SOUS-SECTION 1 PENSIONS ALIMENTAIRES
TROISIÈME PARTIE
PRESTATIONS SERVIES LORSQUE LES PARENTS SONT IMPOSÉS SÉPARÉMENT
66La loi n° 75-617 du 11 juillet 1975 a profondément modifié la législation du divorce et en particulier les conséquences qui en résultent pour les époux et les enfants, sur le plan des intérêts pécuniaires.
Par ailleurs, la loi n° 87-570 du 22 juillet 1987 (JO du 24) a modifié les règles de l'exercice de l'autorité parentale dans le cas de divorce, séparation de corps, instance en divorce ou séparation de corps.
Le régime actuel du divorce et de la séparation de corps est entré en application le 1er janvier 1976, mais l'article 24 de la loi du 11 juillet 1975 susvisée prévoit, lorsque la requête initiale a été présentée avant l'entrée en vigueur de ce régime, que l'action en divorce ou en séparation de corps est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne.
Dans ce cas, le jugement rendu après l'entrée en vigueur de la loi nouvelle produit les effets prévus par la loi ancienne, étant précisé, cependant, que le parent qui assure à titre principal la charge d'enfants majeurs ne pouvant pas eux-mêmes subvenir à leurs besoins peut demander à son conjoint de lui verser une contribution à leur entretien et à leur éducation (Code civ., art. 295).
Avant cette étude qui sera effectuée du double point de vue des époux (ou ex-époux) et des enfants, seront abordés, d'une part, le régime fiscal des versements opérés en cas de séparation de fait et, d'autre part, celui applicable aux pensions alimentaires servies aux enfants naturels.
Enfin, un tableau récapitulatif du régime fiscal applicable, depuis la réforme du divorce, aux prestations et indemnités susceptibles d'être attribuées en cas d'instance en divorce ou en séparation de corps, ou en cas de divorce et de séparation de corps figure en annexe à la présente sous-section.
A. SÉPARATION DE FAIT
I. Pensions alimentaires versées pour l'entretien des enfants dont le contribuable n'a pas la garde
67Chaque époux doit être considéré comme célibataire ayant à sa charge les enfants dont il a la garde (art. 194 du CGI).
68Dans cette situation, le tribunal n'ayant pas eu à décider de la garde de l'enfant, celui-ci est à la charge du parent qui en a la garde de fait.
69Le parent qui n'a pas la garde de l'enfant ne peut compter ce dernier à charge. Mais la pension alimentaire qu'il verse pour l'entretien de l'enfant est déductible de son revenu imposable.
II. Pensions alimentaires entre époux
70Lorsque les époux sont simplement séparés de fait, les sommes versées pour l'entretien du conjoint ne sont pas déductibles. Il en est ainsi même lorsque le mari a été condamné par un tribunal à servir une pension alimentaire à son épouse. En effet, l'article 156-II-2° du CGI en limitant les possibilités de déduction aux seuls cas de divorce, séparation de corps, ou d'instance en séparation de corps ou en divorce lorsque le conjoint fait l'objet d'une imposition séparée, a exclu les versements qui pourraient intervenir entre les époux séparés de fait (cf. toutefois n° 71 ci-dessous).
Mais, bien entendu, si le contribuable fait des versements à son conjoint pour l'entretien de ses enfants, il peut déduire ces versements de son revenu global s'ils constituent une pension alimentaire au sens des articles 205 et suivants du Code civil (cf. n°s 75 et suiv. ).
III. Déduction de la contribution aux charges du mariage
71La contribution des époux aux charges du mariage a un fondement distinct de la pension alimentaire. Elle résulte de l'article 214 du Code civil concernant les droits et devoirs des époux.
Chacun des époux est tenu de contribuer aux charges du mariage selon ses facultés, même si son conjoint n'est pas dans le besoin.
La contribution peut être exigée soit pendant la période de vie commune des époux soit en cas de cessation de la vie commune, sans dissolution du mariage.
