Date de début de publication du BOI : 07/06/1999
Identifiant juridique : 4B131
Références du document :  4B13
4B131

CHAPITRE 3 DÉTERMINATION DES PLUS-VALUES ET DES MOINS-VALUES

CHAPITRE 3

DÉTERMINATION DES PLUS-VALUES
ET DES MOINS-VALUES

1Lorsqu'intervient la cession d'un élément de l'actif immobilisé, cette opération ne fait bien évidemment apparaître une plus-value ou une moins-value que si elle engendre, au sens de l'article 38-2 du CGI, une variation de l'actif net de l'entreprise concernée.

2Tel est le cas, d'une manière générale, lorsque le prix de réalisation de l'élément cédé est supérieur ou inférieur à la valeur comptable 1 dudit élément, telle qu'elle figure dans les écritures de l'entreprise cédante.

3La détermination du montant de la plus-value ou de la moins-value à retenir éventuellement pour l'établissement de l'impôt doit être obligatoirement effectuée suivant des règles comptables et fiscales qui sont exposées ci-après.

4La plus-value résultant de la cession d'un élément de l'actif immobilisé s'obtient en règle générale, en retranchant de la valeur de réalisation (prix de cession ou, le cas échéant, valeur réelle de l'élément lorsque celui-ci est transféré sans contrepartie dans un patrimoine autre que celui constituant l'actif de l'entreprise) le prix de revient dudit élément diminué, éventuellement, du montant des amortissements pratiqués et admis en déduction pour l'établissement de l'impôt.

5Il y a moins-value lorsque le prix de cession (ou la valeur réelle) est inférieur au prix de revient éventuellement diminué des amortissements susvisés.

6On examinera successivement ci-après les modalités pratiques de détermination d'une part, du prix de réalisation et d'autre part, du prix de revient de l'élément d'actif immobilisé cédé.

7Quant aux règles particulières concernant la prise en compte des différents amortissements régulièrement comptabilisés et admis en déduction pour l'établissement de l'impôt ainsi que des diverses primes et subventions qui leur sont assimilés, leur étude est reportée, pour des raisons de commodité, au titre 2 de la présente division compte tenu de leur incidence sur la définition et la détermination des plus-values et moins-values à long ou à court terme.

SECTION 1

Détermination du prix de réalisation

1Le prix de réalisation d'un élément d'actif cédé doit s'entendre de la somme effectivement acquise au vendeur, lorsqu'il résulte -et c'est le cas le plus courant- d'une vente volontaire ayant son origine dans une décision de gestion prise par le chef d'entreprise.

Le prix de cession est celui porté en comptabilité sauf au service à établir :

- soit qu'il n'est pas sincère ;

- soit qu'il ne se situe pas dans le cadre d'une gestion normale.

2Ce prix de réalisation doit être un prix net, c'est-à-dire déduction faite des frais spéciaux qui, bien qu'inscrits dans les charges d'exploitation, s'appliquent directement à l'opération de cession (par exemple : courtages ou commissions versés à un intermédiaire qui a prêté son concours pour la réalisation de la vente).

Bien entendu, les frais ainsi déduits du prix de vente ne peuvent être admis fiscalement dans les charges d'exploitation déductibles de l'entreprise cédante.

En revanche, n'ont pas à être imputées sur la plus-value des charges qui, même exposées en vue de la réalisation de la cession, ne constituent pas des frais inhérents à celle-ci et qui, dès lors qu'elles n'ont pas eu pour contrepartie une augmentation de la valeur du bien cédé, restent de la nature des frais généraux visés à l'article 39-1-1° du CGI. Tel est le cas d'honoraires d'expertise exposés aux fins de déterminer la valeur exacte des titres à céder (CE, 21 juin 1995, n°s 132531 8e et 9e s.s).

3Mais la cession d'un élément de l'actif immobilisé peut revêtir, en dehors de la vente proprement dite, d'autres formes de réalisation entraînant des règles particulières d'évaluation de la plus-value (ou moins-value) dégagée à cette occasion.

