SOUS-SECTION 1 LA SAISIE DE CRÉANCES
2° La contestation provoquée par le tiers saisi.
96.Le tiers saisi peut contester l'existence même de sa dette à l'égard du saisi. Dans le cadre d'une saisie diligentée par un receveur des impôts, le motif aux termes duquel le tiers prétend ne pas être débiteur du redevable ou détenteur de sommes lui appartenant, relève du régime de l'opposition à poursuite au sens de l'article L 281 du LPF (CE 19 octobre 1992, n° 79718, DF 1993 c. 758).
La question porte alors sur le bien-fondé de la mesure mise en oeuvre pour assurer le recouvrement de la créance du comptable. La contestation relève donc de la compétence judiciaire.
Le tiers saisi peut également contester le montant de sa dette à l'égard du saisi sans remettre en cause l'existence d'une créance saisie entre ses mains. Il entend seulement limiter le montant qui sera versé en définitive au créancier saisissant.
97.Le tiers peut bien entendu contester la régularité formelle des actes qui lui sont notifiés. En revanche, il ne peut remettre en cause l'obligation au paiement du redevable, débiteur saisi, dès lors que ce motif afférent à l'exigibilité de la créance fiscale reste attaché au débiteur d'impôt.
3° Autres contestations.
98.La voie de la contestation devant le juge de l'exécution est également ouverte à toute personne ayant un intérêt à agir.
Elle peut donc être formée par un saisissant postérieur en date qui, primé par le premier saisissant, a intérêt à faire déclarer nulle la première saisie afin que la sienne produise effet.
De la même manière, un cessionnaire peut avoir intérêt à contester si la cession de créance est intervenue le même jour ou antérieurement à la saisie-attribution.
Enfin, tout créancier du saisissant, du saisi ou du tiers saisi a la possibilité de contester la saisie en agissant par la voie de l'action oblique en application de l'article 1166 du Code civil dès lors que l'une des parties à la saisie se trouve négligente dans l'exercice de ses droits.
b. La procédure de contestation.
1° Saisine du juge de l'exécution.
99.Les contestations autres que celles visées par des dispositions fiscales spécifiques (cf. supra n° 98 ) sont portées, à peine d'irrecevabilité, devant le juge de l'exécution du domicile du débiteur (art. D 65) et doivent être élevées dans le délai d'un mois qui suit la signification de l'acte de dénonciation au débiteur saisi (art. D 66).
La compétence du juge de l'exécution est d'ordre public (art. D 10).
A peine d'irrecevabilité, la contestation doit être dénoncée le même jour, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie (art. D 66, modifié par l'art. 9 du décret n° 96-1130 du 18 décembre 1996 - JO 26 décembre 1996 - p. 19120).
100. NOTA : Si le débiteur demeure à l'étranger ou si le lieu où il demeure est inconnu, le juge compétent est celui de lieu d'exécution de la mesure, donc du domicile du tiers saisi (art. D 9 al. 2).
101. La contestation devant le juge de l'exécution, lorsqu'elle est faite dans le délai prévu par les textes, diffère le paiement par le tiers saisi, sauf si le juge autorise un paiement partiel (art. L 46).
102.Si la contestation ne porte que sur une fraction de la créance du saisissant, le juge de l'exécution donne effet à la saisie pour la partie non contestée de ladite créance. Dans ce cas, sa décision est exécutoire sur minute et les dispositions permettant un éventuel sursis à exécution (cf. art. D 31) ne sont pas applicables (art. D 67, 1er alinéa).
103.Par ailleurs, s'il apparaît, au vu des motifs invoqués dans la contestation, que ni le montant de la créance du saisissant, ni la dette du tiers saisi ne sont sérieusement contestables, le juge de l'exécution peut aussitôt ordonner, par provision, le paiement d'une somme qu'il détermine en prescrivant, le cas échéant, des garanties. Sa décision n'a pas autorité de chose jugée au principal (art. L 46 et D 67 al. 2, 3) et ne peut préjuger du jugement qui sera finalement rendu.
