Date de début de publication du BOI : 30/12/2005
Identifiant juridique :

B.O.I. N° 213 du 30 DECEMBRE 2005


  B. LES IMMOBILISATIONS INCORPORELLES


8.Jusqu'à présent, un actif incorporel devait être constaté, lorsque les trois critères issus de la jurisprudence du Conseil d'Etat (arrêt du Conseil d'Etat du 21 août 1996, n° 154488 SA Sife) étaient remplis, à savoir :

- les droits constituant une source régulière de profit ;

- dotés d'une pérennité suffisante ;

- et cessibles.

La définition comptable des immobilisations incorporelles (art. 211-3 du PCG ; cf. n° 3 ) implique la mise en oeuvre de deux critères alternatifs : l'immobilisation incorporelle doit être identifiable distinctement de l'activité et cessible, ou doit avoir pour origine une protection juridique, quelle que soit la source de cette protection.

Dès lors, une immobilisation incorporelle doit répondre aux critères suivants :

- elle est source de profits futurs ;

- son utilisation est durable, et notamment excède l'exercice d'acquisition ;

- elle est identifiable distinctement de l'activité et cessible, ou doit avoir pour origine une protection juridique résultant d'un droit légal ou contractuel, ces deux derniers critères étant alternatifs.

Le respect du critère de cessibilité auparavant exigé par la jurisprudence pour caractériser une immobilisation incorporelle n'est par conséquent plus obligatoirement requis.

Ces critères de définition et de comptabilisation s'appliquent quel que soit le mode d'acquisition des immobilisations en cause, et notamment aux immobilisations créées en interne. Ils doivent être retenus également en matière fiscale, afin de déterminer si les dépenses engagées correspondent à l'acquisition d'une immobilisation incorporelle ou doivent être déduites en charges.

La suppression du critère de cessibilité devrait avoir un effet limité dès lors que cette nouvelle définition ne s'applique pas aux contrats de location, y compris crédit-bail et locations avec option d'achat, ni aux contrats de louage de marque et de brevet. Pour ces contrats de location ou de concession, les critères dégagés par la jurisprudence pour l'identification d'un actif immobilisé incorporel à l'occasion du versement de redevances demeurent pleinement applicables et plus particulièrement, le critère de cessibilité dégagé dans la jurisprudence Sife précitée.


Sous-section 3 :

Exemples d'application


9.Les commentaires ci-après abordent les principales nouveautés introduites dans le PCG par les deux règlements CRC n os 2002-10 et 2004-06 sur certains types d'actifs, et plus particulièrement sur le traitement de certains actifs incorporels spécifiques.


  A. LES PIÈCES DE RECHANGE ET DE SÉCURITÉ : CRITÈRE D'UTILISATION SUR PLUS D'UN EXERCICE


10.Conformément à la doctrine administrative 4 D-122 n° 22 du 26 novembre 1996, les pièces de rechange interchangeables doivent être considérées comme des stocks. A l'inverse, les pièces de rechange indispensables pour maintenir le potentiel d'une immobilisation et inutilisables pour un autre emploi doivent être regardées comme formant un tout unique avec l'immobilisation.

Jusqu'à présent, le PCG ne définissait pas de manière explicite le traitement des pièces détachées et de rechange. Désormais, il prévoit, en son article 321-14.3 que les pièces de rechange et les pièces de sécurité constituent généralement des stocks déduits du résultat imposable au fur et à mesure de leur consommation.

Cette règle générale comporte, toutefois, deux exceptions, lorsque :

- les pièces de rechange principales et le stock de pièces de sécurité sont utilisables sur une durée supérieure à douze mois, soit généralement sur plus d'un exercice ;

- s'ils ne peuvent être utilisés qu'avec une immobilisation corporelle (cas de pièces non interchangeables par exemple).

Dans ces deux cas, les pièces de rechange et de sécurité doivent être considérées comme des immobilisations corporelles.

Un traitement identique doit désormais être appliqué du point de vue fiscal. Dès lors qu'elles doivent être inscrites à l'actif du bilan, elles ne peuvent être déduites du résultat imposable mais peuvent, le cas échéant, faire l'objet d'un amortissement ou d'une provision pour dépréciation.

