Date de début de publication du BOI : 30/10/1999
Identifiant juridique : 12C2211
Références du document :  12C2211

SOUS-SECTION 1 LA SAISIE DE CRÉANCES

2° Apports jurisprudentiels.

156.Le principe défini précédemment n'emporte pas toujours la conviction des juges et se heurte aux dispositions légales afférentes aux procédures de redressement et de liquidation judiciaires.

157.Les juges ont notamment eu à se prononcer sur l'effet instantané d'une saisie-attribution antérieure lorsque la créance objet de la saisie est, totalement ou en partie, exigible après l'ouverture de la procédure collective.

158.Sur ce point, il a été avancé que le dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire et les règles particulières qui gouvernent la poursuite des contrats en cours obligeaient à considérer que la créance à exécution successive, objet de la saisie, n'est plus « disponible » pour les échéances postérieures à l'ouverture de la procédure collective, ces dernières ne pouvant être versées au créancier saisissant (cf. note A. HONORAT sous Cass. com. 19 mars 1991, D. 1991 p. 386).

La Chambre commerciale de la Cour de cassation a statué en ce sens, sur les effets d'un avis à tiers détenteur antérieur à l'entrée en vigueur de la loi de 1991 :

- Elle a jugé que la créance au titre de loyers échus dans le cadre d'un contrat de location-gérance, n'avait pris naissance, pour la période postérieure au prononcé du redressement judiciaire, qu'en vertu du pouvoir donné à l'administrateur ou au débiteur agissant avec autorisation, de poursuivre le contrat conformément aux articles 37 et 141, 2ème alinéa, de la loi du 25 janvier 1985 (Cass. com. 26 juin 1990, Bull. civ. IV n° 192, RJF 10/90 n° 1284).

- Elle a retenu qu'une créance de loyers d'immeuble échus postérieurement au prononcé du redressement judiciaire échappait au transport-cession opéré par un avis à tiers détenteur, antérieur à la procédure, en raison de l'indisponibilité dont elle se trouvait frappée dans le patrimoine du débiteur par l'effet de l'interdiction des paiements édicté à l'article 33 de la loi du 25 janvier 1985 (Cass. com. 24 octobre 1995, Bull. civ. IV n° 255 p. 235).

159. IMPORTANT : En dépit de cette dernière jurisprudence, rendue sous l'empire de dispositions antérieures à la loi de 1991, l'Administration considère qu'une saisie définitive, effectuée antérieurement à la procédure collective ne peut être mise en échec pour les échéances postérieures que dans l'hypothèse où la créance, objet de la saisie, se rapporte à une activité exercée dans le cadre de celle pour laquelle le redevable a été mis en redressement ou liquidation judiciaire et dans laquelle le mandataire de justice dispose du pouvoir de mettre fin au contrat (exemples : contrat de location-gérance où le loueur est débiteur du Trésor ; location d'immeuble inscrit au bilan de l'entreprise ; marchés publics ; marché de travaux à exécution successive).

(Dans le sens de cette analyse, voir P. CANET, Revue des Procédures collectives 1995-3 p. 265 « Les voies d'exécution issues de la loi du 9 juillet 1991 face au redressement et à la liquidation judiciaires) ».

Il est ainsi possible de concilier les règles de la saisie-attribution et les dispositions commerciales de la loi de 1985 lesquelles, par un renouvellement tacite des contrats en cours consécutifs à l'ouverture de la procédure collective, empêchent la saisie de créance dont la naissance intervient postérieurement au redressement judiciaire.

160.La Cour suprême a cependant rendu des décisions confirmant le plein effet d'une saisie antérieure sur une créance à exécution successive dont les échéances interviennent au delà de l'ouverture de la procédure collective.

- Se plaçant du seul point de vue des dispositions de la loi du 9 juillet 1991, un avis de la Cour de cassation a précisé que la saisie-attribution de créance à exécution successive, pratiquée contre des époux communs en bien et codébiteurs solidaires, antérieurement à la mise en liquidation judiciaire de l'un d'eux, poursuit ses effets sur les loyers d'un immeuble dépendant de la communauté, échus après le jugement de liquidation (Cass. avis n° 29, 16 décembre 1994, Bull. inf. 15 février 1995 p. 2, JCP 1995, éd. E, Pan. 226 ; D. 1995, p. 166 note F. DERRIDA ; Les petites affiches 22 février 1995 n° 23 ; RPC 1995-3 p. 269, note P. CANET).

