SOUS-SECTION 1 LIVRAISONS À SOI-MÊME DE BIENS ET SERVICES
2. Autres biens.
32En ce qui concerne les biens ne constituant pas des immobilisations, l'imposition de la livraison à soi-même n'est exigée que s'il s'agit :
- de biens exclus du droit à déduction ;
- de biens dont la taxe y afférente n'était déductible qu'à concurrence d'un pourcentage de déduction inférieur à 90 % jusqu'au 22 septembre 1994. À partir de cette date, l'imposition des livraisons à soi-même est exigée même lorsque le pourcentage de déduction applicable au bien est supérieur à 90 %.
a. Biens exclus du droit à déduction.
33Parmi ces biens, on peut citer :
- les biens concourant exclusivement à la réalisation d'opérations n'ouvrant pas droit à déduction (art. 219-b de l'ann. II au CGI) ;
- les biens qui font l'objet d'une exclusion totale ;
- les biens visés au 1 de l'article 231 de la même annexe (par exemple, travaux d'améliorations effectués sur des immeubles destinés à la revente) ;
- les biens nécessaires à la réalisation des prestations de services « à soi-même » ayant le caractère de celles visées aux articles 240 et 241 de la même annexe.
En dehors des cas résultant de l'article 219-b de l'annexe II au CGI (biens faisant l'objet d'une vente exonérée), les autres cas d'imposition doivent être rares dans la mesure où les exclusions en cause concernent le plus souvent des biens constituant des immobilisations (exemple : véhicule conçu pour le transport des personnes et exclu du droit à déduction en vertu de l'article 237 de la même annexe, prélevé par un constructeur de tels véhicules en vue de l'utiliser pour les besoins de l'entreprise).
b. Biens susceptibles d'une déduction partielle à concurrence d'un pourcentage de déduction inférieur à 90 % (disposition applicable jusqu'au 22 septembre 1994).
34Il s'agissait de biens pour lesquels le montant de la taxe déductible était déterminé par application du pourcentage de déduction dans les conditions fixées :
- au c de l'article 219 de l'annexe II au CGI pour les biens dont l'utilisation aboutissait concurremment à la réalisation d'opérations ouvrant droit à déduction et d'opérations n'ouvrant pas droit à déduction ;
- à l'article 220 de la même annexe (entreprises autorisées à appliquer le pourcentage de déduction pour l'ensemble de leurs acquisitions de biens et services).
L'imposition de la livraison à soi-même n'était pas exigée lorsque le pourcentage de déduction applicable au bien était supérieur ou égal à 90 %.
III. Régime de déduction de la taxe due à raison de la livraison à soi-même
35À la différence de la taxe due sur les livraisons à soi-même effectuées pour des besoins autres que ceux de l'entreprise, la taxe due sur les livraisons à soi-même effectuées pour les besoins de l'entreprise peut faire l'objet d'une déduction, sous réserve toutefois des exclusions, limitations et régularisations prévues en ce qui concerne les biens en cause, dans les mêmes conditions que s'il s'agissait de biens achetés. Par ailleurs, la déduction est effectuée au titre du mois au cours duquel la livraison à soi-même a été taxée s'il s'agit d'une immobilisation ; elle était différée jusqu'au mois suivant, s'il s'agissait d'un autre bien (règle du décalage d'un mois supprimée progressivement à compter du 1er janvier 1993).
Ainsi, lorsque la taxe due à raison de la livraison à soi-même d'une immobilisation devient exigible (première utilisation), l'assujetti doit comprendre la base d'imposition de cette livraison (par exemple 100 000 F hors TVA) dans le chiffre d'affaires imposable à mentionner sur le relevé CA3 à déposer au titre de la période au cours de laquelle la taxe est devenue exigible, ce qui majorera la TVA brute apparaissant à la ligne 14 (de 20 600 F dans cette hypothèse).
Si la taxe afférente à l'immobilisation est intégralement déductible, le redevable inclura ce même montant de taxe (20 600 F) dans celui de la taxe déductible à mentionner à la ligne 16 du même relevé.
Si, en revanche, la taxe afférente à l'immobilisation n'est déductible qu'en fonction d'un pourcentage de déduction de 40 %, c'est seulement le montant de 20 600 F X 40 % = 8 240 F qui sera compris dans les montants déductibles à mentionner à la ligne 16.
Aucune condition de forme n'est mise à l'exercice du droit à déduction de la TVA dont un assujetti est personnellement redevable au titre d'une livraison à soi-même (art. 223-1 dernier alinéa de l'annexe II au CGI).
IV. Cas particulier des changements d'affectation de biens fabriqués en stocks
36Pour les biens en stocks fabriqués par l'entreprise, l'imposition de la livraison à soi-même n'est pas exigible s'ils sont destinés à une affectation autorisant une déduction totale ou partielle selon un pourcentage de déduction égal ou supérieur à 90 % jusqu'au 22 septembre 1994.
Toutefois, ces biens peuvent faire l'objet d'un changement d'affectation, soit dans le cadre d'une même activité, soit à l'occasion d'un transfert entre secteurs d'activités.
