SOUS-SECTION 2 OPÉRATIONS INTERVENANT DURANT LA LIQUIDATION
SOUS-SECTION 2
Opérations intervenant durant la liquidation
1Diverses opérations sont susceptibles d'intervenir durant la liquidation. Le régime fiscal de ces opérations est précisé ci-après en ce qui concerne les cessions de droits sociaux et les ventes des biens sociaux.
A. CESSIONS DE DROITS SOCIAUX
I. Droits exigibles
2Dans les sociétés jouissant de la personnalité juridique, les associés ne possèdent que des droits incorporels mobiliers pendant toute la durée de la personne morale, y compris pendant la période de liquidation.
En conséquence, la cession de ces droits n'est généralement passible notamment durant cette période, que du droit proportionnel prévu à l'article 726 du CGI. Bien entendu, il y a lieu, le cas échéant, de faire application de la présomption prévue à l'article 727 dudit code, selon laquelle les cessions de parts sociales, dans les sociétés dont le capital n'est pas divisé en actions, sont considérées comme ayant pour objet les biens en nature représentés par les titres cédés, lorsqu'elles interviennent dans les trois ans de la réalisation définitive de l'apport fait à la société (cf. DB 7 D 52).
3Mais certaines cessions de droits sociaux intervenues au cours de la liquidation en déterminent la clôture et ont pour effet de faire disparaître immédiatement la personnalité morale de la société. Les associés deviennent alors copropriétaires indivis de l'actif social. Dès lors, les cessions que les intéressés font de leurs droits constituent de véritables ventes des biens en nature composant le fonds commun, entraînant l'exigibilité des droits de mutation ordinaires au tarif prévu pour chacun des biens composant l'actif social (cf. ci-dessous n°s 4 et suiv. ).
II. Règles applicables pour l'exigibilité du droit de mutation ordinaire
4Lorsque des cessions de droits sociaux entraînent la dissolution de la société (cf. ci-dessus n° 3 ) les actes constatant ces cessions donnent ouverture aux droits de mutation ordinaires afférents à la nature des biens composant le fonds commun.
Dans cette situation, l'application des règles de perception de ces droits diffère suivant que la cession est consentie à un tiers non associé ou à un associé.
1. Cessions consenties à un tiers.
5La cession de tous les droits sociaux à un tiers constitue une véritable vente du fonds social.
Cette cession est donc passible du droit de vente, d'après la nature des biens, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre les apports et les acquêts sociaux.
L'impôt est dû sur l'intégralité du montant du prix augmenté des charges, y compris éventuellement le passif social à acquitter par l'acquéreur. Le prix et les charges sont, s'il y a lieu, répartis proportionnellement entre les divers éléments qui composent la masse sociale. Si les biens cédés comprennent à la fois des meubles et des immeubles, le droit est perçu sur la totalité du prix au taux prévu pour les immeubles, à moins qu'il ne soit stipulé un prix particulier pour les objets mobiliers et qu'ils ne soient désignés et estimés, article par article, dans le contrat (CGI, art. 735 ; cf. DB 7 C 15).
2. Cessions consenties à un associé.
6Quand la cession ayant pour objet une part indivise des biens sociaux est consentie à un associé, il convient de distinguer suivant que la société est ou non passible de l'impôt sur les sociétés (cf. DB 7 H 112 ).
Dans le cas où la société en cause n'est pas passible de cet impôt, les règles prévues pour les licitations (cf. DB 7 F 231) doivent en effet être combinées avec les principes de la théorie de la mutation conditionnelle des apports.
a. Sociétés non passibles de l'impôt sur les sociétés 1 .
1° Théorie de la mutation conditionnelle des apports.
- Principe.
7 En vertu de la doctrine administrative, consacrée par une jurisprudence constante et confirmée par le législateur (CGI, art. 727-I-4°), selon laquelle l'apport pur et simple est réputé n'opérer ultérieurement la mutation du bien apporté que sous la condition suspensive de l'attribution effective de ce bien, au moment où il sortira du patrimoine social, à un associé autre que l'apporteur, l'apport pur et simple en société est exonéré du droit de mutation à titre onéreux.
Ainsi, depuis le 1er janvier 1992, l'apport pur et simple est enregistré au droit fixe de 1 500 F 2 .