11.En ce qui concerne l'amortissement des pièces de rechange et de sécurité devant être immobilisées, deux situations doivent être distinguées (cf. avis n° 2005-D du 1 er juin 2005 du Comité d'urgence du CNC afférent aux modalités d'application des règlements du CRC n os 2002-10 et 2004-06) :

- les pièces principales d'une installation acquises pour être utilisées en cas de panne ou de casse accidentelle, doivent être amorties dès l'acquisition de l'immobilisation à laquelle elles se rattachent et sur la même durée. En effet, ces pièces sont acquises dans le but d'éviter une interruption longue du cycle de production ou un risque en matière de sécurité, mais leur remplacement n'est pas planifié ;

- les pièces de rechange destinées à remplacer ou à être intégrées à un composant de l'immobilisation principale (sur cette notion de composant, cf. n os30 et suivants ), et dont l'utilisation est planifiée, doivent être amorties à compter de la date de remplacement de la pièce, c'est-à-dire de son montage, sur la durée résiduelle d'amortissement du composant.


  B. LICENCES UMTS : L'ABANDON DU CRITÈRE DE CESSIBILITÉ


12.Le CNC a défini, dans son avis n° 2002-B du 9 janvier 2002, le traitement comptable applicable à la redevance due par chaque titulaire d'autorisation d'établissement et d'exploitation d'un réseau de radiocommunications mobiles de troisième génération (licences UMTS).

Malgré l'absence de cessibilité de cette licence par les entreprises titulaires, il a été considéré que les montants versés pour son acquisition devaient être comptabilisés en tant qu'immobilisation incorporelle à l'actif du bilan, au moins pour la part fixe définie dès le début de l'exploitation, et éventuellement pour la part variable si elle peut être estimée avec une précision suffisante.

Il y a lieu de retenir, sur le plan fiscal, un traitement similaire à celui défini en matière comptable, compte tenu de l'abandon du critère de cessibilité dans les règles comptables désormais applicables pour la définition des actifs. En effet, ces droits qui ne correspondent pas à des contrats de location ne sont pas par conséquent exclus du champ d'application de la nouvelle définition des actifs (cf. n° 3 ).


  C. LES FRAIS DE DÉPÔT DE MARQUES CRÉÉES EN INTERNE : L'APPLICATION DU CARACTÈRE DE FIABILITÉ


13.Le 3 de l'article 311-3 du PCG prévoit que les dépenses engagées pour créer en interne notamment des marques ne doivent pas être comptabilisées en tant qu'immobilisations incorporelles, dans la mesure où ces dépenses ne peuvent pas être distinguées du coût de développement de l'activité dans son ensemble. Il en va de même des coûts ultérieurement engagés relatifs à ces dépenses internes.

Du point de vue fiscal, les coûts de cette nature, notamment les frais de recherche d'antériorité et de dépôt de marque à l'INPI ou de renouvellement liés aux marques développées en interne, doivent également être déduits immédiatement en charges. La doctrine antérieure est par conséquent rapportée.

En revanche, la doctrine administrative 4 C 2111 n° 12 en date du 30 octobre 1997, qui précise que les dépenses exposées lors de l'acquisition de brevets, marques de fabrique ou procédés de fabrication ne peuvent être comprises dans les charges déductibles, conserve toute sa portée.


  D. ILLUSTRATION DE LA CONDITION D'AVANTAGES ÉCONOMIQUES FUTURS


14.Les avantages économiques futurs attendus par l'entreprise apparaissent de manière évidente lorsque l'entreprise acquiert une nouvelle immobilisation auprès d'un tiers. Des difficultés à estimer quels sont ces avantages peuvent toutefois apparaître dans les situations suivantes :

- réalisation de travaux internes à l'entreprise, dont le caractère rentable pour l'avenir peut ne pas être mis facilement en évidence : il s'agit en pratique des coûts engagés pour la recherche et le développement ;

- acquisition d'immobilisations corporelles qui ne procurent pas en tant que telles d'avantages économiques futurs, mais sont nécessaires à l'exploitation : il s'agit notamment des immobilisations corporelles acquises pour des raisons de sécurité ou d'environnement, ainsi que le remplacement de parties d'immobilisations corporelles pour réparation (cf. n os37 et suivants ) ;

- acquisition de certains droits incorporels due à l'application d'une réglementation particulière.


