Date de début de publication du BOI : 17/07/2006
Identifiant juridique : 5B-21-06 
Références du document :  5B-21-06 
Annotations :  Lié au BOI 5B-15-12

B.O.I. N° 119 du 17 JUILLET 2006


BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS

5 B-21-06  

N° 119 du 17 JUILLET 2006

IMPOT SUR LE REVENU. REGIME FISCAL DE LA PRESTATION COMPENSATOIRE EN CAS DE DIVORCE.
COMMENTAIRES DE LA LOI RELATIVE AU DIVORCE (N° 2004-439 DU 26 MAI 2004).

(C.G.I., art. 80 quater et 199 octodecies)

NOR BUD F 06 20447 J

Bureau C 1



PRESENTATION


1) Le régime fiscal de la prestation compensatoire a été modifié à différentes reprises (cf. BOI 5 B-9-77, 5 B-3-01 , 5 B-9-02 et 7 G-4-01 ) et s'articule en ce qui concerne l'impôt sur le revenu autour de deux principes majeurs :

- le débiteur de la prestation compensatoire qui s'acquitte de son obligation en numéraire dans les douze mois à compter de la date à laquelle le jugement est passé en force de chose jugée bénéficie d'une réduction d'impôt sur le revenu égale à 25 % du montant fixé par le juge, retenu dans la limite de 30 500 €. Les sommes perçues par le créancier ne sont pas imposables à l'impôt sur le revenu, mais donnent lieu à application des droits de mutation à titre gratuit ou du droit de partage, dans les cas visés à l'article 757 A du code général des impôts (cf. BOI 7 G-4-01 n° 101 du 5 juin 2001) ;

- lorsque le capital en numéraire est libéré sur une période supérieure à douze mois ou lorsque la prestation compensatoire est servie sous forme de rentes, les versements suivent en revanche le régime des pensions alimentaires. Ils sont par conséquent déductibles pour le débiteur et imposables au nom du bénéficiaire.

2) La loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce (JO du 27 mai 2004) applicable aux instances en divorce introduites depuis le 1 er janvier 2005 et aux jugements de conversion de rente viagère en capital prononcés depuis cette même date, modifie sur trois points principaux le dispositif rappelé ci-dessus :

- elle élargit le champ d'application de la réduction d'impôt visée à l'article 199 octodecies aux prestations compensatoires versées sous forme d'attribution de biens ou de droits (1° de l'article 26 de la loi) ;

- elle étend également, sous certaines conditions, le bénéfice de la réduction d'impôt déjà citée aux versements en capital se substituant à l'attribution de rentes (2° de l'article 26 de la loi) ;

- elle supprime enfin la perception des droits de mutation à titre gratuit exigibles en application de l'article 757 A du code général des impôts et institue un article 1133 ter dont il résulte que les versements de prestations compensatoires qui donnaient lieu à l'application des dispositions de l'article 757 A, sont désormais passibles d'un droit fixe de 75 € ou d'une imposition proportionnelle au taux de 0,60 % lorsque le versement est effectué au moyen d'immeubles ou de droits réels immobiliers (article 28 de la loi). Ces dispositions ont été commentées dans l'instruction n° 206 du 20 décembre 2005 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 7 A-3-05 . Le droit fixe a été porté à 125 € par l'article 18 de la loi de finances rectificative pour 2005.

3) La présente instruction commente pour sa part les dispositions de l'article 26 de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce qui ont modifié le régime de la prestation compensatoire en matière d'impôt sur le revenu et apporte des précisions sur l'incidence fiscale de deux aménagements de la législation civile (la libération anticipée du capital à l'initiative du débiteur et le règlement de la prestation compensatoire par les ayants droit du débiteur décédé).


SOMMAIRE

CHAPITRE I : RAPPEL ET PRECISIONS DES DISPOSITIONS APPLICABLES AVANT L'ENTREE EN VIGUEUR DE L'ARTICLE 26 DE LA LOI N° 2004-439 DU 26 MAI 2004 RELATIVE AU DIVORCE
 
1
Section 1 : Rappel du régime civil de la prestation compensatoire
 
1
A. LA PRESTATION COMPENSATOIRE EST EN PRINCIPE VERSEE SOUS FORME DE CAPITAL
 
1
B. LA PRESTATION COMPENSATOIRE PEUT, A TITRE EXCEPTIONNEL, ETRE VERSEE SOUS FORME DE RENTE
 
4
C. TOUTEFOIS, LES PRESTATIONS COMPENSATOIRES HOMOLOGUEES PAR LE JUGE DANS LE CADRE D'UN DIVORCE SUR REQUETE CONJOINTE PEUVENT PRENDRE DES FORMES PLUS VARIEES
 
5
Section 2 : Régime fiscal des prestations compensatoires
 
6
A. LA PRESTATION COMPENSATOIRE EST VERSEE SOUS FORME DE CAPITAL
 
6
  I. Le capital est versé dans les douze mois qui suivent le jugement passé en force de chose jugée (article 199 octodecies du CGI)
 
