Date de début de publication du BOI : 30/10/1999
Identifiant juridique : 12C2211
Références du document :  12C2211

SOUS-SECTION 1 LA SAISIE DE CRÉANCES

3° Effets de la dénonciation.

46.La dénonciation régulière produit deux effets :

* Elle fait courir le délai pendant lequel des contestations peuvent être formées par le débiteur saisi (cf. infra n°s 92 et suivants ) ;

* Elle interrompt la prescription de la créance cause de la saisie (art. L 29 al. 3).

Seule cette dénonciation interrompt la prescription de la créance entre le saisissant et le saisi.

47. NOTA : Si la saisie est déclarée nulle à la suite d'une contestation, l'interruption est considérée comme non avenue, conformément à l'article 2247 du Code civil (cf. en matière de saisie-arrêt, Cass. civ. 1er mars 1978, Bull. civ. Il n° 52).

3. Les effets de la saisie-attribution.

48. L'effet principal de la saisie-attribution est d'emporter, « à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie disponible entre les mains du tiers saisi ainsi que de tous ses accessoires » (art. L. 43).

Cet acte rend, de ce fait, le tiers saisi « personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation » (art. L 43).

Outre cet effet principal, la saisie entraîne des conséquences diverses tant à l'égard du tiers saisi que du débiteur saisi.

a. L'attribution immédiate de la créance saisie au profit du créancier saisissant.

49.L'acte de saisie emporte « attribution immédiate » de la créance saisie dans la limite des sommes dues au créancier saisissant par le débiteur.

Cet effet attributif, qui s'assimile au « transport-cession » généralement invoqué dans l'ancienne saisie-arrêt, a pour conséquence de faire sortir du patrimoine du débiteur saisi la créance saisie qui ne pourra plus, par la suite, être appréhendée par d'autres créanciers.

1° L'attribution exclusive au profit du créancier saisissant.

50.Le transfert de plein droit, au profit du saisissant, de la créance contre le tiers saisi opère immédiatement même si les modalités d'exécution suspendent provisoirement le versement effectif des sommes.

La détermination de la date à laquelle se produit l'effet d'attribution ne présente pas de difficulté puisqu'en matière d'acte délivré par voie d'huissier, on retient celle de la signification de l'acte (cf. art. 653 NCPC).

Cette opération confère un véritable privilège pour le saisissant puisque les sommes objet de la saisie sont affectées par préférence à ce dernier.

51.Les dispositions générales de l'article L 29 prévoient que l'acte de saisie rend indisponibles les biens qui en sont l'objet.

En réalité, en matière de saisie-attribution, cette indisponibilité n'a lieu qu'à concurrence des sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée. Ainsi, le surplus de la créance qui n'est pas atteint par la saisie reste libre, à la différence de l'ancienne saisie-arrêt qui prévoyait l'indisponibilité de la totalité de la créance saisie (cependant, sur la saisie-attribution sur compte de dépôt, cf. infra n°s 109 et s. ).

Les saisies postérieures pourront donc viser la partie de la créance saisie qui excède le montant des sommes réclamées par le créancier saisissant.

Au demeurant, les effets que l'on attache à cette indisponibilité résultent surtout, dans la saisie-attribution, du fait que la créance saisie dans les limites fixées par le créancier saisissant, sort du patrimoine du saisi dès la signification de l'acte.

52.L'attribution immédiate au profit du saisissant comporte donc une double limitation :

- d'une part, elle est limitée au montant de la créance cause de la saisie (créance du comptable des impôts).

Si par exemple, la créance cause de la saisie est de 10 000 F alors que la créance objet de la saisie est de 50 000 F, l'attribution immédiate ne pourra porter que sur 10 000 F et la différence de 40 000 F restera libre entre les mains du tiers saisi qui pourra ainsi payer une partie de sa dette entre les mains du saisi.

- d'autre part, l'attribution ne peut dépasser le montant de la créance du saisissant, ni le montant de la dette du tiers saisi.

53.L'attribution exclusive au profit du saisissant a pour conséquence directe de faire obstacle au mécanisme de la compensation et d'empêcher la cession de la créance saisie.

Compensation

54.Dans l'hypothèse où le tiers saisi viendrait à acquérir une créance sur le saisi, la compensation sera impossible dès lors que, la créance du saisi étant sortie du patrimoine de ce dernier pour être attribuée au saisissant, le tiers saisi n'a plus de créance vis-à-vis du saisi et la condition tenant à l'existence de créances réciproques n'est pas remplie.

Dans l'hypothèse où le tiers saisi viendrait à acquérir une créance sur le comptable saisissant, la compensation ne pourra être invoquée pour refuser le versement car l'indisponibilité joue ici au moment précis où le tiers saisi devient débiteur du saisissant.

