SECTION 3 CESSION D'ÉLÉMENTS DE L'ACTIF IMMOBILISÉ
SECTION 3
Cession d'éléments de l'actif immobilisé
1Les plus-values imposables et les moins-values déductibles doivent s'entendre, d'une manière générale, de celles qui, résultant de la cession 1 d'éléments de l'actif, peuvent être considérées comme réalisées.
2Il convient donc, pour la détermination des résultats imposables, de ne faire état d'une plus-value (ou d'une moins-value) sur un élément de l'actif, qu'au titre de l'exercice au cours duquel elle a été effectivement réalisée (ou subie).
3Les notions de réalisation et de cession appellent les commentaires suivants.
A. NOTION DE « RÉALISATION »
4Il convient de ne prendre en considération, pour l'établissement de l'impôt dans le cadre du régime particulier, que les plus-values (ou moins-values) réalisées (ou subies) qui résultent, au cours d'un exercice donné, d'une cession ou d'une aliénation quelconque d'un ou de plusieurs éléments d'actif, même si cette cession ou cette aliénation n'a pas, en fait, pour contrepartie l'entrée dans l'actif d'un nouvel élément, d'une créance ou de disponibilités (par exemple en cas de donation ou de retrait pur et simple par l'exploitant de tel ou tel élément).
5En principe, restent donc sans incidence fiscale les plus-values ou les moins-values latentes qui apparaissent sur certains postes du bilan, en l'absence de toute cession ou de toute appropriation par l'exploitant d'un élément de l'actif immobilisé (comparaison entre la valeur réelle actuelle des éléments qui y figurent et leur valeur comptable).
6Toutefois, lorsque les plus-values procédant d'une telle comparaison sont effectivement constatées en comptabilité, des conséquences en résultent qui diffèrent selon que la réévaluation a laquelle il est procédé est effectuée dans le cadre de dispositions légales (réévaluation légale) ou sur la seule initiative de l'entreprise (réévaluation libre).
7La réévaluation légale comporte généralement un dispositif de taxation atténuée des plus-values de réévaluation. Elle peut cependant être neutre sur le plan fiscal ; il en est ainsi de la réévaluation légale des immobilisations tant amortissables que non amortissables instituée par les article 61 de la loi n° 76-1232 du 29 décembre 1976 codifié sous l'article 238 bis-I du CGI et 69 de la loi n° 77-1467 du 30 décembre 1977, codifié sous l'article 238 bis-J du CGI (cf. ci-après DB 4 B 32 ).
Les plus-values dégagées à occasion de la réévaluation des immobilisations ont été inscrites directement, en franchise de tout impôt, au passif du bilan sous deux lignes distinctes du poste « Écart de réévaluation », à savoir :
- s'agissant des plus-values afférentes aux éléments non amortissables, à une réserve réglementée ;
- en ce qui concerne les plus-values dégagées sur les éléments amortissables à un compte de provision spéciale.
8En revanche, la réévaluation libre emporte -sous réserve de l'application de l'article 39 octodecies du CGI relatif aux entreprises placées par option sous le régime simplifié d'imposition-imposition des plus-values de réévaluation, considérées comme un élément du résultat fiscal soumis à l'impôt dans les conditions de droit commun 2 .
Lorsqu'une entreprise réévalue librement un élément de son actif immobilisé elle prend une décision de gestion qui lui est opposable. L'augmentation d'actif net qui en résulte doit être comprise dans les résultats de l'exercice soumis à l'impôt dans les conditions de droit commun. Ainsi jugé pour la réévaluation libre d'un fonds de commerce et de licences de transport (CE, arrêts des 21 décembre 1979, rec. n° 17058 et 23 avril 1980, req. n° 8125).
En ce qui concerne les réévaluations, tant légales que libres (cf. ci-après DB 4 B 32 ).
9Il convient enfin de noter qu'en vertu d'une disposition particulière (CGI, art. 39-1-5° 11e al.), les provisions pour dépréciation, que les entreprises peuvent, sous certaines conditions, constituer à la clôture de chaque exercice conformément aux règles prévues en matière d'évaluation du portefeuille-titres, sont soumises au régime fiscal des moins-values à long terme, alors qu'au cas particulier les moins-values qu'elles sont destinées à couvrir ne sont pas réalisées (cf. ci-après DB 4 B 311 ).
