Date de début de publication du BOI : 30/10/1999
Identifiant juridique : 12C221
Références du document :  12C22
12C221

CHAPITRE 2 PROCEDURES ET ACTIONS

CHAPITRE 2

PROCEDURES ET ACTIONS

SECTION 1

Saisies de droit commun

REMARQUE PRELIMINAIRE

La loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 (JO du 14 juillet p. 9228) complétée par le décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 (JO du 5 août p. 10530) pris pour son application a opéré une profonde rénovation des voies d'exécution portant sur les biens meubles et des mesures conservatoires.

Ces textes ont institué en particulier dans le domaine de l'exécution forcée, de nouvelles formes de saisies qui se sont substituées, à compter du 1 er janvier 1993, aux anciennes procédures - saisie-arrêt et saisie-exécution. Ces nouvelles procédures - saisie-attribution et saisie des rémunérations, saisie-vente, mesures d'exécution sur les véhicules terrestres à moteur, saisie des droits incorporels, saisie des biens placés dans un coffre-fort sont commentées dans la présente section.

Cette réforme n'a pas modifié la procédure de saisie immobilière définie aux articles 673 à 748 du Code de procédure civile (ancien).

Cela étant, la jurisprudence rendue depuis la publication de la documentation administrative (DB 12 C 2213 du 1 er novembre 1978) ainsi que plusieurs modifications législatives intervenues récemment dans ce domaine (loi n° 96-1107 du 18 décembre 1996 ; loi n° 98-46 du 23 janvier 1998 ; loi n° 98-657 du 29 juillet 1998), justifient une mise à jour au regard des principes qui régissent désormais la procédure de saisie immobilière.

La réforme comporte également des dispositions en matière de mesures conservatoires - saisie conservatoire sur les biens meubles et sûretés judiciaires - ainsi qu'en matière de distribution des deniers. Ces dispositions sont également commentées (DB 541 et DB 252 ).

Elle institue en outre un juge de l'exécution qui connaît des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée ou de la mise en oeuvre des mesures conservatoires qu'il autorise (art. 8). L'article 7 de la loi attribue expressément compétence à ce juge, pour statuer sur les recours contre les décisions prises par l'administration en matière d'opposition à poursuites (DB 12 C 231 ).

Enfin, l'article 86 de la loi, lui-même modifié par l'article 35 de la loi n° 91-1323 du 30 décembre 1991 portant loi de finances rectificative pour 1991, aligne également les effets de l'avis à tiers détenteur sur ceux de la saisie-attribution. L'avis à tiers détenteur est commenté dans la section 2 du présent chapitre (DB 12 C 222 ).

GENERALITES

1.Aux termes de l'article 2 de la loi du 9 juillet 1991, « le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution ».

2.L'éventail de ces procédures est très large. L'un des objectifs de la réforme de 1991-1992 était de moderniser les mesures d'exécution en accélérant leur déroulement, en poussant les créanciers à une plus grande diligence et en développant des procédures particulières à certains biens, afin de tenir compte de l'évolution économique (saisie de droits incorporels, de véhicules terrestres à moteur, de biens situés dans des coffres-forts).

3.Cette réforme, accompagnée de celle organisant la répartition des sommes d'argent provenant de la cession des meubles (distribution de deniers), n'a concerné que les meubles.

4.La modernisation de la saisie immobilière - et de la procédure d'ordre - envisagée, demeure à l'état de projet.

Ces différentes saisies peuvent être classées en fonction de deux critères : leur objet et leur but.

1. Classification fondée sur l'objet de la saisie.

5.Si la saisie porte sur des biens meubles corporels ou incorporels, elle constitue une saisie mobilière. Dans cette catégorie rentrent notamment la saisie-vente, la saisie-attribution, la saisie de droits incorporels, etc...

Si la saisie porte sur un immeuble, il s'agit alors d'une saisie immobilière.

