Date de début de publication du BOI : 01/10/1996
Identifiant juridique : 13E3333
Références du document :  13E3333

SOUS-SECTION 3 EFFETS

3. Infraction non visée expressément par le procès-verbal, étendue de la saisine

18L'Administration peut conclure à la condamnation du prévenu pour une contravention non expressément énoncée au procès-verbal dès lors qu'elle résulte implicitement des énumérations dudit procès-verbal (Cass. crim., 27 février 1808, Mém. C13, p. 193 ; 8 mai 1914, BCI 1914, 18/19, p. 106).

19Il en est ainsi même lorsque les verbalisants avaient expressément déclaré ne pas retenir cette contravention, car il n'appartient pas auxdits agents de limiter l'étendue de la poursuite à laquelle doit donner lieu l'acte qu'ils ont dressé.

Il a été jugé en ce sens que :

- « il n'appartient pas aux agents verbalisateurs de limiter l'étendue de la poursuite à laquelle doit donner lieu un procès-verbal qu'ils ont dressé, et c'est dès lors à bon droit qu'un contrevenant cité sur et aux fins du procès-verbal dont copie a été donnée en tête de l'assignation est condamné pour une infraction résultant de ce procès-verbal, alors même que les verbalisants auraient déclaré ne pas retenir cette infraction » (Cass. crim., 16 avril 1932, BIC 10, p. 176 ; rappr. Cass. crim., 15 juin 1944, RJCI 37, p. 74, Bull. crim. 141, p. 217 ; Cass. crim., 6 juillet 1944, RJCI 40, p. 79) ;

- la citation donnée sur et aux fins du procès-verbal saisit le juge de toutes les contraventions qui paraissent résulter dudit procès-verbal. Il n'appartient pas aux agents de la régie de limiter l'étendue de la poursuite à laquelle cet acte peut donner lieu. Les juges du fond, régulièrement saisis de tous les faits qui y sont relatés, sont tenus de rechercher si ceux-ci ne tombent pas sous le coup d'une disposition pénale autre que celle visée à la citation. Manque dès lors de base légale l'arrêt qui relaxe la débitante prévenue d'infraction à l'article 304 du Code du vin pour avoir reçu du vin sous le couvert d'un titre de mouvement mentionnant abusivement une appellation d'origine, pour le motif que l'identité n'est pas établie entre la boisson dont il s'agit et le vin auquel, après les constatations du service, le droit à l'appellation n'a pas été reconnu, alors que ces énonciations impliquent par elles-mêmes que la débitante n'a pas justifié l'introduction de ce dernier vin par la production d'une expédition régulière et qu'elle a ainsi commis une contravention à l'article 202 du Code des Contributions indirectes (actuellement art. 502 CGI, 3e paragr.) sur laquelle la Cour était tenue de statuer (Cass. crim., 4 décembre 1947, RJCI 32, p. 77, Bull. crim. 240, p. 351).

4 Infraction non visée expressément par la citation

20Le tribunal peut condamner le prévenu pour une infraction non visée expressément par la citation et par la poursuite, dès l'instant que cette infraction résulte des faits énoncés au procès-verbal, même si les verbalisants ne l'ont pas retenue.

Jugé que :

- la citation qui se réfère aux faits constatés par le procès-verbal, base de la poursuite saisit le juge de toutes les contraventions qui paraissent résulter dudit procès-verbal. Ne constitue, dès lors, pas une demande nouvelle la requête que la régie a formulée pour la première fois en cause d'appel aux fins de condamnation du prévenu du chef de l'infraction au régime économique de l'alcool découlant de la détention et de la fabrication frauduleuse d'alcool constatées et retenues à l'encontre dudit prévenu (Cass. crim., 24 février 1953, RJCI 10, p. 23) ;

- l'assignation délivrée par la régie en vertu d'un procès-verbal a pour effet de saisir le tribunal de toutes les contraventions résultant de ce procès-verbal, même de celles qui ne seraient pas visées par la citation et par la poursuite. Dès lors, encourt la cassation l'arrêt qui, à la suite d'un procès-verbal constatant que le gérant d'un cercle a servi des boissons à des personnes étrangères au cercle, condamne le prévenu à une amende pénale pour ouverture illicite d'un débit de boissons, mais relaxe ledit prévenu des fins de la poursuite fiscale, motif pris de ce que la vente des boissons alcooliques n'était pas établie, sans rechercher si les faits énoncés au procès-verbal ne constituaient pas la contravention de vente de toutes boissons sans déclaration préalable à la recette-buraliste 1 prévue et punie par les articles 202 2 et 226 3 du Code des Contributions indirectes (Cass. crim., 26 mars 1941, RJCI 4, p. 195 ; rappr. Cass. crim., 15 mars 1956, RJCI 22, p. 303) ;

