Date de début de publication du BOI : 30/10/1999
Identifiant juridique : 12C2221
Références du document :  12C222
12C2221

SECTION 2 AVIS À TIERS DÉTENTEUR

SECTION 2

Avis à tiers détenteur

INTRODUCTION

1.L'avis à tiers détenteur prévu aux articles L 262 et L 263 du Livre des procédures fiscales (LPF) est une mesure de recouvrement qui permet au comptable, sur simple demande, d'obliger un tiers à lui verser sur les fonds dont il est dépositaire, détenteur ou débiteur à l'égard d'un redevable, les impôts, les pénalités et les frais accessoires dus par ce dernier qui sont garantis par un des privilèges du Trésor (art. 1926 du Code général des impôts (CGI) pour les taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées, art. 1929 du même code pour les droits d'enregistrement, taxe de publicité foncière, droits de timbre, autres droits et taxes assimilées). Il permet l'appréhension de toutes les créances de sommes d'argent même à terme, conditionnelle ou à exécution successive.

2.Il s'agit d'une mesure de recouvrement directe et propre au droit fiscal obéissant à un formalisme particulier, qui dispense les receveurs des impôts de recourir à la procédure de saisie de droit commun.

3.Auparavant, les effets de l'avis à tiers détenteur étaient assimilés par la jurisprudence à ceux d'un jugement de validité de saisie-arrêt passé en force de chose jugée (cf. notamment Cass. civ., 9 décembre 1959, Bull. civ. Il, p. 531, n° 814) opérant transport-cession au profit exclusif du Trésor de la créance du redevable sur le tiers détenteur (Cass. com. 2 juin 1980, Bull. civ. IV, n° 228, p. 185 ; Cass. com. 22 juillet 1986, Bull. civ. IV, n° 178, p. 152 ; Cass. com. 2 octobre 1990, Bull. civ. IV, n° 224, p. 155).

Pour produire ses effets, l'avis à tiers détenteur devait alors avoir acquis un caractère définitif résultant de l'expiration du délai de deux mois imparti au redevable pour former opposition aux poursuites (Cass. com. 22 novembre 1983, Bull. civ. IV, n° 318, p. 275).

4.La loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 (Journal Officiel du 14 juillet p. 9228), complétée par le décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 (Journal Officiel du 5 août p. 10530) pris pour son application, a opéré une profonde rénovation des voies d'exécution portant sur les biens meubles et les mesures conservatoires.

Ces textes instituent, en particulier dans le domaine de l'exécution forcée, de nouvelles formes de saisies qui se substituent, à compter du 1er janvier 1993, aux anciennes procédures - saisie-arrêt et saisie-exécution -.

5.C'est ainsi que l'article 86 de la loi précitée et l'article 35 de la loi n° 91-1323 du 30 décembre 1991 ont modifié l'article L 263 du LPF et prévu que l'avis à tiers détenteur a le même effet d'attribution immédiate que la saisie-attribution (cf. DB 12 C 2211 ).

La loi du 9 juillet 1991 et le décret pris pour son application modifient également les dispositions du Code du travail relatives à la saisie et à la cession des rémunérations dues par un employeur.

6.Enfin, cette loi institue un juge de l'exécution qui connaît des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée ou de la mise en oeuvre des mesures conservatoires qu'il autorise (article 8 de la loi devenu l'article R 311-12-1 du Code de l'organisation judiciaire).

7.Les références à la loi du 9 juillet 1991 et au décret du 31 juillet 1992 sont exprimées ci-après par l'indication du numéro de l'article précédé de la lettre « L » ou « D », suivant le cas.

8.La procédure de l'avis à tiers détenteur est simple, rapide et entraîne des frais réduits.

Elle est donc préférable à la procédure ordinaire de la saisie-attribution.

Elle reste néanmoins une procédure rigoureuse qui doit être pratiquée avec discernement.

