SOUS-SECTION 1 LA SAISIE DE CRÉANCES
b. Les obligations de l'établissement tiers saisi dès l'acte de saisie.
116.La déclaration de l'établissement teneur des comptes obéit d'abord aux règles générales applicables à tous les tiers saisis et particulièrement à l'article L 44 prescrivant au tiers saisi de déclarer l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s'il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures. L'article D 59 précise que ces renseignements doivent être fournis sur le champ et que le tiers saisi doit communiquer à l'huissier les pièces justificatives (cf. supra n°s 37 et s. ).
L'établissement tiers saisi est tenu ensuite de déclarer immédiatement à l'huissier de justice la nature et le solde du ou des comptes du débiteur au jour et à l'heure de la saisie (art. L 47 al. 1er et D 75).
117.L'ensemble de ces informations doit être fourni sans délai.
Si des circonstances particulières empêchaient de donner ces renseignements, l'établissement serait tenu d'en justifier les raisons et de les communiquer à l'huissier le plus rapidement possible.
Les juges font une application stricte de ces dispositions et un retard injustifié entraîne automatiquement la condamnation du tiers saisi au paiement des sommes, causes de la saisie (art. D 60 ; TGI CHERBOURG 8 décembre 1993, Gaz. Pal. 1994, 1, somm. p. 28).
Au cas où le compte de son client est débiteur, l'établissement bancaire est tenu d'indiquer non seulement l'état du découvert mais encore d'en préciser le montant (Cass. com. 6 mai 1981, D 1982, 2, 33 ; CA PARIS, 19 mai 1994, D 1994 IR p. 182).
118.La saisie-attribution porte sur tous les comptes ouverts dans l'établissement au nom du débiteur (cf. art. D 74).
Il en résulte d'abord que l'indication par le saisissant des numéros de comptes connus ne limite pas la portée de la saisie aux seuls comptes mentionnés s'il en existe d'autres dans l'établissement.
Par ailleurs, la saisie-attribution pratiquée auprès d'une agence bancaire ne doit pas avoir pour effet de limiter la saisie aux seuls comptes tenus dans cette agence.
Cette dernière doit être en effet en mesure d'obtenir des renseignements sur l'existence de comptes dans d'autres agences appartenant au même établissement, c'est-à-dire à la même société de banque.
Tel était le sens de la jurisprudence en matière de saisie-arrêt (s'agissant de succursales étrangères, Cass. com. 30 mai 1985, Revue critique Dr. intern. privé 1986.329).
Ainsi, l'« établissement » cité dans l'article L 47 ne vise pas seulement la succursale où est signifié l'acte mais l'ensemble des succursales de la banque.
Il en résulte que le créancier saisissant peut faire signifier la saisie à l'agence dont il connaît l'existence et le lien d'affaire avec le débiteur, l'acte portant ses effets sur toutes les autres agences ayant également un lien avec le débiteur et dont l'agence « saisie » devra signaler l'existence à l'huissier.
NOTA : Ce principe qui évite une signification systématique des actes de saisie au siège social de la banque ne s'applique pas toutefois lorsque la notification de la saisie a été faite auprès d'une agence qui n'est pas du tout concernée par l'acte (CA DOUAI, 18 novembre 1993, Rev. Banque, janvier 1994, p. 93 ; D 1995, p. 271).
119. Remarque : S'agissant des comptes gérés par des centres de chèques postaux, les actes de saisie doivent être signifiés au chef du centre de chèques postaux où sont tenus les comptes du redevable.
Il en est de même pour les saisies-attributions pratiquées entre les mains de la Caisse Nationale d'Epargne (La Poste) qui doivent être signifiées au chef de centre de comptabilité de la Caisse Nationale d'Epargne intéressée.
Il s'agit de tenir compte des règles spécifiques à la saisie-attribution entre les mains d'une personne de droit public (cf. infra n°s 162 et s. ).
120.L'article D 77 prévoit une mission d'information à la charge du tiers saisi, lorsque la saisie est pratiquée sur un compte joint. En application de ce texte, il appartient à l'huissier de dénoncer la saisie à chacun des titulaires du compte. Cependant, selon l'alinéa 2 de l'article précité, si les noms et adresses des autres titulaires du compte sont inconnus de l'huissier de justice, ce dernier peut demander à l'établissement qui tient le compte de les informer immédiatement de la saisie et du montant des sommes réclamées.
Toutefois, il résulte de la combinaison des articles D 58 et D 77 que la saisie doit être dénoncée, à peine de caducité, à chacun des titulaires du compte dans un délai de huit jours.
