SOUS-SECTION 1 LIVRAISONS À SOI-MÊME DE BIENS ET SERVICES
4. Cessation de l'activité imposable.
13Le fait pour un commerçant qui cesse son activité de conserver son stock pour son usage constitue une opération de livraison à soi-même imposable, sauf si cette opération peut s'inscrire dans le cadre des dispositions prévues au n° 11 ci-dessus relatives aux prélèvements effectués pour les besoins privés normaux du chef d'une entreprise individuelle (CGI, art. 257-8°-1-d ).
Il est précisé que cette imposition ne concerne pas les biens immeubles qui demeurent passibles des régularisations prévues à l'article 210 de l'annexe II au CGI.
5. Taxation des livraisons à soi-même d'immobilisations affectées à des besoins autres que ceux de l'entreprise.
14Jusqu'au 31 décembre 1989, il était admis que les prélèvements, utilisations ou affectations à des fins étrangères à l'entreprise de biens précédemment utilisés en tant qu'immobilisations ne donnaient jamais lieu à imposition de la livraison à soi-même.
Depuis le 1er janvier 1990, afin d'adapter le droit interne au droit communautaire, la taxation des livraisons à soi-même prévue à l'article 257-8°-1-a du CGI devient désormais exigible pour les prélèvements, utilisations, affectations de biens mobiliers d'investissement à des besoins autres que ceux de l'entreprise, lorsque ces biens ont ouvert droit à déduction.
Les situations concernées font l'objet de développements ci-après, cf. DB 3 A 124, n°s 45 et suivants.
C. PRESTATIONS DE SERVICES À SOI-MÊME
15À compter du 13 mai 1989, date d'entrée en vigueur des dispositions du décret n° 89-301 du 11 mai 1989, qui fait suite à l'arrêt du Conseil d'État du 3 février 1989, n° 74-059, compagnie Alitalia, les prestations de services à soi-même sont imposables à la TVA lorsque ces prestations sont faites pour des besoins autres que ceux de l'entreprise.
Sont considérés comme recouvrant des besoins autres que ceux de l'entreprise :
- les services qui bénéficient en fait personnellement au chef d'entreprise, à ses dirigeants, à des membres du personnel ;
- les services relatifs à des biens meubles ou immeubles non affectés à l'exploitation ;
- les services constituant des libéralités ou des dépenses d'agrément dont le rapport avec l'objet de l'entreprise ne serait pas établi.
I. L'utilisation d'un bien, affecté à l'entreprise, pour les besoins privés de l'assujetti ou pour ceux de son personnel ou à des fins étrangères à son entreprise (CGI, art. 257-8°-2-a ).
1. Principes.
16 Il y a prestation de services à soi-même imposable lors de l'utilisation d'un bien affecté à l'entreprise pour les besoins privés de l'assujetti ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise, lorsque ce bien a ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la TVA (CGI, art. 257-8°-2-a ).
La TVA afférente aux biens ou éléments utilisés pour rendre les services doit donc être partiellement ou totalement déductible lors de leur acquisition.
La TVA afférente aux biens et services est admise en déduction si ces dépenses sont exposées dans l'intérêt de l'exploitation (CGI, ann. II, article 230) et ne font pas l'objet d'une exclusion spécifique (CGI, ann. II, articles 236 et suivants).
La taxation des prestations de services à soi-même n'est donc pas exigée lorsque la taxe grevant les biens et services nécessaires à la réalisation de la prestation ne pouvait pas faire l'objet d'une déduction. Il en est ainsi :
- lorsqu'un bien ou service est affecté dès son acquisition à des besoins autres que ceux de l'entreprise (ex. : dépenses de traiteur prises en charge par une entreprise pour les besoins d'un repas privé du chef d'entreprise) ou à une utilisation exclue du droit à déduction (ex. : dépenses de location d'un véhicule de tourisme) ;
- lorsque les biens et services utilisés pour rendre les services à soi-même sont tous exclus du droit à déduction. Ainsi dès lors que la taxe afférente à un véhicule de tourisme de société est exclue du droit à déduction, le service à soi-même correspondant à l'utilisation privative du bien n'est pas imposable à la TVA 1 . De même la livraison à soi-même ne s'applique pas aux repas servis gratuitement par les entreprises à leur personnel dès lors que les produits et denrées sont exclus du droit à déduction lors de leur achat (cf. n° 10 ) ;
- lorsqu'un assujetti réalise des opérations n'ouvrant pas droit à déduction de la taxe ;
- lorsque la prestation à soi-même est effectuée par un assujetti exonéré ou dans le cadre d'une activité non imposable constituant un secteur distinct des autres activités d'un assujetti, au sens des dispositions de l'article 213 de l'annexe II au CGI.
