SOUS-SECTION 2 CAS DES BIENS ET SERVICES NON AFFECTÉS EXCLUSIVEMENT À L'EXPLOITATION
SOUS-SECTION 2
Cas des biens et services non affectés exclusivement à l'exploitation
1Dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 3 du décret n° 89-885 du 14 décembre 1989, l'article 230-1 de l'annexe II au CGI s'opposait à la déduction de la TVA afférente à des dépenses utilisées en partie pour des opérations taxables.
La condition d'affectation exclusive aux besoins de l'exploitation a été suprimée par le décret susvisé.
2Toutefois, et avant l'entrée en vigueur.de ce texte, le principe d'exclusion du droit à déduction faisait l'objet d'assouplissements ou admettait certaines dérogations. Ainsi, lorsqu'il était possible, selon des critères physiques, de déterminer la part selon laquelle un bien ou un service était affecté respectivement aux besoins de l'entreprise et à d'autres besoins, il avait été admis que la taxe afférente à la part affectée aux besoins de l'entreprise puisse faire l'objet d'une déduction.
3Dans sa rédaction actuelle, l'article 230-1 subordonne l'exercice du droit à déduction à la condition que le bien ou le service soit nécessaire aux besoins de l'exploitation (sur ce point, cf. ci-dessus n°s 1 et suiv. ), mais ne fait pas référence à la condition d'affectation exclusive de ce biens ou service à l'exploitation.
Toutefois, par décision du Conseil des Communautés européennes du 28 juillet 1989, la France a été autorisée à maintenir jusqu'au 31 décembre 1992 l'exclusion du droit à déduction de la TVA afférente aux dépenses relatives à des biens et services à usage mixte lorsque l'utilisation privée de ces biens ou services est supérieure à 90 %.
Par décision du 15 février 1993, le Conseil des Communautés européennes a autorisé la prorogation de cette mesure dérogatoire jusqu'au 31 décembre 1996 ; le décret n° 93-641 du 27 mars 1993 publié au Journal officiel du 28 mars 1993 retranscrit les termes de cette décision en modifiant la deuxième phrase de l'art. 230-1 de l'annexe II au CGI.
4Les redevables peuvent donc opérer la déduction de la taxe afférente aux biens et aux services achetés, ayant fait l'objet d'une acquisition intracommunautaire, importés ou livrés à soi-même dès lors que ces biens ou services :
- sont nécessaires à l'exploitation ;
- ne font pas l'objet d'une utilisation privative supérieure à 90 % de leur utilisation totale ;
- ne sont pas visés par les exclusions particulières prévues aux articles 298-4 du CGI et 236 et suivants de l'annexe II à ce code.
La déduction de la taxe est donc autorisée, même si le bien ou le service est affecté simultanément ou successivement aux besoins de l'exploitation et à d'autres besoins.
Deux situations doivent être envisagées en ce qui concerne l'étendue du droit à déduction ainsi accordé.
I. Droit à déduction sans taxation ultérieure de la livraison ou prestation de services à soi-même : cas des affectations distinctes
5Lorsqu'il est possible, selon des critères physiques, de déterminer la part d'utilisation d'un bien à usage mixte, seule la fraction de la taxe afférente à la partie du bien qui est utilisée pour les besoins de l'entreprise est déductible.
Le droit à déduction est ainsi limité dans la mesure de l'utilisation professionnelle des biens et services.
Le principe de la limitation du droit à déduction s'applique dans les situations où dès la date de la naissance du droit à déduction de la taxe afférente au bien ou au service, des critères objectifs permettent d'apprécier à l'avance avec un degré de précision suffisant la mesure de l'utilisation du bien pour les opérations professionnelles.
Cette solution avait déjà été préconisée dans les situations suivantes :
- biens immobiliers à usage mixte.
Lorsque des parties distinctes d'un immeuble sont utilisées pour des besoins mixtes (exploitation professionnelle, habitation personnelle), le droit à déduction de la TVA est déterminé au prorata de la surface affectée à l'exploitation par rapport à la surface totale de l'immeuble, à défaut de ventilation dans l'acte du prix des locaux respectifs.