4On examinera ci-après les solutions dont il convient de faire état pour la détermination de la valeur de cession à retenir dans les différents cas rencontrés dans la pratique.

5En ce qui concerne les règles applicables ;

- aux cessions de titres en portefeuille, cf. ci-après DB 4 B 3121  ;

- aux cessions d'éléments réévalués dans le cadre des dispositions légales, cf. ci-après DB 4 B 3212 .

  A. VALEUR DE CESSION À RETENIR EN CAS DE VENTE

6La valeur de cession à retenir en cas de vente d'éléments de l'actif immobilisé ou de l'ensemble d'un fonds de commerce est, en principe, celle qui est indiquée par les parties dans l'acte de vente.

7Toutefois, la valeur des énonciations de cet acte peut être mise en cause par l'Administration. Mais alors il ne suffit pas que le service puisse faire état d'une insuffisance du prix déclaré par rapport à la valeur vénale du bien cédé. Il faut que soit établie la dissimulation d'une fraction du prix effectivement stipulé ou le caractère anormal de l'acte.

8D'autre part, la vente peut être réalisée notamment :

- suivant des modalités particulières de règlement lorsque le prix stipulé est, en totalité ou en partie, payable à terme ;

- moyennant le versement d'une rente viagère.

Ces différentes situations appellent les précisions suivantes.

  I. Cas où la valeur vénale du bien cédé est supérieure au prix de cession stipulé

1. Caractère sincère du prix de cession.

9En règle générale, le service doit s'abstenir d'opérer une rectification du prix de cession inscrit dans l'acte de vente, lorsque l'insuffisance constatée ne résulte que du redressement effectué pour la liquidation des droits de mutation. Ce redressement ne constitue, en effet, qu'une simple présomption mais ne peut être considéré comme une preuve suffisante de dissimulation 2 .

Il n'est pas impossible, en effet, que la différence constatée entre la valeur vénale et le prix de vente stipulé s'explique par des raisons ou des circonstances exclusives de toute fraude : inexpérience ou maladresse du vendeur qui a conclu une « mauvaise affaire » ; nécessité, pour le vendeur, de conclure l'affaire dans des délais excessivement brefs.

Toutefois les énonciations de l'acte doivent, bien entendu, être écartées si le service a relevé, non une simple insuffisance de valeur, mais une dissimulation de prix ou si l'exploitant a lui-même reconnu, au cours de la procédure d'établissement de l'impôt, avoir reçu une somme supérieure à celle mentionnée dans l'acte de cession.

Le service peut engager la procédure normale de redressement contradictoire prévue à l'article L. 55 du LPF lorsqu'il a été constaté que l'aliénation d'un élément quelconque de l'actif a été consentie à un prix anormalement bas.

Dans le cas où la cession d'un bien par un associé à la société dont il fait partie donne lieu à un acte rectificatif à la suite d'une procédure de redressement engagée par l'Administration au regard des droits d'enregistrement, la société acquéreuse peut tenir compte de la valeur d'acquisition résultant de l'acte rectificatif pour le calcul de la plus-value ou de la moins-value susceptible d'être dégagée par la cession ultérieure du bien (RM Ferrant, Sénat, 19 juillet 1984, p. 1168, n° 15306).

10Sont toutefois inopposables à l'administration, les actes dissimulant la portée véritable d'un contrat ou d'une convention sous l'apparence de stipulations qui notamment déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus (art. L 64 b du LPF) [cf. ci-dessous n° 12 ].

2. Caractère anormal de l'acte.

11Le prix de cession peut être mis en cause par l'Administration s'il apparaît résulter d'un acte de gestion anormale.

Ainsi jugé, à l'encontre d'une société qui avait vendu des titres à une autre société qui possédait la quasi-totalité de son propre capital, étant observé que les titres de la société émettrice étaient eux-mêmes répartis entre la société venderesse, la société acheteuse et une troisième société également contrôlée par cette dernière. La vente avait eu lieu par l'intermédiaire d'un agent de change, mais en dehors de toute cotation des titres de l'espèce et au vu des seuls ordres respectivement donnés par les deux sociétés en cause à la même banque, en vue de la réalisation de l'opération litigieuse.

