SOUS-SECTION 2 ÉVALUATION DES TITRES DE PLACEMENT
B. RÉGIME FISCAL DES PLUS-VALUES OU MOINS-VALUES RÉSULTANT DE L'ESTIMATION
25Les plus-values résultant de l'estimation ne sont pas comptabilisées.
26Les moins-values qui ressortent de l'évaluation sont constatées par voie de provision. Elles doivent donc, en tant que telles, correspondre à une dépréciation réelle et se rapporter à l'exercice au cours duquel cette dépréciation a été subie. La provision pour dépréciation pratiquée est soumise au régime des moins-values à long terme, sauf lorsqu'elle se rapporte à des titres exclus du régime des plus ou moins-values à long terme détenus par des entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés (cf. n°s 8 , 63 et suiv.).
I. Constatation de la dépréciation par voie de provision
27Conformément aux dispositions de l'article 38 septies de l'annexe III au CGI, les moins-values sont inscrites au compte de provision.
Faute d'avoir constitué et déclaré une telle provision, une entreprise n'est pas fondée à se plaindre de ce que l'Administration a réintégré dans ses bénéfices imposables le montant de la dépréciation qu'elle s'était bornée à inscrire à son bilan par voie de décote directe appliquée au prix de revient des actions (CE arrêt du 26 mai 1976, req. n° 98178, RJ, n° II, p. 61).
28Il est rappelé que l'article 39-1-5° du CGI prévoit le rapport au résultat des provisions qui, en tout ou partie, reçoivent un emploi non conforme à leur destination ou deviennent sans objet au cours d'un exercice ultérieur.
En d'autres termes, comme le prévoit également le Plan comptable général 1982, les postes de provisions doivent être ajustés à la clôture de chaque exercice.
II. Existence d'une dépréciation réelle
29La provision pour dépréciation d'un titre -ou, le cas échéant, le complément de provision-constituée à la clôture d'un exercice doit correspondre à la moins-value que fait apparaître l'estimation du titre à cette date par rapport à l'évaluation de ce titre :
- au bilan précédent ;
- ou, si le titre a été acquis ou souscrit au cours de l'exercice considéré, par rapport à sa valeur d'inscription au bilan.
30Il en résulte que les provisions pour dépréciation de titres du portefeuille doivent :
- être constituées à raison de titres figurant au bilan ;
- correspondre à une dépréciation réelle de ces mêmes titres.
1. Titres inscrits au bilan.
31Les titres non inscrits au bilan ne peuvent faire l'objet de provisions pour dépréciation (en ce qui concerne les entreprises relevant de l'impôt sur le revenu et placées sous le régime simplifié d'imposition, cf. ci-avant B 122, n° 19 ).
Ainsi, dans le cas d'une entreprise de banque qui, ayant pris des participations dans un syndicat d'émission d'actions, a cédé ces participations à sa clientèle au cours de l'exercice 1928, étant entendu qu'elle serait tenue de les reprendre en cas de dépréciation, il a été jugé que la provision portée dans les écritures de l'exercice 1928 en vue de faire face à cette dépréciation alors que les participations cédées n'ont été rachetées qu'en 1929, ne pouvait être admise en déduction pour la détermination du bénéfice imposable de l'exercice 1928, car lesdites participations ne faisaient pas partie de l'actif à la date considérée (CE, arrêt du 15 mai 1939, req. n° 61572, RO, 19e vol., p. 283).
De même, il a été jugé que l'inscription par un contribuable, à l'actif de son entreprise commerciale, de 200 seulement des 300 actions qu'il a souscrites dans une société constitue une décision de gestion qui lui est opposable. Par suite, la dépréciation des 100 autres titres que l'intéressé a conservés dans son patrimoine privé doit demeurer sans incidence sur les résultats imposables de son entreprise (CE, arrêt du 15 mars 1968, req. n° 70059, RJCD, 1ère partie, p. 86).
