Date de début de publication du BOI : 01/07/2002
Identifiant juridique : 13L1323
Références du document :  13L1323
Annotations :  Lié au BOI 13L-8-10
Lié au BOI 13L-3-05
Lié au BOI 13L-5-04

SOUS-SECTION 3 SUPPRESSION DU DROIT DE REPRISE LORSQUE L'ADMINISTRATION A PRIS POSITION DANS CERTAINES CONDITIONS : « LE RESCRIT »

SOUS-SECTION 3  

Suppression du droit de reprise lorsque l'administration a pris position
dans certaines conditions : « le rescrit »

1Issu de l'article 100 de la loi n° 59-1472 du 28 décembre 1959, le 1er alinéa de l'article L. 80 A du LPF avait à l'origine pour objet d'offrir aux contribuables la possibilité d'obtenir des renseignements précis sur leur situation fiscale. Elle donnait en même temps aux intéressés l'assurance que les réponses qui leur seraient faites engageaient formellement l'administration.

Conformément aux précisions fournies par le ministre au cours des débats qui avaient précédé l'adoption du texte initial (JO du 20 novembre 1959, déb. Sénat du 19 novembre 1959, p. 1105) et aux commentaires administratifs de ce texte, seules devaient être considérées comme susceptibles d'engager l'administration les réponses revêtues de la signature d'un directeur des impôts, les agents ayant le grade d'inspecteur principal étant habilités à signer les réponses par délégation du directeur.

Mais le Conseil d'État a estimé que l'interprétation administrative des textes fiscaux exprimés sous la forme de circulaires, de notes ou de réponses ministérielles aux questions écrites posées par les parlementaires engage l'administration, dans le cadre des dispositions de l'article L. 80 A du LPF au même titre que les réponses faites individuellement à des contribuables au sujet de leur cas particulier (CE, arrêts des 7 février 1968, req. n° 72850, RJ, 2e partie, p. 39 et 24 juin 1968, req. n° 66883, RJ, 2e partie, p. 156).

L'article 21 de la loi n° 70-601 du 9 juillet 1970, codifié sous le 2e alinéa de l'article L. 80 A du LPF, a conféré un support législatif à cette jurisprudence en prévoyant que lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente.

2L'article 19 de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987, codifié à l'article L. 80 B-1° du LPF, constitue quant à lui une extension de la garantie précédente : il ouvre aux contribuables la possibilité d'opposer à l'administration ses prises de position formelles antérieures sur l'appréciation de situations de fait au regard d'un texte fiscal.

Par la suite, l'article L. 80 B du LPF a été complété de deux dispositifs d'accord tacite sur certaines demandes de prise de position formelle adressées à l'administration :

- demandes relatives à certains régimes d'amortissements exceptionnels ou au régime d'allégement d'impôt sur les bénéfices prévu en faveur des entreprises nouvelles par l'article 44 sexies du CGI (article 12 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, codifié à l'article L. 80 B-2° du LPF) ;

- demandes relatives au crédit d'impôt pour dépenses de recherche prévu par l'article 244 quater B du CGI (article 105 de la loi de finances pour 1997, codifié à l'article L. 80 B-3° du LPF).

3Par ailleurs, dans le cadre d'une mesure administrative applicable jusqu'au 30 juin 2006, la prise de position de l'administration sur la valeur d'une entreprise faisant l'objet d'une donation peut, sous certaines conditions, lui être opposable.

4Enfin, l'article L. 64 B du LPF issu de l'article 18 de la loi du 8 juillet 1987 précitée prévoit que, sous certaines conditions, la procédure de répression des abus de droit prévue par l'article L. 64 du LPF ne peut pas être mise en oeuvre à rencontre des contribuables qui ont consulté l'administration centrale sur la portée d'un contrat ou d'une convention, sans recevoir de réponse dans les six mois.

5Ces garanties constituent un ensemble qu'il est convenu de désigner sous le vocable de « rescrit » dont la présente sous-section précise les conditions d'application ainsi que la portée de chacune d'entre elles.