17Lorsqu'un bien qui a ouvert droit à déduction totale ou partielle de la TVA, est ensuite utilisé pour les besoins privés de l'assujetti, de son personnel ou pour des usages étrangers à l'entreprise, il n'y a pas lieu de procéder à la régularisation de la taxe déduite. Mais en revanche, l'article 257-8°-2-a du CGI exige que l'assujetti soumette à la TVA la prestation de service à soi-même qui résulte de cette utilisation.
Exemple :
L'utilisation d'un ordinateur pour les besoins privés d'un membre du personnel doit donner lieu à une imposition de la prestation à soi-même calculée sur le prix de revient du service rendu au bénéficiaire.
Remarque :
18L'utilisation s'entend de la disposition du bien pour effectuer une prestation sans qu'il y ait changement d'affectation du bien, auquel cas il y aurait imposition de la livraison à soi-même fondée sur l'article 257-8°-1-a du CGI ;
2. Les modalités d'imposition.
a. Base d'imposition.
19L'article 266-1-c du CGI prévoit que la base d'imposition des prestations de services à soi-même est constituée par les dépenses engagées pour leur exécution, c'est-à-dire en pratique le prix de revient du service.
La base d'imposition de la prestation de services à soi-même au titre de l'utilisation de biens pour des usages étrangers à ceux de l'entreprise correspond donc à la valeur hors taxe des biens autres que les immobilisations et des services nécessités pour la réalisation de la prestation , et qui ont ouvert droit à déduction totale ou partielle au titre de la taxe acquittée en amont (cf. en ce sens arrêt de la CJCE du 25 mai 1993, aff. X... , C 193/91)
De même, en cas d'utilisation d'un bien immobilisé pour la réalisation de la prestation de services à soi-même, il est tenu compte dans la base d'imposition de l'amortissement linéaire correspondant à la durée d'utilisation du bien.
Exemple :
20Dans l'exemple ci-dessus (cf. n° 17 ), la base d'imposition de la prestation à soi-même comprend l'amortissement de l'ordinateur et les frais afférents à son utilisation s'ils ont donné lieu à déduction de la taxe.
- lorsqu'un bien affecté à la location est également utilisé à des fins privées, la base d'imposition de la prestation de services à soi-même est calculée en fonction de la durée effective d'utilisation privative des biens.
Enfin, lorsqu'un bien destiné à la location est également utilisé à des fins privées, la base d'imposition de la prestation de services à soi-même est calculée en fonction de la durée effective d'utilisation privée des biens. Ainsi, pour un bateau de plaisance loué deux mois et utilisé à titre privé pendant un mois, la base d'imposition comprendra l'ensemble des dépenses qui ont concouru à la réalisation de la prestation de services à soi-même ; toutefois, les dépenses engagées à la fois pour les besoins de l'activité de l'entreprise et pour l'utilisation privative seront retenues à hauteur du tiers de leur montant (exemples : amortissement, assurance, droit d'amarrage, dépenses d'entretien et de réparations ...).
b. Taux.
21Les prestations de services à soi-même sont passibles du taux qui leur est propre. D'une manière générale, le taux applicable est le taux normal.
c. Date d'exigibilité.
22L'article 5 du décret n° 89-301 du 11 mai 1989 fixe la date d'exigibilité de la TVA des livraisons à soi-même de services à la date de l'exécution du service. Elle intervient donc au fur et à mesure de la réalisation des prestations et doit être mentionnée sur les déclarations de chiffre d'affaires du redevable en fonction du régime déclaratif qui lui est applicable.
d. Déduction.
