Date de début de publication du BOI : 01/07/2002
Identifiant juridique : 13L1323
Références du document :  13L1323

SOUS-SECTION 3 SUPPRESSION DU DROIT DE REPRISE LORSQUE L'ADMINISTRATION A PRIS POSITION DANS CERTAINES CONDITIONS : « LE RESCRIT »

2. Modalités pratiques de mise en oeuvre.

41En ce qui concerne les réponses aux questions posées par les contribuables, il a été précisé qu'au plan des principes de tels documents doivent être écrits et signés par des agents qualifiés pour engager l'administration. Dans la pratique, il s'agira d'un agent ayant au moins le grade de contrôleur dès lors que seuls ces agents peuvent, dans le ressort territorial du service auquel ils sont affectés, fixer les bases d'imposition ou notifier des redressements.

42Il est recommandé à ces agents :

- de ne pas hésiter à demander aux redevables les renseignements complémentaires qui leur paraîtraient indispensables pour être mis en mesure de répondre avec précision à la question posée ;

- de s'assurer, par'la consultation du dossier de l'auteur de la demande, que la question évoquée n'a pas déjà été tranchée lors d'une précédente vérification. Les rapports de vérification devront être étudiés avec attention et l'inspecteur n'hésitera pas à prendre contact avec son collègue vérificateur avant de rédiger le projet de réponse ;

- d'entretenir l'inspecteur divisionnaire ou principal dont ils relèvent des difficultés rencontrées pour l'élaboration de ce projet.

- de prendre, si la nature de la question posée le nécessite, l'attache de sa direction.

43Si la question à régler posait un problème délicat n'ayant encore fait l'objet d'aucune instruction administrative ou mettant en jeu des sommes importantes, le directeur solliciterait l'avis de la direction générale.

44Les réponses seront adressées, sous pli recommandé avec avis de réception, dans un délai aussi rapproché que possible de la date de la demande. Ce délai ne devrait pas, en principe, excéder un mois.

45La demande du redevable et une copie de la réponse qui lui aura été faite seront classées au dossier du contribuable.

  B. SUPPRESSION DU DROIT DE REPRISE LORSQUE LA CAUSE DU REHAUSSEMENT REPOSE SUR UN CHANGEMENT D'APPRÉCIATION D'UNE SITUATION DE FAIT AU REGARD D'UN TEXTE FISCAL : ARTICLE L. 80 B-1° DU LPF

46Aux termes de l'article L. 80 B-1° du LPF, il ne peut être procédé à aucun rehaussement d'impositions si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal par un redevable de bonne foi et s'il est démontré que l'appréciation faite par le contribuable a été antérieurement formellement admise par l'administration.

47Comme l'article L. 80 A du LPF, l'article L. 80 B est applicable à tous les impôts, droits et taxes assis et recouvrés en vertu des dispositions du code général des impôts mais il ne s'applique pas aux taxes parafiscales (prélèvements obligatoires qui reçoivent une affectation déterminée et qui échappent en totalité ou en partie aux règles de la législation budgétaire ou fiscale) [cf. CE, arrêt du 25 juillet 1980 cité ci-dessus n° 6 ].

  I. Conditions d'application de la garantie prévue par l'article L. 80 B-1° du LPF

1. Existence d'une prise de position formelle de l'administration.

a. Caractéristiques de la prise de position.

1° La prise de position doit être formelle.

48Seules les prises de position écrites et signées par un agent qualifié pour engager l'administration entrent dans le cadre de l'article L. 80 B-1° du LPF. Il s'agira, en pratique, d'un agent ayant au moins le grade de contrôleur dès lors que seuls ces agents peuvent, dans le ressort territorial du service auquel ils sont affectés, fixer les bases d'imposition ou notifier des redressements (CGI, ann. III, art. 350 terdecies).

49De plus, ces prises de position doivent avoir été portées officiellement à la connaissance du contribuable.

50En outre, la circonstance que pour des années prescrites ou lors d'une précédente vérification l'administration n'ait pas relevé des irrégularités ne saurait constituer une appréciation formelle d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (en ce sens : CE, arrêts des 19 décembre 1969, n° 74612 ; 9 mai 1973, n° 86128 ; 5 décembre 1983, n° 32180).