2. Classification fondée sur le but de la saisie.

6.Il convient de distinguer les saisies à fin d'exécution des saisies à but conservatoire.

Seules sont étudiées dans la présente section les saisies à fin d'exécution en distinguant les différentes saisies mobilières et la saisie immobilière.

Enfin, des développements particuliers sont consacrés à la saisie de certains biens (navires, bateaux, avions, brevets) dont la spécificité a nécessité l'adoption par le législateur de procédures propres qui n'ont pas été modifiées par la réforme de 1991-1992.

7.Chaque saisie obéit à des règles particulières qui font l'objet des développements ultérieurs. Mais, sous cette réserve, elles sont soumises à un ensemble de conditions générales applicables à défaut de dispositions contraires et qu'il importe de préciser dès maintenant.

Ces dispositions concernent :

1° Les sujets de la saisie (le créancier et le débiteur) ;

2° Les causes de la saisie (conditions que doit remplir la créance du saisissant pour justifier une saisie) ;

3° L'objet de la saisie (tous les biens ne peuvent être saisis, certains étant insaisissables).

  A. LES SUJETS DE LA SAISIE

  I. Les créanciers

1. Règles générales.

8.Le droit de saisir les biens d'un débiteur appartient à tous ses créanciers car ces biens, qu'ils soient mobiliers ou immobiliers, constituent leur gage commun (Code civil, art. 2093). Ont également qualité pour agir aux lieu et place des créanciers, leurs représentants ou mandataires, leurs ayants cause ainsi que leurs subrogés. En outre, en application de l'article 1166 du Code civil, les créanciers d'un créancier peuvent exercer par voie oblique toutes voies d'exécution, et notamment pratiquer, aux lieu et place du débiteur négligent, une saisie-attribution entre les mains d'une tierce personne détentrice de sommes appartenant à un débiteur du débiteur.

Toutefois celui qui exerce la poursuite doit avoir capacité ou pouvoir selon le cas de faire pratiquer une mesure conservatoire, soit d'ester en justice lorsque l'intervention du juge devient nécessaire dans la procédure d'exécution, soit, enfin, de faire un acte d'acquisition s'il risque d'être déclaré adjudicataire du bien saisi à défaut d'enchérisseur (cf. Code de proc. civ., art. 706).

9.La nature de la créance dont le créancier est titulaire est, en principe, sans incidence sur la faculté ou le droit de poursuivre le débiteur par voie de saisie.

Ce principe connaît, toutefois, une limite : aux termes de l'article 2209 du Code civil, le créancier hypothécaire ne peut poursuivre la vente des immeubles qui ne lui sont pas hypothéqués que dans le cas d'insuffisance des biens qui lui sont hypothéqués.

D'autre part, les créanciers chirographaires ou dont les créances ne sont garanties que par un privilège mobilier, n'ont aucun intérêt à poursuivre la vente forcée d'un immeuble si le montant des créances hypothécaires ou privilégiées sur l'immeuble dépassent la valeur de l'immeuble.

Il en est de même des créanciers hypothécaires qui ne viennent pas en rang utile.

2. Règles de compétence applicables aux voies d'exécution exercées par les comptables des impôts.

10.En application de l'article L 252 du Livre des procédures fiscales, le receveur chargé du recouvrement des créances prises en charge est seul compétent pour diligenter les mesures de poursuite.

  II. Les débiteurs

11.En principe, tout débiteur peut être saisi. Il en est ainsi même s'il est incapable. Toutefois, dans ce cas, les poursuites seront dirigées contre les représentants légaux ès qualités.

Cette règle appelle, cependant les précisions suivantes.

12.L'Etat et les autres personnes morales de droit public, parmi lesquelles figurent les régions, les départements, les communes et les établissements publics ne peuvent faire l'objet d'une saisie. Seule la voie de l'inscription d'office, au budget de la personne publique par l'autorité de tutelle, est ouverte à l'encontre de ces mêmes personnes morales de droit public après visa et autorisation de la chambre régionale des comptes. En revanche, sont saisisables dans les conditions ordinaires les biens des établissements d'utilité publique et des sociétés anonymes d'économie mixte.

