SOUS-SECTION 3 POUVOIRS DES JUGES
SOUS-SECTION 3
Pouvoirs des juges
Voir également E 3351 et E 3362 , notamment n°s 28 et suivants.
I. Généralités
1. Principe
1Le juge du fond apprécie souverainement, d'après son intime conviction, la valeur des éléments de preuve soumis à des débats contradictoires (Code de Proc. pén. art. 353 et 427).
L'opportunité de recourir à une mesure d'instruction relève de ce pouvoir souverain d'appréciation.
2. Limites
2Le procès-verbal de saisie, base des poursuites, en matière de contributions indirectes, fait foi jusqu'à preuve contraire. La loi attache à ses énonciations une présomption de vérité qui s'impose au juge du fond (voir ci-dessus, E 3351, n°s 9 et suiv. ).
Toute mesure d'instruction utile à la manifestation de la vérite doit être ordonnée.
Il faut que la décision de la juridiction soit justifiée, à peine de nullité par des motifs suffisants, ni équivoques, ni contradictoires (voir ci-dessus E 3362, n°s 20 et suiv. ).
II. Éléments de preuve
3Les « éléments de preuve, soumis aux débats, relèvent du pouvoir souverain d'appéciation des juges du fond » (Cass. crim., 17 octobre 1974, RJ, I, p. 121. Jurisprudence constante : Cass. crim. part., 24 janvier 1957, RJCI 10, p. 26 ; Cass. crim., rejet, 19 avril 1958, RJCI 41, p. 108 ; Cass. crim., rejet, 7 mars 1962, RJCI 17, p. 65 ; Cass. crim., 17 octobre 1962. RJCI 28, p. 93 ; Cass. crim., 7 mai 1968, RJCI 1ère partie, p. 46 ; Cass. crim., rejet, 16 décembre 1970, RJ, I, p. 93 ; Cass. part., 6 décembre 1972, RJ, I, p. 48 ; Cass., rejet, 23 mai 1973, RJ, I, p. 57 ; Cass., rejet. 4 janvier 1974. RJ, I, p. 3 ; Cass. crim., 2 décembre 1975, RI, I, p. 163).
Il a été également jugé :
- que les juges d'appel " ont le pouvoir d'apprécier souverainement la valeur des éléments de preuve régulièrement produits aux débats " (cf. par ex. Cass. crim., rejet, 17 octobre 1974, RJ, I, p. 121 et les arrêts cités) et. le cas échéant, de substituer leur propre appréciation à celle des premiers juges (cf. Cass. crim., rejet, 20 janvier 1958. RJCI 19, p. 49 ; Cass. crim., 17 décembre 1974, RJ, 1, p. 146, dernier §) ;
- que donne une base légale à sa décision, l'arrêt qui, substituant l'appréciation souveraine des juges d'appel à celle des premiers juges, constate, pour retenir un récoltant dans les liens de la prévention, qu'il résulte du dossier et des débats que les faits d'enlèvement frauduleux du vin reprochés à ce prévenu sont établis à concurrence d'une certaine quantité, car ces énonciations, qui impliquent une référence au procès-verbal, base de la poursuite, caractérisent suffisamment les éléments du délit dont l'intéressé s'est rendu coupable (TGI. Jugements et arrêts, II. n° 269 ; Cass. crim., 20 février 1958, RJCI 19, p. 49 ; voir également : Cass, crim.. 17 octobre 1974. RJ, I, p. 121).
III. Mesures d'instruction
4L'opportunité de recourir à une mesure d'instruction relève du pouvoir sauverain d'appreciation des juges du fond. Toutefois. ceux-ci sont tenus d'ordonner les mesures complémentaires d'instruction utiles à la manifestation de la vérité.
