SECTION 2 BIENS FAISANT PARTIE DE L'ACTIF IMMOBILISÉ (CRITÈRE DE L'INSCRIPTION AU BILAN)
SECTION 2
Biens faisant partie de l'actif immobilisé
(critère de l'inscription au bilan)
1Les sociétés de capitaux ou de personnes n'ont de biens que ceux qui leur sont apportés par les associés et ceux qu'elles acquièrent ou créent et conservent dans leur patrimoine : ce dernier constitue l'actif social qui ne peut en aucun cas être confondu avec le patrimoine privé de chacun des associés.
2En revanche, un exploitant individuel peut laisser dans son patrimoine personnel et ne pas inscrire à son bilan certains biens affectés aux besoins de son exploitation.
3Ce choix a des incidences au niveau de la taxation des plus-values professionnelles puisque seuls relèvent, en principe, du régime des plus-values et des moins-values les biens, cédés par une entreprise, qui figuraient jusqu'alors dans l'actif immobilisé de celle-ci (sur la notion d'actif immobilisé, cf. ci-avant DB 4 B 121 ).
4Il convient à cet égard de faire une distinction entre :
- les éléments qui font partie dans tous les cas de l'actif de l'entreprise en raison de leur nature et de leur destination même s'ils n'ont pas été inscrits à l'actif du bilan (par exemple, éléments incorporels du fonds de commerce) ;
- et les éléments (tels que les immeubles, les titres en portefeuille) que l'exploitant peut choisir de gérer dans le cadre, soit de ses activités commerciales, soit de son patrimoine privé ; ce choix résulte de l'inscription ou de la non-inscription au bilan desdits éléments.
Brevets, licences, marques, procédés techniques, modèles, dessins, concessions.
5Ces droits font obligatoirement partie de l'actif commercial :
- lorsqu'ils ont été créés dans le cadre des activités de l'entreprise ;
- lorsque leur exploitation est l'objet même de l'entreprise.
6En dehors de ces hypothèses, l'exploitant est en droit de gérer dans le cadre de son patrimoine personnel des brevets et autres droits de propriété industrielle dont il est propriétaire.
A. BIENS FAISANT NÉCESSAIREMENT PARTIE DE L'ACTIF IMMOBILISÉ
7Il s'agit essentiellement des éléments incorporels du fonds de commerce.
8Le fonds de commerce est constitué par la clientèle, l'achalandage, le droit au bail, auxquels peuvent s'ajouter le nom commercial et l'enseigne.
9La clientèle et l'achalandage correspondent au potentiel de bénéfices constitué par l'existence d'une clientèle déterminée, ou résultant de l'emplacement de l'entreprise.
10Le droit au bail représente le droit, procédant aussi bien des conventions que de la législation sur la propriété commerciale, qui confère au locataire commerçant l'assurance que l'implantation de son fonds dans les lieux où il l'exploite ne subira pas de modifications de la part du bailleur ou que celui-ci ne pourra le modifier que moyennant réparation du préjudice correspondant.
La valeur du droit au bail correspond au montant versé ou dû par l'acheteur en considération du transfert, à son bénéfice, des droits résultant tant des conventions que de la législation sur la propriété commerciale. 1
Le fonds de commerce qui, à l'évidence ne peut être utilisé à d'autres fins que l'exercice d'une profession constitue une immobilisation affectée par nature à l'exploitation. Telle est la raison pour laquelle les fonds de commerce ont été considérés, selon une jurisprudence constante, comme faisant partie par nature de l'outil professionnel.
11Ainsi, le Conseil d'État a jugé que le fonds de commerce, qu'il soit ou non inscrit au bilan de l'entreprise, doit être regardé comme faisant partie de l'actif immobilisé (CE, arrêt du 10 juin 1970, req. n° 75161, RJ, n° II, p. 152) 2 .
Clause d'exclusivité.
12Une situation d'exclusivité, qu'elle soit contractuelle ou de fait, ne confère à l'entreprise qui en bénéficie un droit susceptible d'être considéré comme un élément incorporel de son actif immobilisé que si, notamment, elle est susceptible de se poursuivre normalement pendant une assez longue période (cf. ci-après DB 4 B 123 n° 33 ).
13 Cas particulier. - Contingent de mouture d'un moulin à blé.
Le contingent de mouture attribué à chaque moulin à blé, en application du décret-loi du 30 octobre 1935, doit être regardé comme constituant un élément incorporel du fonds de meunerie. La plus-value provenant de la cession définitive de ce contingent à la caisse professionnelle de l'industrie meunière doit, par suite, être soumise en tant que plus-value sur fonds de commerce à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ou à l'impôt sur les sociétés.