  A. SUPPRESSION DU DROIT DE REPRISE LORSQUE LA CAUSE DU REHAUSSEMENT REPOSE SUR UNE INTERPRÉTATION DIFFÉRENTE DE CELLE PRÉCÉDEMMENT ADMISE FORMELLEMENT PAR L'ADMINISTRATION : ARTICLE L. 80 A DU LPF

  I. Conditions d'application de la garantie prévue par l'article L. 80 A du LPF

6L'article L. 80 A du LPF institue, au profit des contribuables, une garantie contre les changements d'interprétation, par l'administration, des textes fiscaux.

Les dispositions de cet article ne doivent pas être regardées comme ayant seulement pour objet de permettre aux contribuables de demander à l'administration de leur faire connaître le sens et la portée d'un texte fiscal. D'une manière générale, elles autorisent les intéressés à se prévaloir, en cas de rehaussement, de l'interprétation d'un texte fiscal donnée par l'administration.

Elles s'appliquent pour tous les impôts, droits et taxes assis et recouvrés en vertu du code général des impôts y compris les impôts locaux, qu'il s'agisse d'une imposition primitive ou supplémentaire et même dans le cas où l'initiative de l'imposition appartenant entièrement à l'administration, le contribuable n'a pas à souscrire de déclaration, ni donc « à appliquer un texte fiscal ».

En revanche, ces dispositions ne s'appliquent pas aux taxes parafiscales (CE, arrêt du 25 juillet 1980, n° 93760, section).

1. Nécessité d'un rehaussement.

7La garantie instituée par le premier alinéa de l'article L. 80 A du LPF ne vise que les cas où l'administration procède au rehaussement d'impositions antérieures. Cette disposition n'est donc applicable, en principe, qu'aux compléments d'imposition venant s'ajouter à une imposition initiale précédemment mise en recouvrement et constituant la première décision sur laquelle est fondée l'interprétation dont le contribuable entend se prévaloir.

8En revanche, le second alinéa de cet article a une portée plus large. Il suffit, en effet, que le contribuable ait lui-même fait - ou ait pu faire (cf. n° 27 ) - application d'un texte fiscal selon l'interprétation donnée par l'administration dans ses instructions et circulaires publiées pour que le service ne puisse plus poursuivre aucun rehaussement fondé sur une interprétation différente.

Ce texte, contrairement à celui du premier alinéa de l'article L. 80 A du LPF, ne fait pas référence à la nécessité d'un « rehaussement d'impositions antérieures » et d'une « première décision » et peut donc être invoqué à l'occasion notamment d'un rehaussement compris dans une imposition primitive.

9Le Conseil d'État a précisé la portée respective de chacun des deux alinéas de l'article L. 80 A du LPF dans les termes suivants :

1° lorsque l'interprétation d'un texte fiscal provient d'instructions ou circulaires publiées par l'administration (LPF, art. L. 80 A , 2e alinéa), la garantie résultant de l'article L. 80 A est accordée au redevable, qu'il s'agisse d'impositions primitives ou supplémentaires (CE, arrêt du 7 janvier 1977, n° 96362, RJ n° IV, p. 3) ;

2° lorsque l'interprétation provient d'autres sources, c'est-à-dire de décisions individuelles et, en particulier, de réponses à des demandes de renseignements des contribuables (LPF, art. L. 80 A , 1er alinéa), la garantie ne s'applique que dans le cas de rehaussement d'imposition (CE, arrêts des 4 juin 1976, req. n° 98484, RJ n° IV, p. 46 et 26 octobre 1979, n° 7962).

2. Application de la garantie dans le temps.

a. Principe de l'antériorité de la doctrine.

1° S'agissant du premier alinéa de l'article L. 80 A du LPF.

10L'interprétation doctrinale dont se prévaut le contribuable pour contester l'imposition supplémentaire mise à sa charge doit avoir été exprimée antérieurement à la mise en recouvrement de l'imposition primitive à laquelle est assimilée la liquidation spontanée de l'impôt (en tant que « première décision ») : cf. CE, 27 mai 1987, n° 60053.