Cession de créance

55.Le débiteur saisi ne peut plus céder sa créance sur le tiers saisi.

En effet, la créance étant sortie de son patrimoine, il ne peut plus en disposer. Une cession consentie après la saisie est donc nulle.

Dans le cas où la cession de créance a été consentie avant l'acte de saisie-attribution mais n'a été signifiée qu'après au tiers saisi, l'acte de cession reste inopposable aux tiers, et notamment au créancier saisissant, car les formalités visées à l'article 1690 du Code civil (signification au débiteur cédé - en l'espèce le tiers saisi) n'ont pu être accomplies avant l'exploit de saisie.

Enfin, dans l'hypothèse où la signification de la cession de créance intervient le même jour que la saisie-attribution, il convient de se référer au principe visé à l'article 43, 3ème alinéa, de la loi du 9 juillet 1991, selon lequel les actes de saisie signifiés le même jour sont réputés faits simultanément : Il y aura donc concours entre le cessionnaire et le saisissant, la répartition se faisant au marc le franc (cf. infra n° 65 ).

2° Saisie-attribution avant ouverture d'une procédure collective.

56.Aux termes de l'article L 43, 2ème alinéa, la survenance d'un jugement portant ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire ne remet pas en cause l'effet d'attribution immédiate de la créance saisie.

Cet effet immédiat permet de faire échec à la règle de l'arrêt des poursuites visée à l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985.

57. Le procès-verbal de saisie-attribution doit avoir été effectué au plus tard la veille du jour de l'ouverture de la procédure collective.

Ainsi, une saisie signifiée entre les mains du tiers le jour même de l'ouverture du redressement judiciaire, quelle que soit l'heure de l'acte, tombe sous le coup de l'interdiction visée à l'article 47 précité (cf. TGI MARMANDE 24 septembre 1993, Rev. Huissiers 1994, p. 946).

En revanche, une saisie-attribution ne peut être frappée de nullité parce qu'elle a été pratiquée au cours de la période suspecte (CA RENNES, 3 mars 1994, JCP 1995, éd. E, I, 457), y compris si la date de cessation des paiements a été reportée à une date antérieure à la saisie, celle-ci ne figurant pas parmi les actes que l'article 107 de la loi du 25 janvier 1985 déclare nuls (TGI DIJON, 1er février 1994, Rev. Huissiers 1994.954).

Dans le même sens, les effets d'une saisie-attribution ne peuvent être annulés en vertu de l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985 qui ne vise que les paiements pour dettes échues faits par le débiteur lui-même (CA RENNES, 3 mars 1994 précité ; TGI QUIMPER 3 février 1994, Rev. Huissiers 1994.703).

58.L'attribution immédiate dès l'acte de saisie suppose néanmoins que la procédure soit suivie jusqu'à son terme, en dépit de la survenance de la procédure collective.

Ainsi, la dénonciation de la saisie au débiteur doit être respectée même si elle intervient après l'ouverture de la procédure collective.

Dans cette hypothèse, il est préférable de dénoncer également la saisie au représentant des créanciers et, le cas échéant, à l'administrateur judiciaire. En cas de liquidation judiciaire, la règle du dessaisissement n'oblige à dénoncer la saisie qu'au liquidateur.

59.Le prononcé du redressement ou de la liquidation judiciaire avant l'expiration du délai de contestation ne modifie pas les effets de la saisie, ce dernier représentant légalement le débiteur.

60. IMPORTANT : Le droit exclusif que l'Administration acquiert sur la créance saisie ne libère pas le redevable qui reste débiteur du Trésor tant que le tiers saisi n'a pas effectivement versé les sommes appréhendées.

Par conséquent, si le débiteur fait l'objet d'une procédure collective avant que les sommes n'aient été versées par le tiers saisi, le comptable doit déclarer sa créance au passif de la procédure.

Si la saisie-attribution est contestée, il y a lieu également de déclarer la créance dès lors que la validité de cette mesure de recouvrement et par suite ses effets peuvent se trouver remis en cause.

Il est rappelé d'ailleurs que si le tiers saisi effectue des versements avant l'expiration du délai de contestation ou en dépit d'une opposition formulée par le débiteur, il est recommandé de ne pas affecter le paiement mais de le porter en consignation.

61. Cas particulier : Saisie-attribution suivie du redressement ou de la liquidation judiciaire du tiers saisi.

Dans cette situation, et en l'absence de paiement, il est préférable de déclarer la créance au passif de la procédure afin de préserver les droits acquis par l'acte de saisie, que le délai de contestation soit expiré ou non.

3° Signification ultérieure d'autres saisies.

