SOUS-SECTION 3 SOCIÉTÉS
VII. Prorogation de société
58L'article 1844-6 du code civil prévoit qu' « un an au moins avant la date d'expiration de la société, les associés doivent être consultés à l'effet de décider si la société doit être prorogée. À défaut, tout associé peut demander au président du tribunal, statuant sur requête, la désignation d'un mandataire de justice chargé de provoquer la consultation prévue ci-dessus ».
59Lorsqu'une société -civile ou commerciale- a été ainsi régulièrement prorogée avant l'expiration de son terme et qu'il n'y a pas eu de modification de ses statuts entraînant création d'un être moral nouveau, la prorogation ne doit pas être considérée comme une cessation d'entreprise.
60En revanche, une société qui n'a pas été prorogée antérieurement à son terme devrait être, en principe, considérée comme dissoute.
61Cependant, l'Administration a admis de maintenir les mesures de tempérament prises dans le passé pour les cas de prorogation rétroactive.
62Cette doctrine conduit, en règle générale, à traiter comme n'ayant pas été dissoutes et comme ayant conservé vis-à-vis des tiers leur personnalité juridique d'origine, les sociétés dont le terme statutaire est échu et qui n'ont pas expressément procédé à leur prorogation préalable, à la double condition :
- d'une part, qu'elles aient, depuis l'échéance du terme, poursuivi sans modification significative leur activité antérieure entrant dans les prévisions de leur objet statutaire et continué de fonctionner d'après les règles applicables aux sociétés non dissoutes ;
- d'autre part, qu'aucune modification révélatrice d'une dissolution ne soit apportée aux comptes du bilan, ni à la suite de l'échéance du terme statutaire, ni, le cas échéant, à l'occasion d'une prorogation tardive.
63Ces conditions étant supposées satisfaites, l'administration n'aurait à se prévaloir d'une dissolution - et éventuellement d'une constitution de société nouvelle - que dans l'hypothèse et à compter du moment où elle aurait connaissance (ou serait réputée avoir eu connaissance) d'une délibération, d'un contrat ou d'un acte quelconque, judiciaire, extrajudiciaire ou amiable, impliquant une telle dissolution, la constatant ou la prononçant.
64Seraient notamment considérés comme révélateurs d'une dissolution opposable aux tiers et dont l'administration aurait à tenir compte :
- la désignation d'un ou plusieurs liquidateurs ;
- la mention d'une dissolution contenue dans un acte présenté à la formalité de l'enregistrement, dans un document déposé en vertu des articles 222 ou 223 du CGI ou dans une déclaration fiscale ;
- la radiation du registre du commerce.
65Le Conseil d'État, de son côté, a jugé qu'aucun changement n'étant intervenu ni dans l'objet ni dans le siège d'une entreprise qui, en outre, a continué de fonctionner avec les mêmes comptes bancaires et n'a procédé à aucune déclaration de cession ou partage, celle-ci, quoique prorogée rétroactivement, n'a pas cessé d'exister à l'égard des tiers et notamment de l'administration qui a pu valablement tenir compte de l'existence de la société pour l'établissement des impositions (CE, arrêt du 9 novembre 1963, req. n° 55179).
De même, une société, dès lors qu'elle n'a pas été mise en liquidation et qu'elle a poursuivi l'exploitation de la même entreprise, ne peut être considérée comme dissoute au sens fiscal, même si elle n'a été prorogée rétroactivement que plusieurs années après avoir atteint son terme statutaire (CE, arrêt du 18 juin 1975, req. n°s 93861 et 94360).
VIII. Dissolution de société
66La dissolution d'une société est assimilée à une cessation d'entreprise et donne lieu, en conséquence, à l'établissement de l'imposition immédiate prévue à l'article 201 du CGI.
67Ce principe est expressément applicable à l'impôt sur les sociétés, en vertu des dispositions de l'article 221-2 du code précité.
68Il convient également d'en faire application en matière d'impôt sur le revenu.
