seul fait qu'ils ne résident pas ensemble est, en revanche, de nature à justifier des impositions séparées (CE, arrêt du 22 décembre 1982, n° 32055).
II. Époux en instance de séparation de corps ou de divorce et résidant séparément
40Les époux font également l'objet d'une imposition distincte lorsqu'étant en instance de séparation de corps ou de divorce, ils résident séparément dans les conditions prévues aux articles 255 et suivants du Code civil, c'est-à-dire lorsque le juge les a autorisés à résider séparément (CGI, art. 6-4-b ).
Chacun des époux est soumis à l'impôt sur le revenu, à raison des différents revenus qu'il réalise ou dont il a la disposition quel que soit le sort de ces revenus dans le cadre de la liquidation ultérieure de la communauté.
À cet égard, il est précisé que la provision alimentaire servie à l'un des époux constitue un revenu imposable, même si elle a été qualifiée, dans le jugement, d'avance remboursable sur les droits de l'époux dans la communauté.
III. Époux ayant abandonné le domicile conjugal et disposant de revenus distincts
41Les époux font l'objet d'impositions distinctes en cas d'abandon du domicile conjugal, par l'un ou l'autre des époux, si chacun dispose de revenus distincts (CGI, art. 6-4-c ).
L'imposition distincte est subordonnée à deux conditions qui doivent être remplies simultanément :
- rupture du foyer ;
- disposition de revenus distincts par chacun des époux.
1. Rupture du foyer.
42L'habitation séparée des époux doit résulter d'une rupture effective du foyer et non de l'éloignement temporaire et accidentel des intéressés.
C'est ainsi que n'a pu être imposée distinctement une femme mariée sans revenus personnels, qui n'était ni séparée de biens ni en instance de séparation de corps ou de divorce et qui disposait avec le consentement de son mari d'une résidence propre, mais n'avait pas abandonné le domicile conjugal où elle faisait d'ailleurs des séjours périodiques (CE, arrêt du 6 décembre 1948, n°s 93137 à 93139, RO, p. 105).
De même, un contribuable n'a pu être regardé comme ayant abandonné le domicile conjugal du seul fait qu'il ne résidait plus depuis quelques années dans sa propriété où habitait son épouse. En l'espèce, l'époux se rendait fréquemment dans cette propriété pour en assurer la gestion et les époux, s'ils vivaient principalement chacun d'une activité professionnelle propre, avaient continué à agir de concert pour élever leurs enfants et pour gérer et accroître, par des acquisitions immobilières, leur patrimoine commun (CE, arrêt du 13 mai 1975, n° 78836, RJ, III, p. 97).
2. Revenus distincts.
43Chacun des époux doit disposer de revenus distincts, c'est-à-dire de revenus professionnels ou patrimoniaux.
À cet égard, il a été jugé que le fait pour la femme d'habiter un immeuble inclus dans la communauté ne permettait pas de la considérer comme disposant d'un revenu distinct justifiant son imposition séparée (CE, arrêt du 28 juin 1967, n° 69911).
Par ailleurs, les sommes qu'un contribuable marié, mais ayant abandonné sa femme, verse à cette dernière en exécution de l'obligation de secours entre époux, qui découle des articles 212 à 214 du Code civil, ne constituent pas des revenus distincts de la femme.
3. Exemples d'imposition en cas d'abandon du domicile conjugal.
44Les conditions auxquelles l'article 6-4-c du CGI subordonne l'imposition distincte des époux se trouvent remplies dans le cas :
- d'une femme mariée qui, ayant quitté le domicile conjugal, exploite un fonds de commerce et dispose ainsi de revenus distincts de ceux de son mari (CE, arrêt du 26 novembre 1958, n°41154) ;
- d'un contribuable qui, séparé de son épouse légitime, vit avec une autre femme (CE, arrêt du 20 juin 1962, n° 51226, RO, p. 116) ;
- d'une femme mariée qui, ayant cessé depuis plusieurs années toute vie commune avec son mari, vit habituellement dans une résidence personnelle distincte du domicile conjugal et dispose, en sa qualité de gérant majoritaire de société, de revenus distincts de ceux de son mari (CE, arrêt du 18 avril 1966, n° 63173, RO, p. 137).
Jugé également que :
- la femme exploitant un commerce et ayant donc des revenus distincts de ceux de son mari peut être imposée séparément lorsque le mari a fait l'objet d'une sommation par voie d'huissier d'avoir à rejoindre le domicile conjugal et s'y est refusé (CE, arrêt du 9 novembre 1966, n° 66546).
- qu'une épouse qui ne vit plus avec son époux, a des revenus distincts de son mari dès lors qu'elle perçoit une pension vieillesse et l'allocation du fonds national de solidarité (CE, arrêt du 12 février 1992, n° 89 844).