- une assignation ne mentionnant ni les faits poursuivis, ni les textes de loi, mais portant référence à une précédente assignation régulière est parfaitement valable (Cass. crim., 9 janvier 1969, RJCI, p. 3 ; Bull. crim. 20, p. 39) ;

- la citation qui se réfère aux faits constatés par le procès-verbal, base de poursuite, saisit le juge de toutes les contraventions qui paraissent résulter dudit procès-verbal. Encourt, par suite, la cassation l'arrêt qui, sur les conclusions de la régie tendant en vertu des articles 93 (actuellement art. 502 CGI) et 97 (actuellement art. 1568 CGI) du Code des Contributions indirectes à la condamnation du prévenu du double chef d'ouverture illicite d'un débit de boissons dont le transfert à son nom avait été refusé par l'autorité administrative et de défaut de paiement de la licence, rejette ces conclusions sur le second chef pour le motif que l'intéressé n'aurait été poursuivi que du premier et que les droits de licence avaient été payés pour l'année en cours par le précédent exploitant, alors que le non-paiement de la licence découlait inévitablement du défaut d'autorisation d'ouverture relevé au procès-verbal transcrit en tête de la citation avec référence aux faits y énoncés et visa des articles précités du Code des Cl et alors d'ailleurs que réserve était faite dans ladite citation de toutes autres infractions résultant, soit du procès-verbal, soit de l'instruction ou de la procédure (Cass. crim., 5 mai 1954, RJCI 19, p. 47).

5. Qualification des faits

a. Poursuite de l'Administration sur procès-verbal

21Le tribunal n'est pas lié par la demande de la partie poursuivante ni par la qualification donnée aux faits dans l'assignation sur procès-verbal.

Il peut et doit rectifier, s'il y a lieu, les omissions ou erreurs. Le juge a, notamment, l'obligation de rechercher, même d'office, si les faits relatés au procès-verbal tombent sous l'application d'une disposition pénale autre que celle visée.

Lorsque l'appréciation des faits conduit le juge à dénier l'existence de la contravention reprochée mais à constater une autre infraction, il est tenu de statuer sur celle-ci.

A cet égard, la Cour d'appel a les mêmes pouvoirs que le tribunal correctionnel par suite de l'effet dévolutif de l'appel.

Toutefois, s'il appartient au juge de modifier la qualification des faits, et l'infraction corrélative, c'est à la condition que les faits eux-mêmes restent tels qu'ils ont été dénoncés dans les actes de procédure.

Lorsque, à la suite d'une assignation sur et aux fins du procès-verbal, l'instruction révèle que les faits retenus en définitive sont qualifiés différemment de ceux envisagés par les verbalisants, il n'y a pas violation du principe selon lequel le tribunal ne peut statuer que sur les faits relevés dans le procès-verbal, base des poursuites.

Jugé qu'un prévenu ne saurait prétendre que l'Administration substitue une poursuite nouvelle à la poursuite initiale et qu'il y a violation du principe selon lequel le tribunal ne peut statuer que sur les faits relevés dans le procès-verbal sur et aux fins duquel la citation a été délivrée, dès lors que, si la qualification des faits, telle qu'elle devait être en définitive retenue, est différente de celle qui résultait du procès-verbal, il n'en demeure pas moins que les faits eux-mêmes étaient et restent des faits de falsification et de mise en vente de vins falsifiés, qualifications sous lesquelles ils étaient d'ailleurs exposés dans l'ordonnance de renvoi qui avait saisi la juridiction correctionnelle de l'action pénale.

Ainsi, sont recevables les conclusions subsidiaires de l'Administration fondées sur les résultats des recherches supplémentaires ordonnées par les premiers juges, ces recherches ayant seulement permis d'établir que les moyens de réalisation des falsifications étaient différents de ceux qui avaient été primitivement envisagés.

Dans cette affaire, les verbalisants avaient considéré que l'enrichissement illicite des vins incriminés avait été obtenu par vinage, alors que les expertises ordonnées par le tribunal devaient révéler qu'il provenait de l'addition de moûts concentrés, Il est même permis de penser que ce fait nouveau, survenu en cours d'instruction, ne changeait en rien la qualification de l'infraction (falsification d'une part, fabrication de dilution alcoolique, d'autre part) (cf. Cass. Crim., 12 décembre 1973, RJ 1, p. 132 ; Bull. crim. 461, p. 1154).