  I. Dépenses liées à la réalisation de travaux en interne


  1. Les dépenses de recherche et développement

a) Rappel des régimes comptable et fiscal applicables jusqu'en 2004

15.Du point de vue fiscal, les dépenses de fonctionnement exposées dans des opérations de recherche scientifique ou technique peuvent, au choix de l'entreprise, être immobilisées ou déduites des résultats de l'année ou de l'exercice au cours duquel elles ont été exposées (I de l'article 236). Le mode de comptabilisation des frais de recherche et développement détermine le régime fiscal applicable aux dépenses de fonctionnement visées au I de l'article 236, cette décision de gestion étant opposable distinctement pour chaque projet de recherche, et s'appliquant à l'ensemble des dépenses engagées au titre du même projet (cf. pour plus de précisions, la documentation administrative 4 C-232 en date du 30 octobre 1997).

En matière comptable, les frais de recherche et de développement pouvaient, à titre exceptionnel, être inscrits en immobilisation incorporelle à la double condition qu'ils se rapportent à des projets nettement individualisés ayant de sérieuses chances de réussite technique et de rentabilité commerciale et que leur coût puisse être distinctement établi (art. 361-2 du PCG 1999).

Pour l'application de ces dispositions comptables, trois phases de recherche ont été identifiées : phase de recherche fondamentale, phase de recherche appliquée et phase de développement expérimental. Ces trois phases étaient considérées comme des opérations de recherche scientifique ou technique au sens du I de l'article 236 (cf. documentation administrative 4 C-232 n° 3 en date du 30 octobre 1997).

Du point de vue comptable, les frais engagés au titre de la phase de recherche fondamentale ne pouvaient jamais faire l'objet d'une inscription à l'actif. Seuls les frais engagés au titre des phases de recherche appliquée et de développement expérimental pouvaient être inscrits à l'actif.

Les frais ainsi inscrits à l'actif étaient amortissables sur une durée maximale de cinq ans, sauf période plus longue pour des projets particuliers, dans la limite de la durée d'utilisation des actifs concernés (art. 361-3 du PCG 1999). Il en était de même sur le plan fiscal.

b) Le nouveau régime comptable et ses conséquences fiscales

16.Le traitement comptable des frais de recherche est désormais défini à l'article 311-3 du PCG.

Une nouvelle définition des opérations de recherche et développement

17.Deux phases seulement sont désormais distinguées : la phase de recherche et la phase de développement, et non plus trois comme précédemment (cf. avis du CNC n° 2004-15 du 23 juin 2004 relatif à la définition, la comptabilisation et l'évaluation des actifs, § 3.3.2 et 3.3.3). Lorsque la phase de recherche ne peut être distinguée de la phase de développement, les dépenses relatives à l'ensemble du projet de recherche sont comptabilisées de manière similaire aux charges engagées au titre de la phase de recherche.

Exemples d'activités de recherche :

- les activités visant à obtenir de nouvelles connaissances ;

- la recherche, l'évaluation et la sélection finale d'applications éventuelles de résultats de recherche ou d'autres connaissances ;

- la recherche de solutions alternatives pour les matières, dispositifs, procédés, systèmes ou services ;

- la formulation, la conception, l'évaluation et le choix final retenu d'autres possibilités d'utilisation de matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes ou services nouveaux ou améliorés.

Exemples d'activités de développement :

- la conception, la construction et les tests de pré-production ou de pré-utilisation de modèles et prototypes ;

- la conception d'outils, gabarits, moules et matrices impliquant une technologie nouvelle ;

- la conception, la construction et l'exploitation d'une usine pilote qui n'est pas d'une échelle permettant une production commerciale dans des conditions économiques ;

- la conception, la construction et les tests pour des matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes ou services nouveaux ou améliorés ;

- les coûts de développement et de production des sites Internet.

Cette nouvelle classification des opérations de recherche et développement n'emporte pas de conséquence sur la nature des opérations de recherche mentionnées au I de l'article 236. Les précisions apportées au n° 3 de la documentation administrative 4 C 232 en date du 30 octobre 1997 demeurent valables, les activités de recherche appliquée étant transférées dans la plupart des cas sous la rubrique « d'opérations de développement expérimental ».

