SOUS-SECTION 4 INSTRUCTION DE L'APPEL
II. Les mesures d'instruction autres que l'expertise - Les modes de preuve
61Dans les instances relevant de la procédure spéciale, l'article R* 202-2 , al. 2 du LPF pose le principe du caractère exclusivement écrit de l'instruction et de l'exclusion des modes de preuve incompatibles avec ce caractère écrit.
Il en résulte que le conseiller de la mise en état ne peut ordonner ni une enquête, ni la comparution personnelle des parties, ni l'audition de témoins (cf. également 13 O 432 ).
En revanche, sont admissibles les mesures d'instruction confiées à un technicien (constatation, consultation, expertise), à la condition que leurs résultats fassent l'objet d'une consignation par écrit. Leur présentation orale (NCPC, art. 250, al. 2 et 257, al. 2) n'est donc pas possible.
Le conseiller de la mise en état peut également prescrire une vérification d'écriture (cf. 13 O 4322 ) et des modalités spéciales d'examen en cas d'inscription de faux (cf. 13 O 4323 ).
62Les dispositions de l'article R* 202-2 du LPF ne font pas obstacle à l'administration de la preuve, dans le cadre des conclusions écrites, par voie de présomptions de fait, d'aveu écrit ou d'attestations.
63Le nouveau Code de procédure civile admet en ses articles 151 et 170 qu'une mesure d'instruction puisse être décidée sous forme d'une simple mention au dossier ou au registre d'audience.
Toutefois, eu égard aux nombreuses exclusions évoquées ci-dessus, et afin de mettre la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la régularité de l'instruction, il est nécessaire que les décisions relatives aux mesures d'instruction revêtent, dans les instances relevant de la procédure spéciale, la forme d'une ordonnance (ou, le cas échéant, d'un arrêt avant dire-droit), conformément aux dispositions de l'article 170, al. 2 du NCPC.
III. L'expertise
64Pour tenir compte de l'ouverture du droit d'appel, les articles 3 et 4 du décret n° 98-127 du 4 mars 1998 ont apporté plusieurs modifications à la procédure spéciale d'expertise applicable aux instances ayant trait à la valeur vénale réelle de certains biens.
Le régime de cette procédure spéciale est décrit ci-avant 13 O 4321 à laquelle il convient de se reporter, sous le bénéfice des observations suivantes.
65Si, devant la cour d'appel, le champ d'application de la procédure spéciale d'expertise est le même qu'en première instance, sa mise en oeuvre est cependant soumise à une double condition posée par le nouvel alinéa 2 de l'article R* 202-3 du LPF.
Ainsi, l'expertise n'est pas accordée de droit si la partie qui l'a demandé l'a précédemment obtenue devant le tribunal de grande instance. Il en va de même si aucune des parties ne l'a demandée en première instance.
En définitive, la mise en oeuvre de la procédure spéciale d'expertise est conditionnée devant la cour d'appel, à l'existence d'une première expertise devant le tribunal de grande instance et à la présentation d'une demande en ce sens formulée par la partie ne l'ayant pas sollicitée en première instance.
66En outre, la cour d'appel, comme le tribunal de grande instance, ne sont tenus de faire droit à une demande d'expertise -toutes les conditions prévues par l'article R* 202-3 du LPF étant par ailleurs remplies- que si celle-ci est demandée dans le cadre de conclusions écrites (rappr. com. 7 mars 1995, n° 464 D, Droit fiscal 1995, n° 29, Comm. 1569).
67En cause d'appel, la décision ordonnant l'expertise peut revêtir la forme d'une ordonnance, si elle est décidée par le conseiller de la mise en état, ou d'un arrêt avant dire-droit si elle émane de la formation de jugement.
Cette décision désigne l'expert, fixe sa mission et le délai qui lui est imparti pour déposer son rapport au secrétariat-greffe (LPF, art. R* 202-4, al. 2).
68Dans sa nouvelle rédaction applicable tant devant le tribunal de grande instance que devant la cour d'appel, l'article R* 202-4 al. 1 du LPF ne permet la désignation que d'un seul expert.
69L'ordonnance décidant l'expertise n'est pas susceptible de recours indépendamment de l'arrêt sur le fond (NCPC, art. 914, al. 1).
70En cause d'appel, il incombe au secrétariat-greffe d'informer tous les avoués constitués du dépôt du rapport. Les observations des avoués sur ce rapport doivent être régulièrement formulées dans les deux mois suivants le dépôt au secrétariat-greffe.
71Bien entendu, les dispositions de l'article R* 202-3 du LPF ne font pas obstacle à ce que le conseiller de la mise en état, ou la cour d'appel, décide, s'il l'estime nécessaire, d'une mesure d'expertise dans le cadre du droit commun, prévue au nouveau Code de procédure civile, y compris dans le cas où les conditions de mise en oeuvre de la procédure spéciale d'expertise en cause d'appel ne sont pas réunies.
Mais tant la décision ordonnant la mesure que le déroulement de l'expertise et la présentation des conclusions du technicien doivent respecter le caractère écrit de l'instruction.
72Les dispositions de l'article R* 207-1, al. 2 du LPF, relatives aux frais d'expertise sont applicables en cause d'appel, et ce, quel qu'ait été le régime procédural de l'expertise diligentée.