62.L'article L 43, 2ème alinéa, ajoute que la signification ultérieure d'autres saisies ou, de tout autre prélèvement, même émanant de créanciers privilégiés, ne remet pas en cause l'attribution immédiate.

C'est la conséquence du transfert de propriété de la créance saisie dans le patrimoine du saisissant.

Il peut en résulter qu'un avis à tiers détenteur, qui a les mêmes effets que la saisie-attribution, signifié ultérieurement, ne pourra primer la saisie-attribution pratiquée par un créancier chirographaire.

63.Bien entendu, si le montant de la créance pour laquelle la saisie-attribution est pratiquée, est inférieur au montant des sommes disponibles entre les mains du tiers, le surplus pourra être valablement appréhendé par le second saisissant.

64.Lorsqu'une saisie-attribution se trouve privée d'effet à la suite par exemple d'une contestation, les saisies et prélèvements ultérieurs prennent effet à leur date (art. L 43, 4ème alinéa).

4° Concours de saisie.

65.L'article L 43, 3ème alinéa indique que « les actes de saisies signifiés au cours de la même journée entre les mains du même tiers sont réputés faits simultanément ».

L'heure de la saisie précisée sur l'acte de saisie par l'huissier ne permet donc pas de donner un rang prioritaire.

Le texte ajoute que « si les sommes disponibles ne permettent pas de désintéresser la totalité des créanciers saisissants, ceux-ci viennent en concours ».

La Cour de cassation a précisé, dans un avis rendu le 24 mai 1996, que « le concours entre créanciers saisissants devait se régler au prorata des créances respectives, sans qu'il y ait lieu de prendre en compte l'existence d'éventuels privilèges » ( Bull. civ. mai 1996, n° 5 p. 3, affaire RP du HAVRE c/M. COIS, Crédit industriel de Normandie et BRED).

b. Effets à l'égard du tiers saisi.

66.Outre les obligations d'information qui lui incombent dans le cadre de la procédure de saisie-attribution (cf. supra n° 37 ), le tiers saisi est également responsable des sommes qu'il détient désormais pour le compte du créancier saisissant en vertu de l'effet d'attribution immédiate dont ce dernier se prévaut.

Cette responsabilité est inscrite dans les textes puisque l'article L 43, 1er alinéa, indique que « l'acte de saisie rend le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation ».

1° Indisponibilité des fonds saisis.

67.En transférant immédiatement la « propriété » de la créance saisie au saisissant, la saisie-attribution implique d'abord que le tiers saisi ne peut plus disposer des sommes appréhendées.

→ Interdiction de paiement au saisi.

68.Le tiers saisi ne peut plus payer le saisi, au risque de devoir verser les sommes une seconde fois car tout paiement est inopposable au créancier saisissant à compter de l'acte (rapp. sous le régime de la saisie-arrêt, Cass. civ. 24 janvier 1973, D 1973, 421).

Par voie de conséquence, il est acquis traditionnellement que le tiers saisi n'encourt aucune responsabilité pour avoir refusé de payer le débiteur saisi (cf. GIASSON, TISSIER et MOREL, Traité théorique et pratique d'organisation judiciaire de compétence et de procédure civile, T. IV, n° 1119).

Par ailleurs, le saisi ne peut obtenir le paiement forcé des sommes que le tiers lui devait auparavant. Ainsi, le débiteur à qui une saisie-attribution a été dénoncée, et qui n'obtient pas du tiers saisi le paiement de sa créance, ne peut faire procéder entre ses propres mains à la saisie conservatoire de la somme qu'il doit au créancier saisissant pour paiement d'une condamnation à l'encontre de ce dernier par une décision de justice frappée d'appel (TGI NICE, JEX, 16 juin 1993, D. 1994, p. 53 note R. MARTIN).

→ Consignation des fonds saisis.

69.Bien que l'acte de saisie emporte attribution immédiate de la créance saisie, il n'y a pas de ce seul fait paiement immédiat. Ce paiement va dépendre de la suite de la procédure et d'une éventuelle contestation.

Le tiers saisi peut, en principe, différer le paiement des fonds saisis jusqu'à l'expiration du délai de contestation ou jusqu'à la date à laquelle la contestation sera tranchée définitivement.

A cet effet, il a été prévu la possibilité pour tout intéressé de demander que les sommes saisies soient consignées entre les mains d'un séquestre qui, à défaut d'accord amiable, peut être désigné sur requête par le juge de l'exécution (art. D. 57).

La remise des fonds au séquestre arrête le cours des intérêts dus par le tiers saisi (art. D. 57, 2ème alinéa).

Ce motif peut justifier une demande de consignation formulée par le tiers saisi.

Mais la demande peut provenir également du saisi ou du saisissant qui peut y avoir intérêt afin d'éviter le risque de voir le tiers saisi devenir insolvable.