Date de début de publication du BOI : 01/11/1995
Identifiant juridique : 4J1212
Références du document :  4J1212
Annotations :  Lié au BOI 4J-2-01

SOUS-SECTION 2 RÉPARTITION DES SOMMES OU VALEURS PRÉLEVÉES OU NON SUR LES BÉNÉFICES ET VISÉES À L'ARTICLE 111 DU CGI

SOUS-SECTION 2  

Répartition des sommes ou valeurs prélevées ou non sur les bénéfices
et visées à l'article 111 du CGI

1L'article 111 du CGI confère le caractère de revenus distribués à certaines sommes ou valeurs prélevées ou non sur les bénéfices.

2Ainsi, sont notamment considérés comme revenus distribués :

- sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes ;

- les sommes ou valeurs attribuées aux porteurs de parts bénéficiaires ou de fondateur au titre de rachat de ces parts ;

- les rémunérations et avantages occultes ;

- la fraction des rémunérations qui n'est pas déductible en vertu de l'article 39-1-1° du CGI ;

- les dépenses et charges dont la déduction pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés est interdite en vertu des dispositions des 1er et 5 ème alinéas de l'article 39-4 du CGI.

  A. AVANCES, PRÊTS OU ACOMPTES CONSENTIS AUX ASSOCIÉS

3L'article 111 a du CGI prévoit que, sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes sont considérées comme revenus distribués.

Lorsque ces sommes sont remboursées à la personne morale qui les avait versées, la fraction des impositions auxquelles leur attribution avait donné lieu est restituée aux bénéficiaires ou à leurs ayants cause dans les conditions et suivant les modalités fixées par les articles 49 bis à 49 sexies de l'annexe III du CGI (cf. ci-dessous n°s 34 et suiv. ).

4L'article 111 a du CGI instaure une présomption de distribution. En effet, les avances, prêts ou acomptes consentis aux associés sont présumés céler une distribution de revenus, et c'est aux redevables qu'il appartient, le cas échéant, d'apporter la preuve contraire.

Lorsque les sommes ainsi soumises à l'impôt sont remboursées à la société, l'impôt perçu antérieurement devient restituable.

5Il est précisé que lorsqu'un contribuable s'est fait ouvrir, dans plusieurs des sociétés dont il est l'associé, des comptes courants qui sont débiteurs à la clôture d'un exercice, sa situation doit tant pour l'établissement de l'imposition en vertu de l'article 111 a du CGI que pour son éventuelle restitution, être examinée société par société (CE, arrêt du 8 octobre 1975, req. n° 90259).

Les conditions et les modalités d'application des dispositions de l'article 111 a du CGI font l'objet des paragraphes ci-après.

  I. Champ d'application de la présomption de distribution instituée par l'article 111 a du CGI

1. Personnes visées.

a. Les associés et actionnaires.

6La présomption instituée par l'article 111 a du CGI s'applique à tous les associés des sociétés soumises au régime fiscal des sociétés de capitaux, sans qu'il y ait lieu de distinguer suivant qu'ils participent ou non à l'administration de la société. Mais elle ne vise pas les porteurs de parts bénéficiaires ou de parts de fondateurs lorsqu'ils ne possèdent pas, par ailleurs, la qualité d'associé 1 .

7À cet égard, il a été jugé qu'un contribuable qui possède la nue-propriété indivise de parts d'une société à responsabilité limitée doit être considéré comme un associé pour l'application des articles 109-1-2° et 111 a du CGI, et les sommes mises par la société à sa disposition, à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes, doivent être regardées comme des revenus distribués alors même que ses droits ne lui donnent pas vocation aux bénéfices sociaux (CE, arrêt du 30 avril 1971, req. n° 79846).

b. Les personnes et sociétés interposées.

8La présomption de l'article 111 a du CGI est applicable que les avances ou les prêts aient été consentis aux associés directement ou par personnes ou sociétés interposées.

9C'est ainsi que les avances consenties par une société à l'épouse, même séparée de biens, de l'un des associés ont pu être considérées commes des sommes mises à la disposition de ce dernier par personne interposée, dès lors que la bénéficiaire vivait avec son mari et ne se trouvait pas, en conséquence, dans le cas d'être assujettie personnellement à l'impôt sur le revenu (CE, arrêts du 13 juillet 1962, req. n° 53164 et du 13 juillet 1968, req. n° 73206).

Il a été jugé, par ailleurs, que devaient être considérées comme des revenus distribués au sens de l'article 111 a du CGI les sommes portées au nom d'un contribuable à son compte courant dans les écritures d'une société à responsabilité limitée dans laquelle son épouse était la principale associée et la gérante (CE, arrêt du 20 mars 1968, req. n° 71963 ; rapp. CAA Paris, arrêt du 2 février 1993, n° 91 368).

