SOUS-SECTION 3 LA SAISIE IMMOBILIÈRE
SOUS-SECTION 3
La saisie immobilière
INTRODUCTION
La saisie immobilière est la procédure par laquelle un créancier fait placer sous main de justice des biens immobiliers appartenant à son débiteur pour les faire vendre et se faire payer sur le prix.
Les règles de la saisie immobilière sont définies par les articles 2204 à 2217 du Code civil et 673 à 748 du Code de procédure civile (ancien).
Une réforme de cette procédure a été amorcée par un décret n°67-167 du 1er mars 1967, dont l'entrée en vigueur était subordonnée à la publication d'un décret d'application qui n'a jamais été pris. Par ailleurs, la réforme des procédures civiles d'exécution instituée par la loi du 9 juillet 1991 n'a pas abordé la procédure de saisie immobilière. En revanche, trois initiatives législatives récentes ont apporté des modifications ponctuelles pour renforcer la protection des acquéreurs de lots de copropriété (loi n° 96-1107 du 18 décembre 1996 - JO du 19 décembre 1996 dite loi CARREZ), des personnes surendettées en cas de saisie immobilière (loi n° 98-46 du 23 janvier 1998, JO du 24 janvier 1998, p. 1127), et lutter contre les exclusions (loi n° 98-657 du 29 juillet 1998, JO du 31 juillet 1998, p. 11679).
L'étude de la saisie immobilière est divisée en trois parties qui traitent successivement :
- des conditions de la saisie (A) ;
- de la procédure et des effets de la saisie (B) ;
- des incidents de la saisie (C).
A. CONDITIONS DE LA SAISIE IMMOBILIERE
1.La saisie immobilière est soumise à des conditions particulières relatives :
- à la personne du créancier saisissant ;
- à la personne du saisi ;
- aux biens saisissables.
I. Conditions relatives au créancier saisissant
1. Généralités.
2.Le droit de saisir les biens d'un débiteur appartient à tous ses créanciers chirographaires, privilégiés ou hypothécaires car ces biens, qu'ils soient mobiliers ou immobiliers, constituent leur gage commun (C. civ., art. 2093).
Un créancier ne peut poursuivre la saisie des biens de son débiteur qu'en vertu d'un titre exécutoire, et pour le recouvrement d'une créance certaine, liquide et exigible.
2. Saisie immobilière proprement dite.
3.Les conditions de la saisie immobilière sont plus particulièrement prévues aux articles 2213 et 2215 du Code civil.
En principe, la vente forcée des immeubles ne peut être poursuivie qu'en vertu d'un titre authentique et exécutoire, pour une dette certaine et liquide (C. civ., art, 2213).
Il a été jugé qu'un cautionnement hypothécaire formalisé par un acte authentique constituait un titre exécutoire autorisant des poursuites de saisie immobilière (Cass. civ. 6 juin 1996, RD imm. 1997, p. 119).
Si la créance n'est pas liquide, la saisie est toutefois possible, mais les poursuites doivent être suspendues, après la publication du commandement valant saisie, c'est-à-dire dès que l'immeuble a été rendu indisponible jusqu'à ce que l'appréciation de la créance ait été effectuée (C. Proc. Civ., art. 551).
La poursuite peut avoir lieu en vertu d'un jugement provisoire ou définitif, exécutoire par provision, nonobstant appel ; mais l'adjudication ne peut se faire qu'après un jugement définitif en dernier ressort, ou passé en force de chose jugée. La poursuite ne peut s'exercer en vertu de jugements rendus par défaut durant le délai d'opposition (C. civ., art 2215).
II. Conditions relatives au saisi
4.La saisie immobilière est poursuivie, en principe, contre le débiteur lui-même. Toutefois, comme la saisie-vente, les poursuites peuvent être engagées à l'encontre d'une tierce-personne autre que le débiteur.
Exemples : l'acquéreur d'un immeuble hypothéqué poursuivi par le créancier hypothécaire, en vertu de son droit de suite, ou la caution réelle qui a garanti la dette d'autrui en conférant une hypothèque sur son immeuble.
1. Poursuites exercées contre le débiteur.
a. Principes :
5.Le débiteur peut être saisi et exproprié des immeubles dont il est propriétaire ou titulaire de droits réels immobiliers.
Lorsque l'immeuble est en indivision, le créancier ne peut opérer la saisie de la part du débiteur. Il n'a que la faculté de provoquer le partage et d'intervenir dans celui-ci (cf. infra n°s 25 à 27 ).
b. Cas particuliers.
1° Décès du débiteur.
6.Les poursuites peuvent aussi être dirigées contre les héritiers ou ayants-droits du débiteur.
