Date de début de publication du BOI : 01/07/2002
Identifiant juridique : 13L1323
Références du document :  13L1323

SOUS-SECTION 3 SUPPRESSION DU DROIT DE REPRISE LORSQUE L'ADMINISTRATION A PRIS POSITION DANS CERTAINES CONDITIONS : « LE RESCRIT »

b. Portée de l'expression « interprétation du texte fiscal ».

20 Bien entendu, seuls sont opposables à l'administration les documents qui, parmi ceux précédemment indiqués, comportent effectivement une interprétation du texte fiscal. Il convient de distinguer à cet égard d'une part les documents qui, telles les instructions administratives ou les réponses ministérielles, font état de dispositions de portée générale et d'autre part, les réponses aux demandes de renseignements des contribuables.

1° Instructions, circulaires administratives, réponses ministérielles.

21Ces documents sont à considérer comme interprétant un texte fiscal lorsqu'ils règlent, d'une manière générale, une situation donnée. Il en est ainsi, par exemple, d'une instruction précisant qu'une catégorie déterminée de dépenses est déductible du revenu global selon des modalités qu'elle indique (CE, arrêt du 30 juin 1972, req. n° 80462, RJ, n° IV, p. 43) ou encore d'une instruction qui précise les conditions d'option des agents généraux d'assurance pour le régime fiscal des salariés (CE, arrêt du 25 mai 1983, n° 31847).

Lorsque cette condition est remplie, le fait qu'une instruction administrative ou une réponse à la question écrite de parlementaires qualifie la mesure qu'elle prévoit de « mesure de bienveillance », de « solution de tempérament » ou de tout autre formule destinée à marquer qu'elle s'écarte des règles légalement applicables, ne fait pas obstacle à ce que les contribuables puissent s'en prévaloir.

22En revanche, lorsqu'elles se bornent à donner de simples recommandations en laissant une certaine liberté d'appréciation au service, les instructions et circulaires administratives n'interprètent pas la loi fiscale au sens de l'article L. 80 A du LPF et, de ce fait, ne sont pas opposables à l'administration (CE, arrêts des 28 février 1973, req. n° 85800, RJ, n° IV, p. 30 ; 22 décembre 1982, n° 28183 et 10 décembre 1984, n° 34614).

2° Documentation de base.

23Dans la mesure où la documentation administrative de base se propose, notamment, de rassembler à l'usage des agents de l'administration, les instructions ou circulaires émanant du ministre chargé des impôts, elle constitue une interprétation de la loi fiscale au sens de l'article L. 80 A du LPF (CE, arrêts des 27 juin 1979, n° 13899 et 27 avril 1981, n° 12785).

Si cette documentation peut avoir pour effet de rapporter, au sens de ces dispositions, une interprétation de la loi fiscale précédemment publiée, elle ne peut, dans ce cas, être opposée aux contribuables qu'à compter de la date à laquelle elle a fait l'objet d'une publicité au moins équivalente à celle qui avait été donnée à l'interprétation précédemment admise (CE, arrêt du 4 juillet 1986, n° 47410 Plén.).

3° Réponses aux demandes de renseignements des contribuables.

24Les réponses aux demandes de renseignements des contribuables ne peuvent être invoquées par les intéressés sur le fondement de l'article L. 80 A du LPF que dans la mesure où elles contiennent une interprétation du texte fiscal au sens défini d'une manière générale par la jurisprudence du Conseil d'État, c'est-à-dire lorsqu'elles ont pour objet de préciser le sens et la portée des textes légaux ou réglementaires applicables dans un cas particulier.

25Les décisions individuelles qui se limitent à l'appréciation d'une situation de fait au regard de l'application des dispositions d'un texte fiscal sans faire découler cette appréciation d'une solution de droit énoncée dans la réponse ne peuvent, en revanche, être opposées à l'administration que sur la base de l'article L. 80 B du LPF (cf. ci-dessous n os46 et suiv. ).

c. Interprétation contraire à la loi fiscale.

26Par un avis rendu le 8 avril 1998, n° 192539, le Conseil d'État a considéré que, dans l'hypothèse où le contribuable n'a pas appliqué les dispositions mêmes de la loi fiscale mais a seulement entendu se conformer à l'interprétation contraire à celle-ci qu'en avait donnée l'administration dans une instruction ou une circulaire, l'administration ne peut faire échec à la garantie que le contribuable tient de l'article L. 80 A du LPF et recourir à la procédure de répression des abus de droit en se fondant sur ce que ce contribuable, tout en se conformant aux termes mêmes de cette instruction ou circulaire, aurait outrepassé la portée que l'administration entendait en réalité conférer à la dérogation aux dispositions de la loi fiscale que l'instruction ou la circulaire autorisait. Elle peut seulement, le cas échéant, contester que le contribuable remplissait les conditions auxquelles l'instruction ou la circulaire subordonne le bénéfice de l'interprétation qu'elle donne (cf. DB 13 L 1531, n° 29 ).