En particulier. « Les juges du fond apprécient souverainement l'utilité de l'expertise qui leur est demandée » (Cass. crim., 17 octobre 1977, RJCI 1, p. 157. Jurisprudence constante : Crim., rejet, 10 mars 1927, BCI 9. p. 149 ; Crim., rejet, 6 juillet 1944, RJCI 40, p. 79 ; Crim., rejet, 2 novembre 1951, RJCI 20, p. 46 ; Crim., rejet, 17 juin 1954, RJCI 28, p. 71 ; Cass., rejet 30 mai 1969, RJCI, p. 72 : Cass., rejet, 4 mars 1976, RJ. I. p. 91 ; Cass., rejet, 29 avril 1976, RJ, I, p. 112 et, ci-dessus E 3351, n°s 64 et suiv. ).
Il a été jugé que faute d'avoir ordonné des mesures complémentaires d'instruction, une cour d'appel ne peut, en rejetant, la force probante attachée aux procès-verbaux et aux documents occultes saisis, se fonder sur la seule incertitude qui lui semble exister en faveur de la prévenue pour la relaxer des fins de la poursuite (Cass. crim.. 4 janvier 1977, RJ. I, p. 25).
IV. Prévention
5La Cour de cassation a jugé :
- que les juges répressifs ont le devoir de statuer sur l'ensemble de la prévention.
Encourt, par suite, la cassation, l'arrêt qui, ayant à connaître non seulement d'une infraction à l'article 4 de la loi du 1er août 1905 pour laquelle il s'est déclaré incompétent, mais encore d'une fabrication sans déclaration préalable d'une dilution alcoolique et de l'expédition de cette dilution sous le couvert d'un acquit inapplicable, ne s'explique pas sur ces deux derniers chefs d'inculpation (Cass. crim., 17 décembre 1958, RJCI 124, p. 327) ;
- que la citation donnée sur et aux fins d'un procès-verbal dressé par les agents des impôts saisit le juge de toutes les infractions visées au procès-verbal, nonobstant les termes mêmes de la citation (voir ci-dessus E 3333, n°s 16 et suiv. ) (Cass. crim., 20 janvier 1976, précité, RJ, I, p. 26 et les arrêts cités, nota(1) Jurisprudence constante).
V. Qualification des faits
6Le juge a l'obligation de rechercher même d'office si les faits relatés au procès-verbal tombent sous l'application d'une disposition pénale autre que celle visée dans l'assignation sur procès-verbal (voir ci-dessus E 3333, n°s 23 et suiv. ) (Cass. crim., 31 octobre 1973, précité, RJ, I, p. 102 ; nota et les arrêts très nombreux cités du 27 février 1908, Mém. 3, p. 199 au 22 décembre 1969, RJCI, p. 102, Bull. crim. 354, p. 849 : jurisprudence constante).
VI. Examen critique des faits
7Le juge doit se livrer à un examen critique des faits retenus par le Parquet et l'Administration, sans se borner à une simple affirmation.
Un procès-verbal, base des poursuites, particulièrement circonstancié et décrivant avec précision les faits, peut permettre à l'Administration d'obtenir en appel l'infirmation de la première décision.
C'est ainsi, que l'ensemble des éléments de fait établit « une séparation d'exploitation conduisant à retenir l'autonomie de chacun des deux établissements et à décider que, des constatations faites par les verbalisants, il résulte que la prévenue avait bien réalisé un dédoublement illicite de son débit de boissons, en infraction au Code des débits de boissons, ainsi qu'au CGI » (Cour d'appel de Limoges, arrêt du 28 octobre 1977, RJ, I, p. 184). Voir également : Cass. crim., 20 janvier 1976, RJ, I, p. 29, circonstance de fait caractérisant l'autonomie de chacun des débits de boissons exploités et non aménagement du fonds initial.
VII. Circonstances du fait principal
8S'il est interdit aux juges de se prononcer sur des faits distincts de ceux qui leur sont déférés, il leur appartient de retenir tous ceux qui, bien que non expressément visés dans le titre de la poursuite, ne constituent que des circonstances du fait principal, se rattachant à lui et propres à le caractériser.
