Date de début de publication du BOI : 01/11/1995
Identifiant juridique : 4J1212
Références du document :  4J1212

SOUS-SECTION 2 RÉPARTITION DES SOMMES OU VALEURS PRÉLEVÉES OU NON SUR LES BÉNÉFICES ET VISÉES À L'ARTICLE 111 DU CGI

b. Conditions de validité de la notification.

1° Forme de la mise en demeure.

79La demande par laquelle le service invite une société, sur le fondement de l'article 117 du CGI, à désigner les bénéficiaires d'une distribution doit être faite obligatoirement par écrit.

80Elle doit, pour être régulière, comporter la mention explicite du délai de trente jours qui lui est imparti pour y déférer.

La simple référence -même expresse- aux dispositions de l'article 117 est insuffisante à cet égard.

L'irrégularité entachant ainsi la demande de désignation prive, par suite, l'Administration de la faculté d'appliquer la pénalité fiscale prévue à l'article 1763 A du CGI en cas d'absence de réponse dans le délai légal (CE, arrêts des 7 novembre 1986, n° 47307 ; 12 janvier 1987, n° 42376 et 4 novembre 1987, n° 44376).

81La mise en demeure doit être regardée comme valable, alors même qu'elle aurait été formulée sur l'imprimé portant notification des redressements relatifs à l'impôt sur les sociétés dès lors que le libellé de l'invitation faite à la société ne prête à aucune ambiguïté quant à son objet (CE, arrêt du 18 avril 1966, req. n° 64417 ; BOCD 1966 , II , 3389).

82De même, il a été jugé :

- que la précision selon laquelle les dirigeants de fait sont solidairement tenus au paiement de la pénalité de l'article 1763 A du CGI, n'est pas une condition de régularité de la demande (CAA Paris, arrêt du 17 juillet 1990, n° 861) ;

- qu'une demande de désignation est suffisamment motivée, bien qu'elle se réfère seulement à l'article 117 -sans mentionner le CGI-, qu'elle ne précise pas qu'une réponse insuffisante a les mêmes conséquences qu'un défaut de réponse ni le risque d'imposition personnelle du président de la société et qu'elle indique le montant de l'amende sans se référer expressément à l'article 1763 A (CAA Paris, arrêt du 21 janvier 1992, n° 652).

83Dans un arrêt rendu le 24 mars 1965 (req. n° 61092, 7e s.-s.), sous l'empire de l'ancienne législation qui imposait la société à l'impôt sur le revenu en cas de défaut de réponse à la notification dans le délai de trente jours, le Conseil d'État a jugé que ne pouvait être regardée comme conforme aux prescriptions de l'article 117 du CGI la lettre par laquelle le service se bornait à informer la société de son imposition à l'impôt sur le revenu, à raison d'une distribution occulte, sans préciser ni les conditions dans lesquelles la société pouvait échapper à cette taxation, ni le délai dont elle disposait pour le faire.

De même, dans un arrêt du 16 février 1977 (req. n° 93412), la société a obtenu la décharge de l'imposition pour le motif que la procédure visée à l'article 117 précité devait être regardée comme entachée d'irrégularités : en effet, le vérificateur, en se bornant à indiquer à la société que le défaut de réponse de sa part entraînerait son assujettissement à l'impôt sur le revenu des personnes physiques, ne l'avait pas mise à même de connaître toutes les conséquences juridiques d'une telle abstention, à savoir l'application du taux maximal de l'impôt sur le revenu et la prise en compte du complément de distribution correspondant à la prise en charge de l'impôt par la personne morale versante.

Or, eu égard au caractère exceptionnel des mesures prévues par ces dispositions et à la gravité des conséquences qu'elles comportent, le service devait fournir ces informations soit en précisant expressément les références du texte législatif qui les prévoit, soit en rappelant intégralement le contenu de ce texte.

84Le service est donc dans l'obligation d'informer pleinement la société distributrice des conséquences juridiques d'un défaut de réponse de sa part à la mise en demeure qui lui est adressée par l'Administration dans le cadre de la procédure visée à l'article 117 précité. Pour être réputée régulière, la demande de désignation effectuée à la société doit exposer clairement et sans ambiguïté les conséquences du refus ou de l'absence de réponse dans le délai de trente jours.

2° Date de la mise en demeure.

85À l'intérieur du délai général de reprise, la notification peut être faite à tout moment.

En conséquence, lorsqu'il existe un litige sur la fixation des bénéfices, le service n'est pas tenu de surseoir à l'engagement de la procédure prévue à l'article 117 du CGI jusqu'à ce que la société ait épuisé les voies de recours qui lui sont ouvertes en matière d'impôt sur les sociétés (CE, arrêt du 13 juillet 1966, req. n° 68389, 9e s.-s. ; BOCD 1967, II, 3583).