Mais le créancier doit leur signifier son titre exécutoire huit jours au moins avant d'en poursuivre l'exécution (C. civ., art. 877). Peu importe que l'héritier ait accepté sous bénéfice d'inventaire car la poursuite est diligentée sur un bien du patrimoine du de cujus.
La signification préalable du titre exécutoire aux héritiers est requise à peine de nullité des poursuites (cf. Cass. civ., 15 janvier 1974, Bull. civ. I, n° 23, p. 21).
2° Cas des personnes mariées sous un régime de communauté.
7.Sous le régime antérieur à la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985, lorsque les époux sont mariés sous un régime de communauté, les poursuites visant les immeubles communs sont dirigées contre le seul mari, même si la femme est obligée à la dette (C. civ., article 2208 al. 1° ; Cass. civ., 1°, 27 mars 1974, Gaz. Pal. 1974, 1, som. p. 123).
8.La loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 a abrogé l'article 2208 du Code civil. Il résulte des dispositions nouvelles que, sur les biens immobiliers de communauté, le créancier qui est en droit de saisir un immeuble commun doit désormais exercer la poursuite contre les deux époux.
Les dispositions de l'article 2208 du Code civil restent cependant applicables, en pratique, pour les créanciers dont la créance est née antérieurement au 1er juillet 1986 date de l'entrée en vigueur de la loi du 23 décembre 1985.
3° Débiteur incapable.
9.Les immeubles d'un mineur même émancipé ou d'un majeur en tutelle ne peuvent être mis en vente avant que ses biens meubles corporels et incorporels ne soient saisis et vendus.
La nullité de la saisie immobilière entreprise sans discussion préalable peut être soulevée à tout moment (cf. incidents de saisie touchant le fond du droit n°s 186 et s.).
Toutefois, la discussion du mobilier n'est pas requise avant l'expropriation des immeubles possédés en indivision entre le majeur et un mineur ou majeur en tutelle, si la dette leur est commune, ni dans le cas où les poursuites ont été commencées contre un majeur (C. civ., art. 2207).
La sanction du défaut de discussion préalable du mobilier est la nullité de tous les actes de la procédure de saisie effectués avant que le mobilier du mineur ou du majeur en tutelle ait été discuté.
4° Débiteur en procédure collective.
10. 1 er cas : en redressement judiciaire :
Suspension des voies d'exécution. Aux termes de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985, le jugement d'ouverture de la procédure collective suspend ou interdit les voies d'exécution pour tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement.
Aucune saisie immobilière ne peut être entreprise pendant ce temps par ces créanciers.
Cependant, pour les créances nées régulièrement après le jugement de redressement judiciaire (art. 40), des poursuites peuvent être entreprises. Celles-ci sont menées à l'encontre du débiteur après mise en cause de l'administrateur et du représentant des créanciers.
Effet sur une procédure de saisis en cours. Aux termes de l'article 48 de la loi du 25 janvier 1985, les instances en cours sont suspendues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
Toutefois, sont autorisées toutes les actions qui ont pour objet le maintien des privilèges inscrits et des effets du commandement expropriatif publié antérieurement
La prorogation du commandement de saisie immobilière publié avant le jugement d'ouverture constitue une mesure conservatoire échappant à 'arrêt ou à l'interdiction de toutes les voies d'exécution (Cass. com. 23 octobre 1991, RJ com. 1992, 347, note Honorat).
11. 2 ème cas : en liquidation judiciaire :
Le jugement de liquidation judiciaire emporte de plein droit dessaisissement du débiteur pour l'administration et la disposition de ses biens. Les droits et actions de celui-ci sont exercés pendant toute la durée de la liquidation par le liquidateur (art. 152 de la loi du 25 janvier 1985).
Les ventes d'immeubles par le mandataire ont lieu suivant les formes prescrites en matière de saisie immobilière.
Cependant, le juge-commissaire peut autoriser leur vente par adjudication amiable, ou de gré à gré aux prix et conditions qu'il détermine (Cass. com. 11 avril 1995, Rev. huissiers 1995 p. 758). Les adjudications réalisées emportent purge des hypothèques. Le liquidateur répartit le produit des ventes selon l'ordre des créanciers (art. 154 de la loi du 25 janvier 1985).
12.La loi n° 94-475 du 10 juin 1994 a ajouté un alinéa 2 à l'article 154 de la loi précitée qui précise que : « Lorsqu'une procédure de saisie immobilière engagée avant l'ouverture du redressement ou de la liquidation judiciaire a été suspendue par l'effet de cette dernière, le liquidateur peut être subrogé dans les droits du créancier saisissant pour les actes que celui-ci a effectués, lesquels sont réputés acceptés pour le compte du liquidateur qui procède à la vente des immeubles. La saisie immobilière peut alors reprendre son cours au stade où le jugement d'ouverture l'avait suspendue ».