13.Les Etats étrangers et les agents diplomatiques auxquels il y a lieu d'ajouter certains fonctionnaires internationaux (fonctionnaires de l'Organisation des Nations unies, de l'Union Européenne, de l'Unesco, par exemple) bénéficient aussi d'une immunité de saisie. A cet égard, toute difficulté dans le recouvrement doit être signalée à la direction générale (bureau R 2).

Il convient, par ailleurs, d'observer que peuvent être saisis, outre le débiteur :

14.• Ses successeurs universels ou à titre universel sous réserve, cependant, que le titre dont l'exécution forcée est poursuivie leur ait été préalablement signifié (cf. art. 877 du Code civil).

En matière fiscale, lorsque, pour obtenir le paiement d'une créance, un avis de mise en recouvrement a été notifié au redevable avant son décès, la notification à ses successeurs ou héritiers d'une mise en demeure procédant de cet avis est suffisante pour poursuivre à leur égard le recouvrement de cette créance.

Si une mise en demeure avait été notifiée au de cujus, une nouvelle mise en demeure doit être notifiée à ses successeurs ou héritiers.

Dans les deux cas, les poursuites ne pouvant être entreprises que vingt jours après la mise en demeure, le délai de huit jours prévu par l'article 877 du Code civil se trouve être automatiquement respecté.

De plus, s'agissant d'un héritier ab intestat, c'est-à-dire d'une personne qui hérite selon les règles légales de la dévolution successorale et sans que le défunt n'ait laissé de testament, il faut qu'il ait accepté purement et simplement la succession.

15.• Le tiers détenteur d'un immeuble hypothéqué. En vertu du droit de suite qui s'attache à l'hypothèque, les créanciers ayant un droit sur l'immeuble peuvent saisir ce dernier entre les mains du tiers détenteur lui-même.

  B. LA CAUSE DE LA SAISIE

16.La « cause de la saisie » s'entend de la créance en vertu de laquelle un créancier poursuit la saisie.

Pour justifier une saisie, cette créance doit répondre à un certain nombre de conditions : conditions de fond d'une part, conditions de forme d'autre part.

  I. Conditions de fond

17.Il résulte des dispositions de l'article 551 ancien du Code de procédure civile que, pour justifier une saisie, une créance doit être certaine, liquide et exigible. Cet article n'a pas été abrogé (cf. art. 94 loi du 9 juillet 1991).

Pour sa part, l'article 2 de la loi du 9 juillet 1991 précité, dans sa rédaction, ne mentionne pas expressément le caractère de « certitude » que doit avoir la dette.

1. La créance doit être certaine.

18.L'existence de la créance fiscale au moment de la saisie ne doit donc pas dépendre d'un événement futur et incertain. En d'autres termes, elle ne peut être affectée d'une condition suspensive (Code civil, art. 1181). Par exemple, la créance de TVA que le Trésor possède contre un prestataire de services au moment où la prestation est fournie présente le caractère d'une créance conditionnelle tant que l'assujetti n'en a pas encaissé le prix. Cet encaissement, qui constitue, dans ce cas, l'exigibilité de la taxe en ce qui concerne son assiette (CGI, art. 269-2-c) est, en effet, un événement futur qu'il n'est pas au pouvoir de l'administration de provoquer.

D'autre part, la créance doit, bien entendu, encore exister au moment de la saisie ; il ne faut pas, par conséquent, qu'elle se trouve déjà éteinte ou prescrite, en particulier, par un paiement libératoire, par un dégrèvement ou un défaut de déclaration au passif (poursuite contre le dirigeant ou reprise des poursuites contre une personne physique en application de l'article 169 de la loi du 25 janvier 1985 pour une créance de l'article 40 de la même loi).

