Date de début de publication du BOI : 01/07/2002
Identifiant juridique : 13L1211
Références du document :  13L121
13L1211

SECTION 1 PRESCRIPTION DE L'ACTION DE L'ADMINISTRATION

SECTION 1

Prescription de l'action de l'administration

1Si, aux termes de l'article 2227 du code civil « l'État... (est) soumis aux mêmes prescriptions que les particuliers », la prescription en matière fiscale est régie par de nombreuses dispositions spéciales, de sorte que les règles de la prescription du droit civil ne trouvent qu'exceptionnellement à s'appliquer.

2Au regard de l'action fiscale, la prescription extinctive, que l'article 2219 du code civil définit comme « un moyen... de se libérer par un certain laps de temps, et sous les conditions déterminées par la loi », est la seule qui puisse jouer au profit des contribuables.

3II convient d'établir en matière fiscale une distinction entre l'action en reprise qui se rattache à l'assiette et au contrôle de l'impôt et l'action en recouvrement de l'administration.

La prescription examinée dans la présente section concerne le droit de reprise de l'administration dont la loi n° 63-1316 du 27 décembre 1963 a harmonisé les délais et unifié les modes d'interruption.

La prescription de l'action en recouvrement est traitée dans la DB 12 C 6 à laquelle il convient de se reporter.

4Aux termes de l'article L. 186 du LPF, la durée de l'exercice du droit de répétition ou de reprise de l'administration est limitée à dix ans à partir du jour du fait générateur de l'impôt (c'est-à-dire à la date de l'événement donnant naissance à la créance d'impôt) dans tous les cas où il n'est pas édicté de délai de prescription plus court. Cette prescription décennale, bien qu'elle constitue en matière fiscale la prescription de droit commun, ne s'applique, en réalité, qu'en matière d'impôt de solidarité sur la fortune, de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière, de droits de timbre, ainsi que de taxes, redevances et impositions assimilées ou recouvrées suivant les mêmes modalités, lorsque les conditions requises pour l'intervention de la prescription abrégée de trois ans prévue par l'article L. 180 du LPF ne sont pas remplies.

5En revanche, la prescription triennale prévue au 1er alinéa des articles L. 169 et L. 176 et à l'article L. 180 du LPF a une portée plus générale.

Elle peut, toutefois, être portée à six ans lorsque les conditions posées au 2ème alinéa des articles L. 169 et L. 176 du LPF (activités occultes) sont remplies (loi de finances pour 1997, art. 115 ; cf. DB 13 L 1218 ).

6Enfin, le délai de reprise peut être prorogé :

- en cas d'agissements frauduleux (LPF, art. L. 187  ; cf. DB 13 L 1216 ) ;

- en cas de recours à l'assistance administrative internationale (LPF, art. L. 188 A  ; cf. DB 13 L 1217 ).

7Après avoir exposé dans une première sous-section les diverses dispositions communes en matière de prescription, on examinera dans des sous-sections distinctes les règles propres à chaque catégorie d'impôts, aux différentes possibilités de prorogation des délais de prescription, ainsi qu'aux diverses pénalités et amendes fiscales.

SOUS-SECTION 1

Dispositions communes

  A. EFFETS DE LA PRESCRIPTION

  . I. Principes

1La prescription a pour effet d'éteindre l'obligation du contribuable par le seul écoulement du délai et, lorsqu'elle est acquise, elle équivaut au paiement de l'impôt.

Elle n'opère pas, cependant, de plein droit et doit être invoquée en justice par le débiteur, l'article 2223 du code civil interdisant aux juges de soulever d'office le moyen résultant de la prescription.

Mais elle peut être invoquée à tout moment de la procédure contentieuse, même pour la première fois en appel, à moins que les circonstances ne fassent présumer que le contribuable qui l'opposé avait antérieurement renoncé à s'en prévaloir (code civil, art. 2224).

Toutefois, le moyen tiré de la prescription étant mélangé de fait et de droit, ne peut pas être soumis à la Cour de cassation s'il n'a pas été antérieurement invoqué devant les juges du fond.

La prescription s'applique à la partie de l'impôt encore due. Les acomptes versés à valoir sur des droits ultérieurement atteints par la prescription ne sont pas restituables.

2Si les droits prescrits ne doivent pas être réclamés, le paiement spontané des droits simples prescrits, effectué en exécution d'une obligation naturelle, doit toutefois être accepté. Par contre, le paiement des pénalités prescrites doit être refusé.

  II. Renonciation à la prescription

3Les contribuables ne peuvent pas renoncer d'avance à la prescription, mais peuvent renoncer à la prescription acquise (code civil, art. 2220). Cette renonciation peut être expresse ou tacite (code civil, art. 2221).