- dépenses d'énergie à usage mixte.
La taxe afférente à l'acquisition et à l'installation d'une chaudière à usage mixte est déductible dans la proportion du nombre des éléments de radiateurs installés dans les locaux affectés à l'exploitation.
- dépenses téléphoniques utilisées pour les besoins privés et professionnels.
Les redevables déduisent uniquement la taxe qui se rapporte aux communications nécessitées par l'exercice de leur profession.
- dépenses d'eau et d'électricité.
Un exploitant agricole redevable de la TVA qui ne dispose que d'un seul compteur pour la distribution de l'eau et de l'électricité dans l'ensemble de son exploitation, y compris ses locaux d'habitation, peut évaluer les quantités d'eau et d'électricité consommées dans le secteur agricole taxé afin de déterminer la fraction de la taxe dont la déduction peut être opérée.
II. Droit à déduction assorti de l'obligation de procéder à la taxation des prestations de services à soi-même : cas des affectations indistinctes et simultanées
6Un même bien (plus rarement un service) affecté initialement à l'entreprise peut faire l'objet d'affectations alternatives ou successives d'une part aux besoins de l'entreprise d'autre part à des fins étrangères à l'entreprise.
Dans ce cas, il n'existe pas de critères fiables permettant de justifier la quotité du droit à déduction correspondant à l'utilisation professionnelle du bien ou du service. En effet, les modalités d'utilisation ne peuvent pas être déterminées au préalable et en toute hypothèse elles présentent un caractère aléatoire, imprévisible du fait même de l'intermittence des diverses utilisations.
Exemple
Véhicule léger utilitaire mis à disposition du personnel, pour des besoins privés.
Au moment de l'acquisition, les biens et services concernés ouvrent droit à déduction dans les conditions de droit commun comme s'ils étaient exclusivement affectés aux besoins de l'exploitation.
En contrepartie de l'exercice du droit à déduction ainsi accordé, les prestations de services à soi-même doivent être soumises à la TVA dans le cas où les biens ou les services sont utilisés pour des besoins étrangers à l'exploitation.
Monument historique faisant l'objet d'une utilisation privative.
Les propriétaires de châteaux classés comme monuments historiques ou inscrits à l'inventaire supplémentaire, présentant un caractère historique ou artistique peuvent renoncer à l'exonération des opérations qu'ils réalisent (droits d'entrée, ventes de cartes postales, photographies, brochures évoquant les monuments, etc...) 1 .
Cette imposition a pour contrepartie la possibilité d'exercer, le cas échant et dans les conditions habituelles, des droits à déduction, notamment au titre des travaux d'aménagement portant sur les immeubles.
Lorsque l'immeuble fait l'objet d'utilisations privatives, les dispositions de l'art. 230-1 de l'annexe II au CGI s'appliquent ainsi :
a. si l'utilisation privative est inférieure à 90 % de l'utilisation totale, le monument est alors considéré comme un bien ouvrant droit à déduction. La détermination du pourcentage d'utilisation privative s'effectue en retenant d'une part la valeur du marché de cette occupation privative, c'est-à-dire le montant des loyers qui seraient payés au titre d'un immeuble comparable (y compris ses annexes : dépendances, jardins,...) et, d'autre part, les recettes retirées de la visite du monument ou de son exploitation sous d'autres formes (location de salles, ventes d'objets divers, ...).
Exemple
Un propriétaire perçoit 100 000 F de droits d'entrée et estime par ailleurs la valeur annuelle de l'utilisation privative du monument à 70 000 F.
Il doit en premier lieu comparer cette valeur de l'utilisation privative, soit 70 000 F, au montant total de cette utilisation et des recettes passibles de la TVA, soit 170 000 F (70 000 F + 100 000 F) afin d'apprécier la limite de 90 %.
Au cas particulier, l'utilisation privative du bien est égale à 41 % (70 000/170 000 F).
