Date de début de publication du BOI : 01/10/1996
Identifiant juridique : 13E3351
Références du document :  13E3351

SOUS-SECTION 1 PREUVE DES CONTRAVENTIONS

b. Déclarations de personnes non considérées comme tiers

Certaines personnes ne sont pas considérées comme tiers vis-à-vis du prévenu :

- les coprévenus ;

- les agents ou domestiques et le conjoint du contrevenant.

Le prévenu est lié par les aveux et déclarations de ces personnes, comme s'ils émanaient de lui personnellement, mais les juges conservent le droit d'en apprécier la valeur probante. A cet égard, les verbalisants doivent également étayer les déclarations reçues par des constatations susceptibles d'entraîner la conviction du juge.

1° Coprévenu

61En matière de contributions indirectes. il n'est pas nécessaire que les procès-verbaux contiennent la constatation directe des faits constitutifs de l'infraction ; la preuve de celle-ci peut résulter de dépositions faites par des tiers ou des coprévenus (Cass. crim., 3 mai 1945, RJCI 7, p. 13).

Il appartient aux juges d'apprécier la sincérité des aveux d-un coprévenu en les rapprochant, s'il y a lieu, de toutes les circonstances de fait propres à établir l'infraction (Cass. crim., 19 octobre 1912, BCI 1913-2, p. 6 ; Bull. Crim. 500, p. 922).

L'appréciation par les juges du fond, de la force probante des déclarations d'un coprévenu, relève également de leur pouvoir souverain (cf. Cass. crim., 1er octobre 1979, RJCI p. 135, et les arrêts cités, p. 137).

Toutefois, les juges ne peuvent relaxer un prévenu pour le motif que les seules charges existant contre lui consistaient dans les déclarations de coprévenus ayant varié dans leurs dires, sans s'expliquer sur les déclarations d'un autre coprévenu, expressément visées dans les conclusions de l'Administration, et qui étaient de nature à constituer un des éléments de preuve de la culpabilité du contrevenant relaxé (Cass. crim., 5 mars 1957, RJCI 20, p. 66).

2° Domestiques

62Dans une affaire de livraison de boissons à fausse destination, il a été jugé que la preuve de la fausse destination résulte aussi bien des aveux et déclarations faits par un domestique chargé de conduire les boissons, que de ceux qu'aurait fait le maître lui-même.

Ces déclarations, constatées en cours de transport, suffisaient pour établir la contravention sans qu'il fût besoin que les employés s'assurent si le vin était ou non allé à la destination indiquée sur l'expédition (Cass. crim., 23 avril 1819, Mém. Cl 9, p. 21, Bull. crim. 51).

3° Conjoint du prévenu

63Il a été jugé que la fraude était suffisamment établie par l'aveu résultant de la transaction souscrite par la femme du prévenu (cf. Cass. crim., 31 juillet 1807, Mém. Cl 1, p. 456 ; Bull. crim. 168 ; Cour de Caen, 12 novembre 1899, Sirey 1 900-2-1 89). ;

  E. EXPERTISE

  I. Généralités

64Il se présente fréquemment, au cours de l'instance, des questions de fait dont la solution nécessite des connaissances techniques.

Les experts sont précisément des personnes compétentes désignées par la loi, par le juge, ou choisies par les parties elles-mêmes, afin de procéder à toutes les constatations utiles pour résoudre les difficultés rencontrées.

Il existe trois sortes d'expertises en matière de contentieux répressif des contributions indirectes :

- l'expertise judiciaire, qui est l'expertise de droit commun en matière pénale ; elle s'applique dans tous les cas où un autre mode d'expertise n'est pas prévu ;

- l'expertise contradictoire applicable notamment en matière de fraudes commerciales et d'absinthes ou liqueurs similaires 1  ;

- le recours à la Commission de conciliation et d'expertise douanière (CCED) siégeant en matière fiscale, dit expertise légale.

  II. Expertise judiciaire

Elle est régie par les articles 156 et suivants du Code de Procédure pénale.