Lorsque le fonds de meunerie a été créé par le cédant, la plus-value imposable doit être considérée comme égale au prix net de cession du contingent de mouture.
Il convient de noter, à cet égard, que le prix de rachat d'un contingent de mouture par les organismes professionnels de l'industrie meunière ne comprend, selon la législation et la réglementation en vigueur, que la valeur du droit de mouture attribué au moulin à l'exclusion de toute autre valeur ou indemnisation ; un exploitant de moulin n'est donc pas fondé à prétendre qu'une partie du prix de cession de son contingent de mouture constituerait une indemnité destinée à compenser la dépréciation des éléments matériels du fonds devenus inutilisables pour la meunerie (CE, arrêt du 21 juin 1968, req. n° 73428, RJCD, 1ère partie, p. 206).
B. BIENS QUI PEUVENT FAIRE PARTIE DE L'ACTIF OU EN DEMEURER EXCLUS
1. Immeubles.
14Il avait été considéré, dans un premier temps, que, même s'ils ne figuraient pas au bilan de l'entreprise, les immeubles appartenant à un industriel, commerçant ou artisan et qui étaient affectés à son exploitation faisaient partie de l'actif au sens de l'article 38 du CGI.
15Mais le Conseil d'État avait infirmé cette doctrine dans un arrêt en date du 13 juillet 1955 (req. n° 17908, RO, p. 378). Selon cette jurisprudence, il y avait lieu de ne considérer comme faisant partie de l'actif de l'entreprise les immeubles appartenant à l'exploitant et non inscrits au bilan que si ces mêmes immeubles pouvaient être regardés comme « affectés par nature » à l'exploitation de ladite entreprise.
16Conformément au principe ainsi posé par la Haute Assemblée, l'Administration avait estimé que lorsqu'il en était ainsi, il y avait lieu :
- d'une part, de comprendre dans les charges d'exploitation déductibles les frais d'entretien et de réparations et l'amortissement de l'immeuble « affecté par nature » à l'exploitation de l'entreprise ;
- d'autre part, lorsque ledit immeuble venait à être cédé ou cessait d'être affecté à l'exploitation, d'imposer la plus-value dégagée par cette opération.
Le Conseil d'État avait confirmé dans un certain nombre d'arrêts ultérieurs la jurisprudence résultant de sa décision du 13 juillet 1955 (CE, arrêt du 5 juin 1964, req. n° 61339, RO, p. 111 et 9 novembre 1966, req. n° 65651, RO, p. 264).
17 Mais le Conseil d'État a entièrement modifié sa position sur ce problème dans un arrêt rendu par les trois sous-sections fiscales, le 24 mai 1967 (req. n° 65436, RJCD, 1ère partie, p. 141).
Dans cette espèce, qui concernait le point de savoir si la plus-value de cession d'un immeuble affecté par le propriétaire à son exploitation mais non inscrit au bilan de l'entreprise, devait être pris en compte pour la détermination du bénéfice commercial imposable, la Haute Assemblée, abandonnant la notion d'affectation par nature, a posé en principe qu'en ne faisant pas figurer dans sa comptabilité commerciale un immeuble - qu'il a affecté à son exploitation l'exploitant doit être regardé comme ayant pris, à cet égard, une décision de gestion que l'Administration ne peut pas remettre en cause dès lors qu'elle n'est contraire à aucune disposition législative ou réglementaire.
Depuis ce revirement de jurisprudence, il convient de retenir uniquement le critère de l'inscription au bilan pour déterminer si un immeuble fait ou non partie de l'actif immobilisé. Le choix fait au regard de cette inscription constitue, pour le chef d'entreprise, une décision de gestion qui lui est, des lors, opposable.
2. Titres en portefeuille.
18Les plus-values (ou moins-values) réalisées (ou subies) par un exploitant lors de la cession de titres faisant partie de son patrimoine privé et non inscrits à l'actif du bilan de son entreprise restent sans influence sur la détermination du bénéfice imposable de ladite entreprise.
Il en va différemment si les titres cédés figurent au bilan de l'entreprise.
À cet égard, le Conseil d'État a jugé que l'inscription par un contribuable, à l'actif du bilan de son entreprise, de parts d'une société à responsabilité limitée acquises par lui dans l'intérêt de son commerce constitue, non une erreur matérielle mais la traduction comptable d'une décision que l'intéressé a été amené à prendre pour la gestion de son entreprise. Ces parts doivent, par suite, être regardées comme faisant partie de son patrimoine commercial et la plus-value ultérieurement réalisée à l'occasion de leur cession doit être retenue dans le bénéfice imposable du contribuable (CE, arrêt du 14 juin 1967, req. n° 66306, RJCD, 1ère partie, p. 156).