L'imposition de la livraison à soi-même devient exigible lors du changement, si le bien est désormais utilisé en tant qu'immobilisation ou si, tout en conservant son caractère de bien en stocks, son affectation nouvelle n'autorise aucune déduction (ou seulement une déduction partielle selon un pourcentage de déduction inférieur à 90 % jusqu'au 22 septembre 1994). Á compter de cette date, il est souligné que l'imposition des livraisons à soi-même est désormais exigée même lorsque le pourcentage de déduction applicable au bien est supérieur à 90 %. Ainsi, les stocks qui font l'objet d'un changement d'affectation (passage en immobilisation) dans le cadre de la même activité, ou dans le cadre d'un transfert entre secteurs d'activités, doivent toujours faire l'objet d'une taxation de la livraison à soi-même. L'article 257-8° du CGI indique expressément que sont également obligatoirement imposées à la TVA les affectations de biens (marchandises ou immobilisations) à des opérations situées hors du champ d'application de la TVA. L'affectation suppose un changement définitif et exclusif. Lorsqu'il s'agit d'un bien d'investissement il convient de ne pas confondre cette situation avec celle qui s'analyse dans la modification de la proportion de l'utilisation d'un bien d'investissement mixte. Celui-ci reste en effet affecté au sens comptable aux opérations auxquelles il a été originairement destiné mais il est utilisé de manière conjointe aux deux catégories d'opérations : dans le champ et hors du champ d'application de la TVA.
En revanche, si la précédente affectation avait entraîné l'imposition de la livraison à soi-même (bien exclu du droit à déduction ou seulement susceptible d'une déduction partielle selon un pourcentage de déduction inférieur à 90 % jusqu'au 22 septembre 1994) une seconde imposition n'est pas exigible lors du changement d'affectation. Cependant, celui-ci peut donner lieu à des reversements ou à des compléments de déduction compte tenu des données propres à l'affectation nouvelle. Ces reversements ou compléments sont calculés à partir de la taxe acquittée lors de la livraison à soi-même. Cette même taxe peut également devenir totalement ou partiellement déductible, si lors de l'imposition de la livraison elle n'avait été susceptible d'aucune déduction.
E. SITUATION PARTICULIÈRE DES ENTREPRISES NOUVELLES OU QUI DEVIENNENT REDEVABLES DE LA TVA
37L'article 226 de l'annexe II au CGI accorde certains droits à déduction :
- aux entreprises nouvelles qui réalisent des opérations imposables ou assimilées (opérations relevant du commerce extérieur exonérées) ;
- aux entreprises qui optent pour le paiement de la TVA.
Ces droits peuvent être calculés (cf. toutefois la remarque aux n°s 41 et 42 ci-après) [sous réserve de l'application éventuelle du pourcentage de déduction] :
- sur la totalité de la taxe afférente aux biens ne constituant pas des immobilisations en stock à la date de la création de l'entreprise ou à la date de l'effet de l'option, ainsi qu'aux immobilisations non encore utilisées à cette date ;
- sur une fraction de la taxe afférente aux immobilisations en cours d'utilisation à la même date (taxe initiale diminuée d'un cinquième ou d'un vingtième (dixième jusqu'au 31 décembre 1995 : cf. décret 95-1328 du 28 décembre 1995) par année ou fraction d'année écoulée depuis l'acquisition du bien).
Leur situation au regard de l'obligation d'imposer certaines livraisons à soi-même s'établit ainsi qu'il suit :
a. Biens en stocks.
38Dès lors que, par définition, ces biens n'ont pas encore été utilisés à la date de création de l'entreprise ou à la date d'effet de l'option, ce n'est en toute hypothèse qu'ultérieurement que ces biens seraient susceptibles d'une utilisation rendant exigible l'imposition d'une livraison à soi-même (par exemple, prélèvement pour des besoins autres que ceux de l'entreprise, vente exonérée, utilisation en tant qu'immobilisation).
b. Biens constituant des immobilisations.
39La question de l'imposition éventuelle d'une livraison à soi-même ne se pose que s'il s'agit d'un bien autre qu'un bien acheté et utilisé en l'état :
- biens non encore utilisés : dès lors que le bien entre en utilisation à la date de création de l'entreprise ou à la date d'effet de l'option, l'imposition de la livraison à soi-même devient exigible même si la fabrication ou la construction du bien a été achevée antérieurement ;
- biens en cours d'utilisation : dès lors qu'à la date de la création de l'entreprise ou à la date d'effet de l'option, le bien fait désormais l'objet d'une utilisation différente de l'utilisation antérieure qui rend exigible l'imposition de la livraison à soi-même, l'assujetti doit procéder immédiatement à cette imposition.
Exemple :
40Une entreprise a opté pour le paiement de la TVA à compter du 1er janvier 1996, son pourcentage de déduction étant de 40 %. Le 1er juillet 1994 elle avait commencé à utiliser une immobilisation qu'elle avait fait fabriquer et dont la valeur des éléments constitutifs grevés de TVA s'établissait à 80 000 F hors TVA (TVA 14880 F), le prix de revient total étant de 100 000 F hors TVA.