23La taxe résultant de l'imposition de la livraison à soi-même du service n'est jamais déductible. En effet, les prestations de services à soi-même ne sont taxables que si les services sont rendus pour des besoins autres que ceux de l'entreprise et notamment pour les besoins privés de ses dirigeants, de son personnel ou de tiers.
En revanche la taxe supportée en amont est toujours déductible puisque la déduction de la taxe est une des conditions de la taxation 2 .
II. L'imposition des prestations de services effectuées à titre gratuit par l'assujetti pour ses besoins privés, ou pour ceux de son personnel, ou pour des fins étrangères à son entreprise (CGI, art. 257-8°-2-b ).
24Les prestations de services rendues à titre gratuit pour des fins privatives ou plus généralement pour des fins étrangères à l'entreprise sont expressément imposables à la TVA selon les mêmes modalités que celles qui sont décrites ci-dessus n°s 16 à 23 .
Exemple :
Prestations de conseil rendues gratuitement par un cabinet d'avocats à son dirigeant.
Remarque :
25L'article 17 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 1993 n'a pas repris la disposition du 3 du 6 de la 6e directive TVA modifiée du 17 mai 1977.
Il en résulte qu'en aucun cas l'utilisation d'un bien pour les besoins de l'entreprise au titre d'opérations situées hors du champ d'application de la TVA n'est susceptible de donner lieu à l'imposition d'une prestation de services à soi-même.
D. LIVRAISON À SOI-MÊME DE BIENS AFFECTÉS AUX BESOINS DE L'ENTREPRISE
(CGI, art. 257-8°-1-b )
I. Définition des besoins de l'entreprise
26Sont considérés comme affectés aux besoins de l'entreprise tous les biens destinés à être utilisés en vue de la réalisation de livraisons de biens ou de prestations de services à titre onéreux. Il s'agit des biens compris dans les stocks ou constituant des immobilisations et non affectés en fait à des besoins tels que ceux définis ci-dessus n° 7 .
II. Cas d'imposition
27Il résulte de l'article 257-8°-1-b du CGI et 174 de l'annexe II à ce code que seules sont imposables les livraisons à soi-même de biens affectés aux besoins de l'entreprise et susceptibles de faire l'objet d'une exclusion, d'une limitation ou d'une régularisation du droit à déduction en vertu des articles 210 et suivants de l'annexe II au CGI.
À cet égard, il y a lieu de distinguer les immobilisations et les autres biens.
1. Biens constituant des immobilisations.
28Les biens constituant des immobilisations 3 sont susceptibles de donner lieu à régularisation des droits à déduction en application des articles 210 à 215 de l'annexe II au CGI, et l'imposition de la livraison à soi-même de tels biens est systématiquement exigée, même si, lors de la livraison, la taxe due sur celle-ci est immédiatement et intégralement déductible.
Dans la mesure où les immobilisations en cause peuvent atteindre des valeurs élevées, il y a lieu d'attacher une importance particulière à ce cas d'imposition, étant rappelé qu'il ne concerne pas les immobilisations acquises et utilisées en l'état.
Les livraisons à soi-même d'immeubles bâtis sont imposables en vertu de l'article 257-7° du CGI, ce qui les exclut de l'imposition prévue à l'article 257-8°. Dès lors, en matière immobilière, sont notamment passibles de cette dernière imposition les travaux d'améliorations (par exemple installation d'un chauffage central ou d'un ascenseur), de transformations ou d'aménagements. Cependant, l'imposition n'est pas exigée pour les réparations « locatives » et les agencements commerciaux.
De même il n'y a pas lieu d'exiger d'un marchand de biens l'imposition de la livraison à soi-même des travaux de remise en état ou d'amélioration 4 réalisés sur un immeuble dont la revente entraînera pour cet intermédiaire l'exigibilité de la taxe sur la marge réalisée.
Au moment de la revente de l'immeuble :
- le coût des impenses ne doit pas être ajouté au prix d'acquisition de l'immeuble pour déterminer la base d'imposition du marchand de biens ;
- la TVA comprise dans le coût des travaux ouvre droit à déduction.