51Il en est de même dans le cas où l'administration établit l'imposition primitive conformément à la déclaration souscrite par le contribuable et procède ultérieurement à un rehaussement : l'établissement de l'imposition primitive ne saurait être assimilé à une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait (en ce sens : CE, arrêt du 22 janvier 1982, n° 17856).

2° La prise de position doit être antérieure.

52La prise de position invoquée par le contribuable doit être antérieure à la date de mise en recouvrement de l'imposition primitive (CE, arrêt du 13 octobre 1999, n° 190040).

3° La prise de position doit concerner le contribuable lui-même.

53Un contribuable ne peut se prévaloir, pour son cas personnel, de l'appréciation d'une situation de fait concernant d'autres contribuables (CE, arrêt du 15 janvier 1982, n° 22923).

b. L'auteur de la prise de position.

54De même que pour l'article L. 80 A du LPF, la prise de position peut émaner du service comme de l'administration centrale.

c. Exemples.

1° Cas où il peut y avoir prise de position formelle.

55D'une manière générale, l'administration est conduite à apprécier les situations de fait à l'occasion d'un contrôle fiscal ou d'une procédure contentieuse.

Ainsi, lors d'un contrôle fiscal, les documents suivants peuvent servir de support à une prise de position formelle de l'administration :

- notification de redressement ;

- réponse aux observations du contribuable.

2° Absence de prise de position formelle.

56Lorsque le service agit sur le plan gracieux, la décision prise à ce titre ne constitue pas une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait.

Il en est ainsi par exemple d'une décision de dégrèvement gracieux ou d'une proposition de transaction.

57Les simples recommandations faites au service par voie d'instruction ne constituent pas une prise de position formelle (rapprocher CE, arrêt du 19 février 1986, n° 58488).

2. Existence de l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte.

58Il y a appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte quand l'administration tire les conséquences juridiques d'une situation donnée.

L'appréciation peut porter par exemple sur les cas suivants en matière d'assiette de l'impôt :

- qualification d'une activité :

• taxation selon le régime des bénéfices industriels et commerciaux ou celui des bénéfices non commerciaux (CE, arrêt du 28 novembre 1984, n° 40180),

• taxation des profits tirés d'une opération immobilière à l'impôt sur le revenu selon le régime des plus-values non spéculatives ou selon le régime des marchands de biens ;

- détermination de la base d'imposition :

• admission d'une déduction supplémentaire pour frais professionnels (CE, arrêt du 17 décembre 1980, n° 19221),

• acceptation formelle d'un taux d'amortissement ou du mode de calcul d'une provision (CE, arrêt du 3 novembre 1978, n os 5782 et 5783) ;

- localisation du domicile fiscal : reconnaissance de la qualité de résident ou non-résident (CE, arrêt du 24 juillet 1981, n° 17341).

59L'appréciation d'une situation de fait peut également être effectuée à l'occasion du traitement d'une réclamation contentieuse : les motifs d'une décision de dégrèvement peuvent constituer l'appréciation d'une situation de fait par laquelle l'administration est engagée.

60En revanche, l'administration ne se livre pas à l'appréciation d'une situation de fait par exemple dans les cas suivants :

- en matière d'assiette de l'impôt :

• remboursement de crédit de taxe : en remboursant un crédit de taxe à la demande d'un contribuable, l'administration ne se livre pas à une appréciation de la situation de fait du contribuable et n'est donc pas engagée par le remboursement réalisé ;

- en matière contentieusè :

• dégrèvement suite à une procédure irrégulière : un dégrèvement prononcé aux motifs de l'irrégularité de la procédure menée à l'encontre du contribuable ne constitue pas une appréciation de la situation de fait dans laquelle se trouvait ce contribuable. Dès lors, des rehaussements peuvent à nouveau être notifiés au contribuable en cause, d'une part, pour la même période (sous réserve du délai de reprise) et d'autre part, s'il y a lieu, pour les années suivantes ;

• suite donnée à un jugement de première instance : le fait pour l'administration de ne pas avoir relevé appel d'un jugement de première instance ayant donné satisfaction au contribuable ne peut pas être regardé comme une prise de position formelle de la situation de fait de ce contribuable au regard d'un texte fiscal (rapprocher CE, arrêt du 2 juin 1976, n os 89361 et 89308).