- La Chambre civile de la Cour de cassation a par ailleurs confirmé un arrêt de la Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE du 20 juillet 1994 (JCP 1995, éd. G, 22408, note PUTMAN) aux termes duquel il a été jugé qu'une créance à exécution successive résultant d'un contrat unique était disponible au même titre qu'une créance immédiatement exigible de sorte que le tiers saisi doit se libérer au fur et à mesure des échéances sans que la saisie puisse être remise en cause par l'ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire.

La Cour de cassation a considéré, en visant les articles L 13, L 43, D 69 et suivants, que la saisie-attribution d'une créance à exécution successive pratiquée avant l'ouverture du redressement judiciaire de son titulaire, poursuit ses effets sur les sommes échues après le jugement d'ouverture (Cass. civ., 2ème, 10 juillet 1996, n° 909 P, affaire X... c/Y... ).

161. NOTA : Ces deux décisions de la Chambre civile de la Cour de cassation marquent une divergence certaine avec l'analyse retenue par sa Chambre commerciale.

Dans l'attente de l'établissement d'une jurisprudence mieux affirmée sur ce point, il convient pour les comptables de se référer aux critères définis supra n° 159 .

3. La saisie-attribution entre les mains d'un comptable public.

162.La raison d'être d'une procédure spéciale, lorsqu'une saisie de créance est pratiquée entre les mains d'un comptable public, est que la personnalité très particulière du tiers saisi met le saisissant à l'abri tant d'une éventuelle insolvabilité que d'une collusion frauduleuse avec le débiteur saisi. Dès lors, la procédure de droit commun aurait imposé des formalités inutiles. Par ailleurs, les règles propres à la comptabilité publique exigent certaines adaptations.

163.Le Code de procédure civile de 1806 avait consacré deux de ses articles au cas particulier des saisies auprès des comptables publics : l'article 561 relatif à la signification de l'exploit et l'article 569 relatif à la déclaration affirmative. Par la suite, de nombreux textes (lois et décrets cités en annexe III) ont réglementé cette procédure de façon plus détaillée. Pour sa part, la loi du 9 juillet 1991 n'a prévu aucune disposition spéciale sur cette saisie, se limitant à l'abrogation des articles 561 et 569 précités. Le décret du 31 juillet 1992, pris en application de la loi de 1991, n'a apporté aucun élément nouveau sur cette question.

164. Toutefois un décret n° 93-977 du 31 juillet 1993 (cf. annexe III), après avoir abrogé plusieurs des textes susvisés, a énoncé dans son article 2 que le décret du 31 juillet 1992 précité était applicable aux saisies et cessions notifiées aux comptables publics, aux centres de chèques postaux ou la Caisse nationale d'épargne.

La situation juridique du comptable public tiers saisi doit donc être examinée au regard de la combinaison de ces différents textes.

a. L'acte de saisie-attribution.

1° Forme de l'acte.

165.L'acte doit comporter les mentions prévues à l'article 56 du décret du 31 juillet 1992 (cf. supra n°s 30 et s. ).

Mais le décret de 1993 précise qu'indépendamment de ces mentions, l'acte doit contenir, à peine de nullité, la désignation précise de la créance saisie (art. 3 du décret).

2° La signification de l'acte de saisie au comptable public.

166.Conformément à l'article 4 du décret du 31 juillet 1993, l'acte de saisie doit être signifié par huissier de justice au comptable public assignataire de la dépense.

Ainsi, pour les sommes dues par l'Etat, la signification est faite au trésorier-payeur général. Toutefois, si la créance sur laquelle porte la saisie est payable à PARIS, l'organisme destinataire de l'acte est soit la Paierie Générale du Trésor, soit l'Agence Comptable Centrale du Tréso, soit l'Agence Comptable des Impôts de PARIS.

167.Ces règles de signification doivent être respectées à peine de nullité (Cass. civ. 2ème, 10 juillet 1985, Bull. civ. Il n° 137 ; D 1986, 2, 59 note MONTAGNIER : sur la nullité d'une signification faite à un directeur de service qui n'a pas la qualité de comptable public).

168.Afin d'éviter des erreurs dans la recherche du comptable compétent, l'huissier, s'il est porteur d'un titre exécutoire ou d'une autorisation de mesure conservatoire, peut requérir de l'ordonnateur qu'il lui indique ce comptable ainsi que tous les renseignements nécessaires à la mise en oeuvre de la mesure (cf. art. 25 loi 9 juillet 1991).

169. IMPORTANT : Les règles particulières aux saisies effectuées entre les mains d'un comptable public s'appliquent également aux services de chèques postaux et caisses nationales d'épargne.

L'acte de saisie doit donc être signifié au centre de chèques postaux où sont tenus les comptes frappés de la saisie. La saisie ne frappe pas tous les comptes ouverts en d'autres centres. Il en est de même pour la Caisse nationale d'épargne.