19.Indépendamment de ces dispositions générales du droit privé, le recouvrement des créances d'impôt obéit aux règles propres du droit fiscal, notamment celles qui découlent des articles L 277 et L 279 du Livre des procédures fiscales.

Ainsi, dès lors que la créance fiscale a été mise en recouvrement, le délai de réclamation ouvert au redevable pour lui permettre de mettre en cause le bien-fondé de l'imposition ne suspend pas le droit de poursuite du comptable public.

Dans les cas où la demande de sursis de paiement n'aboutit pas à des offres de garanties du contribuable ou si les garanties proposées sont refusées, il appartient aux comptables de mettre exclusivement en oeuvre les mesures conservatoires de droit commun (art. 74 à 76 de la loi du 9 juillet 1991 et art. 220 à 249 du décret du 31 juillet 1992) ou d'avoir recours à des sûretés judiciaires, notamment sur des valeurs mobilières (art. 77 à 79 de la loi et 250 à 265 du décret précités).

2. La créance doit être liquide.

20.Une créance est liquide lorsque son montant en argent est déterminé et connu.

Sous l'empire des dispositions de l'ancien Code de procédure civile, un créancier pouvait saisir les biens de son débiteur en vertu d'une créance non liquide pourvu, qu'après la saisie, il suspende l'exécution jusqu'au jour où sa créance devenait liquide. C'est ce qui résulte de l'article 551 du Code de procédure civile qui, après avoir prescrit l'exigence de la liquidité de la créance du saisissant, dispose que « si la dette exigible n'est pas d'une somme en argent, il sera sursis, après la saisie, à toutes poursuites ultérieures, jusqu'à ce que l'appréciation en ait été faite ».

Tel était bien le cas en matière de saisie-arrêt puisque l'article 559 du Code de procédure civile dispose qu'il peut être procédé à une saisie-arrêt en vertu d'une créance non liquide sous réserve, toutefois, de la faire évaluer provisoirement par justice.

En effet, la saisie-arrêt - comme la saisie-exécution - comportait une phase conservatoire dont la durée, indépendamment de toute contestation, était à la discrétion du créancier.

21.Si l'article 551 du code précité demeure, les procédures de saisies ont changé. La réforme de 1991 a visé l'accélération de l'exécution en distinguant mesures d'exécution et mesures conservatoires.

Ainsi, l'article 42 de la loi concernant la saisie-attribution, précise que « tout créancier, muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent ».

22.De même, en matière de saisie immobilière, le créancier peut procéder à la saisie de l'immeuble en vertu d'une créance non liquide. Mais après la saisie, il doit surseoir à toutes poursuites jusqu'au jour où sa créance aura été liquidée (art. 551 CPC et art. 2213 C. civil).

23.Par ailleurs, si, en principe, toute créance peut donner lieu à saisie, quel que soit son montant, certaines limites résultent soit de la loi, soit de la jurisprudence afin d'éviter des disproportions trop importantes entre la valeur des biens saisis et le montant de la créance.

Certaines limites résultent de la loi elle-même :

- les revenus annuels de l'immeuble sont supérieurs au montant de la créance ;

- pour le recouvrement des créances inférieures à 3 500 F, le créancier ne peut procéder à une saisie-vente du mobilier de son débiteur qu'après avoir vainement diligenté une saisie-attribution ou une saisie de rémunérations.

24.Enfin, la jurisprudence a complété ces dispositions légales en faisant application de la théorie de l'abus de droit : le créancier qui, sans aucune nécessité réelle parce que son débiteur est solvable, s'aviserait de pratiquer une saisie dans un dessein vexatoire et pour paralyser le crédit de son débiteur, s'exposerait à être condamné à des dommages-intérêts.

Mais, conformément aux règles habituelles, une telle condamnation ne peut être prononcée que dans la mesure où une faute est relevée à l'encontre du créancier.