Date de début de publication du BOI : 09/03/2001
Identifiant juridique : 4A633
Références du document :  4A633

SECTION 3 RÉGIME DU BÉNÉFICE RÉEL

SECTION 3

Régime du bénéfice réel

1Il résulte des dispositions de l'article 201 du CGI que l'imposition à établir en cas de cession ou de cessation doit tenir compte des éléments suivants :

1° bénéfice d'exploitation de l'exercice (ou déficit) ;

2° plus-values ou moins-values d'actif immobilisé, résultant de la cession ou cessation ;

3° provisions - justifiées - de l'exercice ;

4° provisions antérieures et autres bénéfices en sursis d'imposition.

2En outre, la cession ou cessation mettant obstacle à l'ajournement de certaines impositions et au report de certains déficits ou moins-values, il est prévu, par dérogation au droit commun, que le dernier exercice peut donner lieu à certaines compensations.

3On rappellera ci-après les règles applicables pour déterminer chacun de ces éléments qui composent le bénéfice imposable.

  A. CESSION OU CESSATION TOTALE D'ENTREPRISE

  I. Bénéfice d'exploitation

4Les résultats d'exploitation de l'exercice ou des exercices soumis à imposition immédiate sont déterminés d'après les règles de droit commun.

Certains cas particuliers appellent, toutefois, les commentaires suivants.

1. Marchandises en stocks.

5Les éléments du stock qui sont conservés pour son usage personnel par un exploitant individuel lors de la cessation de son entreprise industrielle ou commerciale doivent, pour la détermination des bénéfices imposables du dernier exercice d'exploitation, être évalués au prix de revient. La plus-value que pourrait éventuellement faire apparaître, par rapport à cette évaluation, la valeur réelle de ces éléments au jour de la cessation n'a donc pas à faire l'objet d'une imposition immédiate et échappe définitivement à l'impôt si les marchandises conservées sont effectivement utilisées pour les besoins personnels du contribuable.

6Mais s'il advenait ultérieurement que l'intéressé vende tout ou partie de ces marchandises, les profits qu'il réaliserait à cette occasion seraient considérés comme le fruit d'un acte professionnel et, dès lors, soumis à son nom, en tant que bénéfices industriels et commerciaux, à l'impôt sur le revenu.

7Toutefois, les principes exposés ci-dessus ne sont pas applicables dans le cas de répartition de stocks entre les membres d'une société.

Dès lors qu'une société, quelle que soit sa forme juridique, possède une personnalité distincte de celle de ses membres, l'opération par laquelle elle transfère à ces derniers, soit à titre de partage, soit par voie de cession, tout ou partie de son patrimoine et, notamment, ses stocks entraîne l'inclusion dans ses bénéfices imposables de la plus-value acquise par les biens partagés ou cédés et appréciée à l'époque du transfert ; en outre, si la société en cause est passible de l'impôt sur les sociétés, l'avantage que les associés retirent de l'opération peut, le cas échéant, revêtir le caractère d'une distribution en nature de revenus de capitaux mobiliers donnant ouverture, pour chaque associé bénéficiaire, à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés selon le cas.

2. Dettes et créances commerciales nées après la cessation d'activité.

a. Créances.

8Les gains réalisés après la cessation d'activité doivent, lorsqu'ils se rattachent à la profession commerciale exercée antérieurement, être soumis à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.

Ainsi, lorsqu'un agent d'affaires, ayant cédé son cabinet, perçoit, en exécution d'arrangements conclus avec son successeur, des sommes sur les recettes afférentes aux affaires traitées par lui avant la cession, il doit être regardé comme continuant l'exercice d'une activité commerciale encore bien qu'il ne participerait plus à la gestion du cabinet. Il doit dès lors, être soumis à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels à raison desdites sommes, au titre de l'année qui suit celle de leur perception (CE, arrêt du 12 juin 1944, req. n° 68789, RO, p. 135).

Le Conseil d'État s'est également prononcé sur le cas d'un contribuable ayant fait apport à une société de la totalité des éléments de l'entreprise individuelle qu'il exploitait précédemment à l'exclusion d'un stock de métaux enterré par ses soins pendant la période de guerre et qui n'était pas inscrit dans la comptabilité de l'entreprise. La Haute Assemblée a jugé que le stock dissimulé ne pouvait être regardé comme ayant été transféré, à la date où il avait été dissimulé, de l'actif commercial de l'intéressé dans son patrimoine privé. Son apport ultérieur à la société devait donc être considéré comme le dernier acte de liquidation de l'entreprise individuelle. La plus-value dégagée à cette occasion constitue dès lors un profit commercial à rattacher aux bénéfices de l'année de sa réalisation, c'est-à-dire de l'année de l'apport et non de celle de la dissimulation (CE, arrêt du 20 décembre 1963, req. n° 58792, RO, p. 469 ; à rapprocher de l'arrêt du 24 novembre 1965, req. n° 60455).

b. Dettes.