B. NOTION DE « CESSION » D'ÉLÉMENTS DE L'ACTIF IMMOBILISÉ
10En règle générale, la réalisation des plus-values (ou moins-values) est à une opération ou un événement qui se traduit, en fait, par la disparition à l'actif de l'entreprise des éléments dans lesquels ces plus-values (ou moins-values) étaient latentes.
11La cession revêt le plus souvent la forme d'une vente, mais peut également consister en d'autres opérations (apports en société, échanges, renonciation contre indemnité à un droit d'exclusivité, partage, donation, retrait pour et simple de l'actif, cessation d'activité etc.) ou résulter d'événements tels qu'expropriation, expulsion, éviction ou réquisition.
I. Vente volontaire d'éléments de l'actif
12Dans le cas de vente d'un élément de l'actif immobilisé, la date de réalisation des plus-values ou moins-values éventuelles est, conformément au principe général, celle à laquelle, l'accord étant intervenu sur la chose et le prix, la vente peut être considérée comme parfaite (Code civil, art. 1583).
13Ainsi, dans le cas d'une promesse unilatérale de vente d'un immeuble social consentie par une entreprise au cours d'un exercice donné, la plus-value retirée de la cession de cet élément d'actif ne doit être réputée réalisée, en l'absence d'un contrat antérieur ayant comporté une promesse synallagmatique de vente, qu'à la date où l'acte authentique de transfert de propriéte a été effectivement signé, alors même que cette formalité n'aurait été accomplie qu'au cours de l'exercice suivant (CE, arrêt du 4 octobre 1972, req. n° 83422, RJ, n° II, p. 111).
14L'article 56 de la loi de finances rectificative pour 1992 codifié au 9 de l'article 39 duodecies du code général des impôts a fixé les règles applicables en cas d'annulation de la cession d'éléments de l'actif immobilisé, ou de réduction du prix de vente de ces mêmes éléments, lorsque ces événements interviennent au cours d'un exercice postérieur à celui de la cession.
15Ces règles nouvelles, qui rendent caduque la doctrine administrative antérieure (cf. n° 16 ), ont pour objet d'admettre la déduction immédiate de la somme correspondant à la plus-value constatée lors de la vente annulée, en conférant à la déduction de cette somme un traitement fiscal symétrique à celui qui a été appliqué lors de la cession.
Ainsi, l'annulation d'une vente ayant initialement entraîné la réalisation d'une plus-value à long terme donnera lieu à la déduction d'une moins-value à long terme et non d'une perte d'exploitation. Il en est de même dans l'hypothèse où la plus-value initialement constatée est ultérieurement diminuée du fait d'une réduction du prix de la vente.
En outre, si la vente annulée ou résolue avait fait apparaître une moins-value à long terme, le profit correspondant est ajouté au montant des plus-values à long terme.
L'annulation d'une cession ayant donné lieu à la constatation d'une plus-value ou d'une moins-value à court terme dégage un résultat inverse, perte ou profit, qui est pris en compte pour la détermination du résultat de droit commun.
Ce dispositif est développé ci-après, dans la présente division B 37.
16Avant l'intervention de l'article 56 de la loi de finances rectificative pour 1992, selon la doctrine administrative, la plus-value de cession d'un fonds de commerce était imposable au titre de l'exercice de sa réalisation. L'intervention, au cours d'exercices ultérieurs, de décisions de justice modifiant le prix de vente était sans incidence sur l'imposition établie.
Le contribuable avait seulement la faculté, dans une telle hypothèse, de déduire de ses bénéfices imposables ou, le cas échéant, de son revenu global de l'année au cours de laquelle lesdites décisions de justice étaient devenues définitives, la perte qui en résultait (CE, arrêt du 20 octobre 1989, n° 74 200).
17En revanche, n'est pas imposable la plus-value dégagée lors d'une vente qui a fait l'objet d'une résiliation judiciaire définitive avant la clôture de l'exercice même au cours duquel ladite plus-value a été considérée comme réalisée, puis annulée.