Depuis l'imposition des revenus de 1991, la contribution aux charges du mariage est déductible 1 du revenu imposable de l'époux qui la verse lorsque deux conditions sont simultanément réunies :
- le montant de la contribution aux charges du mariage doit être fixée par le juge ;
- les époux doivent faire l'objet d'impositions distinctes. Cette condition suppose donc qu'ils se trouvent placés dans l'une des situations mentionnés aux a) ou c) du 4 de l'article 6 du CGI, c'est à dire qu'ils soient séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit ou que l'un ou l'autre des époux ait abandonné le domicile conjugal et que chacun d'eux dispose de revenus distincts.
Les sommes admises en déduction du revenu global du débiteur de la contribution aux charges du mariage sont corrélativement imposables entre les mains de l'époux bénéficiaire, dans les conditions prévues à l'article 80 quater du CGI.
B. PENSIONS VERSÉES AUX ENFANTS NATURELS
72La loi n° 72-3 du 3 janvier 1972 sur la filiation a sensiblement modifié les droits des enfants naturels à l'égard de leurs auteurs. Elle a supprimé la distinction faite précédemment entre les enfants naturels reconnus et les enfants « incestueux » ou « adultérins ». Ces dernières expressions ne sont d'ailleurs pas reprises par la loi qui parle seulement d'enfants naturels, ces derniers devant s'entendre de tous enfants nés de parents non mariés ensemble.
73Les enfants naturels entrent dans la famille de leur mère et dans celle de leur père, lorsqu'ils sont reconnus (Code civil, art. 334). Ainsi, les grands-parents peuvent être amenés à verser une pension alimentaire aux enfants naturels de leur propre enfant.
En outre, les articles 342 à 342-6 du Code civil leur permettent de réclamer des subsides à leur père présumé.
74Le tribunal n'ayant pas, en cette matière, à décider de la garde de l'enfant, celui-ci doit être considéré comme étant à la charge du parent qui en a la garde de fait.
Le parent de l'enfant naturel qui n'en a pas la garde ne peut compter ce dernier à charge. Mais la pension alimentaire (Code civil, art. 334) et les subsides (Code civil, art. 342 et suiv.) qu'il verse sont déductibles de son revenu global pour leur montant réel et justifié.
C. DIVORCE ET SÉPARATION DE CORPS ; INSTANCE EN DIVORCE OU SÉPARATION DE CORPS
I. Pensions alimentaires versées pour l'entretien des enfants mineurs dont le contribuable n'a pas la garde
75Les situations envisagées se rencontrent en cas de :
- divorce ;
- séparation de corps ;
- instance en séparation de corps ou en divorce lorsque les époux ont été autorisés à avoir des résidences séparées.
Avant d'examiner les modalités de déduction des pensions alimentaires, il convient de préciser les points suivants.
1. Précisions liminaires.
a. Appréciation de la garde de l'enfant.
76Le quotient familial des époux séparés de corps dépend du nombre des enfants dont chacun d'eux a, sur le plan fiscal, la garde en vertu de la convention des époux homologuée par le jugement de séparation sans qu'il ait lieu de tenir compte des conditions dans lesquelles la charge de ces enfants a été en fait assurée au cours de l'année d'imposition (CE, 16 septembre 1998, n° 151208, 9ème et 8ème s.-s., X... ).
La même solution s'applique au cas des époux en instance de divorce ou de séparation de corps lorsqu'ils ont été autorisés à avoir des résidences séparées (b du 4 l'article 6 du CGI).
2° En cas de divorce.
- Rappel des dispositions applicables en matière civile.
77L'article 287 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 établit le principe de l'autorité parentale conjointe.
Désormais, ce n'est donc que lorsque l'intérêt de l'enfant le commande que le juge peut, en considération des circonstances de fait, confier l'exercice de l'autorité parentale à seulement l'un des deux parents au domicile duquel la résidence habituelle de l'enfant est alors normalement fixée.