Il convient de noter qu'il ne peut non plus être constitué une provision pour des titres qui, bien que figurant à l'actif d'une entreprise ne peuvent être considérés à la date de clôture du bilan comme lui appartenant (en ce sens, CE, arrêt du 6 mai 1959, req. n° 42276).
2. Existence d'une dépréciation réelle.
32Par ailleurs, les provisions pour dépréciation doivent correspondre à une dépréciation réelle. Par suite, notamment :
- l'évaluation de titres non cotés en dessous du prix d'achat doit être justifiée par des faits déjà survenus tels qu'une réduction du capital, la mise en liquidation de la société émettrice, etc. ;
- aucune dépréciation ne peut, en principe, être constatée pour des titres achetés à des associés pour un prix supérieur à leur valeur réelle ;
-aucune dépréciation ne peut, non plus, être constatée à raison de titres apportés à une entreprise à l'occasion d'une fusion, pour une valeur supérieure à leur valeur réelle ; cette surestimation constitue en effet ou bien une libéralité déguisée ou bien la contrepartie de la minoration d'autres apports ;
- une entreprise française, ayant une participation dans une société étrangère qui fait l'objet d'une mesure d'expropriation, n'est admise à constituer une provision pour dépréciation des titres considérés que dans la mesure où la procédure d'expropriation n'offrirait pas de garanties suffisantes et ferait naître un risque probable de dépréciation de la valeur de la participation. La survie de la société de droit local s'opposerait en tout état de cause à la dépréciation totale de la valeur des titres considérés.
33 Remarque. - En ce qui concerne les dépréciations afférentes à des titres :
- de sociétés étrangères détenus en totalité par des sociétés françaises, cf. ci-après B 3113, n° 17 ;
- de filiales fiscalement intégrées, cf. ci-après B 3113, n° 18 .
Le Conseil d'État considère également que les provisions doivent correspondre à une dépréciation effective. Il en a été jugé ainsi dans les espèces suivantes :
- une provision pour dépréciation du portefeuille-titres ne peut être pratiquée si elle apparaît comme une réserve constituée en vue de parer à des pertes purement éventuelles (CE, arrêt du 14 février 1938, req. n° 52037, RO. p. 111) ;
- une entreprise dont une partie du portefeuille-titres se trouvait bloquée par suite de circonstances de guerre ne pouvait, en admettant même que le blocage de ses titres ait pu entraîner pour elle une perte spéciale, être admise à déduire de ses bénéfices imposables une provision pour pertes sur ses valeurs mobilières, dès lors que, compte tenu des chiffres pour lesquels lesdites valeurs figuraient en comptabilité, leurs cours n'avaient subi aucune baisse durable à la date de constitution de la provision (CE, arrêt du 12 mai 1951, req. n° 92608, RO, p. 194) ;
- lorsque des titres sont entrés gratuitement dans l'actif d'une entreprise, aucune perte pour dépréciation de ces titres ne peut être déduite des bénéfices alors même qu'une certaine valeur leur aurait été attribuée au cours d'un précédent exercice en vue de compenser la dépréciation d'autres éléments du portefeuille (CE, arrêt du 9 juillet 1945, req. n° 74629, RO, p. 285) ;
- lorsque l'achat, par une société, des actions d'une autre société a constitué en fait l'acquisition d'un fonds de commerce concurrent, la perte résultant de la dépréciation ne saurait faire l'objet d'aucune provision, dès l'instant que la valeur du fonds social pris dans son ensemble n'a elle-même supporté aucune dépréciation (CE, arrêt du 19 juillet 1937, req. n° 45301).
34En revanche, dans le cas d'une entreprise française détenant en portefeuille des actions d'une société industrielle sarroise, il a été jugé que la dépréciation subie par ces actions en raison d'événements de politique extérieure justifiait la constitution d'une provision d'égale somme à la clôture de l'exercice au cours duquel la dépréciation était survenue (CE, arrêt du 22 mai 1939, req. n°s 54449, 62611, et 65027, RO, p. 304).