Les biens concernés ouvrent alors droit à déduction et les recettes taxables doivent comprendre l'ensemble des recettes d'exploitation (recettes reçues auprès des visiteurs, ...) ainsi que le montant des utilisations privatives portant sur le bien concerné (CGI, art. 257-8° et 6° directive TVA, art. 6).
Aux fins de l'imposition à la TVA, l'utilisation privative peut être évaluée sur la base du prix de revient de la fourniture à soi-même de logement par le propriétaire du monument, c'est-à-dire sur la totalité des dépenses engagées pour l'exécution de cette prestation de services amortissement compris.
b. si l'utilisation privative du monument est supérieure à 90 % de l'utilisation totale, les dépenses portant sur le monument, c'est-à-dire en pratique les travaux, n'ouvrent pas droit à déduction (CGI, ann. II, art. 230-1 ).
III. Cas particulier : maintien de l'exclusion du droit à déduction lorsque le pourcentage de l'utilisation privée des biens et services est supérieur à 90 % de leur utilisation totale
7Lorsqu'un bien est utilisé exclusivement à des fins non professionnelles, la TVA correspondante n'est pas admise en déduction conformément aux dispositions de l'article 271 du CGI. Il en est ainsi, par exemple, du mobilier des locaux mis à la disposition des dirigeants ou du personnel et de l'énergie utilisée pour le chauffage et l'éclairage de ces locaux.
8En revanche en cas d'utilisation partielle pour les besoins de l'entreprise, la déduction de la taxe devrait être admise dans toutes les situations, avec en contrepartie, la taxation de l'utilisation privée du bien ou du service.
9Toutefois, lorsque les biens et les services sont principalement affectés à des fins non professionnelles, la quasi-totalité des sommes imposables proviendrait de la valeur du service correspondant à l'utilisation privative.
Dans un souci de simplification, l'article 230-1 du CGI maintient l'exclusion du droit à déduction lorsque le pourcentage de l'utilisation privée est supérieur à 90 % de l'utilisation totale.
Corrélativement, l'assujetti est dispensé d'imposer la prestation de services à soi-même résultant de l'utilisation privative du bien.
Il s'agit :
- des biens et des services qui sont acquis par une entreprise pour être mis à la disposition ou utilisés principalement par le chef d'entreprise, le dirigeant, le personnel ou un tiers (exemple : acquisition ou prise en crédit-bail d'un magnétoscope mis à la disposition du dirigeant et devant servir exceptionnellement pour des besoins de formation professionnelle interne ; bateau de plaisance utilisé principalememt à des fins privées et donné en location une semaine par an) ;
- des biens et services normalement affectés aux besoins de l'entreprise lors de leur acquisition mais qui dans les faits, à l'issue de l'année d'acquisition, ont fait l'objet d'une utilisation privée pour plus de 90 %. Dans cette situation l'entreprise devra reverser intégralement la TVA qu'elle aura déduite initialement.
Si le bien, après avoir ouvert droit à déduction, devient au cours d'une des quatre ou des neuf années 2 suivantes selon qu'il s'agit de meubles ou d'immeubles, exclu du droit à déduction par suite d'une utilisation privative supérieure à 90 %, la taxe à reverser est calculée conformément aux dispositions de l'article 226 bis de l'annexe II au CGI.
IV. Dispositions transitoires
10L'article 3 du décret n° 89-885 du 14 décembre 1989 supprimant la condition d'affectation exclusive a été publié au Journal officiel du 15 décembre 1989.
11Il est donc entré en vigueur à Paris un jour franc après sa publication au Journal officiel (soit le 17 décembre) et en province un jour franc après la réception du Journal officiel au chef lieu d'arrondissement (en principe le 18 décembre 1989).
Pour la période antérieure à son entrée en vigueur, les redevables qui n'ont pas pu déduire la taxe en application des dispositions abrogées, peuvent régulariser leur situation pour les droits à déduction nés après le 1er janvier 1985 3 selon les modalités ci-après.