L'impôt de mutation devient rétroactivement exigible sur l'acte d'apport si la condition se réalise, c'est-à-dire si le bien apporté est attribué à un associé autre que l'apporteur (cf. ci-dessous, n° 17 ).
Au contraire si ce bien est attribué à l'apporteur, celui-ci est censé n'avoir jamais cessé d'en être propriétaire, et aucune imposition ne doit être perçue.
- Domaine d'application de la théorie.
8 Le domaine d'application de la théorie de la mutation conditionnelle des apports ne couvre que certains biens attribués à un associé en cours ou en fin de société quelle que soit la nature de l'acte constatant cette attribution.
• Nature des biens.
9 La théorie de la mutation conditionnelle des apports s'applique exclusivement aux apports purs et simples de corps certains.
En revanche, ne constituent pas des biens apportés visés par la théorie de la mutation conditionnelle :
- les choses fongibles qui sont considérées, même au point de vue fiscal, comme devenant immédiatement la propriété de la société ;
- les acquêts sociaux, c'est-à-dire les biens apportés à titre onéreux, ceux acquis des tiers par la société et la plus-value résultant pour les apports purs et simples soit d'impenses et de construction faites par la société ; soit de l'industrie des associés (augmentation de la clientèle d'un fonds de commerce, par exemple).
10 Il est admis, au surplus, que les marchandises qui se trouvent dans un fonds de commerce au moment de la cession représentent celles qui avaient été apportées, jusqu'à concurrence de leur valeur, et que l'excédent constitue un acquêt social (Cass., req. 25 avril 1914). Cette solution s'applique également au matériel d'une usine ou d'un fonds de commerce qui se renouvelle constamment au cours de la société.
• Personnes attributaires.
11 Dans le cas de cessions de parts, la théorie de la mutation conditionnelle s'applique seulement si le corps certain apporté à titre pur et simple est attribué à un associé. Il importe peu que l'associé auteur de l'apport soit entré dans la société postérieurement à sa constitution, soit qu'il ait effectué l'apport dont il s'agit à la suite d'une augmentation de capital, soit qu'il ait lors de l'acquisition des droits sociaux de l'apporteur, acquitté dans les conditions prévues par l'article 727 du CGI (cf. DB 7 D 52) le droit de mutation à titre onéreux sur les biens représentés par les titres cédés, soit qu'il ait recueilli les droits sociaux en qualité d'héritier ou de donataire.
12 Si le bien est vendu à un tiers, le droit de mutation à titre onéreux est exigible sur cette vente dans les conditions ordinaires et ne peut donc plus être réclamé sur l'apport en société.
• Nature des actes.
13 La théorie trouve son application dés lors que le sort du bien apporté est définitivement fixé par son attribution à un associé.
Elle peut donc jouer sans qu'il y ait à distinguer suivant que cette attribution :
- comporte le versem.ent d'un prix (cession ou licitation, cf. ci-dessous n° 17 ) ou non (partage, cf. DB 7 H 42 ) ;
- ou intervient au cours de l'existence de la société (attribution de biens sociaux à un associé à l'occasion d'une réduction de capital ou lors de la disparition de la personnalité morale ; partage de la société dissoute).
2° Application de la théorie aux cessions et licitations au profit d'un associé.
14Les règles qui viennent d'être énoncées conduisent à distinguer les hypothèses suivantes.
- La cession a pour objet des acquêts sociaux (ou des apports de choses fongibles).
15La cession présente les caractères d'une licitation et le droit de mutation n'est dû de ce chef, que sur les parts acquises dans l'acte de cession.
- La cession a pour objet des apports de corps certains émanant du cessionnaire.
16L'associé cessionnaire étant réputé, dans cette hypothèse, n'avoir jamais cessé d'être propriétaire des biens faisant l'objet de la cession, aucun droit de mutation n'est exigible. Toutefois, s'il s'agit d'immeubles ou de droits immobiliers, la taxe de publicité foncière est exigible au taux de 0,60 % (CGI, art. 678).
- La cession a pour objet des apports de corps certains émanant d'associés autres que le cessionnaire.