Cette mesure qui s'apparente à un référé-provision ne doit pas être sollicitée par le comptable public, sauf circonstances particulières mettant en évidence un risque certain d'insolvabilité du tiers saisi.
Bien entendu, dans cette hypothèse, le comptable des impôts doit être dispensé de fournir les garanties visées à l'article D 67.
Le juge de l'exécution a donc la possibilité d'adapter sa décision aux circonstances précises qui sont soumises à son appréciation en prenant des mesures définitives ou provisionnelles selon l'étendue de la contestation ou le caractère sérieux ou non de cette contestation.
2° Voie de recours.
104.La décision du juge de l'exécution peut toujours être frappée d'appel (art. D 28).
Le délai d'appel est de 15 jours (art. D 29) à compter de la notification aux parties de la décision, effectuée par le greffe au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception (art. D 22).
Ce délai est également applicable lorsque le juge de l'exécution a statué dans le cadre des dispositions des articles L 281, R* 281-1 et suivants du LPF.
105. IMPORTANT : L'appel n'a pas d'effet suspensif (art. D 30).
Un sursis à exécution peut être demandé au premier Président de la Cour d'appel dans les conditions de droit commun en vertu desquelles peut être arrêtée l'exécution provisoire d'un jugement frappé d'appel (cf. art. 524 du nouveau code de procédure civile ; CA LYON, 6 avril 1993, Gaz. Pal. 21-22 mai 1993, somm. p. 23 ; cependant cf. n° 104 ). La demande de sursis est formée par assignation en référé délivrée à la partie adverse.
Jusqu'au jour du prononcé de l'ordonnance par le premier Président, la demande de sursis à exécution suspend les poursuites si la décision attaquée a ordonné leur continuation (art. D 31).
Elle proroge l'effet d'indisponibilité attaché à la saisie si la décision attaquée a ordonné la mainlevée (même article).
Dans le cas où le juge a rejeté la contestation et ordonné le paiement, la demande de sursis a pour conséquence d'interdire au tiers de disposer de la créance saisie et en particulier de payer le saisissant.
106.Dans l'hypothèse où la Cour d'appel infirme une décision du juge de l'exécution ayant déclaré la saisie valable et que le paiement a été effectué par le tiers saisi, des intérêts moratoires seront dus par le saisissant en même temps que la restitution des sommes.
En principe, les intérêts légaux sont dus non pas du jour du versement mais seulement à compter de la signification de l'arrêt infirmatif accompagnée d'une sommation de restituer (cf. Cass. com. 1er octobre 1991, Bull. civ. IV n° 274).
c. Le paiement par le tiers saisi.
107.Si la contestation est rejetée, la saisie produit ses effets. Le créancier saisissant n'a pas à requérir du secrétariat-greffe un certificat pour obtenir le paiement. Le tiers saisi procède au paiement du créancier sur présentation de la décision du juge rejetant la contestation après qu'elle eut été notifiée aux parties en cause (art. D 68).
La décision est exécutoire immédiatement après notification puisque le délai d'appel contre la décision du juge de l'exécution et l'appel lui-même n'ont pas d'effet suspensif.
Dans le cas où la contestation est reconnue bien fondée, le juge accordera la mainlevée totale ou partielle, statuera sur les frais de la mesure d'exécution et condamnera éventuellement le saisissant pour procédure abusive.
5. Conseils pratiques.
108.La saisie-attribution doit être utilisée pour le recouvrement de créances autres que les impôts privilégiés pour lesquels il convient de lui préférer l'avis à tiers détenteur, en raison d'une part, de sa rapidité (notification par simple voie postale) et d'autre part, de sa gratuité.
Elle sera donc utilisée, le cas échéant, pour recouvrer les créances non privilégiées du Trésor, telles que les créances domaniales ou encore pour poursuivre un tiers détenteur défaillant.
L'attention des receveurs est donc appelée sur la nécessité de recourir à la procédure de saisie-attribution avec discernement.