Jugé également que « lorsqu'une assignation porte, en tête, copie du procès-verbal base des poursuites, et est délivrée sur et aux fins dudit procès-verbal, le juge doit statuer sur toutes les contraventions qui paraissent résulter de cet acte, encore bien que la régie n'ait conclu que sur l'une d'elles.

Dès lors, méconnaît l'effet dévolutif de l'appel et encourt la cassation, l'arrêt qui décide le contraire et qui, au motif que les conclusions de première instance ne faisaient état que de la contravention de vente et achat de vin ne titrant pas le degré minimum légal, rejette comme irrecevables les conclusions de l'Administration tendant, sur son appel, à ce que les prévenus soient également condamnés pour transports de vins avec acquits inapplicables, infractions expressément relevées au procès-verbal » (Cass. crim., 22 juillet 1964, Bull. crim. 245, p. 524, RJCI 16, p. 51 ; cf. Cass. crim., 10 janvier 1962, Bull. crim. 24, p. 44, RJCI 3, p. 12).

En revanche, il a été jugé que :

- viole l'article 182 (actuellement art. 388 CPP) du CICR et méconnaît la règle du double degré de juridiction, l'arrêt qui condamne un prévenu pour des infractions qui ne résultent pas expressément du procès-verbal et qui ont été visées pour la première fois dans les conclusions déposées par l'Administration en appel (Cass. crim., 24 mai 1945, RJCI 16, p. 29) ;

- s'il appartient aux cours d'appel de changer la qualification des faits et de substituer un délit nouveau à celui qui leur était déféré, c'est à la condition qu'il ne soit rien changé à ces faits, et qu'ils restent tels qu'ils ont été dénoncés dans les actes de procédure (Cass. crim., 1er décembre 1949, DH 1950-1-23 ; Bull. crim. 325, p. 520).

b. Intervention de l'Administration dans les poursuites du ministère public

22Lorsque l'Administration se borne à intervenir sans procès-verbal dans les poursuites du ministère public, par simples conclusions, le tribunal est uniquement saisi des infractions fiscales relevées dans lesdites conclusions.

En effet, le juge ne peut pas statuer sur une infraction fiscale qui n'a pas été poursuivie. Il n'a pas le droit de condamner le prévenu à des amendes qui n'ont pas été réclamées ; le juge ne peut en effet, se saisir d'office d'une contravention dont les éléments ne lui ont pas été révélés (Cf. par exemple, Cass crim., 11 avril 1929, BCI 10 p. 91 où il a été jugé que lorsque la Direction générale des Impôts intervient, sans procès-verbal, dans une poursuite exercée par le ministère public en matière de mouillage, le tribunal est uniquement saisi des contraventions relevées dans les conclusions de l'Administration, il s'ensuit que si celle-ci se borne à conclure à l'application des pénalités encourues du chef de mise en vente d'un vin artificiel, elle n'est pas fondée à faire grief à la sentence de n'avoir pas condamné le prévenu du chef de fabrication d'un vin artificiel sans déclaration, bien que le fait matériel du mouillage soit déclaré constant).

6. Circonstances du fait principal

23S'il est interdit aux juges de statuer sur des faits distincts de ceux qui leur sont déférés, il leur appartient de retenir tous ceux qui, bien que non expressément visés dans le titre de la poursuite, ne constituent que des circonstances du fait principal, se rattachant à lui et propres à la caractériser (Cass. crim., 10 janvier 1974 ; Bull. crim. 18, p. 42, et les arrêts cités en note ; DB E 3363 , pouvoirs des juges).

Les circonstances d'un même fait sont indivisibles et le prévenu, averti que ce fait lui a été imputé, est par là même mis en demeure de préparer sa défense sur tous les éléments qui le constituent.

Conformément à la jurisprudence, le procès-verbal, base de la poursuite, peut être complété par d'autres actes et documents, par des aveux et par tout autre moyen de preuve (cf. ci-dessous E 3351 ).

Par exemple, lorsqu'un procès-verbal constate seulement le fait de détention de tabacs de fraude, si le prévenu, reconnaît.à l'audience que ce tabac était préparé pour la vente, le tribunal doit le condamner non pour détention mais pour vente de tabacs (Amiens, 17 avril 1885, Mém. Cl 21, p. 512 ; Rappr. Cass. crim., 4 mars 1911, Bull crim. 125, p. 255, relatif à un transport d'alcool sans expédition, fait distinct d'un transport en vue de la vente d'alcool de cru et de fabrication clandestine).

1   Actuellement recette locale des impôts.

2   Actuellement art. 502 du CGI.

3   Actuellement art. 1791 du CGI.