Au cas particulier, l'administration a estimé que le prix de cession retenu était inférieur à l'évaluation de la valeur normale des titres à la date de la cession litigieuse, compte tenu de la situation financière de la société émettrice et de ses perspectives de développement.

La Haute Assemblée a jugé en l'espèce qu'en tenant pour anormalement bas le prix de cession des titres à raison desquels la société venderesse avait constaté une perte, le service n'a pas entendu mettre en cause la nature de la cession ni découvrir dans cet acte des fraudes ou manoeuvres que le redressement aurait eu pour objet de déjouer ; qu'il s'est borné à constater que le prix de cession n'a pas correspondu au produit que la société aurait à l'époque retiré de la vente des mêmes titres si elle avait poursuivi cette opération dans des conditions normales et qu'en conséquence, l'évaluation retenue étant conforme à l'avis de la commission départementale, la preuve de son exagération était à la charge de la société requérante (CE, arrêt du 8 novembre 1965, req. n° 55731, RO, p. 427 ; à rapprocher de l'arrêt du 21 mars 1958, req. n° 37822, RO, p. 99).

De même, il a été jugé qu'un contribuable exploitant une entreprise commerciale individuelle se prive de la réalisation d'une plus-value en acceptant, en contrepartie de l'apport à une société d'un bien qui était inscrit à l'actif du bilan de son entreprise, des actions d'une valeur réelle inférieure à la valeur vénale du bien apporté.

Cette libéralité, dans la mesure où il résulte des circonstances de l'affaire qu'elle ne correspond pas à un acte de gestion normal, doit être imposée dans les mêmes conditions que la plus-value qui serait normalement résultée de l'opération d'apport (CE, arrêt du 14 juin 1978, req. n° 9403, RJ, n° II, p. 87).

Nota. - À l'occasion de cette affaire, le Conseil d'État a précisé que la valeur réelle des actions d'apport. lors de leur émission, devait être évaluée par référence à la valeur des autres actions de la société telle qu'elle ressort des transactions portant sur ces actions anciennes ou, à défaut, telle qu'elle ressort d'une analyse de la situation et des perspectives de la société à la même époque (cf. n°s 33 et suiv. ).

La cession d'un élément d'actif par une société passible de l'impôt sur les sociétés à l'un de ses associés moyennant un prix inférieur à la valeur vénale réelle du bien cédé s'analyse à concurrence de l'insuffisance du prix stipulé en une libéralité assimilable à une distribution de fonds sociaux.

Par suite, la différence ainsi constatée est imposable dans les conditions de droit commun et ne peut pas bénéficier du régime des plus-values (CE, arrêt du 21 novembre 1980, req. n° 17055, RJ, n° II, p. 107).

1° Le Conseil d'État a écarté l'argumentation de la société selon laquelle cette opération, qui portait sur des valeurs de son portefeuille-titres cotées en bourse, ne pourrait être regardée comme étrangère à une gestion financière normale dès lors qu'elle avait pour objet une remise en ordre de participations à l'intérieur d'un groupe dépendant d'une société dont elle était la filiale.

2° Le principe selon lequel les plus-values appréhendées dès leur réalisation par les actionnaires ou associés sont imposables au taux de droit commun a été affirmé par un arrêt du 9 juillet 1980, req. n° 12050, RJ, n° II, p. 70.

12Lorsque l'Administration ne se borne pas seulement à vérifier si l'acte de cession a été conclu selon les critères normaux de la gestion commerciale, mais dénie à cet acte la nature juridique que lui ont attribuée les parties en présence, il y a lieu de notifier les redressements envisagés selon les principes applicables en matière de procédure de redressement contradictoire. Mention est faite, dans la notification, que l'administration entend faire usage du droit que lui confère l'article L 64 du livre des procédures fiscales (cf. DB 13 L 1433).

