B.O.I. N° 79 DU 7 AOÛT 2009
INTRODUCTION
1.L'article 81 B du code général des impôts (CGI), issu de l'article 23 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003) et modifié par l'article 54 de la loi de finances rectificative pour 2005 (n° 2005-1720 du 30 décembre 2005), a instauré en matière de traitements et salaires un régime spécifique d'imposition en faveur des « impatriés », qui complète celui dont bénéficient les salariés détachés auprès des quartiers généraux ou centres de logistique.
Ainsi, sont exonérés, sous certaines conditions et pendant une durée limitée, les suppléments de rémunération versés aux personnes appelées par une entreprise établie à l'étranger à occuper pendant une période limitée un emploi dans une entreprise établie en France (« impatriés »), en qualité de salarié ou de dirigeant (cf. BOI 5 F-12-05 ).
2.L'article 54 de la loi de finances rectificative pour 2005 précitée a modifié ce dispositif en réduisant de dix à cinq ans la condition de non-domiciliation antérieure en France et en le complétant par une exonération, dans une certaine limite, de la part de la rémunération des intéressés se rapportant à l'activité qu'ils exercent à l'étranger. Ces modifications s'appliquent respectivement aux personnes dont la prise de fonctions en France est intervenue à compter du 1 er janvier 2005 et pour l'imposition des revenus perçus depuis le 1 er janvier 2005 (cf. BOI 5 F-17-07 ).
3.Afin de renforcer l'attractivité du territoire national, l'article 121 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie instaure un nouveau régime spécial d'imposition en faveur des « impatriés », prévu à l'article 81 C du CGI et dont les dispositions ont été transférées par décret 1 sous l'article 155 B du même code. Il remplace le dispositif prévu à l'article 81 B du CGI qui continue toutefois de s'appliquer aux personnes dont la prise de fonctions en France est intervenue avant le 1 er janvier 2008.
4.Le nouveau régime d'imposition des impatriés apporte les améliorations suivantes :
- il est applicable aux salariés et aux dirigeants qui leur sont fiscalement assimilés directement recrutés à l'étranger par une entreprise établie en France et, sur agrément, à certaines personnes non salariées qui établissent leur domicile fiscal en France ;
- il offre une option entre, d'une part, un plafonnement global de l'exonération de la prime d'impatriation et de la part de la rémunération correspondant à l'activité exercée à l'étranger et, d'autre part, un plafonnement de la seule exonération de la part de la rémunération correspondant à l'activité exercée à l'étranger ;
- il permet aux impatriés de bénéficier d'une exonération d'impôt sur le revenu de 50 % de certains revenus de capitaux mobiliers, produits de la propriété intellectuelle ou industrielle et plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux perçus ou réalisés hors de France.
5.La présente instruction commente ces dispositions, à l'exclusion des règles applicables aux personnes qui ne sont pas imposables suivant les règles des traitements et salaires qui font l'objet d'une instruction distincte dans la division G de la série 5 FP du bulletin officiel des impôts.
6.L'article 121 de loi de modernisation de l'économie précitée comporte d'autres dispositions en faveur des personnes qui s'installent en France, notamment en matière d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et pour le plafonnement des impositions directes en fonction du revenu (« bouclier fiscal »). Ces dispositions font l'objet de commentaires détaillés dans des instructions distinctes du bulletin officiel des impôts.
Dans la présente instruction, les articles cités sont, sauf mention contraire, ceux du code général des impôts et de ses annexes et le terme « revenus passifs » désigne les revenus de capitaux mobiliers et les produits de la propriété intellectuelle ou industrielle.
Les dispositions de l'article 81 C ayant été transférées par décret 1 sous l'article 155 B, seul ce dernier article est cité dans la suite de l'instruction.