7
  II. Le capital est versé sur une période supérieure à douze mois décomptés à partir du jugement passé en force de chose jugée (article 80 quater du CGI)
 
9
       CAS PARTICULIERS
 
11
      a) Versement en tout ou partie de la prestation compensatoire au-delà du délai de douze mois alors que le jugement ou la convention homologuée prévoyait que le versement devait intervenir intégralement dans le délai de douze mois
 
11
      b) Versement de la prestation compensatoire sous forme de renoncement à une soulte
 
12
      c) Versements provisionnels qualifiés ultérieurement d'avances sur prestation compensatoire
 
14
B. LA PRESTATION COMPENSATOIRE EST VERSEE SOUS FORME DE RENTES VIAGÈRES
 
18
C. CAS PARTICULIER DES PRESTATIONS COMPENSATOIRES « MIXTES » VERSEES POUR PARTIE SOUS FORME DE CAPITAL EN NUMÉRAIRE LIBÉRÉ DANS LES DOUZE MOIS DU JUGEMENT DE DIVORCE ET POUR PARTIE SOUS FORME DE RENTES
 
20
D. CAS PARTICULIER OÙ LES MODALITES DE VERSEMENT DE LA PRESTATION COMPENSATOIRE NE SONT PAS PRECISEES
 
22
E. CONSEQUENCE DE LA SUBSTITUTION D'UN CAPITAL À DES RENTES
 
23
CHAPITRE 2 : AMENAGEMENTS APPORTES PAR LA LOI N° 2004-439 DU 26 MAI 2004 RELATIVE AU DIVORCE
 
26
Section 1 : Modifications du régime civil
 
26
A. LA LOI DU 26 MAI 2004 RELATIVE AU DIVORCE A SIMPLIFIÉ LA PROCÉDURE DE DIVORCE SUR REQUÊTE CONJOINTE, LAQUELLE EST DÉSORMAIS DÉSIGNÉE SOUS LE TERME DE DIVORCE PAR CONSENTEMENT MUTUEL (ARTICLES 230 À 232 ET 250 À 250-3 DU CODE CIVIL)
 
26
B. LA LOI DU 26 MAI 2004 RELATIVE AU DIVORCE A PAR AILLEURS APPORTÉ DES MODIFICATIONS AU RÉGIME CIVIL DES PRESTATIONS COMPENSATOIRES, QUI SE TRADUISENT PRINCIPALEMENT PAR UNE REFONTE DES ARTICLES 274 À 276 DU CODE CIVIL
 
27
C. PRINCIPALES AUTRES MODIFICATIONS APPORTEES PAR LA LOI SUR LE DIVORCE
 
33
Section 2 : Conséquences sur le plan fiscal
 
37
A. LE BÉNÉFICE DE LA RÉDUCTION D'IMPÔT SUR LE REVENU EST ÉTENDU À TOUTES LES FORMES DE VERSEMENTS PRÉVUES PAR L'ARTICLE 274 DU CODE CIVIL
 
38
  I. Le champ d'application de la réduction d'impôt est élargi
 
38
  II. L'assiette de la réduction d'impôt sur le revenu est précisée
 
40
B. LE BÉNÉFICE DE LA RÉDUCTION D'IMPÔT SUR LE REVENU EST ÉTENDU AUX CONVERSIONS DE RENTES EN CAPITAL VERSÉES DANS LES DOUZE MOIS DU JUGEMENT
 
44
  I. Le capital versé en application d'un jugement prononçant la conversion d'une rente doit obéir aux règles de droit commun
 
45
    1. Le capital doit être versé sur une période au plus égale à douze mois
 
45
    2. Le capital doit revêtir l'une des formes prévues à l'article 274 du code civil
 
47
  II. L'assiette de la réduction d'impôt sur le revenu fait l'objet d'un calcul particulier
 
50
C - LIBERATION ANTICIPEE DU CAPITAL ECHELONNE
 
52
D - CAS PARTICULIER DES VERSEMENTS EFFECTUES PAR LES HERITIERS ET LEGATAIRES DE L'EPOUX DEBITEUR DECEDE
 
55
CHAPITRE 3 : ENTREE EN VIGUEUR
 
60
ANNEXE 1 : Fiche de calcul de l'assiette de la réduction d'impôt sur le revenu en cas de conversion de rente en capital
 
ANNEXE 2 : Extrait de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce (publiée au Journal Officiel du 27 mai 2004)
 
ANNEXE 3 : Article 199 octodecies du code général des impôts
 
ANNEXE 4 : Extraits du code civil (articles 268 et 270 à 281)
 


CHAPITRE I :

RAPPEL ET PRECISIONS RELATIVES AUX DISPOSITIONS APPLICABLES AVANT L'ENTREE EN VIGUEUR DE L'ARTICLE 26 DE LA LOI N° 2004-439 DU 26 MAI 2004 RELATIVE AU DIVORCE



Section 1 :

Rappel du régime civil de la prestation compensatoire



  A. LA PRESTATION COMPENSATOIRE EST EN PRINCIPE VERSEE SOUS FORME DE CAPITAL


1.L'article 274 du code civil fixe le principe du versement de la prestation compensatoire sous forme de capital.