L'information assurée par l'établissement ne peut remplacer cette dénonciation. Il importe donc que l'huissier se fasse communiquer par le tiers saisi les noms et adresses des autres titulaires du compte afin de leur dénoncer la saisie.
La saisie n'ayant pas été dénoncée dans le délai au cotitulaire d'un compte joint, est frappée de caducité et il y a lieu d'en ordonner la mainlevée (TGI CHÂLONS-SUR-MARNE, 23 novembre 1993 : Rev. huissiers 1994, p. 655).
c. Les effets de la saisie-attribution des comptes de dépôt.
1° Indisponibilité totale du ou des comptes du débiteur.
→ Principe.
121.La saisie-attribution a pour effet d'attribuer immédiatement la créance saisie au saisissant. L'indisponibilité qui en résulte concerne la totalité du compte. Toutefois , lorsqu'il s'agit d'un compte de dépôt, cette attribution est suspendue car le solde déclaré par le tiers saisi est forcément provisoire. Il sera rectifié dans les quinze jours ouvrables qui suivent l'acte de saisie (cf. infra n°s 135 et suivants ), par l'affectation comptable des opérations en cours.
→ Exceptions.
122.L'indisponibilité totale a surtout pour objet de permettre l'apurement des opérations en cours sur le solde provisoire déclaré lors de l'acte de saisi.
Cette indisponibilité peut dans certains cas être levée.
- Le cantonnement de la saisie par le créancier
123.Au vu des renseignements fournis par le tiers saisi, le créancier peut limiter l'effet de la saisie à certains comptes (art. D 76, 1er alinéa). Cette faculté peut être utilisée par les receveurs dès lors que les intérêts du Trésor ne sont pas lésés.
- Mise à disposition par constitution d'une garantie irrévocable
124.D'un commun accord entre les parties ou sur décision du juge de l'exécution, il peut être mis fin à l'indisponibilité par la constitution d'une garantie irrévocable à concurrence du montant des sommes réclamées (art. D 76, 2ème alinéa).
Cette possibilité vise surtout les cas où les sommes rendues indisponibles par l'acte de saisie dépassent les causes de la saisie et où le débiteur saisi ne souhaite pas que ses comptes soient « gelés » en totalité.
Cette substitution ne peut intervenir sans l'acceptation du créancier saisissant. Mais, il est possible au juge de l'exécution de l'imposer.
En tout état de cause elle ne supprime pas l'effet attributif de la saisie sur le compte.
La garantie irrévocable en matière de saisie-attribution peut consister dans la consignation d'une somme ou l'engagement de caution de l'établissement bancaire.
125.Si plusieurs créanciers entrent en concours à la suite de saisies qui auraient été pratiquées le même jour (cf. supra n° 65 ), l'accord de tous les créanciers en concours est nécessaire. Pour obtenir cet accord, la garantie irrévocable devra être d'un montant suffisant pour correspondre aux sommes réclamées par les divers créanciers. Ce n'est qu'à cette condition que le juge pourrait prononcer la levée de l'indisponibilité.
126. IMPORTANT : Rôle du service
Le comptable poursuivant ne doit pas systématiquement limiter l'effet de la saisie-attribution à certains comptes, au vu des renseignements qui lui sont fournis par le tiers saisi. En effet, il n'est pas encore en mesure de déterminer le montant qui lui sera finalement versé au terme des opérations de contre-passation (cf. infra n°s 136 et suivants ).
Toutefois, il est conseillé au receveur d'user de cette faculté lorsque la provision d'un ou de plusieurs comptes saisis suffit manifestement à couvrir sa créance.
Le receveur devra, dans ce cas, apprécier la valeur de la garantie offerte. En cas de désaccord, le juge de l'exécution pourra se prononcer sur la levée de l'indisponibilité des sommes par la constitution d'une garantie couvrant le montant des sommes appréhendées.
Dans la mesure où les intérêts du Trésor ne sont pas lésés, il y aura lieu d'accepter la levée de l'indisponibilité contre la constitution d'une garantie irrévocable.
Il faut rappeler qu'aux termes de l'article 22 de la loi de 1991 le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance, mais l'effet de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation, le juge de l'exécution ayant le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie.
Cette disposition trouve à s'appliquer aux comptables publics.
2° Sort des créances insaisissables portées au crédit d'un compte.
→ Principe.
127.Aux termes de l'article L15 « les créances insaisissables dont le montant est versé sur un compte demeurent insaisissables ».
