Date de début de publication du BOI : 30/10/1999
Identifiant juridique : 12C2211
Références du document :  12C2211

SOUS-SECTION 1 LA SAISIE DE CRÉANCES

2° Le paiement par le tiers saisi.

70.D'une manière générale, il convient de dissocier l'effet d'attribution immédiate de la créance saisie et le droit d'en réclamer le paiement.

Les modalités et les effets du paiement font ainsi l'objet de dispositions particulières.

Par ailleurs, la loi rappelle que si la saisie peut porter sur des créances mêmes conditionnelles, à terme ou à exécution successive, les modalités propres à chacune de ces obligations s'imposent au créancier saisissant (cf. art. L 13, 2ème alinéa).

Par conséquent, le paiement peut être différé dans l'attente de la réalisation de la condition, du terme ou de l'échéance qui s'attache à la créance saisie (cf. infra n°s 145 et s. , pour les créances à exécution successive).

→ Les modalités de paiement.

71.En l'absence de toute contestation, le tiers saisi procède au paiement des sommes saisies disponibles au vu soit d'un certificat de non-contestation, soit d'une déclaration du débiteur saisi.

Le paiement pourra être différé en cas de contestation (art. L 46).

72. A l'expiration du délai pour contester :

Lorsque le délai pour contester est expiré sans qu'il y ait eu contestation, le créancier saisissant « requiert le paiement de la créance qui lui a été attribuée par l'acte de saisie » (art. L 45, 2ème alinéa).

Le tiers saisi procède au paiement sur présentation d'un certificat demandé par le créancier saisissant et délivré par le greffe du juge de l'exécution attestant qu'aucune contestation n'a été formée dans le mois suivant la dénonciation de la saisie au débiteur (art. D. 61, 1er alinéa, cf. annexe VIII).

Un certificat de non-contestation peut également être établi par l'huissier de justice qui a procédé à la saisie (art. D 61, 1er alinéa, réformé par le décret n° 96.1130 du 18 décembre 1996, art. 8 - JO 26 décembre 1996 p. 19120).

73. Remarque : S'agissant d'une saisie diligentée par un comptable des impôts, le tiers peut être contraint de verser les sommes appréhendées au terme du délai de deux mois prévu à l'article R* 281-4 du LPF.

Dans ce cas, il n'y a pas lieu de solliciter la délivrance du certificat de non-contestation avant de réclamer le versement des fonds saisis.

Il est rappelé que le tiers saisi peut se libérer spontanément avant l'expiration du délai de contestation. Dans ce cas, par mesure de prudence, il est recommandé de ne pas affecter le paiement mais de le porter en consignation jusqu'au terme des deux mois.

74.Le créancier saisissant doit en principe donner quittance au tiers de son paiement.

75. Paiement sur déclaration du débiteur saisi :

Le tiers saisi peut sans attendre payer le créancier saisissant si le débiteur donne son accord.

Le décret du 31 juillet 1992 prévoit plusieurs possibilités.

- L'article D 58, dernier alinéa, dispose que l'acte de saisie rappelle au débiteur qu'il peut autoriser par écrit le créancier à se faire remettre sans délai par le tiers saisi les sommes qui lui sont dues. Cette faculté avait déjà été admise par la jurisprudence en matière de saisie-arrêt (Cass. soc. 17 novembre 1955, D. 1956, somm. 122 ; RTD civ. 1956, p. 787).

- L'article D 61, 2ème alinéa, dispose que le paiement peut intervenir avant l'expiration du délai pour contester si le débiteur a déclaré ne pas contester la saisie. Cette déclaration doit être constatée par écrit afin de dégager le tiers saisi de toute responsabilité. Aucune forme n'est imposée pour cet écrit.

76. IMPORTANT : En dépit du fait que de tels accords pourraient être reconnus comme des reconnaissances de dette par le redevable, il est recommandé de ne pas affecter le paiement mais de le porter en consignation jusqu'au terme du délai de deux mois visé à l'article R* 281-4 du LPF.

77. Paiement en cas de contestation :

Aux termes de l'article L 46, la contestation devant le juge de l'exécution diffère le paiement au créancier saisissant par le tiers saisi, sauf si le juge autorise un paiement partiel (cf. infra n°s 103 et s. ).

S'agissant du recouvrement des créances fiscales, l'opposition à l'acte de saisie effectuée selon les formes prévues aux articles L 281 et suivants du LPF, n'a pas de caractère suspensif (cf. DB 12 C 2312 n° 42 ).

78.Pour concilier ces principes, il est préférable de ne pas poursuivre l'action en recouvrement en exigeant le versement immédiat des sommes saisies.

Le paiement pourra donc être effectué par le tiers saisi à l'issue de la procédure tant administrative que juridictionnelle tendant au rejet de la contestation.