De même, aucune disposition ne prévoit que, pour inviter une société à désigner les bénéficiaires de distributions, conformément aux dispositions de l'article 117 précité, l'Administration doive attendre l'établissement de l'impôt sur les sociétés réclamé du chef des sommes rapportées au bénéfice imposable (CE, arrêt du 7 décembre 1983, req. n° 28111).

3° Destinataire de la mise en demeure.

86La notification doit être adressée à l'organe de la société qui a qualité pour l'engager.

c. Réponse à la notification de l'Administration.

1° Délai de réponse.

87La personne morale à qui la notification a été adressée doit répondre à la mise en demeure de l'Administration dans un délai de trente jours.

Passé ce délai, le service est en droit d'établir l'imposition au nom de ladite société : la circonstance que cette dernière ferait connaître, après l'émission du rôle, l'identité des bénéficiaires des rémunérations ou des distributions, n'est pas de nature à justifier la décharge de l'imposition (CE, arrêt du 8 février 1958, req. n° 35212 ; BOCD 1958 , II, 486) 1 .

En outre, la circonstance qu'une société conteste formellement le bien-fondé des réintégrations envisagées par l'Administration en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, ne la dispense pas de répondre à la demande qui lui est faite de désigner les bénéficiaires de la distribution des sommes ainsi contestées (CE, arrêt du 7 décembre 1983, req. n° 28111).

88Dans un arrêt du 25 octobre 1978 (req. n° 7199) le Conseil d'État a également examiné le cas d'une société qui, invitée par la notification de redressement qui lui avait été adressée, à faire connaitre à l'Administration, conformément aux dispositions de l'article 117 du CGI, l'identité des bénéficiaires des compléments de distribution qui étaient la conséquence du redressement de ses bénéfices, n'avait pas donné suite à cette mise en demeure, mais avait répondu dans les trente jours d'une seconde mise en demeure qui lui avait été faite dans les mêmes termes à l'occasion de la notification de l'avis de la commission départementale des Impôts. L'Administration avait considéré que cette réponse était tardive et imprécise, et n'en avait pas tenu compte.

Jugé :

1° Qu'en réitérant sa demande initiale, l'Administration avait rouvert, au bénéfice de la société, le délai de réponse de trente jours prévu par l'article 117 du code précité.

2° Qu'en se bornant à indiquer les noms et adresses des bénéficiaires des distributions la société avait répondu à la question, telle qu'elle avait été formulée. L'Administration n'était donc pas fondée, eu égard à la gravité des conséquences fiscales de l'application de l'article 117 précité, de regarder cette réponse comme insuffisante et il lui appartenait, dès lors que ladite réponse ne lui paraissait pas suffisamment précise, de demander au contribuable les renseignements complémentaires qu'elle jugeait utiles.

89En revanche, dans un arrêt en date du 25 avril 1990 (n° 78 783), le Conseil d'État a jugé que le fait pour un vérificateur de rappeler dans une lettre les conséquences de l'absence de réponse sans réitérer la demande de désignation des bénéficiaires, n'a eu ni pour objet ni pour effet de réouvrir au contribuable un nouveau délai de trente jours.

90L'attention du service est toutefois appelée sur la nécessité de prendre le plus grand soin dans la mise en oeuvre de la procédure prévue par l'article 117 du CGI.

En raison de la gravité des conséquences qu'entraîne l'application de ces dispositions, la Haute Assemblée exige que le contribuable soit informé clairement et sans ambiguïté de la procédure qui lui est appliquée et des renseignements que l'Administration attend de lui (cf. ci-avant, n°s 80 et 83 ).

2° Contenu de la réponse.

91Lorsqu'une société a été mise en demeure de désigner l'identité des bénéficiaires des distributions occultes, elle est tenue de fournir non seulement des indications précises sur le nom des bénéficiaires, mais également, toutes justifications de nature à permettre à l'Administration de comprendre, le cas échéant, les sommes distribuées dans les bases des impositions personnelles des intéressés.

92Le contenu de la réponse doit être analysé par rapport à la formulation de la demande.

En ce qui concerne le caractère suffisant du contenu de la réponse, la jurisprudence exige en principe que celle-ci soit claire et précise quant à l'identité des personnes désignées, aux montants et aux dates d'appréhension des revenus distribués. D'où la nécessité d'une demande établie dans des termes appropriés (cf. ci-dessus n° 83 ).

Ainsi invitée, en application de l'article 117 du CGI, à faire connaître « l'identité et l'adresse des bénéficiaires des versements » qu'elle avait effectués de manière occulte, une société avait désigné un de ses associés, lequel avait d'ailleurs reconnu avoir reçu ces fonds.

Le Conseil d'État, dans un arrêt du 26 octobre 1979 (req. n° 14751) a jugé qu'une telle réponse ne pouvait, compte tenu de la question posée, être regardée comme insuffisante ni fantaisiste et cela quels qu'aient pu être les modalités et les motifs de ces versements.

Cette jurisprudence est à rapprocher de celle issue de l'arrêt du 25 octobre 1978 (req. n° 7199) dont l'analyse a été faite ci-dessus, n° 88 .