Spécialement, ils doivent statuer sur les conséquences, apparues lors des débats, de l'inculpation initiale. (Cass. crim., 10 janvier 1974, RJ, I, complément p, 5, Bull. crim. 18, p. 42. Jurisprudence constante : Cass. crim., 15 mai 1857, Bull. crim. 192, p. 308 ; Cass., rejet, 8 mai 1914, Bull. crim. 232, p. 433 ; Cass., rejet, 26 novembre 1927, Bull. crim. 274, p. 533 ; Cass., rejet, 7 août 1950, Bull. crim. 235, p. 388 ; Cass., rejet, 9 novembre 1950, Bull. crim. 250, p. 414 ; Cass. crim., 31 octobre 1973, deux arrêts, RJCI, p. 99 et 102, Bull. crim. 396, p. 971 ; Cass. part., 12 décembre 1973, RJCI, p. 132, Bull. crim. 461, p. 1154).
VIII. Décision d'acquittement cassée sur le seul pourvoi de la partie civile
9Il a été notamment jugé :
- qu'une cour d'appel, saisie uniquement de l'action civile par un arrêt de renvoi après cassation, doit, avant de statuer sur d'éventuels dommages-intérêts, décider si le délit dont celle-ci demandait réparation est ou non constitué. En effet, au regard de la demande de la partie civile, la décision cassée sur son seul pourvoi ne peut acquérir en aucun point l'autorité de la chose jugée, celle-ci n'étant opposable qu'au ministère public, non demandeur au pourvoi. (Cass. crim., 10 janvier 1974, RJ, I, complément p. 5, Bull. crim. 18, p. 42) :
- que lorsque le ministère public ne s'est pas pourvu contre une décision acquittant le prévenu (ou que son pourvoi a été rejeté), mais que, sur celui de la partie civile, cette décision a été cassée, quant à ses intérêts, la juridiction de renvoi est compétente pour statuer sur la demande de la partie lésée. L'attribution de dommages-intérêts à cette dernière, supposant l'existence d'une infraction (différente, le cas échéant, de celle « dénoncée » à la prévention), les juges du fond doivent alors examiner les faits dans leurs rapports avec la loi pénale, sans cependant pouvoir les sanctionner s'ils reconnaissent qu'ils caractérisent un délit (jurisprudenoe constante : Cass. crim., part., 16 décembre 1910, Bull. crim. 640, p. 1172 ; Cass., rejet, 23 janvier1914, Bull. crim. 53, p. 93 ; Cass., 1er février 1955, Bull. crim. 72, p. 125 et les arrêts cités ; Cass., rejet, 4 avril 1962, Bull. crim. 159, p. 329).
IX. Montant des droits fraudés
10Selon une jurisprudence constante, les juges du fond déterminent souverainement, d'après les éléments résultant de l'instruction et des débats, le montant des droits fraudés (Cass. crim., rejet, 12 novembre 1909, BCI 24, p. 110, Bull. crim. 515, p. 996 ; Cass., rejet, 16 décembre 1927, BCI 1928, 3, p. 33 ; Cass., rejet, 19 février 1931, BCI 7, p. 69 ; Cass., rejet, 25 janvier 1956, RJCI 6, p, 269, Bull crim. 100, p. 175 ; Cass., rejet, 19 avril 1958, RJCI 41, p. 108 ; Cass., rejet, 22 avril 1959, RJCI 48, p. 157, Bull. crim. 237, p. 476 ; Cass., rejet, 30 mars 1960, RJCI 39, p. 106 ; Cass rejet, 13 décembre 1961, D. 1962, 485, note J.-M. R., RJCI 37, p. 120 et les arrêts cités ; Cass., rejet, 7 février 1962, RJCI 13, p. 51 ; Cass., rejet, 17 juillet1968, RJCI, p. 72).