CHAPITRE 1 :
CHAMP D'APPLICATION DU NOUVEAU REGIME D'IMPOSITION DES « IMPATRIES »
7.L'article 155 B exonère, sous certaines conditions et pendant une durée limitée, certains éléments de rémunération et certains « revenus passifs » et plus-values de cession de valeurs mobilières réalisés par des personnes impatriées qui n'étaient pas antérieurement résidentes de France.
Section 1 :
Définition des salariés et dirigeants « impatriés »
8.Peuvent bénéficier pendant une période limitée (cf. n° 126 ) du régime spécial d'imposition prévu à l'article 155 B, les salariés et dirigeants appelés à occuper un emploi pendant une durée déterminée ou indéterminée dans une entreprise établie en France, soit par l'intermédiaire d'une entreprise établie à l'étranger, soit directement par l'entreprise établie en France.
A. SALARIES OU DIRIGEANTS
9.Outre les salariés, les personnes éligibles sont l'ensemble des dirigeants qui, mentionnés aux 1°, 2° et 3° du b de l'article 80 ter, leur sont fiscalement assimilés. Il s'agit :
- dans les sociétés anonymes 2 , du président du conseil d'administration, du directeur général, du directeur général délégué, de l'administrateur provisoirement délégué, des membres du directoire ainsi que de tout administrateur ou membre du conseil de surveillance chargé de fonctions spéciales ;
- dans les SARL, des gérants minoritaires ou égalitaires ;
- dans les autres entreprises ou établissements passibles de l'impôt sur les sociétés, des dirigeants soumis au régime fiscal des salariés.
B. SALARIES ET DIRIGEANTS APPELES POUR OCCUPER UN EMPLOI EN FRANCE
10.Le dispositif s'adresse aux personnes appelées par une entreprise étrangère auprès d'une entreprise établie en France ainsi qu'aux personnes recrutées directement à l'étranger par une entreprise établie en France.
I. Personnes appelées par une entreprise étrangère auprès d'une entreprise établie en France
11.Comme le régime prévu à l'article 81 B, le nouveau régime d'imposition des impatriés s'adresse aux personnes préalablement employées par une entreprise établie hors de France et appelées à exercer une activité dans une entreprise établie en France qui possède des liens avec l'entreprise d'origine, que ces liens soient de nature capitalistique, juridique, commerciale …
Il s'agit notamment des salariés détachés dans le cadre d'une mobilité intragroupe 3 , par exemple d'une société mère étrangère vers sa filiale établie en France.
12.La forme juridique de l'entreprise d'origine importe peu mais elle doit former une entité juridique existante, qui peut être, par exemple, un établissement stable, une succursale ou un bureau de liaison, à la date de la prise de fonctions du salarié ou du mandataire social.
II. Personnes recrutées directement à l'étranger par une entreprise établie en France
13.Le dispositif prévu à l'article 155 B peut également bénéficier aux personnes recrutées directement à l'étranger par une entreprise établie en France.
14.Au moment du recrutement, les personnes concernées peuvent donc, par exemple, déjà être employées dans une entreprise établie à l'étranger, exercer une activité à titre indépendant ou ne pas avoir d'activité (étudiants accédant à un premier emploi par exemple).
15.En revanche, les personnes venues exercer un emploi en France de leur propre initiative ou qui ont déjà établi leur domicile en France lors du recrutement demeurent exclues du régime spécial d'imposition des impatriés.
16.Le salarié (ou le dirigeant) devra donc être en mesure d'apporter la justification que, lorsqu'il a été recruté, son domicile réel était toujours fixé à l'étranger et qu'il ne l'avait pas déjà transféré en France. Cette justification peut résulter de multiples documents : pièces justificatives des contacts avec l'entreprise, justificatifs de domiciliation, justificatifs des déplacements effectués, situation familiale etc …
III . Précisions concernant l'entreprise dans laquelle l'impatrié occupe l'emploi
17.L'entreprise au sein de laquelle le salarié ou le dirigeant occupe un emploi en France doit y être établie, c'est-à-dire qu'elle doit disposer en France de son siège social ou d'un établissement, au sens de la définition donnée par la doctrine administrative sous la référence 4 H 1412 (n° 6 à 10).