9Le fait qu'un contribuable ait cessé d'exercer sa profession commerciale ne saurait faire perdre le caractère de charge au sens de l'article 39-1 du CGI à une dette qui, se rattachant à son ancienne profession, n'est devenue certaine que plusieurs années après la cessation d'activité. Cette dette, par suite, est susceptible d'entraîner la formation d'un déficit relevant de la catégorie des revenus industriels et commerciaux et imputable sur le revenu global conformément aux dispositions de l'article 156-1 du code déjà cité.

Le Conseil d'État en a ainsi jugé dans une espèce où la dette dont la déduction était demandée représentait les intérêts et dommages-intérêts formant l'accessoire du solde du prix de travaux de peinture que l'ex-commerçant avait été condamné à payer par un jugement du tribunal de commerce rendu à la requête de l'entrepreneur (CE, arrêt du 26 juin 1974, req. n° 84866 et 85103, RJ, n° II, p. 94).

Nota : Lors du commentaire de cet arrêt publié au BODGI 4 A-7-75 (n° 147 du 19 août 1975), il a été précisé que cette jurisprudence infirmait la doctrine administrative exprimée dans la réponse ministérielle n° 13752 à M. Liot, sénateur (JO, déb. Sénat du 26 mars 1974, p. 192), selon laquelle les dettes ayant leur origine dans un engagement souscrit par un commerçant avant la cessation de son activité devaient être regardées comme ayant été transférées dans son patrimoine privé.

3. Sociétés en liquidation prolongée.

10Le bénéfice soumis à l'impôt étant déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, il convient de pendre en compte pour cette détermination les gains réalisés ou les pertes subies pendant la période de liquidation (cf. ci-avant 4 A 631, n°s 7 à 14 ).

11Le Conseil d'État s'est prononcé sur le cas d'associés d'une société à responsabilité limitée ayant personnellement encaissé, après la dissolution de la société mais avant la clôture des opérations de partage, une commission se rapportant à une transaction engagée par la société antérieurement à sa dissolution. Il a été jugé que cette commission, ayant son origine dans les démarches et tractations effectuées pour le compte de la société et étant due normalement à celle-ci, devait, bien qu'elle n'ait acquis un caractère certain et définitif qu'après l'acte de dissolution, être rattachée aux résultats imposables de la société au titre de la période de liquidation (CE, arrêt du 14 mars 1973, req. n° 88268, RJ, n° II, p. 37).

12Par ailleurs, il y lieu d'admettre parmi les charges déductibles, les frais exposés par une entreprise lors de sa dissolution et de sa liquidation (CE, arrêt du 5 juin 1939, req. n° 62014, RO, p. 329).

À cet égard, les honoraires d'expertise et les frais de justice exposés lors du partage de l'actif net d'une société de fait, qui se rattachent à l'activité professionnelle antérieurement exercée par les associés dans le cadre de la société de fait qu'ils avaient créée, constituent des charges au sens de l'article 39-1 du CGI.

Par suite, l'associé qui continue seul l'exploitation peut déduire des résultats de l'exercice au cours duquel la charge est devenue certaine la quote-part de ces frais lui incombant. Pour l'associé devenu salarié, la charge constituée par les honoraires d'expertise et les frais de justice entraîne, en l'absence de toute recette rattachable à l'ancienne activité, la formation d'un déficit relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et imputable sur le revenu global conformément aux dispositions de l'article 156-1 du code déjà cité (RM Braconnier, JO déb. Sénat du 21 mai 1981, p. 699).

13Toutefois, les frais exposés lors de la dissolution et de la liquidation d'une entreprise ne sont déductibles que dans la mesure où il s'agit de frais se rattachant à la gestion de cette entreprise et non pas d'une charge afférente à l'opération de partage de l'actif et incombant, soit aux coassociés d'une société dissoute, soit aux membres d'une indivision. Tel est notamment le cas du droit proportionnel de partage visé à l'article 746 du CGI.

Ainsi, lorsque les membres d'une indivision d'origine héréditaire ont poursuivi temporairement l'exploitation d'un fonds de commerce faisant partie de l'actif de la succession, les frais occasionnés par le partage ultérieur de cette succession ne peuvent être regardés comme se rattachant à la gestion dudit fonds et ne sauraient, dès lors, être déduits des bénéfices réalisés par l'indivision au cours de l'exercice clos à l'occasion du partage (CE, arrêt du 11 mai 1962, req. n° 55041, RO, p. 82).

  II. Plus-values ou moins-values d'actif immobilisé résultant de la cession ou de la cessation

14On se référera, en ce qui concerne le régime propre à ces plus-values et moins-values, au titre 3 de la division 4 B (DB 4 B 36 ).

  III. Provisions de l'exercice

15Conformément aux dispositions générales de l'article 39-1, 5° du CGI, le contribuable peut éventuellement déduire des bénéfices imposables du dernier exercice d'exploitation les provisions qui sont destinées à faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables. Ces provisions doivent être constituées dans les conditions habituelles (cf. DB 4 E ).