1. Causes de dissolution.
69Outre l'échéance du terme initialement prévu dans le contrat social qui entraîne de plein droit la dissolution d'une société (sous réserve, cependant, des précisions données aux n°s 63 et suivants ) ou la liquidation volontaire de la société par les associés eux-mêmes, il peut exister d'autres causes de dissolution dont le présent examen ne saurait être considéré comme exhaustif.
a. Dissolution de sociétés formées intuitu personae.
. Décès d'un ou de plusieurs associés.
70Lorsqu'une société en nom collectif s'est trouvée dissoute par suite du décès des seuls associés survenu le même jour, les bénéfices réalisés par cette société du 1er janvier au jour de la dissolution doivent être taxés immédiatement et les impositions établies au nom des associés décédés pour la part des bénéfices revenant à chacun de ces derniers.
Les dispositions de l'article 201 trouvent également à s'appliquer en cas de dissolution d'une société en nom collectif résultant du décès d'un associé, nonobstant le fait de la continuation de l'exploitation par l'associé survivant (CE, arrêt du 12 février 1932, req. n° 7356, RO, 5771).
Voir toutefois, en sens inverse, CE, arrêt du 10 juin 1983, n° 28922 ; ci-après, 4 A 6411, n° 30 .
. Changement d'associés.
71Dans les sociétés formées intuitu personae, le changement total d'associés résultant d'un seul acte ou de plusieurs actes simultanés est incompatible avec la survivance de la personne morale d'origine. Dès lors, la cession simultanée par tous les membres d'une société de personnes de la totalité de leurs droits sociaux à des tiers a pour conséquence de mettre fin à la société formée entre eux.
72Au contraire, il est, en principe, admis que dans une société à responsabilité limitée ou dans une société de capitaux, la cession même simultanée de toutes les parts sociales ou actions à des tiers ne provoque pas de plein droit la rupture du pacte social. Il n'y a donc pas lieu de faire application des impositions prévues pour le cas de cession ou de cessation d'entreprise.
b. Réunion de toutes les parts ou actions d'une société en une seule main.
73Il est rappelé qu'aux termes de l'article 9 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, la réunion de toutes les parts ou actions en une seule main n'entraîne pas la dissolution de plein droit de la société.
c. Sociétés entre époux.
74Depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 58-1258 du 19 décembre 1958, aucune nullité fondée sur le fait de la présence simultanée de deux époux dans une société ne peut être prononcée si ceux-ci ne sont pas, l'un et l'autre, indéfiniment et solidairement responsables des dettes sociales (Code civil, art. 1832-1).
2. Date de cessation à retenir.
75En cas de dissolution d'une société, il est nécessaire de procéder à sa liquidation. La liquidation a pour objet de terminer les opérations de la société, de recouvrer les créances, d'éteindre le passif et de transformer l'actif net en valeurs commodément partageables pour permettre l'apurement des comptes entre les associés.
76La cessation d'entreprise ne produit ses effets qu'au moment où les opérations de liquidation sont achevées.
Ainsi, lorsqu'une société dissoute, mais liquidée seulement en partie, subsiste comme être moral pour les besoins de sa liquidation, on doit considérer qu'il n'y a cession au sens de l'article 201 du CGI que lors de la liquidation définitive, c'est-à-dire au moment de la reddition des comptes par le liquidateur et de leur approbation par les associés. Il s'ensuit que les plus-values résultant pour cette société de la vente, au cours des opérations de liquidation, de certains éléments de son actif doivent être rattachées, pour l'assiette de l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux, à chacune des années de leur réalisation et non à celle de la dissolution provisoire (CE, arrêt du 28 mai 1956, req. n° 33975 et 34049, RO, p. 109).
De même, une société qui a décidé sa liquidation alors que son actif comprenait des éléments autres que des liquidités et que son passif à l'égard des tiers n'était pas encore soldé doit être regardée comme ayant survécu pour les besoins de sa liquidation. Il en a été jugé ainsi dans une espèce où, pour mener la liquidation à son terme, c'est-à-dire au partage de l'actif net entre les associés en proportion de leurs droits, il était nécessaire de procéder à des opérations telles que l'aliénation des immeubles, du matériel et des stocks, au recouvrement des créances et au règlement des dettes.
