SECTION 3 PROCÉDURE DE RÉPRESSION DES ABUS DE DROIT
SECTION 3
Procédure de répression des abus de droit
1Le principe général du respect des situations de droit privé a, pour l'administration, une double conséquence : d'une part, les conventions sont réputées sincères, et d'autre part, lorsqu'elles prévoient des obligations réciproques, ces obligations sont présumées être normalement équilibrées.
2En ce qui concerne l'équilibre des obligations, l'administration tient toutefois des pouvoirs généraux de contrôle qui lui sont reconnus par les textes en vigueur (cf. DB 13 L 11 ) le droit de rétablir l'exacte appréciation des contreparties sous le contrôle du juge de l'impôt et après consultation, le cas échéant, de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ou de la commission départementale de conciliation.
3Le service des impôts peut également restituer - en vertu des mêmes pouvoirs - leur véritable caractère à certaines opérations aboutissant, sous le couvert de contrats ou d'actes juridiques quelconques, à faire échec à la loi fiscale 1 .
Ce dernier droit est confirmé et précisé par les dispositions de l'article L. 64 du LPF. Ce texte prévoit que les actes dissimulant la portée véritable d'un contrat ou d'une convention sous l'apparence de stipulations donnant ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés, ou déguisant soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus, ou permettant d'éviter, soit en totalité soit en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires afférentes aux opérations effectuées en exécution de ce contrat ou de cette convention ne sont pas opposables à l'administration qui peut restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse.
4Toutefois, la remise en cause de la sincérité des actes ne peut revêtir, en toute hypothèse, qu'un caractère exceptionnel. Dès lors, en vertu des dispositions précitées, l'administration, lorsqu'elle veut restituer aux actes juridiques qui lui sont opposés leur véritable caractère et leur réelle signification, a la charge de la preuve de ce caractère, sauf lorsqu'elle établit l'imposition qui en résulte conformément à l'avis d'un comité consultatif qu'elle a la faculté de consulter ou qu'elle doit saisir si le contribuable en fait la demande (cf. DB 13 M 5 ).
L'article L. 64 du LPF n'a pas pour objet d'interdire au contribuable de choisir le cadre juridique qu'il juge le plus favorable du point de vue fiscal. Ce que cet article sanctionne est la dissimulation juridique, la création juridique purement artificielle, qui camoufle une situation au titre de laquelle les impositions sont légalement dues et qui continuent d'exister en réalité derrière les apparences juridiques créées (CE, arrêt du 10 juin 1981, req. n° 19079).
5Seront successivement examinés :
- le champ d'application de la procédure de répression des abus de droit (cf. DB 13 L 1531 ) ;
- sa nature et sa portée (cf. DB 13 L 1532 ) ;
- sa mise en oeuvre (cf. DB 13 L 1533 ).
6La sous-section 4 (DB 13 L 1534 ) reproduit les rapports annuels établis par le Comité consultatif pour la répression des abus de droit au titre des années 1995 à 2001.
TEXTES
LIVRE DES PROCÉDURES FISCALES
(en vigueur au 31 mars 2002)
Art. L. 64. - Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses :
a. Qui donnent ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés ;
b. Ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ;
c. Ou qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention.
L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel.
Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement.
Art. L. 64 A. - La procédure de répression des abus de droit définie à l'article L. 64 est applicable au contrôle de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Art. L. 64 B. - La procédure définie à l'article L. 64 n'est pas applicable lorsqu'un contribuable, préalablement à la conclusion d'un contrat ou d'une convention, a consulté par écrit l'administration centrale en lui fournissant tous éléments utiles pour apprécier la portée véritable de cette opération et que l'administration n'a pas répondu dans un délai de six mois à compter de la demande.
Art. R* 64-1. - La décision de mettre en oeuvre les dispositions prévues à l'article L. 64 est prise par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur divisionnaire qui vise à cet effet la notification de la proposition de redressement.
Art. R* 64-2. - Lorsque l'administration se prévaut des dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 64, le contribuable dispose d'un délai de trente jours à compter de la réception de la réponse de l'administration à ses observations pour demander que le litige soit soumis à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit.
1 S'agissant de la mise en cause de la sincérité des actes ou conventions, ces questions de droit n'entrent pas dans la compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, ni dans celle de la commission départementale de conciliation (cf. DB 13 M 2 et M 3 ).