L'exercice du droit à déduction résultant de ces règles s'effectue selon les modalités suivantes :
- en application des dispositions de l'article 224 de l'annexe II au CGI, par imputation sur les déclarations de chiffre d'affaires déposées avant le 31 décembre 1990 pour les droits nés en 1988 et avant le 31 décembre 1991 pour les droits nés en 1989 4 ;
- par voie de réclamation contentieuse pour les droits nés en 1985, 1986 et 1987. Pour cette dernière année, les redevables ont pu éventuellement régulariser leur situation avant le 31 décembre 1989, par application de l'article 224 de l'annexe II au CGI.
Le point de départ du délai de réclamation visé à l'article R* 196-2 du LPF est constitué par la date de la décision du Conseil d'État. Il expire donc le 31 décembre 1991.
12Il est précisé que, pour les biens à usage mixte, lorsque l'affectation distincte ne peut pas être établie, l'article 5 du décret n° 89-301 du 11 mai 1989 (JO du 13 mai 1989) permet à compter du 15 mai 1989 de soumettre à la TVA le prix de revient de l'utilisation privative d'un bien à usage mixte.
V. Cas particulier des collectivités locales
1. Situation antérieure au 1er janvier 1993.
13L'article 201 sexies de l'annexe II au CGI, en vigueur jusqu'au 31 décembre 1992, prévoyait que les biens et services utilisés par les services des collectivités locales pour lesquels l'option pour le paiement de la TVA peut être exercée (CGI, art. 260 A) sont exclus du droit à déduction lorsque le pourcentage d'utilisation privée de ces biens et services est supérieure à 90 % de leur utilisation totale.
Dans le cas particulier des collectivités locales, l'utilisation privée s'entendait de l'affectation des biens et services pour les besoins de l'exercice d'une activité placée hors du champ d'application de la TVA (exemple : cas d'un ordinateur qui sert à la fois à la gestion d'un secteur imposable et aux services de l'état civil et de l'aide sociale).
Dans un souci de simplification, il a été admis de ne pas remettre en cause la situation des collectivités locales qui ont considéré, lorsqu'un bien d'investissement était utilisé à la fois pour la réalisation d'opérations situées hors du champ d'application de la taxe et d'opérations situées dans le champ d'application, que l'utilisation pour la première catégorie d'opérations était supérieure à 90 % de l'utilisation totale du bien.
Dans cette situation, les biens en cause n'ont pas ouvert droit à déduction conformément aux dispositions des articles 201 sexies et 230 de l'annexe II au CGI. En contrepartie, les collectivités locales ont bénéficié du fonds de compensation pour la TVA en application des dispositions de l'article 2 du décret n° 89-645 du 6 septembre 1989 (JO du 12 septembre 1989).
En revanche, dans le cas où une collectivité locale avait déduit la TVA afférente à un bien utilisé à la fois pour les besoins d'une opération imposable et pour les besoins d'une activité située hors du champ d'application de la TVA, il convenait de s'assurer que la collectivité avait soumis à la TVA la prestation de services à soi-même correspondant à cette dernière utilisation. Dans ces cas, la collectivité ne bénéficiait pas du fonds de compensation pour la TVA.
1 Sur les conditions de l'exonération voir DB 3 A 3182, n° 14.
2 ou des dix-neuf années pour les opérations effectuées à compter du 1er janvier 1996 : en effet, le décret n° 95-1328 du 28 décembre 1995 porte de dix à vingt ans la période de régularisation de la TVA afférente aux immeubles.
3 Cette date résulte de l'article 36 de la loi de finances rectificative pour 1989 et, pour les réclamations présentées avant le 1er janvier 1990, de la prescription quadriennale instituée par la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968.
4 Pour les redevables imposables selon le régime simplifié d'imposition, il est rappelé que la taxe dont la déduction a été omise peut être mentionnée sur la déclaration annuelle CA 12 déposée au titre de la deuxième année qui suit celle de l'omission.
Ainsi, la TVA déductible au titre de 1987 peut être mentionnée sur la déclaration déposée en 1990 au titre de 1989.