11Cela étant, il est rappelé, afin de respecter l'esprit de l'article L. 80 A du LPF qui est d'apporter une limite au droit de reprise de l'administration en lui interdisant de procéder à des rehaussements en contradiction avec sa propre doctrine, que la garantie prévue par le premier alinéa fait également échec aux impositions primitives établies lorsque le service :

- redresse une base d'imposition régulièrement déclarée mais n'ayant pas fait l'objet d'une imposition ;

- effectue la taxation d'un contribuable placé par décision administrative hors du champ d'application de l'impôt et qui, de bonne foi, n'a pas souscrit de déclaration.

Dans ces deux situations dérogatoires, l'interprétation revendiquée par le contribuable doit avoir été exprimée antérieurement à l'expiration du délai de déclaration dont il disposait.

2° S'agissant du second alinéa de l'article L. 80 A du LPF.

12La garantie instituée par le second alinéa de l'article L.80 A du LPF demeure, en tout état de cause, subordonnée à la condition que la publication de l'interprétation administrative soit intervenue antérieurement à la date à laquelle le contribuable a fait application de cette doctrine ou aurait pu en faire application (sur ce dernier point, cf. n° 27 ).

Compte tenu du manque d'homogénéité de la jurisprudence sur ce point, qui se réfère tantôt à la date limite de souscription de la déclaration (cf. CE, 24 mai 1989, n° 63659 ; CE, 1er juin 1990, n° 66129 ; CE, 9 octobre 1992, n° 81616), tantôt à la période d'imposition (cf. CE, 23 janvier 1985, n° 40251), voire à la date de mise en recouvrement (cf. CE, 31 octobre 1984, n° 28759), la condition d'antériorité doit être uniformément appréciée à la date limite impartie au contribuable pour souscrire sa déclaration ou pour présenter l'acte à la formalité.

Il est fait exception à cette règle pour :

- l'ensemble des impôts locaux, y compris la taxe professionnelle 1 , à l'égard desquels la date du 1er janvier de l'année d'imposition doit être retenue (cf. CE, 7 janvier 1977, n° 96362) ;

- le droit de timbre à l'égard duquel la date à retenir est celle impartie pour effectuer le paiement.

b. Date de cessation d'effet de l'interprétation doctrinale.

1° À raison d'une nouvelle doctrine rapportant la précédente, plus favorable.

13Il convient de se placer à la date du fait générateur de l'impôt pour apprécier quelle est la doctrine applicable « ratione temporis » (CE, arrêts du 18 mars 1988, n° 73693, Plén. et du 26 octobre 1994, n° 116175), c'est-à-dire notamment :

- le 31 décembre de l'année d'imposition en matière d'IR ;

- la clôture de l'exercice en ce qui concerne l'IS et les BIC ;

- le 1er janvier pour les impôts locaux ;

- les dates des livraisons ou des prestations de services s'agissant de la TVA ;

- la date de décès en matière de droits de mutation par décès.

14Lorsque l'administration a modifié son interprétation, la doctrine administrative applicable au sens du 2ème alinéa de l'article L. 80 A du LPF est celle en vigueur à la date du fait générateur de l'impôt (Cour de cassation, com. 7 janvier 1997, Bull. IV, n° 7, p. 5 ; cf. annexe I).

2° À raison d'un changement de législation.

15La protection qu'offrent aux contribuables les dispositions du second alinéa de l'article L. 80 A du LPF ne peut être invoquée que si la législation interprétée par la doctrine en cause est toujours en vigueur.

Un changement de législation a donc pour effet de rendre caduque l'interprétation donnée par l'administration de la loi antérieure dès l'entrée en vigueur de la loi nouvelle (cf. CE, 15 mai 1992, n° 71854).

De même, en rendant inapplicable pour le passé la loi précédemment en vigueur, la loi rétroactive rend périmée la doctrine se rapportant à la loi antérieure (cf. CE, 30 juin 1982, n° 33818).

3. Interprétation du texte fiscal.

16L'article L. 80 A du LPF ne peut être invoqué par les contribuables qu'en cas de rehaussement fondé sur une interprétation du texte fiscal différente de celle que l'administration avait précédemment admise formellement (1er alinéa) ou fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées (2e alinéa).