16Par exemple, peut être admise en déduction des bénéfices de l'exercice de cession ou cessation :

- une provision constituée en vue de faire face au paiement des intérêts de billets de fonds venus à échéance par suite de la revente du fonds de commerce (CE, arrêt du 29 octobre 1934, req. n° 39931, RO, 6139) ;

- une provision correspondant à la cotisation due (au taux normal) au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction, à raison des sommes non encore investies et afférentes aux salaires versés au cours de l'année de la cession ou cessation et, le cas échéant, de l'année précédente ;

- une provision pour créances douteuses constituée à la clôture de son dernier exercice par un contribuable qui fait apport de son fonds de commerce à une société, lorsque l'apporteur se réserve le recouvrement de ses créances commerciales.

En revanche, ne saurait être admise en déduction des bénéfices de l'exercice de cessation, la provision constituée par un entrepreneur de construction en vue de faire face aux conséquences de la garantie instituée par l'article 1792 du Code civil ; une telle provision ne correspond, en effet, qu'à une dépense éventuelle et non à une perte ou charge que les événements en cours rendent probables (CE, arrêt du 7 février 1930, req. n° 96762, RO, 5417).

17On observera que les provisions qui apparaissent justifiées au moment de la cession d'entreprise, du fait qu'elles correspondent à des pertes ou charges que les événements en cours rendent probables, ne peuvent être admises en déduction des bénéfices du cédant que dans la mesure où celui-ci doit effectivement supporter ces pertes ou ces charges. Si l'acte de cession prévoit que le cessionnaire les assumera, c'est à ce dernier qu'il appartiendra de constituer les provisions nécessaires pour y faire face.

  IV. Provisions antérieures et autres bénéfices en sursis d'imposition

1. Provisions précédemment constituées.

a. Provisions constituées en application des dispositions générales.

18En cas de cession ou de cessation d'entreprise au sens de l'article 201 du CGI, les provisions antérieurement constituées en raison de circonstances propres à l'entreprise doivent, en principe, être rapportées aux bénéfices imposables du dernier exercice d'exploitation lorsque, du fait même de la cession ou cessation, elles deviennent sans objet (cf. DB 4 E ).

Toutefois, ce principe n'est pas applicable au cas de fusion ou d'opération assimilée réalisée sous le régime de faveur visé aux articles 210 A à 210 C du CGI. En effet, en stipulant expressément que l'impôt sur les sociétés n'est applicable aux provisions figurant au bilan de la société absorbée que si elles deviennent sans objet, l'article 210 A-2 du CGI reconnaît implicitement que, dans le cadre de ce régime particulier, les provisions ne deviennent pas sans objet du fait même de la fusion.

b. Provisions autorisées pour certaines professions ou constituées en vertu de textes particuliers.

19En cas de cession ou cessation d'entreprise, les provisions autorisées pour certaines professions (ou constituées en vertu de textes particuliers) et figurant au dernier bilan sont également considérées comme un élément du bénéfice immédiatement imposable.

20Toutefois, ces provisions ne sont pas rapportées aux bénéfices imposables lorsque l'exploitation est continuée dans les conditions prévues :

- soit à l'article 41 du CGI (transmission à titre gratuit d'entreprise individuelle à compter du 1er avril 1981 ou, avant cette date, continuation de l'exploitation par les héritiers en ligne directe ou le conjoint, constitution d'une société de famille ; cf. DB 4 B 35 ) ;

- soit aux articles 210 A à 210 C du même code (fusions et opérations assimilées bénéficiant du régime de faveur).

- soit, dans certains cas, à l'article 151 octies du CGI (transmission d'une entreprise individuelle par voie d'apport en société).

21Le bénéfice de cette disposition est applicable, sous certaines conditions, aux provisions suivantes :

- provision pour fluctuation des cours 1 (cf. DB 4 E 5323) ;

- provision pour hausse des prix (cf. DB 4 E 5315 ) ;

- provision pour risques afférents aux opérations de crédit à moyen et à long terme réalisées par les établissements de crédit (cf. DB 4 E 551, n° 28 ) ;

- provision pour risques afférents aux crédits à moyen terme résultant de ventes ou de travaux effectués à l'étranger (cf. DB 4 E 551 ) ;

- provisions constituées par les entreprises de presse en vue de l'acquisition de leurs éléments d'actif (cf. DB 4 E 5525, n° 11 ) ;

- provision pour reconstitution des gisements d'hydrocarbures (cf. DB 4 E 5114 ) ;

- provision pour reconstitution des gisements de substances minérales solides (cf. DB 4 E 5124 ) ;

- provisions constituées en vue de l'implantation d'entreprises à l'étranger (cf. DB 4 E 5551).

22 Remarque. - En cas seulement de fusion ou d'opérations assimilées placées sous le régime des articles 210 A à 210 C du CGI, ne sont pas rapportées aux bénéfices de la société apporteuse :

- lorsque certaines conditions sont remplies, la provision pour investissement non encore utilisée (cf. DB 4 N 1232, n° 16 ) ;

- les provisions que les entreprises d'assurances et de réassurances sont autorisées à constituer pour faire face à des charges exceptionnelles (provisions constituées en vertu de l'article 39 quinquies G du CGI).

1   Le régime de la provision pour fluctuation des cours est supprimé pour la détermination des résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 1997.