SOUS-SECTION 1

Champ d'application de l'avis à tiers détenteur

  A. IMPOSITIONS POUVANT DONNER LIEU A UN AVIS A TIERS DETENTEUR

9.La loi de finances rectificative pour 1981 (n° 81-1179 du 31 décembre 1981), applicable à partir du 1er janvier 1982, a étendu l'avis à tiers détenteur à tous les impôts, pénalités et frais accessoires privilégiés et recouvrés par les comptables de la Direction générale des impôts (art. 8 de la loi de finances rectificative codifié à l'article L 262 du LPF).

10.La procédure de l'avis à tiers détenteur concerne essentiellement :

→ s'agissant des impositions bénéficiant du privilège prévu à l'article 1926 du CGI :

- les taxes sur le chiffre d'affaires ;

- les taxes assimilées aux taxes sur le chiffre d'affaires pour l'exercice du privilège ;

→ s'agissant des impositions bénéficiant du privilège prévu à l'article 1929 du même code :

- les droits d'enregistrement ;

- la taxe de publicité foncière ;

- les droits de timbre ;

- les droits et taxes assimilées aux droits d'enregistrement, taxe de publicité foncière et droits de timbre.

11.Lorsque la créance n'est pas privilégiée, les comptables doivent procéder par la voie de la saisie-attribution (ex. : créances domaniales...).

  B. TIERS ENTRE LES MAINS DESQUELS CETTE PROCEDURE PEUT ÊTRE PRATIQUEE

12.L'article L 262 du LPF permet d'utiliser l'avis à tiers détenteur à l'égard de tous ceux qui détiennent des fonds appartenant à un redevable ou qui sont débiteurs de deniers envers lui, à quelque titre que ce soit (fermiers, locataires, employeurs, liquidateurs de sociétés, mandataires de justice, notaires, commissaires-priseurs, banques, centres de chèques postaux, comptables publics, clients, etc).

13.Peuvent ainsi faire l'objet de cette procédure :

- les huissiers, lorsqu'ils détiennent des fonds provenant de ventes mobilières ou de recouvrements de créances pour le compte du redevable ;

- les liquidateurs judiciaires et les commissaires à l'exécution des plans de cession lorsque les comptables poursuivent le recouvrement de créances de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;

- les détenteurs du prix de vente d'un fonds de commerce.

14.Mais, il faut que la personne à qui est notifié l'avis ait bien la qualité de tiers et ne soit pas, par conséquent, sous un lien de dépendance ou de subordination à l'égard du redevable. Par exemple, un caissier qui détient les deniers se trouvant dans la caisse de l'entreprise de son employeur n'est pas un tiers par rapport à ce dernier.

15.Il est nécessaire, en outre, que les deniers détenus par un tiers proviennent bien du chef du redevable.

16.Ainsi, il a été jugé (DIJON, 9 novembre 1966, RJCI n° 16 p. 143) que l'avis à tiers détenteur adressé à un notaire en vue d'appréhender le prix d'un terrain appartenant à un redevable de droits privilégiés est inopérant dès lors que le notaire ne détenait, à la date de cet avis, que des deniers versés par une personne qui, en définitive, n'a pas acheté le terrain et à laquelle ces deniers ont, du reste, été reversés ultérieurement.

Le fait que le notaire ait pris les deniers en compte sous la rubrique de l'opération immobilière à réaliser n'apporte pas la preuve certaine d'une créance ou d'un accord de volonté sur cette opération. Les deniers ne pouvaient donc être considérés comme « provenant du chef du redevable » ainsi que l'exige l'article L 262 du LPF.

  C. CAS PARTICULIER : AVIS A TIERS DETENTEUR ENTRE LES MAINS D'UN COMPTABLE PUBLIC

  I. Procédure

17.La situation particulière du comptable public, tiers saisi, qui met le créancier saisissant à l'abri tant d'une éventuelle insolvabilité que d'une collusion frauduleuse avec le débiteur saisi, justifie la mise en oeuvre d'une procédure spéciale simplifiée. A cet égard, si le décret n° 93-977 du 31 juillet 1993 relatif aux saisies et cessions notifiées aux comptables publics et aux centres de chèques postaux ou de la caisse d'épargne (JO 5 août 1993, p. 10998) a énoncé dans son article 2 que le décret du 31 juillet 1992 était applicable aux saisies notifiées aux comptables publics, ce même décret a prévu certaines adaptations propres aux règles de la comptabilité publique (voir ci-après et n°s 48 et 49).