De même le Conseil d'État a estimé que la constatation d'une dépréciation de titres par voie de provision ne pouvait être mise en échec par la circonstance que la dépréciation serait imputable à des attributions faites antérieurement par la société émettrice et que l'entreprise bénéficiaire a régulièrement comptabilisées selon leur nature et à leur date (CE, arrêt du 10 juillet 1974, req. n° 89333).
III. Exercice de constatation de la provision
35La dépréciation éventuelle des titres en portefeuille doit être constatée par voie de provision - exercice par exercice - c'est-à-dire à la clôture de l'exercice au cours duquel a eu lieu la dépréciation (cf. aussi n°s 39 et suiv. ci-après).
36À cet égard, il est précisé que l'annulation, par une société, d'une partie de ses actions consécutive à une réduction du capital réalisée pour compenser les pertes antérieures n'a pour effet, au regard des membres, que de tirer les conséquences d'une dépréciation de fait déjà intervenue. Dès lors, les sociétés détentrices des titres annulés n'ont pu constater cette dépréciation qu'à la clôture de chaque exercice par voie de provision et non par la comptabilisation d'une perte correspondant aux titres annulés.
Compensation des plus-values et moins-values résultant, en fin d'exercice, de l'estimation - des titres en portefeuille.
37En cas de baisse anormale de certains titres cotés apparaissant comme momentanée, l'entreprise a, sous sa responsabilité, la faculté de ne pas comprendre dans la provision tout ou partie de la moins-value constatée sur ces titres, mais seulement dans la mesure où il peut être établi une compensation avec les plus-values normales constatées sur d'autres titres cotés ou non (CGI, ann. III, art. 38 septies , dernier alinéa).
38Cette compensation, qui est opérée sous la responsabilité des dirigeants de l'entreprise, ne peut intervenir qu'en cas de baisse des cours de Bourse anormale et momentanée.
39La question se pose de savoir si une entreprise qui, à la clôture d'un exercice, a utilisé cette possibilité de ne pas constater la dépréciation de certains titres en raison de l'existence de plus-values latentes sur d'autres titres, peut être admise à procéder à cette constatation à la clôture d'un exercice postérieur.
40Conformément à la règle de la spécificité des exercices, les provisions pour dépréciation ne sont admises en déduction du bénéfice imposable qu'au titre de l'exercice au cours duquel l'événement rendant la perte probable est intervenu. En ce qui concerne les titres du portefeuille dont la valeur s'abaisse au-dessous de la valeur d'origine, cet exercice est celui à la clôture duquel l'estimation fait apparaître une moins-value au sens de l'article 38 septies précité.
Par la suite, lorsque l'entreprise s'abstient de constater cette dépréciation en raison de l'existence de plus-values latentes sur d'autres titres, elle se prive normalement à due concurrence de la faculté de constater ultérieurement une provision susceptible de faire face à la dépréciation ainsi compensée.
41Toutefois, en raison de la situation défavorable de la Bourse en 1971, 1973 et 1974, il a été admis que le principe de la spécificité des exercices ne serait pas opposé aux entreprises qui se sont abstenues de constater la dépréciation de titres de leur portefeuille à la clôture des exercices 1971, 1973 et 1974 1 et auront reporté la constatation de la dépréciation afférente à ces exercices sur les résultats respectifs des exercices 1972, 1974 et 1975 1 .
42L'exercice de cette faculté a été subordonné à ce que la compensation ait été régulièrement pratiquée, c'est-à-dire que d'une part, les baisses n'aient pu être qualifiées de normales et soient apparues comme momentanées et que, d'autre part, elles aient été comparées à des plus-values réelles susceptibles d'être justifiées.
IV. Régime fiscal des provisions pour dépréciation du portefeuille-titres
43Conformément aux dispositions de l'article 39-1 -5°, 11e alinéa, du CGI, les provisions pour dépréciation du portefeuille sont soumises au régime des moins-values à long terme. Elles ne sont donc pas à comprendre parmi les charges d'exploitation déductibles pour la détermination du résultat fiscal.