1. Champ d'application.

65« Toute juridiction d'instruction ou de jugement, dans le cas où se pose une question d'ordre technique, peut, soit à la demande du ministère public, soit d'office, ou à la demande des parties, ordonner une expertise » (Code de Proc. pén., art. 156, al. 1er).

L'expertise judiciaire, qui s'applique normalement en matière pénale, est utilisée au titre du contentieux répressif des contributions indirectes, dans tous les cas où la loi ne prévoit pas un autre mode d'expertise.

Elle ne peut être ordonnée que pour l'appréciation matérielle des faits et non pour éclairer le juge sur des points de droit.

Les juges peuvent, notamment, ordonner une expertise pour s'éclairer sur des faits dont l'appréciation exige des connaissances spéciales (Cass., req., 18 mars 1873, Mém. Cl 19, p. 287, Sir. 73.1.268) ou sur des faits présentant un caractère technique (Cass. crim., 16 juillet 1824, Mém. Cl 12, p. 207).

a. Caractère facultatif de l'expertise judiciaire

66L'opportunité ou l'utilité de recourir à une expertise relève du pouvoir d'appréciation souverain des juges du fond.

Ce pouvoir discrétionnaire a été consacré par une jurisprudence constante de la Cour de cassation (cf. Cass. crim., 17 octobre 1977, RJ n° 1, p. 157, et les arrêts cités sous nota [3], p. 159).

La Cour suprême a également jugé qu'une cour d'appel peut encore rejeter une demande d'expertise bien que celle-ci ait été admise par le tribunal (Cass. crim., 1er décembre 1922, BCI 1923, n° 5, p. 26).

b. Conditions.

67Le recours à l'expertise est possible lorsque l'identité du produit ou de la marchandise n'est pas contestable.

A cet égard, la Cour de Nîmes a jugé que l'expertise d'une boisson en litige ne pouvait ête ordonnée, plusieurs mois après la rédaction du procès-verbal, qu'autant que l'identité de cette boisson était parfaitement établie (Nîmes, 15 décembre 1877 ; Mém. Cl 20, p. 141).

Dans le même sens, il a été précisé que l'expertise ordonnée par les juges devait porter sur les échantillons régulièrement prélevés et non sur les boissons dont il avait été donné mainlevée au transporteur (Rouen, 19 juin 1874, annales 18741875, p. 477 ; Nîmes, 11 janvier 1877, Mém. Cl 20, p. 174).

2. Procédure

a. Designation des experts

68Les experts sont choisis parmi les personnes physiques ou morales qui figurent soit sur une liste nationale établie par le bureau de la Cour de cassation, soit sur une des listes dressées par les cours d'appel, le procureur général entendu (Code de Proc. pén., art. 157, al. 1er).

A titre exceptionnel, les juridictions peuvent, par décision motivée, choisir des experts ne figurant sur aucune de ces listes (Code de Proc. pén., art. 157, al. 3).

b. Nombre des expert.

69Il est déterminé par l'article 159 du Code de Procédure pénale :

- lorsque la question soumise à l'expertise porte sur le fond de l'affaire, les experts commis sont au moins au nombre de deux, sauf si des circonstances exceptionnelles justifient la désignation d'un expert unique ;

- lorsque la question soumise à l'expertise ne porte pas sur le fond de l'affaire, un seul expert peut être commis.

L'obligation de désigner deux experts quand l'expertise porte sur le fond de l'affaire est une formalité substantielle, prescrite à peine de nullité (cf. Cass. crim., 9 janvier 1975, Bull. crim. 10, p. 30, et l'arrêt cité), sauf pour la juridiction (d'instruction ou de jugement) à justifier sa décision de ne commettre qu'un expert « par des circonstances exceptionnelles ». Il s'agit, là encore, d'une disposition substantielle dont la violation entraîne la nullité de la décision (cf., par ex., Cass. crim., 18 mars 1971, Bull. crim. 97, p. 250 ; Cass. crim., 18 avril 1972, Bull. crim. 129, p. 317).