Bien entendu, le tiers saisi reste responsable des sommes saisies qu'il détenait au jour de l'acte contesté. Il lui appartient le cas échéant de demander la consignation de ces sommes (cf. supra n° 69 ).

→ Les effets du paiement.

79.Le paiement éteint la dette du redevable vis-à-vis du comptable saisissant dans la limite des sommes versées, et celle du tiers saisi à l'égard du saisi, à hauteur de ce qu'il a effectivement versé (article D 62, 2ème alinéa).

Il est prévu que celui qui reçoit le paiement en donne quittance au tiers et en informe le débiteur (articles D 62, 1er alinéa, et D 70, 2ème alinéa). Les modalités de cette information n'ont pas été précisées.

c. Effets à l'égard du débiteur saisi.

1° Transfert de propriété.

80.L'effet principal de la saisie consiste à transférer de plein droit la propriété de la créance que le saisi détient sur le tiers saisi. Le transfert est immédiat même si le paiement effectif est suspendu provisoirement et le débiteur saisi ne dispose plus d'aucun droit sur les sommes saisies.

2° Le paiement assure un effet libératoire.

81.Le paiement qui suit la saisie libère le débiteur saisi de sa dette envers le créancier saisissant.

Toutefois, tant que le tiers saisi n'a pas effectivement payé le créancier saisissant, ce dernier conserve ses droits contre le débiteur saisi. La saisie, en dépit de son effet d'attribution immédiate, n'a pas d'effet libératoire en elle-même.

82. IMPORTANT : Si le défaut de paiement est imputable à la négligence du créancier saisissant, il perd ses droits à concurrence des sommes dues par le tiers saisi (art. D 63).

La sanction de la négligence du créancier saisissant est ici particulièrement sévère puisque ce dernier voit sa créance disparaître purement et simplement.

Compte tenu de la généralité des termes utilisés par le texte, il y a lieu de considérer qu'il s'applique également aux comptables publics.

Les cas de négligence du créancier n'ont pas été définis par le texte.

A titre d'exemple, la sanction prévue à l'article D 63 pourrait trouver à s'appliquer dans le cas où le comptable n'entamerait aucune action à l'encontre d'un tiers détenteur qui, s'abstenant de verser les sommes appréhendées qu'il a reconnu devoir, à l'expiration du délai de deux mois suivant la saisie, se trouve en redressement ou en liquidation judiciaire quelques mois plus tard.

Dans une telle situation, il appartiendrait aux tribunaux de décider si l'absence de recouvrement dans le cadre de la procédure est finalement imputable ou non au créancier saisissant.

3° Interruption de la prescription.

83.L'acte de saisie, régulièrement dénoncé au débiteur, interrompt la prescription de la créance cause de la saisie (la créance du receveur).

Comme tout acte de poursuite, la saisie a un effet interruptif de prescription, y compris si l'acte n'est pas opérant, dès lors qu'il est valablement exécuté et manifeste la volonté du créancier de poursuivre le recouvrement de sa créance (cf. Procès-verbal de carence sur saisie mobilière - CAA PARIS 23 décembre 1994, DF 1995 n° 29 p. 1201 ; ATD sur un compte au solde nul - CAA LYON 20 juin 1996, n° 93 LY 00985).

Dès lors que la relation d'affaires entre le saisi et le tiers saisi est avérée, l'effet interruptif est caractérisé sans être attaché nécessairement au résultat de la poursuite elle-même.

84.La signification de l'acte de saisie interrompt par ailleurs la prescription extinctive de la créance du saisi sur le tiers saisi, c'est-à-dire la créance objet de la saisie .

Cet effet était déjà connu en matière de saisie-arrêt et reposait sur l'article 2244 du Code civil : une saisie, « signifiée à celui qu'on veut empêcher de prescrire », interrompt la prescription.

Ce principe est désormais inscrit dans la loi du 9 juillet 1991 : « si la saisie porte sur une créance, elle en interrompt la prescription » (art. L 29, 3ème alinéa).

4. Les contestations.

85.Dans un souci de simplification par rapport à l'ancienne saisie-arrêt, le législateur a voulu que la procédure de saisie-attribution se déroule normalement sans l'intervention du juge. La saisie-attribution est d'abord une procédure d'exécution extra-judiciaire.

L'intervention du juge est cependant requise dès qu'apparaît une contestation ou un « incident de saisie ».

Les motifs de contestation peuvent viser la créance cause de la saisie (existence, montant, exigibilité, ...), la créance objet de la saisie (saisissabilité, disponibilité, montant, ...) ou la régularité formelle de la procédure elle-même.

86.Les contestations sont réglementées par les articles 45 et 46 de la loi et les articles 65 à 68 du décret.

