SECTION 2 MESURES SPÉCIALES D'INSTRUCTION
SECTION 2
Mesures spéciales d'instruction
1En matière de droits d'enregistrement, la procédure prévue aux articles R* 202-1 et suivants du LPF demeure essentiellement une procédure écrite (cf. 13 O 431 ). À cet égard, le caractère écrit de la procédure juridictionnelle fiscale a été réaffirmé par l'indication, au 2ème alinéa de l'article R* 202-2 du LPF modifié par le décret n° 98-127 du 4 mars 1998, que les modes de preuves doivent être compatibles avec le caractère écrit de l'instruction.
2Par suite, le tribunal ne saurait ordonner en ce domaine, ni une enquête, ni la comparution personnelle des parties, ni l'audition de témoins (Cass. civ., 5 novembre 1956, BOED I-7443 ; Cass. com., 20 avril 1970, RJ, n° IV, p. 63).
3En revanche, le tribunal peut prescrire une expertise 1 (sous-section 1), une vérification d'écriture (sous-section 2), et des modalités spéciales d'examen en cas d'inscription de faux (sous-section 3).
4Par ailleurs, on notera que la preuve par présomption et l'aveu écrit ne sont pas incompatibles avec la procédure écrite (cf. 13 O 1222 et 1223 ). De même, le tribunal peut procéder à une vérification personnelle des faits litigieux, encore que cela soit très rare.
SOUS-SECTION 1
Expertise
1L'article R* 202-3 du Livre des procédures fiscales prévoit une procédure spéciale d'expertise en matière de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière et d'impôt de solidarité sur la fortune, pour les instances touchant à la valeur vénale réelle de certains biens.
2En dehors de cette procédure spéciale, le tribunal peut 2 , dans les litiges qu'il est appelé à connaître en matière de droits d'enregistrement, commettre toute personne de son choix pour l'éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise. Ces mesures d'instruction doivent porter sur des questions de fait, et se concilier dans leur déroulement avec les règles spéciales instituées par la loi fiscale 3 .
3L'application des règles édictées par l'article R* 202-3 du LPF à l'expertise de droit commun est limitée à la compatibilité du déroulement de celle-ci avec la procédure écrite.
A. CHAMP D'APPLICATION DE LA PROCÉDURE SPÉCIALE D'EXPERTISE PRÉVUE PAR L'ARTICLE R* 202-3 DU LIVRE DES PROCÉDURES FISCALES
4La procédure spéciale d'expertise est de droit dans les instances engagées en matière de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière et d'impôt de solidarité sur la fortune et relatives à la détermination de la valeur vénale réelle :
- de biens immeubles, de fonds de commerce, y compris les marchandises neuves qui en dépendent, de clientèle, de navires ou de bateaux ;
- d'un droit à un bail ou au bénéfice d'une promesse de bail portant sur tout ou partie d'un immeuble.
B. DEMANDE D'EXPERTISE
I. Formes
5La demande d'expertise peut être présentée, soit par le redevable, soit par l'Administration.
6Sauf dans le cas d'irrecevabilité de la demande (par exemple, forclusion), l'expertise est de droit si elle est sollicitée par le redevable ou par l'Administration, quels que soient les motifs sur lesquels s'appuie la demande (LPF, art. R* 202-3 ). Le tribunal n'a en effet à apprécier ni l'opportunité, ni l'utilité d'une expertise régulièrement sollicitée.
Rien ne s'oppose, bien entendu, à ce que le tribunal ordonne d'office cette mesure d'instruction.
7L'expertise peut être demandée :
- soit, par voie d'assignation dans le délai de deux mois à compter du jour de la réception de l'avis portant notification de la décision de rejet de la réclamation ou après l'expiration du délai de six mois prévu à l'article R* 198-10 du Livre des procédures fiscales ;
- soit, dans un mémoire signifié postérieurement à l'introduction de l'instance engagée dans les délais indiqués ci-dessus.
Il est précisé que le tribunal de grande instance, n'est tenu de faire droit à une demande d'expertise -toutes les conditions prévues par l'article R* 202-3 du LPF étant par ailleurs remplies- que si celle-ci est demandée dans le cadre de conclusions écrites (rappr. com. 7 mars 1995, n° 464 D, Droit fiscal 1995, n° 29, Comm. 1569).
8La demande doit, enfin, être conçue en termes suffisamment précis et non équivoques.
II. Nombre et désignation des experts
9L'expertise est faite par un seul expert (LPF, art. R* 202-4, 1er al.).