2.Celui-ci peut prendre plusieurs formes (article 275 du code civil) :

- le versement d'une somme d'argent ;

- l'abandon de biens en nature, meubles ou immeubles, en propriété, en usufruit, pour l'usage ou l'habitation ;

- le dépôt de valeurs productives de revenus entre les mains d'un tiers chargé de les reverser au créancier.

3.Lorsque le débiteur n'est pas en mesure de verser le capital par un paiement immédiat, le juge peut fixer des modalités de paiement particulières, sous forme de versements mensuels ou annuels dans la limite de huit années indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires (article 275-1 du code civil).


  B. LA PRESTATION COMPENSATOIRE PEUT, A TITRE EXCEPTIONNEL, ETRE VERSEE SOUS FORME DE RENTE VIAGERE


4.Le juge peut, par décision spécialement motivée, lorsque l'âge ou l'état de santé du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins, lui attribuer une prestation compensatoire sous forme de rente viagère (article 276 du code civil).


  C. TOUTEFOIS, LES PRESTATIONS COMPENSATOIRES HOMOLOGUEES PAR LE JUGE DANS LE CADRE D'UN DIVORCE SUR REQUETE CONJOINTE PEUVENT PRENDRE DES FORMES PLUS VARIEES


5.L'article 278 du code civil permet aux époux, dans le cadre d'un divorce sur requête conjointe, de fixer la prestation compensatoire selon des modalités variées (par exemple : capital versé pendant une durée supérieure à huit ans, rente attribuée pour une durée limitée ou dont le versement cesse à compter de la réalisation d'un événement déterminé, prestation compensatoire mixte, versée à la fois sous forme de capital et de rente attribuée pour une durée limitée ou viagère).


Section 2 :

Régime fiscal des prestations compensatoires



  A. LA PRESTATION COMPENSATOIRE EST VERSEE SOUS FORME DE CAPITAL


6.Lorsque la convention de divorce homologuée par le juge ou le jugement de divorce définitif prévoit l'attribution d'un capital en numéraire, le régime fiscal de la prestation compensatoire diffère selon que le capital est ou non versé dans les douze mois qui suivent le jugement de divorce passé en force de chose jugée.


  I. Le capital est versé dans les douze mois qui suivent le jugement passé en force de chose jugée (article 199 octodecies du CGI)


7.Lorsque la prestation compensatoire est acquittée en numéraire pour sa totalité dans le délai précité, le débiteur bénéficie d'une réduction d'impôt sur le revenu de 25 % des sommes versées, retenues dans la limite de 30 500 €.

8.Pour le bénéficiaire des sommes, la prestation compensatoire ne constitue pas un revenu et n'est donc pas soumise à l'impôt sur le revenu. En revanche, les droits d'enregistrement sont exigibles 1 .


  II. Le capital est versé sur une période supérieure à douze mois décomptés à partir de la date du jugement passé en force de chose jugée (article 80 quater du CGI)


9.Lorsque les versements sont étalés sur une période n'excédant pas huit ans, ils conservent la nature de capital, conformément aux dispositions de l'article 275-1 du code civil.

10.Toutefois, les sommes versées dans ces conditions sont déductibles du revenu imposable du débiteur. Corrélativement, elles constituent pour leur bénéficiaire un revenu imposable selon le régime des pensions (cf. n° 18 ).

Cas particuliers

a) Versement en tout ou partie de la prestation compensatoire au-delà du délai de douze mois alors que le jugement ou la convention homologuée prévoyait que le versement devait intervenir intégralement dans le délai de douze mois

11.Dans une telle situation, les sommes versées sont normalement déductibles du revenu imposable du débirentier et imposables selon le régime des pensions au nom du crédirentier, avec application éventuelle du système du quotient prévu à l'article 163 0A du CGI.

Toutefois, si les services établissent que les parties, et notamment celle tenue d'acquitter la prestation compensatoire, n'exécutent pas la décision du juge ou la convention homologuée dans les termes prévus aux seules fins d'en retirer le bénéfice d'un régime fiscal favorable, les dispositions précédentes ne leur sont pas applicables. Dans ce cas, les versements ne sont donc ni déductibles, ni imposables.

Il appartient toutefois aux services d'établir la preuve de l'intention du contribuable. Celle-ci sera réputée apportée lorsque, par exemple, le débiteur n'a pas libéré le capital dans les douze mois du jugement ayant acquis force de chose jugée, conformément au jugement ou à la convention homologuée, alors qu'il est titulaire d'un important patrimoine liquide (portefeuille de valeurs mobilières, contrats d'assurance vie...) susceptible d'être mobilisé rapidement.