De même, la Haute Assemblée a considéré qu'un contribuable, en faisant figurer des actions dans son patrimoine privé et non dans son patrimoine commercial, avait pris une décision de gestion qui lui était opposable (CE, arrêt du 15 mars 1968, req. n° 70059, RJCD, 1ère partie, p. 86).
Voir également l'arrêt du 5 décembre 1973 commenté ci-après DB 4 B 123, n° 47 .
3. Entreprises relevant de l'impôt sur le revenu et soumises au régime simplifié d'imposition.
19Sont considérés comme faisant partie de l'actif immobilisé, les immeubles bâtis et non bâtis, affectés ou non à l'exploitation, inscrits à l'actif du bilan simplifié (imprimé n° 2033-A).
Pour les entreprises dispensées de bilan en vertu de l'article 302 septies A bis-VI du CGI, la volonté de l'exploitant de comprendre un élément dans l'actif de son entreprise est matérialisée par l'inscription du bien concerné sur l'imprimé n° 2033-C. Cette inscription constitue une décision de gestion opposable à l'administration et au contribuable.
4. Entreprises soumises au régime forfaitaire d'imposition 3 .
20Dès lors qu'une entreprise individuelle imposée selon le régime du forfait n'est pas tenue d'établir un bilan (cf. DB 4 G 32 ), les immeubles bâtis et non bâtis appartenant au contribuable en cause étaient traditionnellement considérés, quelle que soit leur utilisation, comme faisant partie du patrimoine privé de l'exploitant.
Dans deux réponses ministérielles publiées en 1979 (réponse n° 30284, JO, débats Sénat du 24 août 1979, p. 2707, et réponse n° 27290, JO, débats Sénat du 20 novembre 1979, p. 4100), l'Administration a indiqué que les éléments mentionnés comme affectés à l'exercice de la profession dans la déclaration que les forfaitaires sont tenus de souscrire chaque annee devaient être réputés, jusqu'à preuve du contraire, constituer des instruments permanents d'exploitation.
En réponse à une question écrite posée par M. Fosset, sénateur (JO du 22 juillet 1982, débats Sénat, p. 3750, n° 265), l'Administration a précisé la doctrine ébauchée en 1979, aux termes de laquelle peuvent désormais être considérées comme professionnelles les plus-values réalisées sur toutes les immobilisations, y compris les immeubles bâtis et non bâtis, mentionnées comme affectées à l'exercice de la profession sur la déclaration n° 951 M.
La mise en oeuvre de cette doctrine conduit à inciter les contribuables soumis au régime du forfait (jusqu'en 1998) à porter dans le cadre prévu à cet effet sur la déclaration n° 951 M la liste détaillée des immobilisations qu'ils utilisent dans l'exercice de leur activité professionnelle, cette mention permettant, en cas de cession des immobilisations en cause ou de cessation de l'entreprise, de constater la réalisation des plus-values professionnelles et d'en assurer l'imposition lorsqu'elles ne sont pas placées sous le régime d'exonération prévu à l'article 151 septies du CGI.
Cette doctrine, qui fait référence à la notion d'affectation à l'actif professionnel, appelle les précisions ci-après n°s 24 et suiv.
21L'inscription du bien sur la déclaration annuelle n° 951 M ne constitue qu'une présomption. Le critère primordial de la réalité de l'affectation à l'actif professionnel est l'usage dont le bien en cause est susceptible de faire l'objet.
a. Inscription des immobilisations dans le cadre prévu à cet effet sur la déclaration n° 951M.
Il peut s'agir :
22- d'immobilisations amortissables (relèvent de cette catégorie les biens de toute nature utilisés d'une manière durable comme instruments de travail et qui, par nature, se déprécient par le fait du temps ou de l'usage).
Il en est ainsi des immeubles bâtis utilisés dans le cadre de la profession, des machines et outillages d'une valeur unitaire supérieure à 2 500 F hors taxe 4 , du matériel de transport, du mobilier, des agencements et installations de locaux professionnels ou commerciaux.
23 - d'immobilisations non amortissables (notamment terrains et fonds de commerce).
1 En ce qui concerne le régime fiscal des dépenses exposées pour l'acquisition d'un droit au bail (cf. DB 4 C 2111, n°s 1 et 19 ).
2 En ce qui concerne la situation des contribuables forfaitaires (cf. ci-après n°s 20 et suiv. ).
3 L'article 7 de la loi de finances pour 1999 a supprimé le régime du forfait et relevé corrélativement les limites d'application du régime des micro-entreprises pour la détermination des résultats des années 1999 et suivantes.
4 Cette nouvelle limite s'applique aux biens acquis au cours des exercices ouverts à compter du 1er janvier 1988. Pour les exercices antérieurs, la limite était de 1 500 F hors taxe.