93Après avoir demandé à une société anonyme, conformément aux dispositions de l'article 117 du CGI, de lui fournir toutes indications sur les bénéficiaires des distributions correspondant aux redressements effectués, le service avait adressé une notification de redressement au président-directeur général de cette société portant sur les mêmes sommes.

Jugé qu'en se référant expressément à cette notification dans la réponse parvenue dans le délai de trente jours à l'Administration et en admettant ainsi que son destinataire était le bénéficiaire de ces revenus, la société doit être regardée comme ayant satisfait aux obligations qui lui incombaient en vertu de l'article 117 du CGI (CE, arrêt du 24 avril 1981, n° 14153).

94En outre, dans un arrêt du 19 octobre 1983, n° 27344, le Conseil d'État a jugé que lorsque l'Administration se borne à demander à la société de lui indiquer l'identité des bénéficiaires de distributions, une réponse indiquant leur nom doit être regardée comme régulièrement faite.

Dans un arrêt du 3 novembre 1986, n° 48159, le Conseil d'État a précisé qu'une société, qui, interrogée, a répondu en désignant son gérant et un autre associé comme bénéficiaires, est en droit de soutenir que l'Administration, qui n'allègue pas avoir été dans l'impossibilité d'identifier les intéressés, ne pouvait -au seul motif qu'elle n'aurait pas précisé, dans sa réponse, les montants et dates des distributions- l'assujettir, partiellement en l'espèce, à l'impôt sur le revenu.

95Pour apprécier la validité du contenu de la réponse, il appartient au service de faire preuve de circonspection tout en tenant compte de la vraisemblance de la désignation (CE, arrêts du 28 mai 1980, n° 7533 ; 24 février 1988, n° 60513), afin de ne pas assujettir indûment la société à la pénalité fiscale prévue à l'article 1763 A du CGI.

Ainsi, par exemple, jugé dans les cas suivants, qu'une société, interrogée en application de l'article 117 du CGI, ne peut être regardée comme s'étant abstenue de répondre :

• société qui, en temps utile, a fourni les nom et adresse d'un bénéficiaire, domicilié à l'étranger, ainsi que les coordonnées de son compte bancaire en France, puis, à titre complémentaire, a donné d'autres précisions vérifiables et des indications sur le rôle joué par l'intéressé, à titre d'intermédiaire, dans une opération de vente de marchandises, qui était à l'origine du redressement du bénéfice réputé distribué (CE, arrêt du 8 janvier 1988, n° 49730) ;

• société qui, dans le délai de trente jours, a produit la liste des locataires auxquels une SCI -dont elle était membre- avait versé des indemnités d'éviction qui, ayant été exclues des charges déductibles de cette dernière, ont généré un rehaussement lequel s'est trouvé réintégré, à hauteur de ses droits, dans ses propres bénéfices (CE, arrêt du 25 février 1987, n° 46399) ;

• société qui, dans sa réponse formulée en temps utile, a indiqué que le bénéficiaire d'un excédent de distribution résultant de la réintégration de fausses factures et de commissions exagérées était son directeur général, dont elle a donné avec précision le nom et l'adresse ; en effet, eu égard aux fonctions exercées par ce salarié (mandataire social) et au fait que la société avait, antérieurement déposé plainte contre lui pour passation d'écritures irrégulières à son insu, une telle réponse n'équivaut pas à un défaut, alors même que l'intéressé a refusé d'être regardé comme bénéficiaire de la distribution (CE, arrêt du 27 juillet 1988, n° 54510).

96En sens inverse :

- une société -qui a été victime de détournement à son insu et dont le vérificateur a tenu compte pour la reconstitution de son bénéfice- ne peut être tenue pour avoir fourni une réponse valable et suffisante, dès lors qu'elle a désigné, comme bénéficiaires de l'excédent de distribution résultant de la reconstitution opérée, les auteurs des prélèvements délictueux, en se réservant la possibilité de désigner ultérieurement d'autres personnes (CE, arrêt du 12 février 1988, n° 59827) ;

- la circonstance que le service ait notifié au dirigeant d'une société une imposition supplémentaire, au titre des revenus distribués correspondant aux rehaussements de bénéfices dont elle a fait l'objet, n'est pas de nature à l'exonérer de l'obligation de répondre à une demande de désignation - même postérieure- des bénéficiaires de l'excédent de distribution. Le caractère suffisant de sa réponse s'apprécie dans les conditions découlant de l'application de l'article 117 du CGI (CE, arrêt du 14 avril 1986 n°s 45883-62952). Il est, toutefois, à noter que l'utilisation concomitante ou successive des deux procédures doit être réservée à des cas exceptionnels.

1   Depuis l'entrée en vigueur de l'article 72 de la loi de finances pour 1980 (n° 80-30 du 18 janvier 1980), la société n'est plus personnellement soumise à l'impôt sur le revenu mais il est fait application de la pénalité prévue à l'article 1763 A du CGI.