SOUS-SECTION 3 LA PHASE JURIDICTIONNELLE
SOUS-SECTION 3
La phase juridictionnelle
A. DELAI POUR CONTESTER LA DECISION
I. Point de départ du délai
43Si la décision du directeur ne lui donne pas satisfaction ou en l'absence de décision du directeur dans le délai de deux mois de l'opposition, l'opposant peut porter le litige en justice, dans le délai de deux mois qui suit :
- soit la notification (c'est-à-dire la date figurant sur l'avis de réception postal ou, le cas échéant, la présentation au domicile du contribuable absent cf. supra n° 26) de la décision prise dans le délai de deux mois ;
- soit l'expiration du délai de deux mois imparti au directeur pour statuer (art. R* 281-4 du L.P.F.).
II. Computation du délai
44Le recours contre la décision du directeur peut être portée devant une juridiction de l'ordre judiciaire ou le tribunal administratif selon la nature de la contestation et l'impôt en cause.
Or, ces deux ordres de juridiction appliquent des règles de computation de délais différentes.
45Si la contestation relève de la compétence des tribunaux judiciaires, le délai de deux mois imparti au redevable pour saisir le juge est décompté, conformément aux règles fixées par les articles 641 alinéa 2 et 642 du nouveau code de procédure civile (Cass. com. 10 mars 1976, Bull. civ. IV n° 94 p. 79). Le délai expire donc le jour portant le même quantième du deuxième mois suivant la notification de la décision du directeur ou le terme du délai imparti au directeur pour statuer. A défaut de quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois.
Tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures.
Par exemple, si la notification de la décision a été reçue par le contribuable le 27 juin, le délai de deux mois expire le 27 août à vingt-quatre heures.
De même, si la notification a lieu le 30 décembre, ou le 31 décembre, ou enfin le 31 juillet, le délai expirera dans les deux premiers cas le 28 février (ou le 29 février, s'il s'agit d'une année bissextile) et dans le dernier cas le 30 septembre.
Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.
Ainsi, dans le premier exemple ci-dessus, si le 27 août est un samedi, le dernier jour utile pour porter le litige devant le juge est le lundi 29 août.
46Si le contestation relève de la compétence du tribunal administratif, il y a lieu de retenir des délais francs où ne sont comptés ni le jour de la notification de la décision (ou le jour où expire-le délai imparti au directeur pour statuer), ni le jour qui clôt ce délai de deux mois (CE 12 mai 1978, R.J.F. 1978 p. 221 ; 14 mai 1980, R.J.F. 1980 p. 331 ; 24 mai 1982, R.J.F. 1982 p. 366).
Les délais se calculent de quantième à quantième, quel que soit le nombre de jours composant les mois ou les années compris dans les délais.
Par exemple, si la notification de la décision a été reçue par le redevable le 18 mai, le délai de deux mois expire le 18 juillet à 24 heures. Le jour de l'échéance ne devant pas toutefois être compté, le dernier jour utile pour saisir le tribunal administratif est le lendemain 19 juillet.
De même, si la notification a eu lieu le 28 décembre, le 30 juin ou le 31 juillet, le tribunal administratif devra être saisi au plus tard le 1er mars (ou le 29 février s'il s'agit d'une année bissextile) dans le premier cas, le 31 août dans le second et le 1er octobre dans le dernier cas.
Mais, comme en matière de procédure civile, si le dernier jour du délai est un samedi, un dimanche ou un jour férié, le délai est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.
Ainsi, dans l'exemple ci-dessus, si le 19 juillet est un samedi, le dernier jour utile est le lundi 21 juillet.
III. Irrecevabilité des demandes en justice introduites en dehors de ces délais
1. Est prématurée :
47La requête introduite, en l'absence de réponse du directeur, avant l'expiration du délai de deux mois imparti à celui-ci pour statuer (Cass. com. 26 mars 1968, Mémorial des percepteurs 1968 p. 188 ; CE 12 février 1990, req. n° 57658, R.J.F. 1990 p. 295), ou celle formée le jour même du dépôt du mémoire (Cass. com. 9 juin 1969, D. 1970 somm. 12).
2. Est tardive :
48La saisine du tribunal faite plus de deux mois après l'expiration du délai de même durée dont dispose le directeur pour se prononcer (CE 15 février 1989, req. n° 88215, R.J.F. 1989 p. 250).
Ce délai une fois expiré, aucun événement ne saurait le rouvrir.
Ainsi, la circonstance que le directeur ait fait connaître au réclamant, postérieurement à l'expiration du délai [d'un mois] qui lui était imparti pour répondre au mémoire dont il était saisi, qu'il statuerait explicitement avant une date déterminée n'est pas de nature à proroger le délai imposé au contribuable pour saisir le tribunal (CE 4 février 1972, req. n° 81099, Lebon p. 110). Dans ce cas, l'opposant doit considérer son mémoire comme rejeté et assigner dans les deux mois de la décision implicite de rejet.