En cas d'autorité parentale conjointe, ce n'est qu'à défaut d'accord amiable entre parents ou si cet accord lui apparaît contraire à l'intérêt de l'enfant que le juge désigne le parent chez lequel les enfants ont leur résidence habituelle.
- Conséquences fiscales.
Deux situations doivent être distinguées :
78• Le juge a fixé le lieu de résidence habituelle des enfants au domicile de l'un des deux parents.
La majoration de quotient familial est en principe attribuée à ce parent.
Toutefois, l'avantage de quotient familial revient à l'autre parent lorsqu'il est établi que celui-ci assume en fait la charge exclusive des enfants (CE, 11 mars 1977, n° 3797, section).
Le parent qui ne bénéfice pas de la majoration de quotient familial peut déduire de son revenu imposable le montant de la pension alimentaire qu'il verse, à condition celui-ci ait été fixé par le juge.
Cette pension est, bien entendu, imposable entre les mains du parent bénéficiaire de la majoration du quotient familial (RM n° 596, André Delelis, sénateur, déb. Sénat du 14 août 1986, p. 1164 ; RM n° 27936, Jean-Louis Masson, député, JO, déb. AN du 28 septembre 1987, p. 5402 ; RM n° 21535, Delalande, JO, déb. AN du 26 février 1990, p. 851 et RM n° 64790, Thiémé, JO, déb. AN du 8 février 1993, p. 494) ;
79• Le juge n'a pas fixé le lieu de résidence habituelle des enfants (situation de la résidence partagée).
Dans cette situation, il appartient aux parents de désigner d'un commun accord celui d'entre eux qui doit bénéficier du quotient familial.
À défaut de cet accord, le bénéfice du quotient familial est réservé à celui des deux parents qui a les revenus les plus élevés, c'est-à-dire celui qui, en raison de ses moyens, est tenu d'apporter la contribution la plus importante à l'entretien de l'enfant.
b. Pension alimentaire versée au cours de l'année pendant laquelle le divorce ou la séparation est intervenu.
80Le contribuable peut déduire de son revenu imposable la pension alimentaire qu'il a versée à son conjoint pour son entretien et celui des enfants confiés à sa garde à compter de l'année au cours de laquelle la décision de justice est intervenue.
c. Pensions globalement fixées pour l'entretien de plusieurs enfants.
81Dans l'hypothèse où le montant de la pension versée pour l'entretien de plusieurs enfants aurait été fixé globalement par le tribunal, il convient d'admettre, à titre de règle pratique, que la répartition des pensions peut être effectuée par fractions égales (RM à M. Bonhomme, député, JO déb. AN du 29 mars 1975, p. 1135).
d. Frais entraînés par l'exercice du droit de visite.
82Les frais de l'espéce exposés par un contribuable à qui le jugement de séparation de corps ou de divorce n'a pas confié la garde de son enfant ne sont pas déductibles (CE, arrêts du 7 décembre 1959, n° 44401, RO p. 524, du 25 mai 1960, n° 44964, RO p. 91, du 1er octobre 1980, n° 17963). Ces dépenses connues de leur seul auteur constituent des dépenses d'ordre privé et ne sont donc pas susceptibles de venir en déduction du revenu imposable (RM à M. Max Gallo, JO déb. AN du 28 février 1983, p. 979, à M. Bernard Poignant, JO déb. AN du 23 mai 1983, p. 2304 et à M. Jean-François Chossy, JO déb. AN du 2 mai 1995).
De même ne sont pas déductibles les sommes qu'un mari divorcé -qui a obtenu la garde de ses enfants- verse à son ancienne épouse pour l'entretien des enfants pendant les périodes au cours desquelles cette dernière est autorisée à les recevoir.