18Dans le même ordre d'idées, l'aliénation d'un élément d'actif doit être regardée comme réalisée même lorsqu'une stipulation du contrat de cession prévoit la possibilité d'un transfert ultérieur de la propriété de cet élément du cessionnaire au cédant. Ainsi la vente d'un fonds de commerce constitue une cession d'entreprise au sens de l'article 201 du CGI, même si cette vente est assortie d'une clause de rachat (ou réméré) prévue aux articles 1659 et suivants du Code civil (CE, arrêt du 3 juillet 1957, req. n° 39058, RO, p. 383). S'agissant du traitement comptable et fiscal des ventes à réméré, cf. DB 4 B 3373 et DB 4 B 3121 n°s 186 et suiv.
19Enfin, restent sans influence sur le caractère effectif de la cession, la nature et les dates des différentes formes de règlement adoptées par les parties intéressées. Il en est ainsi. notamment, lorsque la cession d'un élément d'actif est consentie moyennant :
- soit un prix payable à terme et comportant ou non une clause d'indexation ;
- soit la constitution d'une rente viagère au profit du cédant.
Pour le calcul des plus-values réalisées dans ces différentes situations, cf. ci-après DB 4 B 13 .
20 Remarque. - La mise en gérance libre de son fonds de commerce par un exploitant n'est pas assimilée à une cession d'entreprise au sens de l'article 201 du CGI ; elle n'est donc pas de nature à entraîner l'imposition des plus-values qui ont pu être acquises jusqu'au jour où cette mise en gérance libre est intervenue, dès lors que le contribuable n'a transféré aucun des éléments de l'actif immobilisé dans son patrimoine personnel et qu'il continue à les faire figurer à l'actif de son bilan.
II. Apport en société d'éléments d'actif
21Sous réserve des dispositions particulières prévues aux articles 210 A à 210 C du CGI relatives au régime spécial des fusions de sociétés et opérations assimilées 3 l'apport en société d'éléments de l'actif immobilisé constitue une cession au sens de l'article 38-1 du code précité et les plus-values (ou moins-values) qui en résultent doivent, en principe, être prises en compte pour la détermination des bénéfices imposables de l'entreprise apporteuse (cf. notamment, CE, arrêts du 15 novembre 1943, req. n° 67003, RO, p. 381 et du 28 mai 1951, req. n° 4319, RO, p. 198).
22Lorsqu'elles se rapportent à des éléments de l'actif immobilisé les plus-values sont donc taxées dès la réalisation de l'apport selon le régime défini aux article 39 duodecies et suivants du CGI, sauf application des dispositions de l'articles 151 octies du même code.
Il est, en effet, prévu, en cas de transmission d'une entreprise individuelle par voie d'apport en société, que les plus-values taxables bénéficient, à compter du 1er avril 1981, sous certaines conditions, d'un sursis d'imposition (cf. DB 4 B 351 ).
23Dès l'instant où les actions (ou parts sociales) remises à-une entreprise en rémunération d'un apport en société possèdent une valeur certaine au moment de l'apport, la circonstance que ces actions sont la contrepartie d'apports en nature et ne peuvent, par suite, être négociées avant l'expiration d'un délai de deux ans (cf. art. 278 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966) ne saurait s'opposer à ce que la plus-value correspondante soit immédiatement comprise dans les bénéfices imposables.
Cas particuliers.
1. Apport d'un terrain à bâtir à une société « transparente » (cf. DB 8 C et ci-après DB 4 B 33, n°s 30 et suiv. ).
24Par dérogation au principe de la transparence, l'article 238 decies-II du CGI prévoit que lorsqu'un terrain non bâti ou un bien assimilé au sens de l'article 691 du CGI 4 est apporté à une société de copropriété définie à l'article 1655 ter dudit code, c'est-à-dire à une société immobilière de copropriété placée sous le régime de la transparence fiscale (cf. DB 4 H 1216 et DB 8 H ), la cession est réputée porter sur la totalité du terrain ou du bien, pour la détermination de la plus-value correspondante.
La plus-value d'apport imposable doit donc être déterminée par différence entre, d'une part, la valeur totale pour laquelle le terrain ou le bien assimilé a été apporté à la société transparente et, d'autre part, la valeur comptable totale que ce terrain ou bien comportait dans les écritures de l'entreprise apporteuse.
Par ailleurs, l'imposition de cette plus-value peut être différée dans les conditions prévues aux articles 238 decies-II et 238 terdecies du CGI 5 (cf. ci-après DB 4 B 33 et DB 8 C ).