II. Cas particuliers : saisie-attribution des comptes de dépôt, des créances à exécution successive et entre les mains d'un comptable public
1. La saisie-attribution des comptes de dépôt.
109.Le particularisme du droit bancaire a entraîné inévitablement certaines modifications dans le régime général de la saisie-attribution notamment sur la portée de l'indisponibilité des sommes saisies (cf. n° 122 ) et sur les obligations déclaratives du tiers saisi (cf. n° 117 ) et surtout sur les règles de prise en compte des opérations en cours (cf. n°s 135 et s. ).
Les conditions générales de la saisie-attribution ne sont pas modifiées en ce qui concerne le créancier saisissant, le débiteur saisi, la créance cause de la saisie et la nécessité du titre exécutoire.
Les articles 47 de la loi du 9 juillet 1991 et 73 à 79 du décret du 31 juillet 1992 définissent toutefois les règles particulières à la saisie-attribution des comptes bancaires et précisent les tâches qui incombent aux établissements habilités par la loi à tenir des comptes de dépôt.
Par ailleurs, les articles 15 de la loi et 44 à 49 du décret traitent des régimes de protection dont bénéficient certaines sommes versées sur un compte bancaire ou postal.
La saisie des comptes bancaires est sans aucun doute la plus courante des saisies de créances de sommes d'argent.
La loi n'a abordé pour cette saisie particulière que les deux aspects les plus importants de la procédure en même temps que les plus significatifs de ses difficultés d'application : les déclarations incombant à l'établissement teneur de compte et l'apurement des « opérations en cours » consécutif à la saisie (art. L 47).
Le décret complète utilement ces dispositions.
a. Les comptes susceptibles d'être appréhendés par voie de saisie-attribution.
110.L'article D 74 précise qu'il s'agit de l'ensemble des comptes qui représentent des créances de sommes d'argent.
Il en résulte que tous les comptes enregistrant des dépôts de fonds sont concernés. Une énumération ne saurait être exhaustive, le concept légal de compte de dépôt étant volontairement générique.
111.Il est toutefois possible de distinguer entre les comptes à vue et les comptes affectés de modalités.
- compte à vue : compte de chèque, compte courant, compte sur livret ;
- comptes affectés de modalités : compte à terme, compte ou plan d'épargne logement, plan d'épargne populaire, bons de caisse nominatifs émis par les banques, compte en numéraire affecté à un plan d'épargne en action (PEA).
112.S'agissant du compte ou plan d'épargne logement, la Cour de cassation a jugé que les sommes immobilisées sur le compte correspondant pouvaient être saisies sans attendre le terme du plan. Ces sommes sont rendues disponibles par la volonté du créancier saisissant d'agir sur le patrimoine de son débiteur, les fonds correspondants n'étant pas déclarés insaisissables par la loi.
Par ailleurs, le retrait des sommes par le fait de la saisie entraîne la résiliation du plan (Cass. civ. 29 mai 1991, Gaz. Pal. 1991, 2, somm. 468).
Cette jurisprudence est d'autant plus applicable sous l'empire de la loi du 9 juillet 1991 que cette dernière a expressément déclaré saisissables les créances conditionnelles, à terme ou à exécution successive (art. L 13, 2ème alinéa).
Cette solution doit s'appliquer également aux bons de capitalisation et aux contrats d'assurance-vie assortis d'une clause de rachat, visés au Code des assurances et gérés par des sociétés d'assurance agréées. Ces contrats sont en effet généralement assortis d'un compte, géré pour le souscripteur-bénéficiaire, et indiquant périodiquement la valeur de rachat du contrat, c'est-à-dire l'épargne disponible au profit du souscripteur. Cette épargne constituant le gage des créanciers, peut être appréhendée par ces derniers.
113. Remarques :
- les comptes de titres ou valeurs mobilières sont exclus du champ d'application de la saisie-attribution comme de l'avis à tiers détenteur. Ils relèvent de la procédure de saisie des droits d'associé et des valeurs mobilières prévues aux articles L 59 et 60 et D 178 à 193.