Avant l'entrée en vigueur du décret n° 98-127 du 4 mars 1998 modifiant l'art. R* 202-4 précité, elle pouvait, toutefois, être confiée à trois experts :
- lorsque le tribunal l'estimait nécessaire ;
- ou à la. demande de l'une des parties.
10L'expert est nommé par le tribunal.
Lorsque la désignation de trois experts était possible, l " un était nommé par le tribunal, chacune des parties étant appelée à désigner le sien (LPF, art. R* 202-4, 1er al. ancien). Violait ce texte, le tribunal qui, après avoir annulé une expertise ordonnée par un précédent jugement, en avait confié une nouvelle à trois experts en précisant que l'expert antérieurement retenu par la redevable et qui avait déjà fait connaître son opinion devait être écarté des opérations et ne pouvait être à nouveau désigné par l'intéressée (Cass. com., 26 avril 1984, affaire X... , veuve Y... ). L'article susvisé n'apportait en effet aucune limitation au droit des parties de nommer leur expert.
Si les parties avaient chacune fait connaître d'avance dans leur assignation ou leur mémoire la personne qu'elles choisissaient comme expert, ou si elles avaient désigné leur expert à l'audience où l'expertise avait été ordonnée, le tribunal ratifiait le choix ainsi effectué et désignait lui-même dans son jugement le troisième expert.
Les parties qui n'avaient pas désigné leur expert respectif dans leur assignation ou leur mémoire étaient invitées à procéder à cette nomination.
III. Choix des experts
11Le juge a libre choix du technicien dont il requière les compétences, sous réserve du droit de récusation dont peut user chacune des parties (cf. ci-après n° 17 ).
12On observera qu'il est dressé chaque année tant en matière civile qu'en matière pénale une liste nationale et une liste par cour d'appel d'experts judiciaires (décret n° 74-1184 du 31 décembre 1974, art. 1er). Antérieurement, les parties pouvaient, bien entendu, choisir leur expert parmi les techniciens figurant sur cette liste.
C. JUGEMENT CONCERNANT L'EXPERTISE
13L'expertise est ordonnée par un jugement avant-dire droit.
Par ce jugement, le tribunal :
- ordonne la mesure d'instruction sollicitée ;
- désigne l'expert 4 ;
- fixe sa mission ;
- ordonne, le cas échéant, qu'il prêtera serment 5 ;
- précise, enfin, le délai dans lequel il est tenu de déposer son rapport au secrétariat-greffe (LPF, art. R* 202-4, 2e al.).
Aucun délai n'est imparti au tribunal pour ordonner l'expertise.
Le jugement doit être rendu en audience publique (LPF, art. 199 B). Il ne déroge, en effet, en aucune manière, par la forme, au principe général de la publicité des instances contentieuses.
Dès le prononcé de la décision nommant l'expert, le secrétaire-greffier lui en notifie copie par lettre simple.
Le jugement peut également être signifié à l'expert par la partie la plus diligente.
14Ce jugement ayant un caractère préparatoire n'est pas susceptible d'opposition dans le cas où il aurait été rendu par défaut.
En principe, l'appel ou le recours en cassation contre le jugement ordonnant une expertise ne sont ouverts qu'après le jugement définitif et conjointement avec lui (cf. NCPC, art. 150), sauf lorsque le jugement avant-dire droit contient des dispositions définitives (Cass. com., 7 décembre 1970 ; cf. également 13 O 4912, n° 2 ).
D. PROCÉDURE PRÉLIMINAIRE AUX OPÉRATIONS D'EXPERTISE
I. Droit des parties à l'exécution de l'expertise
15Lorsque le jugement ordonnant l'expertise est intervenu, les parties en présence (contribuable et Administration) ont droit à l'exécution de cette mesure d'instruction. Par suite, le contribuable ne peut renoncer à une expertise déjà ordonnée que s'il obtient l'accord de l'Administration.
16De son côté, le tribunal ne peut statuer au fond avant de connaître les résultats de l'expertise.
II. Récusation d'expert
17Le redevable et l'Administration ont le droit de demander la récusation de l'expert 6 .
Bien entendu, si un expert s'estime lui-même récusable, il doit immédiatement le déclarer au tribunal (NCPC, art. 234, 3e al.).
En l'absence de dispositions particulières de la loi fiscale, les règles de droit commun trouvent à s'appliquer.
Lorsque l'Administration entend faire récuser l'expert, la demande est présentée par le directeur compétent pour suivre l'instance.
La demande de récusation doit être motivée. Les causes de récusation sont les mêmes que celles concernant les juges (NCPC, art. 234) ; elles sont énumérées à l'article 341 du NCPC.