Le paiement spontané de droits simples prescrits constitue une renonciation tacite. Toute demande de restitution ultérieure concernant les droits ainsi acquittés est irrecevable, le contribuable ayant exécuté volontairement une obligation naturelle, que la prescription laissait subsister (code civil, art. 1235).

4Par contre, l'action en restitution du contribuable est recevable lorsque les droits simples prescrits ont été versés à la demande expresse de l'administration, l'exécution, dans ce cas, n'ayant pas été volontaire.

De même, sont restituables les pénalités acquittées après l'échéance de la prescription, volontairement ou non, car il n'y a pas d'obligation naturelle à leur paiement.

5La renonciation ne produit d'effet qu'à l'égard du contribuable qui a renoncé. Elle ne peut être invoquée à l'encontre de ses codébiteurs ou de ses cautions.

  B. EXCEPTIONS AUX RÈGLES GÉNÉRALES DE LA PRESCRIPTION

  I. Déchéance du bénéfice d'avantages fiscaux résultant d'un agrément administratif ou d'une convention passée avec l'État (CGI, art. 1756)

6Aux termes du 1 de l'article 1756 du CGI, lorsque les engagements souscrits en vue d'obtenir un agrément administratif ne sont pas exécutés ou lorsque les conditions auxquelles l'octroi de ce dernier a été subordonné ne sont pas remplies les contribuables sont déchus du bénéfice des avantages fiscaux attachés à l'agrément. Les effets de la déchéance peuvent toutefois, être limités, par décision ministérielle, à une fraction des avantages obtenus du fait de l'agrément.

Le 2 de l'article précité édicte la même déchéance lorsque les bénéficiaires d'avantages fiscaux accordés du fait d'un agrément administratif ou d'une convention passée avec l'État se rendent coupables d'une infraction fiscale reconnue frauduleuse par une décision judiciaire ayant autorité de chose jugée.

7Dans les deux cas, les impôts dont les contribuables ont été dispensés, soit depuis la date de l'agrément, soit depuis celle de l'infraction, deviennent immédiatement exigibles nonobstant toutes dispositions contraires.

Aucune prescription ne peut être opposée à l'administration en ce qui concerne ces rappels d'impôts (cf. DB 13 D 92 ).

  II. Compensations opposées par l'administration aux contribuables dans le cas de réclamations contentieuses (LPF, art. L. 203)

8Aux termes de l'article L. 203 du LPF, lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande (cf. DB 13 O 14 ).

  III. Prorogation des délais de reprise

9Le délai général de reprise peut être prorogé dans les cas :

- d'agissements frauduleux.(LPF, art. L. 187  ; cf. DB 13 L 1216 ) ;

- de recours à l'assistance administrative internationale (LPF, art. L. 188 A  ; cf. DB 13 L 1217 ) ;

- d'activités occultes (cf. DB 13 L 1218 ).

  C. INTERRUPTION DE LA PRESCRIPTION DU DROIT DE REPRISE DE L'ADMINISTRATION

  I. Modes d'interruption de la prescription

10Aux termes de l'article L. 189 du LPF, la prescription est interrompue :

- par la notification d'une proposition de redressement ;

- par des déclarations ou notifications de procès-verbaux ;

- par tous actes comportant reconnaissance des redevables ;

- ou par tous autres actes interruptifs de droit commun.

Pour les règles particulières concernant la prescription des pénalités fiscales, cf. DB 13 L 1219 .

11Par ailleurs, la notification d'un avis de mise en recouvrement interrompt également la prescription courant contre l'administration et y substitue la prescription quadriennale de l'action en recouvrement de l'article L. 275 du LPF.

Les autres actes interruptifs du droit commun sont ceux visés à l'article 2244 du code civil, c'est-à-dire la citation en justice, le commandement et la saisie.

12Seuls seront examinés ci-après les modes d'interruption de prescription du droit de reprise de l'administration, à l'exclusion des actes de poursuites, tels que le commandement et la saisie qui n'ont d'effet interruptif qu'à l'égard de la prescription de l'action en recouvrement des comptables du Trésor ou de la Direction générale des impôts (cf. DB 12 C 6 ).

1. Notification de redressements.

13Une notification de redressements ou de base d'imposition peut être adressée, par pli recommandé avec avis de réception, au contribuable dans les cas suivants :

- soit, dans le cadre de la procédure de redressement contradictoire (cf. DB 13 L 151 ) ;

- soit, lorsque le service a procédé à la taxation ou à l'évaluation d'office des bases d'imposition (cf. DB 13 L 155 ).

14La notification de redressement fait, en principe, courir une prescription semblable à celle qu'elle a pour effet d'interrompre.