3° La nullité de l'acte de saisie.

170.Les obligations relatives à la forme de l'acte et à sa signification sont prescrites à peine de nullité.

Dans un premier temps, la Cour de cassation avait affirmé que de telles prescriptions pouvaient être invoquées par les tiers dans leurs rapports entre eux (Cass. civ. 7 janvier 1920, DP 1924, I, 63). Toutefois, elle a, depuis, considéré que ces formalités ont été instaurées dans le seul intérêt de l'Administration et que le débiteur saisi n'était donc pas fondé à s'en prévaloir (Cass. civ. 2ème, 21 avril 1982, G.P. 1982, Pan. 310).

Cette dernière jurisprudence reste applicable sous l'empire des nouveaux textes.

4° Particularité du visa porté par le comptable public sur l'original de l'acte de saisie.

171.Le comptable public assignataire doit viser l'original de l'acte (art. 5, 1er al. du décret du 31 juillet 1993). La signification doit être faite au comptable compétent en son bureau.

L'original de l'acte doit rester déposé jusqu'au lendemain au bureau où la saisie a été effectuée ; le visa qui y est apposé est daté de ce dernier jour.

Il est admis que le comptable peut déléguer cette fonction à tout agent de son service habilité à cet effet, sous réserve du respect des règles relatives à la délégation de signature. Toutefois, le nouveau texte ne prévoit plus, comme c'était le cas auparavant, qu'en cas de refus le visa peut être apposé par le procureur de la république (cf. art. 561 ancien du Code de procédure civile).

Il faut noter que l'exigence du visa n'est pas expressément prescrite à peine de nullité.

172. Remarque :

Le Conseil d'Etat a dénié au comptable public tout pouvoir d'appréciation sur la validité d'un acte de saisie et ce quels qu'en soient les motifs, de fond ou de forme (CE 15 octobre 1969, req. n° 75.010). Dès lors, le comptable public qui refuserait de viser l'original de l'acte commettrait une faute de nature à engager sa responsabilité.

Cette neutralité exonère le comptable tiers saisi de toute responsabilité quant à l'irrégularité éventuelle de la procédure d'exécution engagée.

A cet égard, un juge de l'exécution a pu affirmer que « le tiers saisi, qui ne saurait être tenu d'imposer, de lui-même, aux parties, les règles de saisissabilité applicables en l'espèce, sera déchargé de toute responsabilité » (TGI MARSEILLE, 3 août 1995, inédit). En l'espèce, il s'agissait de la mise en cause d'un trésorier-payeur général qui avait effectué le versement d'une pension de retraite au profit d'un créancier saisissant à la suite d'une saisie-attribution qui n'avait jamais fait l'objet d'une contestation dans les délais requis de la part du débiteur, alors que cette pension était légalement insaisissable (art. L 56 du Code des pensions).

b. La procédure de saisie-attribution.

173.La procédure de saisie entre les mains d'un comptable public obéit aux règles de droit commun (cf. supra n°s 27 et s. ). Le comptable public est seulement tenu d'une obligation de renseignement à l'égard du saisissant, comme pour la procédure de droit commun.

1° Obligation d'informer le créancier saisissant et l'huissier.

174. Par dérogation à l'article 59 du décret du 31 juillet 1992 qui exige une communication « sur le champ » par le tiers saisi, l'article 5 al. 2 du décret du 31 juillet 1993 prévoit que le comptable public assignataire de la dépense dispose d'un délai de vingt quatre heures pour fournir à l'huissier de justice les renseignements prévus à l'article 44 de la loi du 9 juillet 1991 (l'étendue des obligations du tiers saisi envers le saisi) et pour lui communiquer les pièces justificatives. Si d'autres saisies ou des oppositions ont été effectuées antérieurement, il doit donner les précisions les concernant. Un certificat contenant tous ces renseignements doit être remis à l'huissier, même si le décret de 1993 ne le vise plus.

175. NOTA : Il semble qu'il ne soit pas possible d'opposer à l'huissier le secret professionnel prévu à l'article 26 de la loi du 13 juillet 1983 relative au statut de la fonction publique d'Etat. La Cour de cassation a déjà considéré que le secret professionnel n'était pas un motif légitime pour refuser de communiquer les renseignements nécessaires à l'huissier pour procéder à l'exécution forcée d'une décision de justice (Cass. civ. 1ère, 30 juin 1992, Ministre délégué des PTT c/X... , JCP 1993, 22001).

176.Tout manquement aux obligations du comptable public tiers saisi doit être signalé au Service central (Bureau R 2).