La demande est présentée devant le tribunal qui a commis l'expert intéressé. Elle doit parvenir avant le début des opérations ou dès la révélation de la cause de la récusation (NCPC, art. 234, 2e al.).
Si la récusation est admise, il est pourvu au remplacement de l'expert récusé (art. 235 du même code).
III. Démission ou empêchement d'un expert et remplacement
18Lorsqu'un expert n'accepte pas la mission qui lui a été confiée ou que par suite d'un empêchement légitime, il ne peut accomplir cette mission, ou encore s'il manque à ses devoirs, il est pourvu à son remplacement (NCPC, art. 235).
Dans cette dernière situation -manquement à ses devoirs- l'expert, après avoir au préalable produit ses explications, est remplacé soit à la demande des parties, soit d'office par le tribunal (ibid).
Dans les trois cas envisagés, le tribunal procède à la nomination d'un nouvel expert comme il est indiqué ci-dessus n° 10 .
E. OPÉRATIONS D'EXPERTISE
I. Fixation de la date d'expertise - Présence des parties
19L'expert avise les parties, par lettre recommandée avec accusé de réception (NCPC, art. 160), de la date, du lieu et de l'heure du premier rendez-vous 7 . Lorsque les opérations d'expertise sont en cours, les parties -comme, le cas échéant, leurs conseils (cf. 13 O 4315 )- sont avisés du prochain rendez-vous soit oralement, s'ils sont présents, soit par voie postale dans le cas contraire.
L'absence des parties aux opérations d'expertise n'est pas une cause de nullité si elles ont été régulièrement convoquées.
Ainsi, ne saurait être admis le moyen du redevable tendant à soutenir qu'il n'a pas assisté aux opérations d'expertise lorsqu'il est constaté, en fait, que toutes les mesures ont été prises pour que ce redevable puisse suivre les opérations et présenter ses observations (TGI Semur, 29 juillet 1924, RE 8567).
II. Incidents survenant au début de l'expertise
1. Demande de récusation d'expert.
20Lorsqu'au début de l'expertise, une cause de récusation d'un expert se révèle, la partie qui entend s'en prévaloir est fondée, conformément à l'article 234, 2e alinéa du Nouveau Code de Procédure civile, à demander au juge la récusation de cet expert.
2. Désistement.
21Le contribuable peut renoncer à l'expertise. Dans ce cas, et si l'Administration accepte le désistement, l'exécution de l'expertise devient inutile.
1 Cette expertise est même de droit dans les instances mentionnées à l'article R* 202-1 (2e al.) du LPF (portant sur la valeur vénale de différents biens), si elle est demandée par le contribuable ou par l'Administration (LPF, art. R* 202-3 ). En revanche, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 63-1316 du 27 décembre 1963, les parties ne peuvent plus demander de contre-expertise.
2 En pratique, ces procédures sont peu utilisées.
3 Lorsque, bien entendu, le litige entre dans le champ d'application de la procédure spéciale (cf. 13 O 4 ).
4 Avant l'entrée en vigueur du décret n° 98-127 du 4 mars 1998 modifiant l'art. R* 202-4 du LPF, dans le cas où l'expertise était confiée à 3 experts, le jugement indiquait l'expert nommé par le tribunal et celui choisi respectivement par chacune des parties.
5 Les experts judiciaires inscrits sur les listes instituées par l'article 2 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 et par le décret n° 74-1184 du 31 décembre 1974 sont dispensés de prêter serment.
En effet, ces experts prêtent serment à l'occasion de leur inscription sur la liste (décret n° 74-1184, art. 20). La réinscription annuelle ne donne pas lieu au renouvellement du serment (décret précité, art. 21). Par contre, l'expert qui, n'ayant pas été réinscrit l'année suivante sur les listes ou en ayant été radié, est à nouveau inscrit, doit prêter serment lors de cette nouvelle inscription (même décret, art. 22).
Les experts autres que ceux visés précédemment peuvent prêter serment devant les juges des tribunaux d'instance ou des tribunaux de grande instance.
6 Avant l'entrée en vigueur du décret n° 98-127 du 4 mars 1998 modifiant l'art. R* 202-4 du LPF, l'expertise pouvait être confiée à 3 experts (cf. ci-dessus). Dans ce cas, les deux parties pouvaient demander la récusation des deux experts qu'elles n'avaient pas choisis (l'expert désigné par l'autre partie, ainsi que celui désigné par le tribunal).
7 Lorsque trois experts étaient désignés (cf. n° 9 ci-dessus), cette initiative appartenait en règle générale à l'expert nommé par le tribunal qui faisait office de président du collège des experts.