Lorsque la désignation d'un expert unique émane du juge d'instruction, celui-ci doit faire connaître sa décision au ministère public et notifier par lettre recommandée aux parties intéressées son intention de ne désigner qu'un seul expert. Dans les 48 heures qui suivent cette notification, le ministère public et les parties intéressés présentent leurs observations. Le juge d'instruction prend sa décision, par ordonnance motivée, à l'expiration de ce délai (Code de Proc. pén.. art. 1 59. 2e al.).

Cette notification aux parties est une formalité substantielle dont la violation entraîne la nullité, tant de l'ordonnance commettant l'expert que du rapport d'expertise (Cass. crim., 16 mai 1972, D. 1972, Somm. 179 ; Bull. crim. 169, p. 427). Ne constitue d'ailleurs pas l'une des circonstances exceptionnelles justifiant la désignation d'un expert unique, l'énonciation par le juge qu'il y a lieu de réduire les frais d'expertise (Cass. crim., 20 février 1963, Bull. crim. 86, p. 172 ; Cass. crim., 16 avril 1970, Bull. crim. 134, p. 311 D.1970, Somm, 179). Au contraire, justifie de telles circonstances, l'ordonnance du juge d'instruction qui vise expressément le cas d'urgence, et énonce qu'il convient d'éviter le dépérissement des preuves (Cass, crim., 28 février 1974, D. 1974, IR, p, 102, Bull. crim. 88, p. 218).

Il est souvent malaisé de savoir si l'expertise concerne ou non le fond de l'affaire. La Cour de cassation paraît avoir pris un critère : « la recherche de la preuve de l'infraction  ». Si l'objet de l'expertise est étranger à cette recherche, la mesure doit être considérée comme ne portant pas sur le fond (Cass. crim 8 décembre 1960, Bull. crim. 580, p. 1137 ; rappr. Cass. crim., 1er mars 1961, Bull. crim. 129, p. 248 ; Cass. crim., 7 mai 1968, Bull. crim. 141, p. 337).

C'est en se fondant sur ce critère que la Cour suprême a jugé qu'une expertise ayant pour objet de déterminer le nombre et les catégories de billets achetés par l'exploitante d'un dancing, prévenue de l'infraction fiscale d'utilisation frauduleuse de billets d'entrée dans une salle de spectacles, ainsi que de ceux mis en service, de vérifier la capacité de l'établissement et de préciser la fréquence des séances qui y sont données, porte sur la recherche de la preuve de l'infraction et, par suite, sur le fond de l'affaire (Cass. crim., 22 janvier 1976, RJ n° 1, p, 43).

c. Serment des experts.

70Il convient de distinguer selon que l'expert figure ou non sur l'une des listes prévues à l'article 157 du Code de Procédure pénale (cf. ci-dessus n° 68 (« Désignation des experts »).

Si l'expert ne figure sur aucune de ces listes, il doit prêter serment, devant le juge d'instruction ou le magistrat désigné par la juridiction de jugement, chaque fois qu'il est commis (Code de Proc. pén.. art. 160, 2e al.), Le serment dont il s'agit est celui énoncé par le premier alinéa du même article 160, la formule donnée par ce texte n'ayant d'ailleurs rien de sacramental (cf. Cass. crim., 10 avril 1975, Bull. crim. 90, p. 256).

Au contraire, les experts inscrits sur l'une des listes prévues par l'article 157 n'ont pas à renouveler leur serment chaque fois qu'ils sont commis, ce serment ayant été prêté devant la Cour d'appel du ressort de leur domicile lors de leur inscription (Code de Proc. pén., art. 160. 1er al.).

Le juge qui fait état d'une expertise n'est pas tenu d'indiquer dans sa décision que l'expert a prêté serment conformément aux prescriptions de cet article, la constatation de l'accomplissement de cette formalité pouvant résulter des circonstances du rapport ou de toute autre pièce (Cass. crim., 2 mai 1924, BCI 16, p. 156 ; Bull. crim. 186, p. 322).