87.La réforme des procédures civiles d'exécution n'a pas modifié les règles de contestation des créances fiscales visées au Livre des procédures fiscales. Par conséquent, doit s'appliquer le principe général constant du droit selon lequel la loi spéciale déroge à la loi générale.

88.Cependant, si la plupart des motifs de contestation relèvent des dispositions fiscales applicables aux oppositions à poursuites (cf. article L 281 du LPF ; DB 12 C 231 ), certains, visés par la loi sur les procédures civiles d'exécution, sont régis par les dispositions du droit commun qu'il s'agisse des délais, des voies de recours ou des juridictions compétentes (cf. DB 12 C 2313 n°s 80 et suivants ).

89.Les contestations sont généralement portées devant le juge de l'exécution institué par la loi pour statuer notamment sur les difficultés d'exécution des mesures de poursuite.

a. Les personnes pouvant contester la saisie.

90.Les personnes autorisées à contester sont les parties à la procédure de saisie-attribution (saisi, tiers saisi, saisissant) mais aussi tous ceux qui ont un intérêt à agir.

91.L'auteur de la contestation doit en principe en informer le tiers saisi par lettre simple (art. D 66, 2ème alinéa). Cette disposition n'est assortie d'aucune sanction.

L'information du tiers saisi a pour but de lui permettre de participer à l'instance en contestation s'il y a intérêt.

Elle lui permet également d'utiliser la procédure de consignation (cf. supra n° 69 ).

Elle apporte enfin au tiers saisi un renseignement utile qu'il lui appartiendra de communiquer en cas de saisie ultérieure, conformément à son obligation de déclaration visée à l'article D 59 (cf. supra n° 37 ).

1° La contestation provoquée par le débiteur saisi.

→ Demande de délai de paiement.

92.En application des articles 1244 à 1244-3 du Code civil modifiés par l'article L 83, le juge peut dans la limite de deux années reporter ou échelonner le paiement des sommes dues par le débiteur et suspendre les procédures d'exécution engagées par le créancier. Ces textes ne s'appliquent pas aux poursuites exercées par les comptables des impôts.

En effet, n'ayant de compétence en matière d'action en recouvrement de créances fiscales que pour apprécier la régularité des actes eux-mêmes, les juridictions judiciaires ne peuvent y faire obstacle en accordant un sursis à l'exécution ou des délais de paiement (toutefois, sur la suspension des poursuites demandée en référé devant le Président du TGI, voir DB 12 C 2313, n°s 89 et suivants ). L'octroi de délai est de la seule compétence du comptable public (CA PARIS 12 juin 1987, D 1987 IR 174).

Cette solution résulte du principe de séparation des fonctions administrative et judiciaire édicté par l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790.

Ce principe est confirmé par une jurisprudence constante (Cass. com. 27 novembre 1978, Bull. civ. IV n° 280 p. 232 ; Cass. com. 23 novembre 1993, Bull. civ. IV n° 426 p. 309).

Par conséquent, le juge de l'exécution est incompétent pour accorder des délais de paiement à un débiteur d'impôts poursuivi par la voie d'une saisie-attribution diligentée par un receveur.

→ Opposition à poursuite.

93.Les contestations portant sur l'exercice des poursuites effectuées par les comptables des impôts, pour le recouvrement d'une créance fiscale, sont régies par les dispositions des articles L 281 et R* 281-1 et suivants du Livre des procédures fiscales (cf. DB 12 C 2312 n°s 20 et s. ).

Exception : Contestation portant sur la saisissabilité des sommes appréhendées.

Cette contestation est, par sa nature, hors du champ d'application de l'article L 281 du LPF et relève donc de la compétence directe du juge de l'exécution (art. D 66 ; cf. DB 12 C 2313 n°s 58 et 84 ). Dans ce cas, la procédure engagée directement devant le juge de l'exécution est opposable à l'Administration sans que celle-ci puisse invoquer son irrecevabilité pour défaut de dépôt d'un mémoire préalable devant le Directeur des Services fiscaux.

Par conséquent, les receveurs doivent inviter les huissiers de justice à adapter le procès-verbal de saisie-attribution en indiquant avec précision les deux voies principales de contestation au débiteur et en reproduisant les articles du LPF.

94.La saisine directe du juge est également prévue dans le cadre de la saisie des rémunérations dues par un employeur, lorsque la saisissabilité des sommes est contestée (cf. DB 12 C 2313 n° 88 ).

95. Remarque : En application de l'article R* 281-4 du Livre des procédures fiscales, lorsque le redevable n'a reçu aucune réponse dans le délai de deux mois à compter du dépôt de sa demande ou, si la décision rendue ne lui donne pas satisfaction, il lui appartient de saisir le juge compétent, tel qu'il est défini à l'article L 281 du LPF, dans le délai fixé à l'article R* 281-4 précité.