La circonstance que l'accusé de réception de la demande préalable ait comporté une mention indiquant au contribuable qu'il serait tenu informé de la suite donnée à sa réclamation sans nouvelle démarche de sa part ne saurait faire obstacle à l'application des dispositions de l'article R* 281-4, l'administration n'ayant pu ainsi induire l'intéressé en erreur sur le délai de recours contentieux (CE 14 mars 1990, req. n° 76854, R.J.F. 1990 p. 380).
De même, la circonstance que le directeur a notifié ultérieurement à l'intéressé une décision expresse portant rejet de son opposition n'a pas pour effet de rouvrir le délai de recours contentieux, dès lors que cette décision n'est que confirmative de la décision implicite antérieure (CE 20 décembre 1985, req. n° 44519, R.J.F. 1986 p. 191 ; 30 octobre 1989, req. n° 70753, R.J.F. 1990 p. 59 ; 30 mars 1992, req. 72620, R.J.F. 1992 n° 743).
49Il résulte de ce qui précède que dans tous les cas l'opposant est forclos quatre mois après le dépôt de son mémoire, ce délai pouvant être raccourci si le directeur répond avant l'expiration du délai de deux mois qui lui est imparti par l'article R* 281-4 du L.P.F.
B. JURIDICTIONS COMPETENTES
50Aux termes de l'article L 281 du Livre des procédures fiscales :
- les oppositions qui portent sur la régularité en la forme des actes de poursuites doivent être portées devant le juge de l'exécution, quelle que soit la nature des impositions dont le recouvrement est poursuivi ;
- les contestations qui portent sur l'existence de l'obligation de payer, le montant ou l'exigibilité de la somme réclamée (qualifiées aussi parfois d'oppositions à contrainte) relèvent du juge de l'impôt tel qu'il est défini par l'article L 199 du L.P.F., à savoir :
. le tribunal administratif, en matière de recouvrement de taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées ;
. le tribunal de grande instance en matière de recouvrement de droits d'enregistrement, de droits de timbre et de taxes assimilées à ces droits.
51 Observation importante :
Il convient d'analyser avec la plus grande attention les griefs exposés dans le mémoire ou la requête introductifs d'instance et produits par l'opposant.
En effet, il y a lieu en cas de qualification erronée de la contestation de demander à la juridiction saisie de restituer à l'acte introductif d'instance sa véritable portée (Cass. com. 19 mars 1974, Bull. civ. IV n° 101 p. 81), afin de définir les termes du litige, compte tenu des prétentions réelles de la partie adverse (art. 4 du nouveau code de procédure civile ; à rapp. Cass. civ. 1er février 1978, Bull. civ. I n° 43 p. 38).
I. Juge de l'exécution
1. Compétence d'attribution
a. Domaine de compétence
52 Il appartient au juge de l'exécution d'apprécier la régularité en la forme d'un acte de poursuite. Cette compétence s'étend également aux conditions de sa notification (cf. toutefois infra n° 54 et 73 ).
53 Ce principe comporte toutefois une exception. Le juge compétent pour connaître de la saisie des rémunérations est le juge du tribunal d'instance qui exerce les pouvoirs du juge de l'exécution (article L 145-5 du Code du travail).
Sa compétence est toutefois limitée aux saisies des rémunérations effectuées par le receveur sous la forme de droit commun.
Le juge de l'exécution reste compétent pour les oppositions relatives aux saisies de rémunérations réalisées par voie d'avis à tiers détenteur.
54Le juge judiciaire est seul compétent pour se prononcer sur :
- la validité en la forme d'un commandement (Cass. civ. 28 mars 1973, Bull. civ. II n° 120 p. 94 et 14 novembre 1984, ibid. I n° 304 p. 259).
A cet égard, il n'appartient qu'au juge judiciaire de se prononcer sur un moyen tiré de ce que les irrégularités en la forme du commandement - tenant aux mentions figurant sur cet acte - seraient de nature à priver cet acte de son effet interruptif de prescription (CE 11 mai 1994, req. n° 93770, R.J.F. 1994 p. 481 ; 18 mai 1994, req. n° 93768 et 93769, R.J.F. 1994 p. 570).