Cas particulier : expert appelé à l'audience

71Lorsqu'il est appelé à l'audience du tribunal pour rendre compte de sa mission, l'expert est un véritable témoin. Il doit, par suite, prêter serment dans les termes de l'article 168 du Code de Procédure pénale (Cass. crim., 15 décembre 1892, JCI 1894, p. 287, Sir. 93-1-110, Bull. crim. 336, p. 524 ; Cass. crim., 29 avril 1976, Bull crim. 133, p. 326).

d. Mission des experts

72La décision qui ordonne 14expertise précise leur mission (Code de Proc. pén., art. 158).

e. Conduite de l'expertise

73L'expertise judiciaire n'est pas contradictoire puisque, d'une part, les experts sont toujours nommés par la juridiction d'instruction ou de jugement, d'autre part, la présence ou la convocation des parties aux opérations des experts commis par le tribunal n'est pas nécessaire (Cass. crim., 13 juillet 1906, Bull. crim. 287, p. 549, et les arrêts cités, DP 1907-1-365 ; Cass. crim., 2 janvier 1958, S. 58-1-16. Cass. crim., 22 janvier 1979, RJ n° 1, p. 18).

Si la décision ordonnant l'expertise prescrit que les opérations auront lieu en présence des parties, cette disposition n'a que la valeur d'une recommandation et ne peut lier les juges du fond (Cass. crim., 22 janvier 1979 précité).

Toutefois, cette expertise peut présenter sur certains points, un caractère similaire avec la procédure contradictoire en raison, d'une part, de la dualité des experts prévue par la loi et, d'autre part, des possibilités qu'elle offre aux parties de présenter des observations sur le choix et la mission des experts et de formuler également des remarques sur leurs conclusions.

Le rapport d'expertise est déposé au greffe. Si les experts sont d'avis différents, chacun d'eux indique son opinion ou ses réserves en les motivant.

Les conclusions du rapport sont ensuite portées à la connaissance des parties, lesquelles ont la possibilité de formuler des observations et même de demander un complément d'expertise ou une contre-expertise.

En cas de rejet de ces demandes, la juridiction doit rendre une décision motivée.

3. Force probante.

74Les experts sont chargés de formuler une appréciation sur les questions qui sont soumises à leur examen ; leur mission est de renseigner les juges et non de les remplacer.

Dès lors, les juges correctionnels ne sont pas liés par les conclusions des experts et ils disposent à cet égard d'un pouvoir souverain d'appréciation (Cass. crim., 30 décembre 1943, RJCI 67, p.105, Bull. crim. 171 p. 250 ; Cass. crim. (rejet), 10 février 1944, RJCI 14, p. 31 ; Cass. crim. (rejet), 8 octobre 1959, RJCI 71, p. 221 ; Cass. crim. (rejet), 8 février 1961, RJCI 8, p. 24 ; Cass. crim. (rejet), 12 octobre 1966, RJCI 20, p. 63 ; Cass. crim., 22 avril 1970, RJ n° 1, p. 25 ; Cass. crim., 25 juin 1975, RJ n° 1, p. 134).

  III. Expertise contradictoire

75L'expertise contradictoire s'applique :

- d'une part, aux infractions à la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications en matière de produits et services : mouillage de vin, fraude sur les appellations d'origine de vins, cidres, eaux-de-vie, etc. ;

- d'autre part, aux infractions à la loi du 17 juillet 1922 prohibant la fabrication, la circulation, la détention en vue de la vente et la vente de l'absinthe et des liqueurs similaires (CGI, art. 347) ces infractions sont recherchées et constatées à la diligence du ministère public, comme en matière de fraudes et de falsifications (CGI, art. 1812-1).

Eu égard au champ d'application de l'expertise contradictoire, celle-ci ne sauvait être demandée dans le cadre des procédures relevant de la compétence de la DGI.

1   Cf. Lois des 1er août 1905 et 17 juillet 1912.