17Dans ce cas, le droit de vente est rétroactivement exigible sur l'acte, qui a constaté lesdits apports. Il en est ainsi même si le cessionnaire a acquis en cours de société les parts ou actions de l'associé apporteur.
Cependant, le droit de mutation n'est pas dû si le cessionnaire a recueilli les droits en qualité d'héritier ou de donataire de l'apporteur ou s'il a, lors de l'acquisition des droits sociaux de l'apporteur, supporté dans les conditions prévues par l'article 727 du CGI (cf. DB 7 D 52) le droit de mutation à titre onéreux sur les biens représentés par les titres cédés.
18Le droit de mutation à titre onéreux est perçu sur l'intégralité des apports censés être transmis, et pas seulement sur les parts acquises.
Ce droit est calculé selon le régime fiscal en vigueur à la date de la réalisation de la condition suspensive, c'est-à-dire de la cession, et sur la valeur de l'apport à la même époque, en faisant abstraction du prix de la cession (CGI, art. 676).
- La cession a pour objet des apports émanant à la fois du cessionnaire et d'associés autres que le cessionnaire.
19Les règles indiquées ci-dessus n°s 16 à 18 s'appliquent cumulativement.
- La cession a pour objet des acquêts sociaux et des apports de corps certains.
20Il y a lieu d'appliquer distinctement les règles afférentes à chaque catégorie de biens, à savoir :
- de ne percevoir aucun impôt sur la partie du prix qui s'applique aux apports du cessionnaire (cf. ci-dessus n° 16 ) ;
- de percevoir le droit de vente sur la valeur actuelle totale des apports émanant d'associés autres que le cessionnaire (cf. ci-dessus n°s 17 et 18 ) ;
- de percevoir le droit de mutation sur les acquêts sociaux comme en cas de licitation (cf. ci-dessus n° 15 ).
21Par ailleurs, lorsque les acquêts et les apports sont cédés moyennant un prix unique, les parties doivent souscrire une déclaration estimative faisant connaître la valeur actuelle des apports du cédant, celle des apports du cessionnaire et celle des acquêts (Cass. req. 15 juin 1920 ; Cass. civ., 17 janvier 1922).
b. Sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés.
22Le principe de la mutation conditionnelle des apports rappelé ci-dessus (n°s 7 à 10 ) n'est applicable aux sociétés passibles de l'IS qu'à raison des seuls biens qui ont bénéficié de l'application du droit fixe ou du taux réduit de 1 % prévu à l'article 810-III du CGI pour les apports ou changements de régime fiscal effectués depuis le 1er janvier 1991.
Aussi, pour les cessions au profit d'un associé, les règles différent selon le régime fiscal applicable aux biens en cause au moment de l'apport.
1° Biens ayant bénéficié au moment de l'apport du droit fixe ou du taux réduit de 1 % prévu à l'article 810-III du CGI :
23Si ces biens sont attribués à un associé autre que l'apporteur initial, le droit de mutation afférent à ces biens est exigible.
En revanche, aucun droit de mutation n'est dû si le bien est attribué à l'apporteur initial (sous réserve, pour les immeubles, de la perception de la taxe de publicité foncière de 0,60 %).
Remarque : lorsque la rupture de l'engagement de conservation des titres a donné lieu à la perception du droit de 2,60 % ou 8,60 % prévu à l'article 810-III du CGI, les biens apportés peuvent être attribués à un autre associé que l'apporteur en franchise de droit de mutation.
2° Biens autres que ceux visés ci-avant :
24Ils ont fiscalement le caractère d'acquêts sociaux et le droit de mutation doit être perçu en appliquant les règles relatives aux licitations.
L'impôt est exigible à concurrence du montant des parts acquises (cf. DB 7 F 231) 3 .
1 Les commentaires ci-dessous sont également applicables aux groupements d'intérêt économique (cf. DB 7 H 561 ) et aux groupements d'intérêt public (cf. DB 7 H 563 ).
2 Tarif applicable depuis le 1er janvier 1998, 500 F du 15 janvier 1992 au 31 décembre 1997, 430 F du 1er au 14 janvier 1992.
3 Cette règle est applicable même aux biens apportés avant le 1er août 1965, quoique n'ayant pas supporté les droits de mutation prévus à l'article 809-I-3° et II du CGI.