18.La forme juridique de cette entreprise d'accueil importe peu.
19.Pour les salariés et dirigeants appelés par une entreprise établie hors de France à exercer une activité dans une entreprise établie en France avec laquelle elle possède des liens (cf. n° 11 ), il est admis que l'entreprise d'accueil puisse ne pas exister juridiquement à la date de la prise de fonctions de la personne impatriée, si l'objet de sa venue en France est la création de cette entreprise.
Section 2 :
Conditions liées à la domiciliation en France
20.Pour bénéficier du nouveau régime fiscal des impatriés, les salariés et dirigeants concernés :
- ne doivent pas avoir été fiscalement domiciliés en France au cours des cinq années précédant celle de leur prise de fonctions ;
- doivent être fiscalement domiciliés en France au sens des a et b du 1 de l'article 4 B.
A. CONDITION DE NON-DOMICILIATION ANTERIEURE EN FRANCE
21.Les personnes éligibles au nouveau dispositif sont celles qui, quelle que soit leur nationalité, française ou étrangère, n'ont pas été fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B ou, en cas d'application d'une convention fiscale internationale, qui n'ont pas été résidentes de France au sens de ladite convention, et cela au cours des cinq années civiles précédant celle de leur prise de fonctions dans l'entreprise établie en France.
22.La date de prise de fonctions s'entend de la date à laquelle commence effectivement l'exécution du contrat, soit de travail, soit de mandat social, au sein de l'entreprise située en France.
B. CONDITION DE DOMICILIATION EN FRANCE A COMPTER DE LA PRISE DE FONCTIONS
23.Les salariés et mandataires sociaux ne peuvent bénéficier du nouveau dispositif qu'au titre des années à raison desquelles ils sont fiscalement domiciliés en France au sens des a et b du 1 de l'article 4 B.
I . Appréciation de la condition de domiciliation en France
24.Seules les personnes qui ont leur foyer ou le lieu de leur séjour principal en France et qui y exercent une activité professionnelle à titre principal sont éligibles au régime prévu à l'article 155 B.
1. Personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal et le lieu d'exercice de leur activité professionnelle à titre principal .
a) Foyer ou lieu de séjour principal en France (art. 4 B, a du 1)
25.Le foyer s'entend du lieu où les intéressés habitent normalement, c'est-à-dire du lieu de la résidence habituelle, à condition que cette résidence en France ait un caractère permanent.
26.La condition de séjour principal est réputée remplie lorsque les contribuables sont personnellement et effectivement présents à titre principal en France. Peu importe que les intéressés vivent à l'hôtel ou dans un logement mis gratuitement à leur disposition.
En règle générale, doivent être considérés comme ayant en France le lieu de leur séjour principal les contribuables qui y séjournent pendant plus de six mois au cours d'une année donnée. Toutefois, en cas de séjour dans plus de deux pays au cours d'une année donnée, la France est considérée comme lieu de séjour principal si la durée du séjour en France est supérieure à celle des séjours effectués dans chacun des autres Etats.
En outre, il n'y a pas lieu de s'attacher à la règle des six mois pour l'imposition des revenus de l'année au cours de laquelle le contribuable acquiert un domicile en France ou, au contraire, transfère son domicile à l'étranger : l'imposition est alors établie en application des règles prévues aux articles 166 et 167 (cf. DB 5 B 63 ).
b) Exercice en France d'une activité professionnelle à titre principal (art. 4 B, b du 1).
27.Pour les salariés, le domicile fiscal est fonction du lieu où ils exercent effectivement et régulièrement leur activité professionnelle.