À cet égard, le Conseil d'État a eu à se prononcer sur l'affaire suivante.
Plusieurs banques avaient formé un « groupement », dépourvu de personnalité juridique, en vue de régulariser les cours en Bourse de titres de certaines sociétés pendant la période précédant leur fusion.
Conformément aux obligations résultant de sa participation à ce « groupement », l'une des banques a été amenée à acheter pour son propre compte des actions qu'elle a distinguées dans sa comptabilité des autres titres de mêmes sociétés déjà détenus par elle et elle a déduit directement de ses résultats d'exploitation une provision correspondant à la dépréciation des actions ainsi acquises dans le cadre du « groupement ».
La Haute Assemblée a jugé que la règle posée à l'article 39-1-5° du CGI qui soumet les provisions pour dépréciation du portefeuille-titres au régime fiscal des moins-values à long terme (et par suite n'admet pas que de telles provisions viennent en déduction des bénéfices) ne souffre aucune exception et doit être observée même lorsque, comme en l'espèce, les valeurs mobilières n'ont pas été acquises par l'entreprise pour être placées durablement en portefeuille en tant que titres de placement ou de participation (CE, arrêt du 6 juillet 1977, rec. n° 2107).
44A contrario, les provisions devenant en tout ou en partie sans objet sont soumises au régime des plus-values à long terme (y compris les provisions devenant sans objet au cours des exercices ouverts à compter du 1er septembre 1965, alors même qu'elles ont été comprises avant cette date parmi les charges déductibles).
45L'imposition est établie au titre de l'exercice au cours duquel la provision est devenue sans objet. Si cet exercice est atteint par la prescription, l'imposition doit être rattachée aux résultats du plus ancien des exercices soumis à vérification (CGI, art. 39-1 5° )
Règles spécifiques aux entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés.
a. Exercices clos à compter du 1er octobre 1991.
46Les 3e et 4e alinéas du a bis du I de l'article 219 du code général des impôts prévoient que le régime des plus-values et moins-values à long terme cesse de s'appliquer, en matière d'impôt sur les sociétés, au résultat des cessions de titres du portefeuille réalisées à compter du 1er juillet 1991, dans un exercice clos à compter du 1er octobre 1991, à l'exclusion de certains titres énumérés limitativement (cf. ci avant B 2243 n° 20 ).
Corrélativement le 5e alinéa du même a bis prévoit que les provisions pour dépréciation des titres en cause cessent d'être soumises au régime des plus ou moins-values à long terme.
Les dotations aux provisions en cause sont évaluées conformément aux dispositions de l'article 38 septies de l'annexe III au code général des impôts et déduites du résultat imposable dans les conditions de droit commun.
La reprise de telles provisions constitue un produit imposable dans les conditions et au taux de droit commun. Pour plus de précisions, s'agissant notamment des provisions pour dépréciation existant à l'ouverture du 1er exercice clos à compter du 1er octobre 1991, voir B 2243 n°s 28 et suiv.
47En application de l'article 39-1 , 5° du code général des impôts, la provision qui résulte de l'estimation du portefeuille est soumise au régime fiscal des moins-values à long terme : si elle devient ultérieurement sans objet, elle est comprise dans les plus-values à long terme de l'exercice. Ces dispositions restent applicables pour les titres dont le résultat de la cession est susceptible d'être soumis au régime des plus-values à long terme relevant du taux de 18 % (cf. B 2243 n° 9 ).
Les provisions pour dépréciation existant à l'ouverture du premier exercice clos à compter du 1er octobre 1991 ou constatées ultérieurement qui se rapportent aux titres relevant du taux de 18 % sont soumises au régime des plus-values à long terme imposables au taux de 18 %, lorsqu'elles sont réintégrées dans le résultat (CGI, art. 219-I-a bis, 2e alinéa),
1 Toutefois, cette mesure a été limitée en ce qui concerne l'exercice 1974, aux titres de placement (cf ci-après B 3113, n° 21 dernier alinéa).