25Toutefois, il est admis que l'opération ne dégage pas de plus-value imposable lorsque l'entreprise inscrit à son bilan les titres rémunérant son apport pour la valeur comptable que comportait l'élément apporté.
Mais l'application de cette solution est subordonnée à deux conditions supplémentaires.
Les locaux construits par la société transparente et à la propriété ou à la jouissance desquels l'entreprise apporteuse a vocation doivent être destinés et ultérieurement affectés par cette dernière à l'usage d'éléments de l'actif immobilisé.
D'autre part, l'entreprise doit joindre à la déclaration des résultats de l'exercice en cours à la date de l'apport une note exprimant sans équivoque son intention de se placer sous le bénéfice de ladite solution et de renoncer, corrélativement, au différé d'imposition prévu à l'article 238 decies-II du CGI.
26 Nota. - Les indications qui précédent concernent le régime applicable depuis la date d'entrée en vigueur de la loi n° 67-1253 du 30 décembre 1967.
27Avant cette date :
- il était admis que l'apport à une société transparente ne constituait une cession que pour la seule fraction du terrain correspondant aux droits acquis sur celui-ci par les coassociés de l'apporteur. Les cessions de droits sociaux étaient considérées comme portant sur une fraction proportionnelle du terrain et comme entraînant des lors la réalisation d'une plus-value ou d'une moins-value ;
- les entreprises pouvaient éviter l'imposition de la plus-value de l'apport d'un terrain à une société transparente sous la seule condition d'inscrire au bilan les titres rémunérant l'apport pour la valeur comptable que comportait l'élément apporté.
2. Apport d'une charge à une société de courtage maritime.
28L'imposition de la plus-value réalisée par les courtiers d'assurances maritimes lors de l'apport, avant le 1er juillet 1980, de leur entreprise à une société ayant pour objet principal le courtage d'assurances, est reportée au moment où s'opérera la transmission ou le rachat de leurs droits sociaux (CGI, art. 39 quindecies-A).
3. Apport de fait, par un associé, d'un contrat de représentation.
29Doit être regardée comme ayant bénéficié d'un apport, la société à qui son associé gérant confie l'exploitation de ses cartes de représentation et qui enregistre dans sa comptabilité l'ensemble des produits et charges correspondants, même si, n'ayant pas eu à rémunérer cet apport, la société ne l'a pas fait figurer à son bilan en tant qu'élément incorporel de l'actif immobilisé ; par suite, elle doit comprendre dans ses résultats l'indemnité due en cas de rupture unilatérale d'un contrat de représentation (CE, arrêt du 27 mars 1981, n° 15514).
Nota. - Au cas particulier, la société ayant renoncé à l'indemnité en faveur de son gérant et associé la libéralité correspondante a été réintégrée dans les résultats sociaux et regardée comme un bénéfice distribué.
1 Toutefois, le régime particulier des plus-values s'applique, sous certaines conditions, aux revenus de la propriété industrielle bien que ces produits ne constituent pas la contrepartie de la sortie d'un élément de l'actif immobilisé du patrimoine de l'entreprise (CGI, art. 39 terdecies ; cf. ci-après DB 4 B 2221 ).
2 Par contre, sous le régime antérieur à la loi n° 65-566 du 12 juillet 1965, les entreprises avaient la possibilité de proceder à une réévaluation libre de leur actif sans en tirer immédiatement les conséquences fiscales. En effet, en vertu de l'ancien article 40 du CGI, les plus-values de réévaluation d'immobilisations étaient exonérées dès lors qu'elles demeuraient investies dans l'entreprise.
3 L'ensemble de ces dispositions, qui s'appliquent aux opérations auxquelles participent exclusivement des personnes morales ou organismes passibles de l'impôt sur les sociétés sont commentées à la division 4 I .
4 L'article 691 du CGI a été transféré au A de l'article 1594-0 G par la loi de finances pour 1999.
5 Jusqu'au 31 décembre 1976, le bénéfice de cette disposition était subordonné à ce que l'apport fût passible de la taxe sur la valeur ajoutée. Cette condition est ipso facto remplie compter du 1er janvier 1977 dès lors que les biens, objets de l'apport, s'entendent des terrains non bâtis et biens assimilés au sens de l'article 691 du CGI.