- les autorisations de découvert accordées par la banque ou les ouvertures de crédit ne peuvent pas être saisies (PARIS, 16 novembre 1983, D 1985, IR 339, obs. M. VASSEUR), la créance sur l'établissement de crédit n'étant pas certaine dans ce cas précis.
- par contre, la jurisprudence a admis la possibilité de saisir-arrêter un crédit (exemple : crédit-revolving) documentaire (convention de crédit accordé par un donneur d'ordre au profit d'un bénéficiaire et prévoyant le versement du montant du crédit au bénéficiaire lorsque celui-ci aura remis le document à la banque - modalité de préfinancement d'une opération commerciale) entre les mains du banquier parce que ce crédit irrévocable constitue une créance conditionnelle sur le banquier jusqu'à la remise des documents à ce dernier (Cass. com. 5 juillet 1983, Bull. civ. IV, n° 202 ; Gaz. Pal. 1984, 1. Pan. 12 ; D 1984, 181, note M. VASSEUR).
- Bien entendu, la saisie ne saurait appréhender que des fonds appartenant ou devant revenir au débiteur, à l'exclusion des sommes dont il n'est que dépositaire pour le compte de ses clients (Cass. com. 25 février 1992, Bull. civ. IV n° 92 p. 66 ; RJF 8-9/92 n° 1261). Sont ainsi visés les comptes spéciaux ouverts par certains professionnels habilités à recevoir des sommes en dépôt (notaires, avocats, conseils juridiques, agents immobiliers...).
114. Cas particulier : Comptes à titulaires multiples.
- compte indivis : il s'agit par exemple d'un compte ouvert pour enregistrer des opérations d'une société de fait ou d'un compte devenu indivis entre les successeurs au décès du de cujus.
En principe ce compte est insaisissable en application de l'article 815-17 du Code civil qui impose une action en partage préalable.
Mais dans la plupart des cas, les mécanismes de solidarité entre co-titulaires en matière commerciale permettront de saisir la totalité du compte en évitant le partage.
- compte joint : les dispositions du décret (art. D 77) prévoient la possibilité de saisir un compte joint pour la dette personnelle d'un des titulaires du compte.
La dénonciation de la saisie aux autres titulaires est obligatoire.
Le titulaire non concerné par la saisie pourra ainsi demander la ventilation de ses droits propres dans le compte (auprès du juge de l'exécution) afin de lever partiellement l'indisponibilité qui résulte de la saisie.
Il appartient au titulaire du compte, non débiteur du saisissant, de prouver que les sommes saisies sont sa propriété (jurisprudence rendue dans l'ancienne saisie-arrêt : Cass. civ. 24 avril 1985, D 1986 IR 315, obs. VASSEUR).
115. Cas particulier : Convention d'unité de comptes
- Fusion de compte
La convention d'unité de comptes est une lettre de fusion de comptes ou de compte courant global au profit du client de l'établissement bancaire.
Le calcul du solde résultant de la fusion des comptes s'impose aux comptables publics saisissants.
Mais la fusion n'est opposable que si elle résulte d'un accord écrit préalablement conclu entre le client et la banque. Cette dernière doit être en mesure d'en fournir la copie.
- Inclusion des comptes à termes dans une convention d'unité de comptes
Un compte à terme peut être inclus dans une convention d'unité de compte ; dans la mesure où il s'agit d'une créance à terme, les modalités propres à ces obligations s'imposent au créancier saisissant (cf. art. L 13, 2ème alinéa).
Si ce versement est reporté, le montant saisi doit toutefois être calculé en fonction de la situation des différents comptes à la date de l'acte de saisie.
Ainsi, si le compte courant, compris dans la convention, présente un solde débiteur au moment de la saisie, c'est ce montant seul qui sera pris en compte pour calculer, en fonction des sommes figurant sur le compte à terme, le montant définitif de la saisie.