61Dans les cas où l'administration a tiré les conséquences fiscales de l'appréciation d'une situation de fait, la garantie prévue par l'article L. 80 B-1° ne peut être invoquée par le contribuable concerné, pour une imposition postérieure à la prise de position de l'administration, que si la situation en cause est strictement identique à celle qui a été formellement appréciée par l'administration.

3. Appréciation au regard d'un texte fiscal.

62Le texte fiscal est celui qui se rapporte à l'assiette, au taux, à la liquidation de l'impôt ou aux règles de prescription (CE, arrêts du 28 novembre 1997, n os 125920 et 165287). Il peut s'agir d'un texte législatif ou réglementaire ou de l'interprétation que l'administration a fait connaître de ce texte au sens du 2e alinéa de l'article L. 80 A du LPF.

63Conformément à la jurisprudence du Conseil d'État déjà évoquée (cf. ci-dessus n° 37 ) rendue pour l'application du L. 80 A mais transposable en ce qui concerne l'article L. 80 B, ne constituent pas des « textes fiscaux » pour l'application de l'article L. 80 B du LPF, les textes relatifs, notamment, à la procédure d'imposition, aux obligations comptables des contribuables et aux modalités d'application des pénalités.

4. Existence d'un rehaussement.

64Conformément au texte du premier alinéa de l'article L. 80 A, l'article L. 80 B-1° ne concerne que les cas où l'administration procède à un rehaussement d'impositions antérieures. La garantie prévue par cet article ne peut donc faire échec qu'aux compléments d'imposition venant s'ajouter aux impositions initiales précédemment mises en recouvrement.

Dès lors, un contribuable dont les bénéfices professionnels ont été évalués d'office à défaut de déclaration ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 80 B puisque la condition relative au rehaussement d'une imposition primitive n'est pas remplie (rapp. CE, arrêt du 26 octobre 1979, n° 7962, déjà cité ci-dessus, n° 9 ). Il en est de même pour les contribuables taxés d'office pour défaut de souscription des déclarations visées à l'article L. 66 du LPF,

65Il est rappelé, toutefois, qu'afin d'assurer l'unité d'application de l'article L. 80 A du LPF (cf. n° 11 ), il a été admis de considérer comme des cas de rehaussement auxquels la garantie du premier alinéa de cet article s'appliquait :

- le redressement d'une base d'imposition régulièrement déclarée et qui n'a pas fait l'objet d'une imposition ;

- la taxation initiale d'un contribuable placé, par décision administrative, hors du champ d'application de l'impôt et n'ayant en conséquence pas souscrit de déclaration.

Dès lors, quand le contribuable se trouve dans l'un de ces cas, la garantie instituée par l'article L. 80 B peut également trouver à s'appliquer.

5. Bonne foi du contribuable.

66La garantie de l'article L. 80 B-1° du LPF ne peut trouver à s'appliquer que si le contribuable concerné est de bonne foi, c'est-à-dire :

- si sa situation est strictement identique à celle sur laquelle l'administration a pris position ;

- et si le contribuable s'est conformé à la solution admise par l'administration lors de sa prise de position formelle.

  II. Étendue de la garantie

67L'article L. 80 B-1° du LPF n'a pas pour objet d'empêcher l'administration de modifier son analyse d'une situation de fait.

L'administration peut toujours rapporter une prise de position mais elle ne peut le faire que pour l'avenir, sans pouvoir revenir rétroactivement sur une appréciation du contribuable conforme à la position qu'elle avait prise antérieurement.

1. Point de départ de la garantie.

68D'une manière générale, le contribuable ne peut se prévaloir de la garantie prévue à l'article L. 80 B-1° du LPF que pour les impositions pour lesquelles la date du dépôt de la déclaration ou, en l'absence d'obligation déclarative, celle du paiement, est postérieure à la date à laquelle est intervenue la prise de position qu'il invoque.

69En cas d'application par le contribuable de l'appréciation antérieure d'une situation 'de fait au regard d'un texte fiscal, la garantie commence à courir du jour où le contribuable a appliqué la prise de position de l'administration dans sa déclaration ou, en l'absence d'obligation déclarative, lors du paiement de l'impôt.

70Lorsque le contribuable a été placé hors du champ d'application de l'impôt par décision administrative et ne souscrit pas de déclaration, la garantie commence à courir le jour de l'expiration du délai légal de déclaration.