Les créanciers titulaires d'un privilège spécial, d'une hypothèque et le Trésor pour ses créances privilégiées peuvent dès lors qu'ils ont déclaré leurs créances, même s'ils ne sont pas encore admis, exercer leur droit de poursuite individuelle si le liquidateur n'a pas entrepris la liquidation des biens grevés dans le délai de trois mois à compter du jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire (art. 161 de la loi de 1985 précitée, modifié par l'art. 74 de la loi du 10 juin 1994).
Ainsi donc, dans la phase de liquidation judiciaire et si, passé le délai de trois mois de son prononcé, le liquidateur n'a pas « entrepris la liquidation des biens grevés », les créanciers titulaires d'un privilège spécial ou d'une hypothèque ont la possibilité d'engager une procédure de saisie immobilière dès l'instant où ils ont effectué la déclaration de leurs créances. Si la procédure de saisie immobilière avait été engagée antérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire et avait dû par suite être suspendue, la reprise des poursuites peut être effectuée dans les mêmes conditions. Le créancier peut donc reprendre cette procédure au stade où le jugement d'ouverture l'avait suspendue.
Cette suspension, qui peut s'appliquer aux dettes fiscales, ne peut excéder un an.
13.La loi n° 98-46 du 23 janvier 1998 renforçant la protection des personnes surendettées en cas de saisie immobilière a précisé qu'après la publication du commandement aux fins de saisie immobilière, le juge de la saisie immobilière (chambre des saisies du tribunal de grande instance) est seul compétent pour prononcer la suspension. La loi confirme un avis rendu par la Cour de cassation le 5 mai 1995 (Cass. Bull. inf. 1995 p. 3).
2. Poursuites contre le tiers-acquéreur.
14.Seuls les créanciers inscrits sur l'immeuble (hypothèque, privilège spécial immobilier) peuvent, en vertu du droit de suite attaché à leur droit, faire saisir l'immeuble entre les mains du tiers-acquéreur. Ce dernier bénéficie cependant d'un certain nombre de garanties.
15.Le tiers-acquéreur dispose du bénéfice de discussion. Il peut exiger du créancier saisissant qu'il agisse au préalable sur tous les autres immeubles hypothéqués garantissant la même dette, à moins que l'immeuble ne soit affecté spécialement par privilège ou hypothèque à la créance du poursuivant (Code civ., art. 2170 et 2171).
16.De plus, le tiers-acquéreur peut échapper aux poursuites en payant au créancier saisissant le prix de l'immeuble à concurrence de la créance.
17.Il peut enfin délaisser l'immeuble au profit du créancier poursuivant, mais la jurisprudence lui refuse ce droit lorsqu'il est débiteur du prix pour un montant susceptible de désintéresser le ou les poursuivants.
C'est par une sommation de payer ou de délaisser l'immeuble, prévue par l'article 2169 du Code civil, que le créancier poursuivant déclenche la procédure de saisie immobilière contre le tiers-acquéreur. Elle est signifiée à personne ou à domicile par huissier de justice et doit être précédée ou accompagnée du commandement signifié au débiteur. En aucun cas, le commandement ne peut être postérieur à la sommation (req. 9 novembre 1938, S, 1939, 1, 22).
La sommation ne peut être publiée à la conservation des hypothèques qu'à l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la signification de l'acte (art. 2169 C. civ.), à la différence du commandement qui doit l'être dans les 90 jours de sa date.
Le tiers-acquéreur a donc la possibilité d'opter, dans ce délai, pour l'un ou l'autre des choix qui lui sont offerts (payer ou délaisser).
En pratique, les opérations se déroulent de la façon suivante :
* signification du commandement au débiteur ;
* sommation faite au tiers ;
* publication des deux actes.
Si, dans les trois ans de la publication du commandement, il n'est pas intervenu une adjudication mentionnée en marge de ladite publication, ce commandement est périmé.
Or, la péremption du commandement - si elle est invoquée - entraîne celle de la sommation au tiers-acquéreur (Cass. civ., 2 ème , 31 janvier 1990, Bull. civ. II n° 19).
3. Poursuites contre les cautions réelles.
18.On appelle caution réelle la personne qui, pour garantir une dette d'autrui, a consenti une hypothèque sur un immeuble qui lui appartient
La caution réelle est donc, à l'instar du tiers-acquéreur, étrangère à la dette, mais, à la différence de ce dernier, elle a été partie à la constitution d'hypothèque.
C'est pourquoi si, comme le détenteur, elle bénéficie de la faculté de délaisser, elle ne peut par contre ni opposer au créancier saisissant le bénéfice de discussion, ni recourir à la procédure de purge des privilèges et des hypothèques.