Il a été cependant jugé, à plusieurs reprises, qu'une notification de redressements faite dans les délais a pour effet d'ouvrir à l'administration un nouveau délai dont la durée est régie par les textes en vigueur lors de son point de départ, c'est-à-dire dans leur rédaction applicable au moment où est intervenue la notification de redressement (CE, arrêts des 5 octobre 1973, n° 83169, RJ n° IV, p. 97, 4 juin 1975, n° 92483 et 28 novembre 1979, n° 10150).

Il a été également jugé que, dans le cas où le service a adressé au contribuable, dans le délai de répétition, plusieurs notifications de redressement se rapportant à la même période d'imposition, l'administration dispose, pour mettre en recouvrement l'imposition afférente à ces redressements, d'un délai courant à compter de la dernière notification, alors même que certains redressements n'ont pas été mentionnés à nouveau dans les actes interruptifs successifs (CE, arrêt du 28 novembre 1979, n° 10150).

En revanche, la prescription n'est interrompue :

- ni par l'envoi d'une lettre postérieure confirmant les redressements précédemment notifiés ;

- ni par la notification au contribuable de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ou de la commission départementale de conciliation.

De fait, pour que la prescription soit interrompue, la notification ne doit pas être entachée d'irrégularité et doit parvenir à son destinataire dans le délai de reprise.

Par ailleurs, la prescription demeure interrompue même en cas de changement ultérieur des motifs du redressement.

a. La notification ne doit pas être entachée d'irrégularité.

15Pour que la prescription soit interrompue, la notification doit être conforme aux conditions légales de validité (cf. DB 13 L 1513 ).

À cet égard, elle doit, notamment, satisfaire aux exigences posées par l'article L. 57 du LPF qui dispose qu'une notification de redressement doit être motivée de manière à permettre au contribuable de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.

16Ainsi, une notification de redressement adressée dans le cadre de la procédure contradictoire n'est interruptive de la prescription que si, non seulement elle désigne l'impôt concerné, l'année d'imposition et la base d'imposition mais aussi si elle énonce les motifs des redressements envisagés (CE, arrêts des 19 mars 1984, n° 44402 et 4 décembre 1985, n° 41123).

17Il en est de même pour les notifications de redressements opérées, à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'un contribuable dans le cadre de la taxation d'office prévue par l'article L. 69 du LPF en cas de défaut de réponse à une demande d'éclaircissements ou de justifications.

En effet, contrairement aux autres cas de procédures d'office, les redressements effectués sur la base de ce texte ne peuvent pas être seulement portés à la connaissance du contribuable pour qu'il en soit simplement informé ; ils doivent lui être notifiés de façon motivée afin de lui permettre d'exprimer son accord ou de présenter des observations et, le cas échéant, de demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.

18Par contre, l'énonciation des motifs des redressements n'est pas nécessaire dans le cadre des autres procédures d'office pour que la notification ait un effet interruptif ; il suffit que cette dernière fasse état de l'impôt concerné, de l'année, de la base et des éléments servant au calcul de l'imposition ainsi que des modalités de leur détermination (LPF, art. L. 76).

b. La notification doit parvenir à son destinataire en temps opportun.

1° Principes généraux.

19Pour pouvoir se prévaloir des effets attachés à une notification, dont l'interruption de la prescription, l'administration doit être en mesure d'apporter la preuve de l'envoi du pli recommandé avec avis de réception à l'adresse indiquée par le contribuable ainsi que sa réception par le destinataire (CE, 23 février 1987, n° 56362).

En cas de contestation, l'administration est tenue de présenter, devant le juge de l'impôt, l'avis de réception postal, dûment daté et signé, qui fait foi de l'adresse à laquelle le pli a été envoyé, de la date de remise de la lettre (CE, 7 novembre 1986, n° 56167) et de la qualité du destinataire (CE, 29 juin 1981, n° 26228 et 13 novembre 1998, n° 164143) [voir également DB 13 L 1513, n os21 à 23 ].

20L'interruption de la prescription prend effet :

- le jour de la remise du pli recommandé ;

- à la date de la présentation à domicile (avis d'instance 1 ) de ce pli, lorsque la distribution ne peut avoir lieu du fait du destinataire.

21Lorsque la notification est remise directement au contribuable, qui en accuse réception sur le double conservé par le service, la prescription est interrompue à cette date (CE, 1er décembre 1982, n° 27387).

1   Il est rappelé que, depuis le 1er juin 1990, la règlementation postale ne prévoit le dépôt, en cas d'absence du destinataire, que d'un seul avis d'instance (cf. DB 13 L 1513, n° 19 ).