L'imposition de la livraison à soi-même devenue exigible se traduira par une TVA brute de 20 600 F. Corrélativement, l'entreprise pourra porter en déduction, d'une part, la somme de 14880 F (TVA ayant grevé les biens et services utilisés pour la construction du bien et intégralement déductible), d'autre part :
20 600 F X 3/5 X 40 % = 4944 F
Cette entreprise aura donc supporté définitivement une charge de :
(14880 F+ 20600 F) - (14880 F + 4944 F) = 15 656 F soit le même montant qu'une entreprise qui aurait acquis ce bien auprès d'un tiers pour un prix hors TVA de 100 000 F, [c'est-à-dire 20 600 F - (18 600 X 3/5 X 40 %) = 15 656 F].
Cette charge aurait été inférieure, ce qui se serait traduit par une distorsion de concurrence, si les atténuations par cinquièmes avaient porté directement sur la taxe afférente aux éléments constitutifs de la fabrication du bien, c'est-à-dire :
14880 F - (14880 F X 3/5 X 40 %) = 11308,80 F.
Remarque :
41La déduction prévue par l'article 226 de l'annexe II au CGI s'appliquait aux personnes qui :
- exerçaient une activité assujettie à la TVA mais exonérée qui devenait imposable à la TVA (exemple : propriétaire qui opte pour l'assujettissement à la TVA de la location de locaux nus à usage de bureaux) ;
- exerçaient une activité non assujettie à la TVA qui devenait imposable à la taxe (exemple : collectivité locale qui exerçait l'option pour l'assujettissement à la TVA de son service d'assainissement).
Or la Cour de justice des Communautés européennes a indiqué dans un arrêt du 11 juillet 1991 (aff. C97/90 - H. X... ) que « c'est l'acquisition des biens par un assujetti en tant que tel qui détermine l'application du système de TVA et partant du mécanisme de déduction ».
Il s'ensuit qu'une personne qui a acquis des biens à titre privé et ultérieurement décide d'exercer une activité taxable ne peut pas, même sous forme d'un crédit de départ, obtenir un droit à déduction pour les biens qu'elle a acquis à titre de personne privée.
Il en est de même, pour une personne physique ou morale qui n'ayant pas la qualité d'assujetti lors de l'acquisition de biens et aucun droit à déduction n'étant donc né, ne pourra pas opérer de déduction au titre de ces biens lorsqu'elle devient assujettie à la TVA.
42Dès lors, il y a lieu désormais de ne plus appliquer les dispositions de l'article 226 de l'annexe II au CGI aux biens (stocks ou immobilisations) qui lors de leur acquisition avaient été affectés exclusivement :
- à des besoins privés ;
- aux besoins d'activités placées hors du champ d'application de la TVA (exemple : activités de service public, absence de lien direct, etc.).
En revanche, les personnes qui ont acquis des biens pour le besoin d'une activité exonérée peuvent toujours bénéficier du crédit de départ lorsque cette activité devient taxée à la TVA.
F. LIVRAISONS À SOI-MÊME DE BIENS AFFECTÉS Á UN SECTEUR D'ACTIVITÉ EXONÉRÉ N'OUVRANT PAS DROIT À DÉDUCTION (CGI, art. 257-8°-1-c )
43Ce cas d'imposition figure désormais de manière expresse dans l'article 257-8° du CGI.
Il concerne l'ensemble des biens.
Les redevables de la TVA qui ont des secteurs imposables et des secteurs d'activité exonérés n'ouvrant pas droit à déduction doivent donc, lorsqu'ils procèdent au changement d'affectation d'un bien qui a ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la TVA lors de son acquisition ou de sa précédente affectation, soumettre à la taxe la livraison de ce bien au secteur exonéré n'ouvrant pas droit à déduction.
La taxe due à ce titre n'est bien évidemment pas déductible.
G. CAS DES CADEAUX
I. Principe
44 Certains prélèvements ou utilisations des biens des entreprises donnent lieu à des livraisons à soi-même imposables à la TVA en application de l'article 257-8° du CGI (cf. DB 3 A 1221, n°s 1 à 43 ).
Au sein de cette catégorie figurent notamment les biens prélevés pour être donnés en cadeaux dès lors qu'ils ne concourent pas à une opération imposable ou que les prélèvements de ces mêmes biens ne sont pas effectués pour les besoins de l'exploitation.
Cependant, l'article 5 paragraphe 6 de la sixième directive TVA qui prévoit ce principe d'imposition contient une exception en faveur des échantillons et des cadeaux de faible valeur donnés pour les besoins de l'entreprise.
L'article 5 de la loi n° 92-677 du 17 juillet 1992 a eu pour objet de clarifier cette situation en complétant l'article 257-8° déjà cité par la mention expresse de cette exception (CGI, art. 257-8°-1-a ).