Il a été décidé en conséquence que les biens cédés au cours de la période de liquidation constituaient des éléments d'actif de l'entreprise et que les plus-values réalisées à l'occasion de ces cessions devaient être comprises dans les bénéfices sociaux conformément aux dispositions de l'article 38 du CGI (CE, arrêt du 4 juin 1975, req. n° 95902, RJ II, p. 74 ; à rapprocher de l'arrêt du 14 mars 1973, cf. DB 4 A 633, n° 11 )
Jugé également qu'une société en nom colleçtif qui se trouve en liquidation et n'a pas fait l'objet d'une radiation au registre du commerce, laquelle ne peut d'ailleurs intervenir qu'à la clôture de la liquidation, conserve sa personnalité morale. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration fiscale, n'ayant été avisée d'aucune modification du pacte social ou des dispositions statutaires, a soumis les associés à l'impôt pour la part leur revenant dans les résultats sociaux, sans rechercher s'ils ont ou non participé aux opérations commerciales réalisées par la société depuis la clôture du dernier exercice taxé, ou s'ils ont eu ou non la disposition de leur quote-part de bénéfices (CE, arrêt du 8 juin 1983, n° 30323).
3. Société déclarée nulle par décision de justice.
77Le jugement constatant la nullité d'une société ne peut être opposé pour le passé à l'administration qui est fondée à se prévaloir de l'existence apparente de la société pour établir les impositions antérieures.
Ainsi, le Conseil d'État a jugé que la nullité d'une société prononcée par un tribunal de l'ordre judiciaire, en raison de contre-lettres faisant échec au pacte social, ne concerne que les parties contractantes et n'est pas opposable à l'administration. Cette décision de justice ne peut donc entraîner la décharge des impôts directs auxquels la société a été régulièrement soumise antérieurement (CE, arrêt du 1er juin 1964, req. n° 59591, RO p. 105 ; à rapprocher de l'arrêt du 12 mai 1976, req. n° 93185, RJ II, p. 55).
IX. Transfert du siège ou d'un établissement à l'étranger
78Le transfert du siège ou d'un établissement à l'étranger d'une entreprise passible de l'impôt sur les sociétés constitue une cause d'imposition immédiate (CGI, art. 221-2).
Toutefois, par dérogation à cette règle, le changement de nationalité d'une société par actions et le transfert de son siège social à l'étranger, n'entraînent pas l'application du régime des cessions ou cessations d'entreprises lorsqu'ils sont décidés par l'assemblée générale dans les conditions prévues à l'article 154 de la loi 66-537 du 24 juillet 1966 modifiée sur les sociétés commerciales (art. 221-3 du CGI), c'est à dire à la condition que le pays d'accueil ait conclu avec la France une convention spéciale permettant ces opérations et conservant à la société sa personnalité juridique.
Il est précisé qu'aucune convention de ce type n'a été signée par la France.
X. Changement de régime fiscal
79Les articles 202 ter et 221-2, deuxième alinéa du CGI, dans leur rédaction issue de l'article 16-III de la loi de finances rectificative pour 1989 et de l'article 29 de la loi n° 91-716 du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, concernent les sociétés ou organismes qui changent de régime fiscal et, par suite, cessent totalement ou partiellement d'être soumis au régime des sociétés de personnes, ou à l'impôt sur les sociétés au taux normal, que cette modification de leur statut fiscal soit'ou non liée à une transformation juridique ou à un simple changement de statuts.
80Le changement de régime fiscal s'entend d'une perte totale ou partielle d'assujettissement à l'impôt sur les sociétés ou à l'impôt sur le revenu ou d'une simple modification du régime fiscal (société soumise à l'impôt sur les sociétés qui devient soumise au régime des sociétés de personnes ou inversement).
1. Sociétés ou organismes qui cessent totalement ou partiellement d'être soumis au régime des sociétés de personnes (CGI, art. 202 ter).