Toutefois, le juge administratif qui connaît des contestations portant sur l'exigibilité des sommes réclamées est seul compétent pour apprécier si, compte tenu des conditions dans lesquelles le commandement a été notifié, cet acte a pu interrompre la prescription (CE 9 décembre 1992, req. n° 99538, Mémorial des percepteurs 1993 p. 29 et CE 11 mai 1994 précité) ;
55 - la régularité formelle d'un avis à tiers détenteur et les conditions de sa notification (CE 29 octobre 1984, R.J.F. 1984 p. 786) ;
56 - la contestation d'un avis à tiers détenteur au motif qu'il n'a pas été précédé d'un commandement ou d'une mise en demeure (C.A.A. PARIS 23 décembre 1993, R.J.F. 1994 p. 360) ;
57 - la compétence du signataire de l'avis à tiers détenteur (C.A.A. PARIS 27 mars 1990, R.J.F. 1990 p. 447) ;
58 - la régularité d'un avis à tiers détenteur, lorsque le requérant prétend que cet acte de poursuites se rapporte à des sommes insaisissables (CE 7 mai 1982, R.J.F. 1982 p. 367 ; C.A.A. PARIS 17 avril 1990, R.J.F. 1990 p. 637). Ce contentieux ne relève toutefois pas de l'article L 281 du LPF (cf. infra n° 83 à 85 ) ;
59 - une opposition à avis à tiers détenteur fondée sur le motif que cet acte de poursuite ne ferait pas partie des mesures conservatoires que le comptable des impôts peut prendre à l'encontre d'un redevable ayant demandé le sursis de paiement sans offrir des garanties suffisantes (Trib. confl. 17 juin 1991, R.J.F. 1991 p. 831).
Toutefois, en matière de sursis de paiement la compétence du tribunal administratif sur le fondement de l'article L 281 est reconnue dans certaines situations (cf. infra n°s 73 et aussi 96 à 100) ;
60 - l'opportunité des poursuites : le choix des actes de poursuites ou du débiteur poursuivi, lorsqu'il en existe plusieurs (CE 24 avril 1981, R.J.F. 1981 p. 387 ; 10 avril 1991, R.J.F. 1991 p. 505) ;
61- de manière générale, les contestations relatives à la compétence de l'auteur des actes de poursuites (TA VERSAILLES 23 novembre 1984, D.F. 1985 c. 2157) ;
62 - les difficultés relatives à l'existence et la portée du privilège du Trésor (CE 23 décembre 1981, R.J.F. 1982 p. 111 ; Cass. com. 14 mars 1984, Bull. civ. IV n° 103 p. 87 ; CE 27 juillet 1990, Mémorial des percepteurs 1991 p. 180).
La contestation d'une inscription du privilège du Trésor, que le redevable ait bénéficié ou non du sursis de paiement, dans la mesure où elle ne met pas en cause l'existence de l'obligation, sa quotité ou son exigibilité relève de la compétence des tribunaux judiciaires (C.E. 5 mars 1993, D.F. 1993 c. 2389) ;
63 - l'opposition formée par le tiers détenteur qui prétend ne pas être débiteur du redevable légal (C.E. 19 octobre 1992 req. n° 79718, D.F. 1993 c. 758).
Le Conseil d'Etat a considéré que les contestations par lesquelles le destinataire d'un avis à tiers détenteur fait valoir qu'il n'est débiteur d'aucune somme envers le contribuable à la date de sa délivrance ou qu'il ne l'avait jamais été ne mettent en cause ni l'existence, ni la quotité, ni l'exigibilité de la créance fiscale du Trésor sur le contribuable, questions relevant de la compétence administrative, mais portent sur le bien-fondé des mesures mises en oeuvre pour assurer le recouvrement, relevant de la compétence judiciaire.
De même, lorsque le comptable adresse un avis à tiers détenteur à un mandataire de justice, dans le cadre des dispositions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, l'opposition à cet acte relève de la compétence du juge de l'exécution (cf. infra n°s 80 à 82 ).
64 Remarque :
Conformément à l'article L 258 alinéa 2 du Livre des procédures fiscales, les poursuites sont effectuées dans les formes prévues par le nouveau code de procédure civile, aux articles 648 et suivants. Les contestations relatives à la nullité des actes de poursuites relèvent également des dispositions de ce code.
L'article 649 pour les actes d'huissier et l'article 694 pour les notifications prévoient que leur nullité est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure (art. 112 du nouveau code de procédure civile).
Or, aux termes de l'article 114 du même code, la nullité des actes pour vice de forme ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public (Cass. civ. 16 juillet 1982, Bull. civ. II n° 107 p. 79), le préjudice devant nécessairement découler de l'irrégularité commise elle-même,
Le receveur des impôts devra donc soulever, toutes les fois où il pourra s'en prévaloir, l'absence de grief du vice de forme invoqué.
En revanche, lorsque l'irrégularité soulevée constituera une nullité de fond (art. 117 du code précité), la preuve d'un grief n'est pas exigée.
La Cour de cassation a considéré comme une irrégularité de fond le fait pour un huissier d'avoir instrumenté hors des limites de son ressort territorial (Cass civ. 20 mai 1976, Bull. civ. n° 168 p. 130), ainsi que l'absence de dénonciation au débiteur, redevable de l'impôt, d'un avis à tiers détenteur (Cass. com. 13 novembre 1973, Bull. civ. IV n° 326 p. 291)