D. LA PROCÉDURE DE RENVOI IMMÉDIAT À L'AUDIENCE
73Le second alinéa de l'article 910 du NCPC prévoit la possibilité d'une procédure accélérée d'instruction de l'affaire : si le président de la chambre à laquelle elle a été distribuée estime que l'affaire présente un caractère d'urgence ou semble pouvoir être jugée à bref délai, il fixe les jours et heures auxquels elle sera appelée.
Au jour dit, l'affaire ainsi fixée est évoquée à l'audience des causes, il est alors procédé conformément aux articles 760 à 762 du NCPC.
Soit le président estime, d'après les explications des avoués et au vu des conclusions échangées et des pièces communiquées, que l'affaire lui paraît prête à être jugée sur le fond : il renvoie alors l'affaire à l'audience (NCPC, art. 760, al. 1). Il procède de la même manière si le défendeur ne comparaît pas (défaut de constitution d'avoué), à moins qu'il n'ordonne la réassignation (NCPC, art. 760, al. 2). Dans ces deux cas, il déclare l'instruction close et fixe la date de l'audience qui peut être tenue le jour même.
Soit il peut également, s'il estime nécessaire que de nouvelles conclusions puissent être échangées, renvoyer à une nouvelle conférence, en fixant les délais nécessaires à la production des conclusions, et le cas échéant à la communication des pièces (NCPC, art. 761).
Toutes les affaires que le président ne renvoie pas alors à l'audience sont instruites selon la procédure de mise en état.
74Sans être incompatible avec la procédure spéciale, le circuit court d'instruction n'est admissible dans les instances relevant de cette procédure que dans le strict respect des dispositions des articles R* 202-2 et suivants du LPF.
Ainsi, et en tout état de cause, les avoués doivent être mis en mesure de produire leurs conclusions et de pouvoir solliciter pour ce faire les délais qu'ils estiment nécessaire, et, le cas échéant, de demander la procédure spéciale d'expertise.
En pratique, cette procédure d'instruction ne devrait être mise en oeuvre que dans des contentieux simples, relatifs à des questions de droit ayant déjà reçu une solution certaine de la jurisprudence.
E. L'ORDONNANCE DE CLÔTURE DE L'INSTRUCTION
75L'ordonnance de clôture de l'instruction (art. 782 du NCPC) doit intervenir en matière fiscale comme en toute autre (rappr. Com., 13 juin 1984, Bull. IV, n° 194 ; Com., 15 octobre 1985, Bull. IV, n° 238), mais ses effets sur la production des conclusions et la communication des pièces sont, dans le cadre de la procédure spéciale, très largement atténués par les dispositions de l'article R* 202-2 , al. 4 du LPF, rendues applicables devant la cour d'appel par l'article R* 202-6 nouveau du même livre.
Par ailleurs, la Cour de cassation a décidé que la clôture de l'instruction, au sens de l'article L. 199 C du LPF, est constituée par la mise en délibéré de l'affaire (Com., 9 mai 1990, Bull. IV, n° 140).
76Il résulte de la combinaison des deux textes précités -qui rendent sans objet les dispositions des articles 783 et 784 du NCPC- que l'ordonnance de clôture ne fait pas obstacle à la recevabilité des conclusions échangées et des pièces communiquées après son prononcé, sans qu'il soit besoin ni de révoquer cette ordonnance, ni d'invoquer une cause grave (Com., 15 octobre 1985 précité).
77Toutefois, la mise en oeuvre de ce principe appelle les observations suivantes. En premier lieu, l'article R* 202-2 du LPF fait obligation aux parties (ou en cause d'appel, aux avoués constitués) de solliciter les délais nécessaires à la présentation de leurs observations. La juridiction n'est ainsi nullement tenue d'accorder d'office de tels délais (Com., 16 juin 1975, Bull. IV, n° 167 ; Com., 21 janvier 1997, Bull. IV, n° 22).
Par ailleurs, devant la cour d'appel, dès lors que le prononcé de l'ordonnance de clôture ne dessaisit pas le conseiller de la mise en état, celui-ci reste compétent jusqu'au moment de l'ouverture des débats pour accorder les délais demandés (combinaison des articles 764, 779 al. 3 et 910 du NCPC). Mais, à compter de l'ouverture des débats, seule la cour d'appel peut encore accorder de nouveaux délais.
En cas d'application de la procédure accélérée prévue aux articles 760 et 761 du NCPC, c'est le président de la chambre saisie qui exerce ce pouvoir jusqu'à l'audience.
Dès lors qu'il est saisi d'une telle demande, le conseiller de la mise en état (ou le cas échéant, le président de la chambre saisie ou la Cour d'appel) est tenu d'y répondre. En revanche, il n'est pas tenu d'y faire droit s'il estime l'affaire en état d'être jugée.
La Cour de cassation a jugé que, lorsque le mémoire de l'administration a été signifié après l'ordonnance de clôture, le moyen tiré de la violation des droits de la défense est inopérant, dès lors que le contribuable n'a pas demandé au tribunal des délais pour préparer sa défense (Com. 27 janvier 1998, n° 284 D).
78L'ordonnance de clôture a enfin pour effet de renvoyer l'affaire à l'audience.