Il en est ainsi qu'en vue de dissimuler une vente directe une société cède un élément de l'actif -ou la totalité d'un fonds de commerce- moyennant un prix minoré et par l'intermédiaire de personnes ou de sociétés interposées que relie une étroite communauté d'intérêts résultant, notamment, de liens familiaux.

Dans une telle situation, le comité consultatif pour la répression des abus de droit a été d'avis qu'il y avait lieu de soumettre à l'impôt sur les sociétés le montant réel d'une plus-value réalisée par une société à responsabilité limitée lors de la cession à une société civile immobilière -par le biais de plusieurs ventes successives et fractionnées- d'un terrain lui appartenant (avis du comité consultatif du 28 novembre 1963, DB 13 L 143, ann. V).

  II. Prix de vente payable à terme

13La cession d'éléments d'actif immobilisé peut être stipulée moyennant un prix payable à terme, en totalité ou en partie.

Dans le cas assez fréquent de cession d'un fonds de commerce, ou une partie du prix seulement est payée à la signature de l'acte, le solde peut être payable, soit en une seule fois et à une date déterminée, soit en un certain nombre de fractions égales ou inégales, à des échéances fixées par le contrat, soit plus généralement, par fractions d'égale valeur à échéance chaque année pendant une certaine période.

En représentation de sa créance, le vendeur reçoit habituellement de l'acquéreur des billets à ordre qu'il peut, soit conserver jusqu'à leur échéance, soit faire escompter.

Enfin, le contrat de vente peut préciser que les billets de fonds sont, ou non, productifs d'intérêts et assortis, ou non, d'une clause d'indexation prévoyant le rajustement du montant des annuités en fonction de la variation de certains indices économiques.

14On examinera successivement :

- les modalités de détermination du prix de cession à retenir pour le calcul de la plus-value ou de la moins-value ;

- les conséquences résultant, pour l'entreprise cédante, de la perception des sommes supérieures ou inférieures au montant ainsi retenu.

1. Détermination du prix de cession.

15En cas de cession d'un élément de l'actif immobilisé dont le prix est payable à terme, en tout ou en partie, la plus-value de cession imposable doit être déterminée en fonction de la valeur nominale assignée à l'élément cédé dans l'acte de cession (sous réserve, bien entendu, des règles exposées ci-dessus aux n°s 9 à 12 ), lorsque la créance correspondant à la partie du prix de cession dont le paiement différé est productive d'intérêts.

Ainsi le Conseil d'État a estimé que la circonstance que le règlement du prix de cession d'un fonds de commerce serait assorti de longs délais de paiement ne permet pas au vendeur dudit fonds de soutenir, pour le calcul de la plus-value de cession, que la valeur actuelle de sa créance sur le cessionnaire est inférieure à la valeur nominale de cette créance, lorsque celle-ci porte intérêt au taux légal (CE, arrêt du 21 mars 1955, req. n° 26544, RO, p. 269).

Ultérieurement, la Haute Assemblée a confirmé cette jurisprudence dans une espèce où les conventions passées entre les parties prévoyaient à la fois l'indexation du capital et le versement d'intérêts pour tenir compte de l'échelonnement des paiements (CE, arrêt du 21 décembre 1962, req. n° 54499, RO, p. 225).

16En revanche, lorsqu'il n'est pas stipulé d'intérêt au profit du vendeur, la créance née en contrepartie de l'élément cédé peut être estimée à sa valeur actuelle à la date de clôture de l'exercice au cours duquel la cession a été réalisée (voir en ce sens, CE, arrêt du 7 décembre 1959, req. n° 5797).

1   La valeur fiscale à prendre en considération peut, dans certains cas particuliers, être différente de la valeur comptable (cf ci-après DB 4 B 1322 ).

2   À noter que l'article 81-VI, 1er alinéa, de la loi de finances pour 1987 (n° 86-1317 du 30 décembre 1986) prévoit que lorsqu'elle fait application de l'article L 17 du LFP, l'Administration est tenue d'apporter la preuve de l'insuffisance des prix exprimés et des évaluations fournies dans les actes ou déclarations.