17Ainsi, il convient d'observer :

- que le support doctrinal, invocable sur le fondement du 1er alinéa, peut être constitué par toute prise de position formelle qu' elle ait fait ou non l'objet d'une publication :

• à caractère général (instruction, circulaire, documentation de base, réponse ministérielle) ;

• ou individuel (réponse particulière).

- qu'en revanche, le second alinéa ne permet au contribuable de se prévaloir que des seules interprétations formelles qui ont été «  publiées  » (la publication suffisante est celle effectuée au Bulletin Officiel des Impôts ou au Journal Officiel).

a. Documents portant interprétation du texte fiscal.

18Il résulte, tant de la jurisprudence du Conseil d'État que du texte même de l'article L. 80 A du LPF, que les documents suivants doivent être regardés comme de nature à exprimer l'interprétation d'un texte fiscal par l'administration :

- les instructions et circulaires administratives publiées au Bulletin officiel des impôts lorsque celles-ci font l'objet d'une diffusion publique et administrative (feuillets de couleur blanche) à l'exclusion des publications internes destinées aux seuls agents du service (feuillets roses et jaunes notamment). En effet, par un arrêt de section rendu en cassation le 15 juillet 1991 (req. n° 107258), le Conseil d'État a jugé que les documents internes à l'administration qui n'ont pas fait l'objet d'une diffusion destinée aux contribuables ne peuvent être regardés comme comportant une interprétation formelle d'un texte fiscal au sens du 1er alinéa de l'article L. 80 A du LPF ;

- les réponses ministérielles aux questions écrites des parlementaires publiées au Journal officiel (CE, arrêts des 24 juin 1968, req. n° 66683, RJ, 2e partie p. 156 ; 30 mai 1973, req. n° 82593, RJ n° V, p. 68 et 21 décembre 1983, n° 37573). Cependant, à propos de ces réponses, il y a lieu de remarquer que, lorsque l'application d'une disposition législative est subordonnée à l'intervention d'un décret, les réponses à des questions écrites de parlementaires par lesquelles le ministre a indiqué que le décret à intervenir comporterait telle ou telle disposition ne peuvent être regardées comme constituant une interprétation formelle de la loi fiscale au sens de l'article L. 80 A du LPF et ne sauraient dès lors être utilement invoquées par les redevables (CE, arrêt du 22 octobre 1976, req. n° 96359, RJ n° IV, p. 70) ;

- les décisions individuelles et, en particulier, les réponses de l'administration aux demandes de renseignements des contribuables.

Sont à assimiler à des réponses de l'administration aux demandes de renseignements des contribuables, tous les documents par lesquels l'administration prend formellement position sur une question fiscale (par exemple la notification de redressement consécutive à un contrôle, l'abandon formel de rehaussement, la décision contentieuse prise sur la réclamation d'un contribuable, etc.) ;

- les décisions particulières adressées à des organisations professionnelles ayant sollicité l'interprétation de l'administration ;

- la documentation de base lorsque celle-ci a fait l'objet d'une diffusion publique et administrative.

Ces documents doivent par ailleurs répondre aux conditions habituelles d'application de la garantie contre les changements de doctrine.

19En revanche, le Précis de fiscalité dont l'objet est de faciliter l'accès aux documentations administratives officielles ne peut être regardé comme étant au nombre des instructions ou circulaires publiées par lesquelles l'administration fait connaître son interprétation des textes fiscaux et dont les contribuables peuvent se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du LPF (CE, arrêt du 12 janvier 1987, n° 40686).

De même, une décision de dégrèvement d'office non motivée ne constitue pas une interprétation formelle de la loi fiscale au sens de l'article L. 80 A du LPF (Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, arrêt du 19 juin 1990, n° 877 D ; Conseil d'État, arrêt du 9 mai 1990, n° 57372).

1   Il y a lieu d'assurer un traitement uniforme en matière de taxe professionnelle sans distinguer les assujettis selon qu'ils sont ou non astreints au dépôt d'une déclaration afin que toute doctrine postérieure au délai de déclaration mais antérieure au 1er janvier de l'année d'imposition puisse être néanmoins être opposée.