Enfin, dans un arrêt du 9 juillet 1992 (n° 90 124 ), la Cour administrative d'appel de Nançy a jugé que les sommes portées au crédit du compte courant du dirigeant et actionnaire principal de la société B dans les écritures de cette société, constituent des revenus distribués au sens de l'article 111 a du CGI en tant qu'avances de fonds consenties par une société A, dont il est le gérant associé, à la société B, personne interposée au sens de l'article 111 a du code précité.

10En revanche, le Conseil d'État n'a pas admis que les intérêts non réclamés à l'occasion d'avances consenties à l'épouse divorcée du fils de la gérante majoritaire d'une société soient considérées comme des sommes mises à la disposition d'un associé par personnes interposées (CE, arrêt du 8 novembre 1967, req. n° 71656, Recueil Lebon, p. 417).

En outre, jugé que ne peut être regardée comme un bénéfice distribué la somme qu'une société en déficit a mise à la disposition d'une personne un mois avant qu'elle ne devienne actionnaire de la société et alors même que cette personne était déjà titulaire d'un compte courant ouvert à son nom dans les écritures sociales (CE, arrêt du 7 novembre 1975, req. n° 85284).

2. Forme des opérations visées.

11Les avances, les prêts et les acomptes entrant dans le champ d'application de l'article 111 a du CGI peuvent revêtir les formes les plus diverses.

12C'est ainsi qu'ont été notamment regardés comme correspondant à des revenus distribués :

- le billet à ordre au porteur, souscrit par un associé, auquel la société a apporté son aval et dont elle a réglé le montant aux lieu et place du souscripteur, alors que ladite avance n'a pas été remboursée par le bénéficiaire au cours de l'exercice considéré (CE, arrêt du 2 juillet 1962, req. n° 50891) ;

- les sommes que les associés gérants d'une société à responsabilité limitée ont reçues d'un particulier en règlement du prix d'une habitation à édifier par la société et qu'ils n'ont pas reversées dans la caisse sociale (CE, arrêt du 24 novembre 1965, req. n° 60374, Lebon 1965, p. 630) ;

- les sommes qu'une société à responsabilité limitée a fait figurer dans sa comptabilité à un compte « travaux d'installation » devenu par la suite « immobilisations en cours » et qui correspondent au coût de construction d'une villa mise à la disposition exclusive de son associé-gérant, propriétaire du terrain sur lequel elle a été édifiée, dès lors que la société n'établit pas l'existence d'une convention passée entre elle-même et l'intéressé, de nature à combattre la présomption édictée par l'article 553 du Code civil selon laquelle le propriétaire du terrain devient propriétaire des constructions par voie d'accession (CE, arrêt du 23 janvier1967, req. n° 66393, Lebon 1967, p. 30) ;

- les avances consenties à un associé par l'intermédiaire d'une banque. L'associé qui s'était fait ouvrir un compte personnel dans la banque où la société, dont il était gérant majoritaire, avait déposé des fonds, avait tiré des chèques en vue de l'acquisition de biens personnels sans avoir approvisionné au préalable ledit compte et sans que, par la suite, aucun intérêt lui ait été réclamé, la banque ayant, d'autre part, dès le trimestre suivant, calculé les intérêts qu'elle versait à la société sur la différence entre les sommes qu'elle avait déposées et le montant des chèques tirés par le gérant (CE, arrêt du 29 mai 1970, n° 74785, 7e, 8e et 9e s.-s.).

13Par ailleurs, dans un arrêt du 13 octobre 1971, (req. n° 80711), le Conseil d'État a jugé que les sommes inscrites, en 1962 et 1963, par une société au débit du compte courant ouvert au nom de l'un de ses administrateurs doivent être regardées comme ayant été mises, à titre d'avances, à la disposition non de l'intéressé mais du président-directeur général de la société dès lors que ce dernier, ayant acquis en 1962 la majeure partie des actions détenues par l'administrateur dont il s'agit, s'est engagé, aux termes des accords concernant le règlement de cette cession et avec le consentement de la société, à prendre en charge le débit du compte courant du cédant. Ces sommes doivent, dés lors et sans qu'il soit besoin de rechercher s'il y a eu, en l'espèce, novation au sens des articles 1271 et suivants du Code civil, être regardées comme des revenus distribués au profit du président-directeur général par application de l'article 111 a du CGI.

14Le Conseil d'État s'est également prononcé sur le cas d'un contribuable président-directeur général d'une société A dont il détenait la quasi-totalité du capital social. Il était également administrateur d'une société B. La société A avait exposé certaines dépenses intéressant la société B. C'est ainsi qu'elle avait :

1° Remboursé les intérêts des emprunts contractés par le contribuable à titre personnel en vue d'aider la societé B ;

2° Consenti, pour le compte de son président-directeur général, des avances aux autres administrateurs de la société B ;

3° Pris en charge des obligations financières auxquelles il avait dû faire face après s'être porté caution de certains dirigeants de la société B ;

4° Réglé les honoraires d'avocats et d'avoués dus à l'occasion de litiges nés à la suite des opérations exposées à l'alinéa précédent.