Un contribuable divorcé qui verse pour l'entretien de son fils mineur une pension alimentaire indexée sur le SMIC n'est pas autorisé à déduire en plus, les frais de vacances et de cours particuliers dont il assure spontanément la charge (CE, arrêt du 14 octobre 1983, n° 40013).
e. Revalorisation de la pension alimentaire.
83 Aux termes de l'article 208 du Code civil, le juge peut même d'office et selon les circonstances de l'espèce, assortir les pensions alimentaires d'une clause de variation permise par les lois en vigueur.
84 Dès lors que la loi prévoyait désormais cette possibilité, il avait été décidé à compter du 1er janvier 1975 (RM à M. Lafay, député, JO déb. AN du 29 mars 1975, p. 1127) de revenir sur une mesure de bienveillance de 1971 permettant à l'époux divorcé de déduire après revalorisation spontanée les pensions versées pour l'entretien de ses enfants mineurs, et d'admettre uniquement en déduction le montant fixé par le juge. En conséquence, les revalorisations spontanées dues à l'initiative du contribuable ne pouvaient être prises en considération pour l'établissement de l'impôt. Toutefois, cette règle ne s'appliquait pas aux contribuables qui versaient une pension alimentaire pour l'entretien de leurs enfants en vertu d'un jugement rendu avant l'entrée en vigueur de la loi du 3 janvier 1972 et n'ayant pas fait l'objet, depuis lors, d'une instance en révision. Les intéressés pouvaient déduire de leur revenu la totalité de la pension revalorisée.
85 Les conséquences de cette doctrine se sont avérées trop rigoureuses dans certains cas. Elle contraignait, en effet, les contribuables divorcés à revenir devant le tribunal pour demander une revalorisation de la pension primitive et à engager à ce titre des dépenses supplémentaires. Dans ces conditions, il a paru possible d'admettre que les pensions alimentaires revalorisées spontanément soient déductibles pour l'intégralité de leur montant et d'étendre cette solution aux pensions servies pour l'entretien de l'ex-époux (cf. communiqué ministériel du 10 octobre 1980 et RM à M. Muller, JO déb. AN du 13 octobre 1980, p. 4315].
Cette mesure a trouvé sa première application pour l'imposition des revenus de l'année 1979.
En définitive, les pensions alimentaires versées pour l'entretien de l'enfant ou celui de l'ex-époux sont admises en déduction pour leur montant fixé par le juge.
Le jugement de divorce peut prévoir un mécanisme d'indexation.
Lorsque tel n'est pas le cas, les contribuables peuvent revaloriser spontanément le montant de la pension dans les limites de l'évolution du coût de la vie (cf. n° 87 ).
86 Ainsi, les pensions alimentaires versées pour l'entretien des enfants mineurs et revalorisées spontanément par le contribuable sont admises en déduction du revenu global du débiteur quelle que soit la date du jugement.
Bien entendu, la pension revalorisée n'est déductible que dans la mesure ou elle remplit les conditions posées par les articles 205 et suivants du Code civil. Elle doit notamment correspondre aux besoins de celui qui la reçoit et à la fortune de celui qui la verse.
Le complément de pension correspondant à la revalorisation spontanée constitue, au même titre que la pension principale, un revenu imposable entre les mains du bénéficiaire.
. Montant de la revalorisation.
87 À titre de règle pratique, doivent être admises en déduction les revalorisations volontaires dont le montant est resté compris dans les limites de l'évolution du coût de la vie.
À cet égard, le montant déductible des pensions alimentaires revalorisées est déterminé en appliquant au montant de la pension fixée par décision de justice le coefficient correspondant à la variation de l'indice moyen annuel des prix à la consommation depuis la date de cette décision. Cet indice est publié par l'INSEE (cf. en annexes les tableaux des coefficients de variation de l'indice moyen des prix à la consommation).
1 Les règles de revalorisation exposées au n° 87 sont applicables à la contribution aux charges du mariage qui remplit les conditions pour être admise en déduction.