L'article D 44 précise quant à lui que « l'insaisissabilité se reporte à due concurrence sur le solde du compte ».
Ces nouvelles dispositions ont ainsi étendu le principe général d'insaisissabilité à toutes les créances insaisissables indépendamment de leur caractère de rémunération. C'est pourquoi le décret n° 81-359 du 9 avril 1981 qui ne visait que les rémunérations du travail a été abrogé par l'article 305 du décret de 1992.
128.L'établissement bancaire n'a pas en principe à se faire juge du caractère saisissable ou non des sommes inscrites au compte. Il appartient donc au débiteur, titulaire du compte, de demander à l'établissement qui tient le compte que soit laissée à sa disposition une somme d'un montant équivalent à la créance insaisissable.
Cette demande doit impérativement être présentée avant que le créancier saisissant n'ait réclamé le paiement des sommes saisies et doit être appuyée de la justification de l'origine des sommes (art. D 44 al. 2) : bulletin de salaire, bordereau d'allocations familiales, avis de pension...
En l'absence de demande de mise à disposition, le débiteur est irrecevable à formuler une contestation auprès du juge de l'exécution (TGI de GRENOBLE, 28 novembre 1994 ; Gaz. Pal. 1995, som. p. 211).
En cas d'insaisissabilité partielle des sommes déposées sur le compte (exemple : rémunération du travail), l'établissement tiers saisi est chargé de calculer la portion saisissable.
→ Modalité de mise à disposition.
129.Les modalités de mise à disposition des sommes différent selon qu'il s'agit d'échéances périodiques ou non.
130. Créances à échéances périodiques
Si les sommes proviennent de créances à échéances périodiques telles que rémunérations du travail, pensions de retraites, allocations familiales..., le titulaire du compte peut en demander la mise à disposition immédiate - c'est-à-dire avant que le délai de quinze jours pendant lequel les sommes inscrites aux comptes du débiteur sont indisponibles se soit écoulé - déduction faite des opérations venues en débit du compte depuis le dernier versement.
Bien entendu, la portion insaisissable ne pourra pas excéder celle relative à la période visée par l'échéance (en cas de salaire payé mensuellement, celle du mois écoulé).
Si à l'expiration du délai de quinze jours précité, le montant des sommes demandées par le débiteur excède le solde non frappé par la saisie, solde qui devient alors disponible, le complément en est prélevé sur les sommes restant indisponibles à ce jour, c'est-à-dire sur la somme normalement attribuée au créancier saisissant (art. D 45 al. 2).
NOTA : la complexité de ce système, comme auparavant mais pour d'autres motifs, rend préférable la saisie directe des rémunérations du travail entre les mains de l'employeur à la saisie du compte sur lequel ces rémunérations sont versées. Il en est de même notamment pour les pensions ou allocations de chômage pour lesquelles la saisie doit être faite auprès de l'organisme qui verse la prestation.
131. Créances à échéances non périodiques
Lorsque les sommes insaisissables proviennent d'une créance à échéance non périodique, le titulaire du compte peut demander que soit laissé à sa disposition le montant de celles-ci, à l'expiration du délai de quinze jours pour la régularisation des opérations en cours sous déduction des sommes venues en débit depuis l'inscription de la créance au compte (art. D 46).
Si à cette date, le solde disponible du compte ne permet pas la mise à disposition du titulaire de l'intégralité des sommes demandées, le complément nécessaire est retenu sur les sommes restant indisponibles à ce jour, c'est à dire sur la somme attribuée au créancier saisissant (art. D 46 al. 2).
Les sommes retenues sont mises à la disposition du titulaire du compte à l'expiration de ce délai s'il n'y a pas de contestation. L'absence de contestation devra être établie par un certificat du greffe. Toutefois, sans attendre cette échéance, le titulaire du compte peut saisir le juge de l'exécution pour lui demander la mise à disposition des sommes retenues en justifiant de leur caractère insaisissable. La procédure devant le juge de l'exécution est contradictoire, le créancier étant entendu ou appelé à l'instance (art. D 46 al. 3).
132.Qu'il s'agisse de créances à échéances périodiques ou non, l'établissement tiers saisi doit informer le créancier saisissant, au moment où celui-ci demande le paiement du prélèvement complémentaire opéré au profit du titulaire du compte sur la partie restée indisponible et normalement attribuée au saisissant (art. D 45, 2ème alinéa ; D 46, 2ème alinéa).
A peine d'irrecevabilité, ce dernier dispose d'un délai de quinze jours pour contester cette imputation (art. D 45, 2ème alinéa ; D 46, 3ème alinéa).