Jugé que ces dépenses, qui sont sans rapport avec la gestion commerciale normale de la société A, doivent être regardées comme ayant été faites dans le seul intérêt du contribuable et, dès lors, présentent pour celui-ci le caractère de revenus distribués imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers (CE, arrêt du 8 octobre 1975, req. n° 92090).

  II. Preuve contraire susceptible de faire échec à la présomption de distribution

15La présomption légale de distribution de l'article 111 a du CGI n'est applicable que sous réserve de la preuve contraire qu'il appartient au contribuable d'apporter.

Cette preuve contraire résulte, dans chaque cas particulier, des circonstances propres à démontrer que l'opération effectuée ne revêt pas, dans les rapports de la société avec l'associé, le caractère d'une distribution exceptionnelle ou anticipée de produits sociaux et qu'elle est exclusive de toute faveur spéciale au profit du bénéficiaire.

Conformément à la jurisprudence du Conseil d'État, la preuve contraire peut être considérée comme rapportée dans les cas suivants :

1. Existence d'un acte écrit.

16Sous réserve de l'examen par l'Administration de l'ensemble des circonstances de fait, la preuve contraire peut être considérée comme rapportée si le prêt a été régulièrement inscrit dans les écritures sociales et se trouve constaté par un acte pouvant être tenu pour sincère, prévoyant le versement d'intérêts normaux et fixant les modalités de remboursement de la dette (RM à M. Jean-Paul David, député, JO 17 janvier 1958, déb. AN, p. 88).

Ce contrat de prêt doit être préalable ou concomitant à la remise des fonds.

17C'est ainsi que le bénéficiaire de sommes mises à sa disposition, sans condition, par la société dont il était le principal membre, n'a pu être regardé comme ayant apporté les justifications de nature à détruire la présomption légale édictée par l'article 111 a du CGI, bien que faisant état d'un contrat de prêt dûment enregistré mais conclu, à la suite d'ailleurs d'une vérification de comptabilité de la société, plusieurs années après l'octroi des sommes litigieuses (CE, arrêt du 5 novembre 1956, req. n° 33417, Lebon, p. 417).

Ne sauraient remplacer un acte écrit précisant dès l'origine la nature et l'objet du prêt et fixant les modalités de son remboursement :

- la simple allégation que les sommes litigieuses constituent un prêt (CE, arrêt du 6 février 1961, req. n° 45545) ;

- une simple lettre adressée à un associé dans laquelle la société se référait à un précédent accord, alors qu'il était constant qu'à l'époque où l'associé avait bénéficié des sommes litigieuses, aucune convention écrite n'était intervenue entre la société et son associé (CE, arrêt du 21 juin 1961, req. n° 46886) ;

- une convention sous seing privé n'ayant pas date certaine et produite postérieurement à la notification des redressements litigieux (CE, arrêt du 13 juillet 1967, req. n°s 65561 et 67564) ;

- une délibération du conseil d'administration autorisant une société à accorder un prêt à son directeur général détenteur de la moitié des actions (CE, arrêt du 13 juillet 1962, req. n° 51461) ;

- la circonstance que les avances auraient donné lieu à une décision des associés (CE, arrêt du 20 mars 1968, req. n° 71963) ;

- le fait que les comptes sociaux et les rapports du commissaire aux comptes aient été approuvés par l'assemblée générale des actionnaires (CE, arrêt du 17 avril 1967, req. n° 67772).

18Toutefois, les sociétés mères contrôlant un groupe de filiales peuvent être appelées à prélever les disponibilités des unes pour aider la trésorerie des autres, jouant ainsi le rôle d'un établissement financier en vue d'assurer au mieux l'utilisation des disponibilités du groupe.

En principe, l'Administration est fondée, en l'absence d'un acte de prêt régulier, à réclamer l'impôt sur le montant des avances consenties à la société mère. En fait, il est admis que le service doit se dispenser d'appliquer strictement l'article 111 a du CGI dans les cas de ce genre, sauf à exiger l'établissement d'une convention écrite donnant à la société mère le mandat général d'employer les fonds qu'elle est ainsi appelée à recevoir de ses filiales à l'octroi d'avances à celles dont la trésorerie a besoin d'être soutenue.

Bien entendu, l'application de cette mesure de tempérament devrait être refusée s'il apparaissait que, systématiquement ou, en tout état de cause, pendant un laps de temps assez long, la société mère détourne une partie relativement importante des fonds de la destination prévue. Dans cette hypothèse, il conviendrait d'appliquer l'article 111 a à l'intégralité des sommes mises à la disposition de la société mère par les sociétés filiales.

1   On note, toutefois, que la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 portant réforme des sociétés commerciales interdit, en règle générale, aux administrateurs de sociétés anonymes, ainsi qu'aux membres du directoire et du conseil de surveillance (dans les sociétés anonymes « de type nouveau »), de contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts auprès de la société ou de se faire consentir par elle un découvert en compte courant (art. 106 et 148 de la loi) ; il en est de même pour les gérants des sociétés en commandite par actions, ainsi que pour les gérants ou associés des sociétés à responsabilité limitée (art. 51 de la loi).