18.Conformément à l'article 4 du décret n° 93-977 du 31 juillet 1993 précité, l'ATD est notifié au comptable public assignataire de la dépense.

Ainsi, pour les sommes dues par l'Etat, la notification est faite au trésorier-payeur général. Toutefois, si la créance sur laquelle porte la saisie est payable à PARIS, l'organisme destinataire de l'acte est soit la Paierie générale du Trésor, soit l'Agence comptable centrale du Trésor, soit l'Agence comptable des impôts de PARIS.

19.Par ailleurs, un ATD adressé à un comptable public ne produit ses effets que durant cinq ans et doit donc être éventuellement renouvelé lorsqu'il vise des marchés publics dont les échéances dépassent ce délai.

20. IMPORTANT  :

Les règles particulières aux saisies effectuées entre les mains d'un comptable public s'appliquent également aux services de chèques postaux et caisses nationales d'épargne.

L'avis à tiers détenteur doit être notifié au centre de chèques postaux où sont tenus les comptes frappés par la saisie. Cette dernière ne peut s'appliquer aux comptes ouverts dans d'autres centres. Il en est de même pour la Caisse nationale d'épargne.

21. REMARQUE  :

Le Conseil d'Etat a dénié au comptable public tout pouvoir d'appréciation sur la validité d'un acte de saisie et ce quels qu'en soient les motifs, de fond ou de forme (CE 15 octobre 1969, req. n° 75.010). Dès lors, le comptable public qui refuserait de viser l'original de l'acte commettrait une faute de nature à engager sa responsabilité.

Cette neutralité exonère le comptable tiers saisi de toute responsabilité quant à l'irrégularité éventuelle de la procédure d'exécution engagée.

A cet égard, un juge de l'exécution a pu affirmer que « le tiers saisi, qui ne saurait être tenu d'imposer, de lui-même, aux parties, les règles de saisissabilité applicables en l'espèce, sera déchargé de toute responsabilité » (TGI MARSEILLE, 3 août 1995, inédit). En l'espèce, il s'agissait de la mise en cause d'un trésorier-payeur général qui avait effectué le versement d'une pension de retraite au profit d'un créancier saisissant à la suite d'une saisie-attribution qui n'avait jamais fait l'objet d'une contestation dans les délais requis de la part du débiteur, alors que cette pension était légalement insaisissable (art. L 56 du Code des pensions).

  II. Avis à tiers détenteur visant des fonctionnaires civils et militaires

1. Avis à tiers détenteur sur les rémunérations.

22.Les règles de la saisie des rémunérations du travail sont applicables dans ce cas avec, toutefois, certaines particularités résultant du décret n° 93-977 du 31 juillet 1993 (art. 7 à 11) et notamment l'article 8 : « la déclaration qui incombe au tiers saisi sur la situation de droit existant entre lui-même et le débiteur est faite par le service employeur au secrétariat-greffe du tribunal d'instance ».

2. Avis à tiers détenteur sur les pensions de retraite et les rentes viagères d'invalidité.

23.L'article L 56 alinéa 1er du Code des pensions civiles et militaires de l'Etat (loi 26 décembre 1964) dispose que :

« Les pensions et les rentes viagères d'invalidité instituées par le présent code sont ..... insaisissables, sauf en cas de débet envers l'Etat, les départements, les communes ou établissements publics, les territoires d'Outre-Mer, ou pour les créances privilégiées de l'article 2101 du Code civil (privilèges généraux mobiliers) ou dans les circonstances prévues aux articles 203, 205, 206, 207 et 214 du même Code » (créances alimentaires).