Un nouveau traitement des frais de recherche et développement suivant leur nature

18.En application de l'article 311-3 du PCG, les coûts engagés lors de la phase de recherche doivent dans tous les cas être comptabilisés en charge.

En revanche, les coûts engagés lors de la phase de développement peuvent être comptabilisés à l'actif à la condition qu'ils se rapportent à des projets nettement individualisés, ayant de sérieuses chances de réussite technique et de rentabilité commerciale. L'entreprise doit par conséquent démontrer qu'elle remplit simultanément les six conditions suivantes :

1 - la faisabilité technique nécessaire à l'achèvement de l'immobilisation incorporelle en vue de sa mise en service ou de sa vente doit être démontrée ;

2 - l'entreprise a l'intention d'achever l'immobilisation incorporelle et de l'utiliser ou de la vendre ;

3 - l'entreprise a la capacité d'utiliser ou de vendre cette immobilisation incorporelle ;

4 - l'immobilisation incorporelle générera des avantages économiques futurs ; l'entreprise doit notamment démontrer l'existence d'un marché pour la production issue de l'immobilisation incorporelle ou pour l'immobilisation incorporelle elle-même ou, si celle-ci doit être utilisée en interne, son utilité ;

5 - l'entreprise dispose des ressources (techniques, financières et autres) appropriées pour achever le développement et utiliser ou vendre l'immobilisation ;

6 - l'entreprise a la capacité d'évaluer de façon fiable les dépenses attribuables à l'immobilisation incorporelle au cours de son développement.

Il demeure possible aux entreprises de comptabiliser en charges l'ensemble des coûts, y compris lorsque les frais engagés au titre de l'opération de développement répondent aux critères généraux d'une immobilisation ; toutefois, la méthode de l'inscription à l'actif des coûts éligibles est préférentielle, ce qui signifie qu'elle est définitive, sauf cas exceptionnel de changement de méthode.

Sur le plan fiscal, les mêmes définitions qu'en comptabilité seront retenues. Ainsi, les mêmes critères d'immobilisation que ceux définis par le règlement comptable seront appliqués. Il est rappelé à cet égard que les dispositions de l'article 236 permettent certes une déduction immédiate en charges des coûts de fonctionnement d'opérations de recherche et développement qui constituent en principe des immobilisations mais ne permettent pas d'immobiliser des dépenses revêtant le caractère de charges sur le plan comptable.

Par ailleurs, s'agissant des dépenses de développement, le traitement comptable retenu par l'entreprise d'activation ou de déduction en charges de ces dépenses détermine le régime fiscal applicable à ces dépenses. Autrement dit, l'option prise par l'entreprise sur le plan comptable constitue une décision de gestion qui lui est opposable. Conformément au texte comptable, l'option doit donc désormais être exercée pour l'ensemble des projets de l'entreprise, et non projet par projet. En outre, l'option pour l'activation des frais de développement constitue une méthode préférentielle du point de vue comptable : elle est par conséquent définitive, sauf cas exceptionnel de changement de méthode (cf. articles 120-4 et 130-5 du PCG).

Contenu des dépenses de fonctionnement

19.Il est rappelé que les seuls coûts éligibles au dispositif de déduction immédiate sont les coûts de fonctionnement, à l'exclusion des sommes consacrées à l'acquisition ou à la construction d'éléments de l'actif immobilisé, dont la déduction n'est possible que par l'amortissement (cf. documentation administrative 4 C 232 n° 5 en date du 30 octobre 1997).

Sur le plan comptable, les frais de développement ne sont activables qu'à partir de la date à laquelle les six conditions d'activation reprises au n° 18 sont remplies. Les dépenses comptabilisées antérieurement à cette date ne peuvent plus être activées (cf. avis du CNC n° 2004-15 § 4.3.2.1).

Dès lors, il existe une coïncidence entre, d'une part, la date d'activation des coûts et, d'autre part, la date de début de la phase de développement, et aucun coût antérieur à cette date, même s'il est engagé au cours de l'exercice d'activation des dépenses, ne peut faire l'objet d'une activation, tant comptablement que fiscalement.

20.S'agissant de l'application de ces précisions aux entreprises relevant de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, les précisions données au n° 11 de la DB 4 C 232 en date du 30 octobre 1997 demeurent valables.