4. Conditions de mise en oeuvre de la garantie.

a. Dispositions de portée générale.

27Outre le respect du principe de l'antériorité de l'interprétation du texte fiscal par l'administration (cf. n os10 et 11 ), la garantie prévue à l'article L. 80 A du LPF n'est par ailleurs subordonnée à aucune forme particulière. Il suffit que le contribuable ait fait application de l'interprétation du texte fiscal donnée par l'administration pour que cette interprétation soit opposable au service.

Par ailleurs et afin d'étendre la solution dégagée à l'égard des impôts non déclaratifs tels que les impôts locaux (cf. CE, 7 janvier 1977, n° 96362) ou ceux dont les bases sont arrêtées d'office (cf. CE, 3 avril 1981, n° 14276 ter), il n'est pas exigé des contribuables, pour l'application du second alinéa de l'article L. 80 A du LPF, qu'ils aient effectivement fait application de la doctrine dont ils revendiquent, a posteriori, le bénéfice. Ainsi, tout contribuable qui a souscrit sa déclaration ou présenté un acte à la formalité en fonction des seules dispositions légales et réglementaires demeure fondé, dans le délai de réclamation, à se prévaloir d'une doctrine plus favorable pour faire échec à toute imposition primitive ou supplémentaire pour autant, toutefois, que la règle d'antériorité exposée n° 12 soit satisfaite 1 .

b. Réponses aux demandes de renseignements des contribuables.

28La garantie prévue à l'article L. 80 A du LPF ne peut être conférée aux réponses aux demandes de renseignements posées par les contribuables et aux documents assimilés que si les deux conditions suivantes sont remplies :

1° Existence d'une prise de position formelle de l'administration.

29Il faut, en premier lieu, que l'interprétation donnée par le service ait été « formellement admise », c'est-à-dire qu'elle résulte d'une décision écrite signée par un fonctionnaire qualifié pour engager l'administration.

En conséquence, ne peuvent notamment constituer une approbation des errements suivis par le contribuable et permettre à ce dernier d'invoquer, en cas de rehaussement, les dispositions de l'article L. 80 A du LPF :

- ni le silence gardé par l'administration sur les observations du contribuable ;

- ni le fait d'avoir établi une imposition primitive conformément aux bases déclarées par le contribuable (CE, arrêts des 11 juillet 1973, n° 88817, RJ n° IV, p. 86 et 20 novembre 1981, n° 21566) ;

- ni l'absence de redressement à la suite d'une vérification (CE, arrêts des 29 juin 1981, n° 14979 ; 5 décembre 1983, n° 32180 et 24 février 1988, n° 65430).

De même :

- les renseignements verbaux donnés aux contribuables par les centres de renseignements fiscaux officiels ne peuvent être regardés comme engageant l'administration pour l'application des dispositions de l'article L. 80 A du LPF (CE, arrêt du 19 mars 1969, req. n° 73972, RJ, 2e partie, p. 49) ;

- une prise de position émanant d'une association de gestion agréée et établie, sous sa seule responsabilité, ne constitue pas une interprétation du texte fiscal au sens de l'article L. 80 A du LPF. Est sans incidence la circonstance que l'association avait au préalable questionné les services des impôts, qui n'ont pas répondu (CE, arrêt du 4 décembre 1989, n° 89214).

30Les demandes de renseignements des contribuables et les réponses du service ne sont soumises à aucun formalisme particulier.

Les contribuables sont en droit d'opposer à l'administration les réponses aux demandes de renseignements qui leur sont parvenues lorsqu'elles sont écrites et signées par un agent qualifié pour engager l'administration. Il s'agira, en pratique, d'un agent ayant au moins le grade de contrôleur dès lors que seuls ces agents peuvent, dans le ressort territorial du service auquel ils sont affectés, fixer les bases d'imposition ou notifier des redressements

Bien entendu, il appartient aux contribuables de prouver l'existence de l'interprétation formellement admise qu'ils invoquent.

2° Exposé exact de la situation du contribuable.

31Il faut, en second lieu, que le contribuable soit de bonne foi, c'est-à-dire qu'il ait non seulement correctement appliqué la décision qui lui a été notifiée par l'administration, mais encore qu'il ait mis cette dernière en état de se prononcer en pleine connaissance de cause sur la question posée. Cette exigence implique donc, de la part du contribuable, un exposé complet, clair et sincère de la situation.