Lorsqu'elles sont saisissables, c'est-à-dire lorsqu'elles concernent une dette envers l'Etat et les autres collectivités publiques ou une créance privilégiée de l'article 2101 du Code civil, les pensions de retraite et les rentes viagères d'invalidité attribuées aux fonctionnaires civils et militaires peuvent être appréhendées dans la limite d'un cinquième de leur montant.

Elles sont aussi saisissables dans la limite d'un tiers de leur montant, pour les créances alimentaires prévues par le Code civil et pour les créances familiales découlant du mariage (C. civ. art. 203 s. et voir aussi 12 C 221 n° 40 ).

Ces diverses retenues peuvent s'exercer simultanément (Code des pensions, art. L 56 al. 3). Toutefois, en cas de dettes simultanées envers l'Etat d'une part, et d'autres collectivités publiques d'autre part, les retenues doivent être effectuées en premier lieu au profit de l'Etat (Code des pensions, art. L 56 al. 4).

24. REMARQUE :

L'article 75 de la loi du 9 juillet 1991 prévoit que les créances insaisissables dont le montant est versé sur un compte demeurent insaisissables. Dès lors, lorsque les pensions sont versées directement à un compte bancaire ou postal, les comptables peuvent désormais se dispenser d'adresser leur demande de prélèvement au comptable assignataire de la pension et notifier directement l'avis à tiers détenteur à l'établissement bancaire qui est en mesure d'appliquer ces règles sur demande du débiteur saisi.

  D. CIRCONSTANCES INTERDISANT L'AVIS A TIERS DETENTEUR

25.Bien entendu, les comptables ne peuvent notifier d'avis à tiers détenteur lorsque les poursuites sont suspendues. Il en est ainsi en présence :

- d'un redressement ou d'une liquidation judiciaires (article 47 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985) ;

- d'une suspension provisoire des poursuites (alinéas 4 à 6 de l'article 36 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 modifié par la loi n° 94-475 du 10 juin 1994 sur la prévention et le règlement amiable des difficultés des entreprises) ;

- d'un plan de règlement régulièrement conclu et respecté.

  I. Procédures collectives

26.L'article 47 de la loi du 25 janvier 1985 arrête ou interdit les poursuites dès l'ouverture de la procédure collective.

Cette disposition interdit donc la notification de nouveaux ATD pour les créances devant faire l'objet d'une déclaration (art. 50 de la loi du 25 janvier 1985).

27.En revanche, la procédure collective ne saurait interdire aux comptables de poursuivre le recouvrement des créances de l'article 40 au moyen d'avis à tiers détenteur (Cass. com. 20 juin 1989, Bull. civ. IV n° 190 p. 130).

28.Toutefois, dans une décision du 22 avril 1997 (Cass. com., Bull. civ. IV n° 104 p. 90), confirmée par un arrêt du 5 mai 1998 (Bull. civ. IV n° 143 p. 115), la Cour suprême a jugé que n'était pas recevable l'avis à tiers détenteur délivré au liquidateur, tiers saisi, pour obtenir l'attribution des sommes versées à la Caisse des dépôts et consignations, en application des dispositions de l'article 173 du décret du 27 décembre 1985 modifié.

29.Il est donc nécessaire de chercher à appréhender par voie d'avis à tiers détenteur les fonds non encore déposés à la Caisse des dépôts et consignations et détenus par des tiers (notaires, commissaires-priseurs, séquestres, clients, autres comptes encore ouverts au nom du débiteur...).

30.Par ailleurs, il a été jugé que la décision qui arrête le plan de continuation de l'entreprise et qui fixe l'échéancier pour l'apurement du passif, autorise tout créancier concerné à exercer, après l'échéance, une action en paiement du dividende prévu par le plan dès lors que sa créance a été définitivement admise au passif (Cass. com. 14 mars 1995 - D. 1995 - Flash du 30 mars 1995).

Par conséquent, le réceveur, peut, dans la limite des termes et délais prévus par le plan, exercer son action en recouvrement par voie d'avis à tiers détenteur aux organismes bancaires ou aux clients.