81Les conséquences fiscales de la cessation s'appliquent lorsque les sociétés ou les organismes placés sous le régime des sociétés de personnes (sociétés en nom collectif, sociétés civiles...) sont affectés par l'un des événements qui les rend totalement ou partiellement passibles de l'impôt sur les sociétés. Il en est ainsi quel que soit le régime auquel sont soumis les associés (impôt sur les sociétés ou impôt sur le revenu). Il s'agit notamment des cas suivants :
82 - option pour l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés, des sociétés qui entrent dans le champ d'application des articles 8 à 8 ter du CGI et qui sont autorisées à exercer cette option. Il s'agit des sociétés en nom collectif, en commandite simple, en participation (sous réserve des dispositions de l'article 206-4 du code déjà cité), des sociétés à responsabilité limitée dont l'associé unique est une personne physique, des exploitations agricoles à responsabilité limitée (autres que les exploitations comprenant plusieurs associés non parents), des sociétés civiles et des sociétés de fait ;
- transformation d'une société ou d'un organisme placé totalement ou partiellement sous le régime des sociétés de personnes en société ou organisme soumis totalement ou partiellement à l'impôt sur les sociétés au taux normal ;
- réalisation, par les sociétés civiles, d'opérations commerciales définies aux articles 34 et 35 du CGI ;
Il est rappelé que lorsque ces sociétés se livrent accessoirement à des opérations commerciales, elles ne sont pas soumises obligatoirement à l'impôt sur les sociétés si le montant hors taxes de ces opérations n'excède pas 10 % de leurs recettes totales hors taxes (cf. DB 4 H 1132 ) ;
- non-respect des conditions prévues à l'article 239 bis AA pour bénéficier du régime des S.A.R.L. de famille : cf. toutefois ci-après n° 86 ;
- non-respect des conditions concernant les associés d'une exploitation agricole à responsabilité limitée mentionnée à l'article 8-5° du CGI ;
- entrée d'un ou plusieurs associés supplémentaires dans une E.U.R.L., dont l'associé unique était une personne physique et qui n'avait pas opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés ; entrée d'un associé personne morale dans une E.U.R.L. qui n'était pas soumise à l'impôt sur les sociétés ;
- modification de la nature et du fonctionnement de certains organismes. Les sociétés ou organismes soumis au régime des sociétés de personnes en application d'une disposition spéciale (cf. DB 4 H 1211 à 4 H 1214 et DB 4 H 1218 ) qui ne fonctionnent pas conformément aux dispositions qui les régissent sont soumis à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun.
Il en est ainsi :
. des groupements forestiers qui ne remplissent plus les conditions prévues par les articles L 241-1 à L 246-2 du code forestier (CGI, art. 238 ter) ;
. des groupements d'intérêt économique qui ne fonctionnent pas dans les conditions prévues par l'ordonnance du 23 septembre 1967 (CGI, art. 239 quater) modifiée ;
. des groupements européens d'intérêt économique qui ne fonctionnent pas dans les conditions prévues par le règlement n° 2137/85 du 25 juillet 1985 du Conseil des Communautés Européennes (CGI, art. 239 quater C) ;
. des groupements d'intérêt public qui ne fonctionnent pas dans les conditions prévues à l'article 21 modifié de la loi n° 82-610 du 15 juillet 1982 et aux articles L 1112-2 et L 1112-3 du code général des collectivités territoriales (CGI, art. 239 quater B) ;
. des sociétés civiles de moyens qui ne respectent pas les termes de l'article 36 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 (CGI, art. 239 quater A) ;
. des sociétés civiles de construction vente mentionnées à l'article 239 ter qui se livrent à des opérations qui relèvent des articles 34 et 35 et qui ne seraient pas conformes à l'objet limité de ces sociétés (cf. BOI 8 E-1-88) ;
. des syndicats mixtes de gestion forestière ou des groupements syndicaux forestiers qui ne fonctionnent pas conformément aux dispositions qui les régissent (CGI, art. 239 quinquies) ;
. des sociétés civiles ayant pour objet exclusif l'acquisition et la gestion d'un patrimoine immobilier locatif et autorisées à faire publiquement appel à l'épargne, qui ne remplissent plus les conditions de la loi n° 70-1300 du 31 décembre 1970 (CGI, art. 239 septies).