Lorsque les contribuables exercent simultanément plusieurs professions ou la même profession dans plusieurs pays, ils sont considérés comme fiscalement domiciliés en France s'ils y exercent leur activité principale, qui s'entend de celle à laquelle ils consacrent le plus de temps effectif, même si elle ne dégage pas l'essentiel de leurs revenus. Si un tel critère ne peut être appliqué, il convient de considérer que l'activité principale est celle qui procure aux intéressés la plus grande part de leurs revenus « mondiaux ».
Pour plus de précisions sur l'ensemble de ces notions liées à la domiciliation fiscale en France, il convient de se reporter à la documentation administrative 5 B 1121 .
2. Exclusions
28.Les personnes exerçant en France leur activité professionnelle mais qui n'y ont pas leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ou les personnes dans la situation inverse ne peuvent pas bénéficier du régime d'imposition prévu à l'article 155 B.
29.Il en est de même des personnes qui ont leur domicile fiscal en France en application d'autres fondements de droit interne ou sont résidentes de France au sens des conventions internationales si les deux conditions cumulatives mentionnées au a et b du 1 de l'article 4 B ne sont pas respectées. Il s'agit notamment :
- des personnes n'ayant en France que le centre de leurs intérêts économiques (c du 1 de l'article 4 B) ;
- des fonctionnaires et agents de l'Etat en service à l'étranger, c'est-à-dire des personnes exerçant leurs fonctions ou chargées de mission dans un pays étranger et non soumis dans ce pays à un impôt personnel sur l'ensemble de leurs revenus (2 de l'article 4 B).
3. Articulation avec la condition de résidence au sens des conventions internationales
30.Si l'application d'une convention internationale conduit à considérer que la personne impatriée n'est pas résidente de France au sens de ladite convention, et donc que son domicile fiscal n'est pas situé en France, alors même qu'elle respecte les conditions de domiciliation prévues aux a et b du 1 de l'article 4 B, le régime spécial d'imposition n'est pas applicable.
Il en est de même des personnes dont la résidence en France résulte uniquement de l'application des conventions internationales mais qui n'est pas établie au regard des a et b du 1 de l'article 4 B.
II. Modalités de mise en œuvre
1. Principe
31.Le respect des conditions liées à la domiciliation en France s'apprécie au titre de chacune des années d'application du dispositif.
Lorsque ces conditions ne sont pas respectées au titre d'une année, le bénéfice du régime d'imposition prévu à l'article 155 B ne s'applique pas au titre de l'année considérée.
Toutefois, le non-respect de ces conditions au titre d'une année ne remet pas en cause le bénéfice du régime pour les années antérieures ou postérieures, toutes les autres conditions étant par ailleurs remplies. La durée de l'exonération reste déterminée par référence à la date de prise de fonctions (cf. n° 22 et 126 ).
2. Cas particulier de l'année de la prise de leurs fonctions par les salariés et dirigeants
32.Les contraintes notamment professionnelles (période d'essai de l'intéressé, situation professionnelle du conjoint…) ou familiales (scolarité des enfants…) justifient d'admettre un délai raisonnable de quelques mois entre la prise de fonctions de la personne impatriée et l'installation en France de son foyer. Aussi, par mesure de tolérance, le non-respect de la condition prévue au a du 1 de l'article 4 B et de la condition de résidence en France au sens des conventions internationales ne fait pas obstacle à l'application du régime prévu au I de l'article 155 B dans les limites suivantes :
- si l'installation en France de son foyer intervient au cours de l'année civile de sa prise de fonctions ou de l'année suivante, la personne impatriée peut prétendre au bénéfice de l'exonération sur les rémunérations perçues depuis sa prise de fonctions, toutes conditions étant par ailleurs remplies 4 ;
- si l'installation en France de son foyer est retardée au-delà de la fin de l'année civile qui suit celle de la prise de fonctions, la personne impatriée ne perd pas définitivement le bénéfice du régime, mais peut, toutes conditions étant par ailleurs remplies, en revendiquer l'application à compter de l'année où la condition de domiciliation en France sera respectée.