Les juges peuvent s'approprier purement et simplement l'évaluation administrative des droits fraudés, en particulier lorsque le contribuable a mis lui-même les agents dans l'impossibilité de reconstituer le montant des taxes éludées (Cass. crim., rejet 20 février 1963, RJCI 9, p. 37).
Il a été également jugé que, lorsque la comparaison des recettes portées sur des documents occultes, découverts au cours d'une perquisition, avec celles qui ont été déclarées à l'Administration fait apparaître des différences importantes, démontrant qu'une partie des encaissements était dissimulée et ne supportait pas la taxe sur les spectacles légalement due, les juges du fond déterminent souverainement le montant des droits fraudés en s'appropriant les conclusions de l'Administration qui reposaient sur l'établissement du prix moyen de la consommation dans l'établissement considéré, sur la multiplication de ce prix par le nombre effectif des entrées, de manière à reconstituer la recette imposable et enfin sur le calcul des taxes exigibles, déduction étant faite des droits acquittés (Cass. crim., 28 juin 1976, RJ, I, p. 169, Bull. crim. n° 232, p.608,2e arrêt rendu le même jour RJ, I, p. 179).
X. Sursis à statuer
11Les juridictions correctionnelles ne peuvent, sans interrompre le cours de la justice, ordonner qu'il sera sursis à statuer pour un temps indéterminé.
Les juges d'appel, qui décident justement de surseoir à statuer à l'égard d'un prévenu, le jugement entrepris étant encore susceptible d'opposition, ne sauraient donc rendre une telle décision sans fixer le moment où l'affaire sera à nouveau appelée (Cass. crim., 7 novembre 1977, RJ, I, p. 189).
XI. Refus de la Cour de cassation de réviser l'appréciation souveraine du juge du fond
12Il n'appartient pas à la Cour de cassation de réviser les éléments de preuve, sur lesquels les juges du fond ont fondé leur conviction.
Il s'ensuit que lorsqu'un prévenu poursuivi du chef d'infractions relevées par un agenda occulte découvert chez un tiers, soutient que les indications douteuses qui y figurent ne lui sont pas opposables, un arrêt donne une base légale à sa décision et n'intervertit pas la charge de la preuve, en déclarant que les vérifications opérées ont établi la sincérité des mentions de cet agenda et que l'intéressé ne pourrait, dès lors, faire échec aux présomptions graves, précises et concordantes qui font preuve contre lui, que par des documents contraires et incontestables, mais qu'il n'en produit aucun (Cass. crim., 7 décembre 1966, RJCI 26, p.79).
Jurisprudence constante et notamment parmi les décisions les plus récentes (Cass. crim., 17 janvier 1962, RJCI 1, 5, p.19 ; Cass. crim., 7 février 1962, RJCI 1, 12, p.45 ; Cass. crim., 7 mars 1962, RJCI 1, 17, p.65 ; Cass. crim., 21 novembre 1962, RJCI 1, 33, p.108 ; Cass. crim., 30 avril 1964, RJCI 1, 10, p. 37 ; Cass. crim., 12 octobre 1966, RJCI 1, 20, p.63 ; Cass. crim., 25 avril 1968, RJCI 1ère partie, p. 34 ; Cass. crim., 17 juillet 1968, RJCI 2ème semestre, 1ère partie, p.65).
13Interdiction à la Cour de cassation de réviser les conséquences pénales que les juges ont déduites de leur pouvoir souverain d'appréciation (Cass. crim., 19 mai 1969, RJCI 1ère partie, p. 66 ; Cass. crim., 30 mai 1969. RJCI 1ère partie, p. 72 ; Cass. crim., 12 décembre 1973, RJ, I, p. 132, Bull. crim. 461, p.1154 ; Cass. crim., 17 décembre 1974, RJ, I, p.145 ; Cass. crim., 2 décembre 1975, RJ, I, p. 163 (voir arrêts cités renvoi 2, in fine) ; (Cass. crim., 10 février 1976. RJ, I, p. 65).