Les conditions dans lesquelles, en cas de vérification de comptabilité, doit être régularisée la situation d'un assujetti qui a omis de soumettre à l'imposition la livraison à soi-même d'immobilisations se définissent comme suit 5 :
- jusqu'au 30 juin 1998, dans l'hypothèse où la taxe due à raison de la livraison à soi-même était immédiatement et intégralement déductible et non susceptible de régularisation ou d'exclusion durant la période non prescrite, il n'y avait pas matière à action en reprise, l'omission étant sanctionnée uniquement par l'amende prévue à l'article 1726 du CGI.
Á compter du 1er juillet 1998, cette mesure de tolérance administrative est rapportée. Le défaut de déclaration par un redevable d'une opération de livraison à soi-même d'immobilisation ouvrant intégralement droit à déduction donne désormais lieu, dans tous les cas, à une action en reprise de l'administration. Toutefois, la taxe déductible afférente à l'opération non déclarée peut être imputée, à l'initiative de l'administration, sur la taxe rappelée, dans le cadre de la procédure de redressement. Par ailleurs, le défaut de déclaration, par un redevable, d'une opération de livraison à soi-même est sanctionné par l'application de l'amende de 5 % prévue à l'article 1788 septies du CGI.
- dans les autres hypothèses, notamment s'il s'agit d'une entreprise qui ne réalise pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction ou de biens qui, durant la période non prescrite, devaient donner lieu à des régularisations prévues aux articles 210 ou 215 de l'annexe II au CGI, il convient de procéder au rappel des droits effectivement éludés.
Ces droits sont, selon le cas, assortis des pénalités applicables aux infractions constatées.
En outre, pour le calcul de la régularisation due au titre des biens qui, durant la période vérifiée, devaient donner lieu à une régularisation, le service est fondé à tenir compte des droits à déduction qui ont été exercés ou auraient dû l'être au titre de l'imposition de la livraison à soi-même, même si celle-ci se situe dans la période prescrite.
29Toutefois, les immeubles grevés de TVA peuvent être concernés par ce cas de livraison à soi-même imposable sur le fondement de l'article 257-8° du CGI, lorsqu'ils sont affectés en définitive à une activité imposée à la TVA (ex : exercice de l'option pour le paiement de la TVA sur les loyers de l'article 260-2° du CGI) après avoir été utilisés pour une activité exonérée de la TVA. La base d'imposition de la livraison à soi-même dans cette situation est constituée par le prix de revient de l'immeuble non compris le coût du terrain. Pour les immeubles concernés, la taxation de la livraison à soi-même n'est exigée qu'à l'intérieur du délai de vingt ans (dix ans jusqu'au 31 décembre 1995 : décret 95-1328 du 28 décembre 1995) défini à l'article 210 de l'annexe II au CGI.
30Enfin, les immobilisations qui changent d'affectation du fait du transfert d'un secteur d'activité distinct à un autre secteur d'activité distinct demeurent soumises aux régularisations de l'article 210 de l'annexe II au CGI (voir toutefois le cas de taxation de la livraison d'un bien mobilier d'investissement à un secteur d'activité exonéré n'ouvrant pas droit à déduction ci-après n° 43 ).
31 Cas particulier des immobilisations exclues du droit à déduction en application de l'article 230 de l'annexe II au CGI (cf. DB 3 D 1512 ).
1 Il est admis de ne pas soumettre à la TVA la valeur de l'utilisation privée d'un véhicule qu'un exploitant de taxi affecte à des déplacements personnels pendant ses jours de repos.
2 Les assujettis partiels qui réalisent des livraisons à soi-même de services imposables peuvent déduire entièrement la TVA afférente aux éléments autres qu'immobilisations qui ont concouru à la réalisation du service.
3 Les immobilisations acquises et utilisées en l'état ne donnent pas lieu à l'imposition de la livraison à soi- même lors de leur acquisition. La taxe afférente à ces immobilisations est déductible selon les règles de droit commun.
4 Lorsque les travaux d'amélioration s'analysent en une reconstruction, il y a production d'un immeuble neuf entrant dans le champ d'application de la TVA immobilière.
5 Réponse ministérielle du 31 mars 1980 (n° 20907 à M. Gérard Longuet, député, JO, débats AN, n° 13 du 31 mars 1980, p. 1306-1307).