En effet, les réponses écrites du service ne peuvent être opposées à ce dernier que dans la mesure où la situation réelle de l'auteur de la question correspond effectivement à celle qui a été exposée et n'a pas subi de changement.

32D'autre part il est bien évident que si la réponse faite par le service implique une régularisation de la situation du redevable, celui-ci doit procéder spontanément à cette régularisation. S'il n'agissait pas ainsi, il ne pourrait plus, en effet, être regardé comme étant de bonne foi et perdrait, par suite, le bénéfice des garanties attachées à ladite réponse.

33Bien entendu, les questions posées doivent se rapporter à la situation actuelle et personnelle du contribuable qui a présenté la demande.

  II. Étendue de la garantie et modalités pratiques de mise en oeuvre

1. Étendue de la garantie.

a. Décisions de portée générale.

34La garantie instituée par l'article L. 80 A du LPF commence à courir au profit du contribuable à partir du moment où celui-ci a fait application dans sa déclaration ou lors de la détermination des bases servant au calcul d'impôts ou de taxes acquittés spontanément, de l'interprétation des textes fiscaux fixée par l'administration dans ses instructions, notes, circulaires ou réponses ministérielles aux questions écrites des parlementaires ou dans sa documentation de base.

Pour les contribuables placés par décision administrative hors du champ d'application de l'impôt et qui, de ce fait, ne souscrivent pas de déclaration, la garantie court à partir de l'expiration du délai de déclaration.

35Aucun rehaussement fondé sur une interprétation différente ne peut donc être poursuivi aussi longtemps que l'administration n'a pas, par une nouvelle disposition de portée générale, modifié sa doctrine.

36Les dispositions de portée générale prises par l'administration lui sont opposables, en cas de rehaussement, sous la seule réserve que ces dispositions interprètent les textes fiscaux au sens précédemment défini (cf. ci-dessus n os21 à 23 ).

Les textes fiscaux sont ceux qui se rapportent à l'assiette, au taux, à la liquidation de l'impôt ou aux règles de prescription (CE, arrêts du 28 novembre 1997, n os 125920 et 165287).

37Le Conseil d'État a ainsi jugé que ne constituent pas des textes fiscaux pour l'application de l'article L. 80 A du LPF, les textes relatifs :

- à la procédure d'imposition (CE, arrêts du 17 mai 1985, n° 39234 et du 18 novembre 1988, n° 74383) ;

- aux modalités d'application des pénalités (CE, arrêt du 11 décembre 1974, n° 88718) ;

- aux obligations comptables des contribuables.

b. Décisions individuelles.

38Dès lors qu'un contribuable aura exposé clairement et avec sincérité la situation qui fait l'objet de sa demande, il ne pourra, tant que ni cette situation, ni la législation, la jurisprudence ou la doctrine administrative n'auront subi de modification, faire l'objet de redressement sur le point de droit tranché dans la réponse. En d'autres termes, une réponse qui serait erronée vaudrait, quelle que soit la nature de l'impôt en cause, prescription anticipée au profit du contribuable à compter de la date de cette réponse et jusqu'à ce que l'intéressé ait été officiellement avisé que la solution donnée antérieurement comportait une erreur.

Bien entendu, les réponses adressées aux redevables ne peuvent avoir effet que dans le domaine strictement fiscal. Dès lors, dans la mesure où le service pourrait être amené à penser que la réponse faite par lui au redevable serait susceptible d'être invoquée par celui-ci pour faire valoir des droits dans un domaine extra-fiscal, il conviendrait de formuler expressément dans la réponse toutes les réserves nécessaires sur ce point.

À cet égard, il est précisé qu'en cas de changement dans la situation du contribuable ou dans la législation après que la réponse a été adressée, celle-ci perd, ipso facto, toute valeur sans qu'aucune notification du service ne soit nécessaire.

39En revanche, si la réponse du service est périmée par un changement de doctrine ou par l'évolution de la jurisprudence, elle continue d'être opposable jusqu'à ce que l'administration ait publié sa nouvelle doctrine ou fait connaître les conséquences qu'elle entend tirer d'une décision de jurisprudence rendue contrairement à sa doctrine.

40En outre, il résulte des indications données plus haut :

- qu'un contribuable ne pourra en aucun cas se prévaloir de la réponse faite à une question posée d'une façon inexacte ou tendancieuse, puisque le bénéfice des dispositions de l'article L. 80 A du LPF est expressément réservé aux redevables de bonne foi ;

- qu'un contribuable ne peut se prévaloir que des réponses aux questions posées par lui-même ou par son représentant.

1   En outre le respect des dispositions de l'article 283-3 du CGI ne permettra de donner satisfaction au redevable de la TVA que lors de l'émission de la facture rectificative.