SECTION 4 HYPOTHÈQUES JUDICIAIRES
SECTION 4
Hypothèques judiciaires
Ainsi qu'il a été précisé ci-avant (cf. supra 5213 n° 7), l'hypothèque judiciaire résulte des jugements, soit contradictoires, soit par défaut, définitifs ou provisoires, en faveur de . celui qui les a obtenus (Code civ. art. 2123).
Comme tout créancier, l'Administration peut requérir l'inscription d'une hypothèque judiciaire sur les immeubles du débiteur. L'inscription est requise en vertu d'un jugement constatant l'existence de la créance du Trésor. Bien entendu, le recours à l'hypothèque judiciaire ne doit être envisagé que lorsqu'il n'est pas possible de prendre une hypothèque légale ou conventionnelle pour garantir la créance du Trésor.
C'est ainsi que les comptables des impôts peuvent recourir à l'hypothèque judiciaire pour garantir le recouvrement des produits domaniaux, des pénalités et amendes autres que celles sanctionnant le défaut total ou partiel de paiement et des taxes parafiscales dont l'assiette est indépendante de tout impôt ou taxe. Ces produits, en effet, n'entrent pas dans le champ d'application de l'hypothèque légale prévue à l'article 1929 ter du CGI.
Toutefois l'inscription de l'hypothèque judiciaire ne peut être requise que si l'Administration a obtenu, par jugement, la condamnation du redevable.
Les délais pour obtenir celle-ci étant souvent longs, l'Administration peut demander l'autorisation de prendre une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire dans l'attente du jugement au fond qui lui permettra, si elle a gain de cause, de requérir l'inscription définitive de l'hypothèque.
A. INSCRIPTION PROVISOIRE DE L'HYPOTHÈQUE JUDICIAIRE
1L'inscription provisoire de l'hypothèque judiciaire est organisée par les articles 54 et 55 du Code de Procédure civile qui renvoient aux articles 48 et 53 du même Code relatifs aux conditions de l'inscription (cf. ann. I n° 25). Aux termes de l'article 48 de ce code, l'inscription provisoire ne peut être autorisée :
- qu'en cas d'urgence et si le recouvrement de la créance semble en péril ;
- et si, par ailleurs, la créance parait fondée en son principe.
S'agissant, au cas particulier, de créances fiscales, cette deuxième condition doit être normalement remplie.
Pour ce qui est de la réalisation de la première, elle doit s'apprécier dès que la créance de l'Administration prend naissance, c'est-à-dire, pratiquement, dès la notification de l'avis de mise en recouvrement qui est concomitante à la prise en charge faisant suite au défaut de paiement ou dès la rédaction d'un procès-verbal ou encore dès la notification d'un redressement de droits ou taxes.
Les comptables des impôts ne doivent pas hésiter à entreprendre la procédure inhérente à l'inscription provisoire de l'hypothèque judiciaire lorsque les circonstances le justifient, notamment pour empêcher les redevables d'organiser leur insolvabilité. Toutefois par analogie avec ce qui est prévu en matière d'hypothèque légale (cf. supra C 5221 n° 17 ) il n'y a pas lieu, sauf si le recouvrement de la créance paraît en péril, de requérir l'inscription provisoire lorsque la créance à garantir n'atteint pas 5 000 F.
2L'autorisation d'inscription provisoire est demandée, par ministère d'avocat au président du Tribunal de grande instance du lieu de la situation des immeubles à hypothéquer.
La demande est toutefois présentée au juge du tribunal d'instance lorsque le montant de la créance à garantir reste dans les limites de sa compétence, soit 2 500 F en dernier ressort et 5 000 F en appel. Mais comme dans la plupart des cas, les créances à garantir sont d'un montant supérieur à ces limites, l'intervention du juge du Tribunal d'instance ne peut être qu'exceptionnelle.
L'inscription provisoire est autorisée, par ordonnance du magistrat ayant reçu la requête qui statue sans consultation du débiteur. Elle est valable trois ans, est renouvelable et prend rang de sa date. Il est rappelé par ailleurs qu'elle est exécutoire en dépit de l'opposition ou de l'appel du débiteur à qui elle est signifiée.
Le receveur des Impôts et le receveur divisionnaire interviennent tant pour demander l'autorisation de prendre l'inscription provisoire de l'hypothèque que pour requérir celle-ci.
I. Information du receveur divisionnaire
3Lorsque le receveur des Impôts envisage de prendre une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire pour garantir une créance, il en informe le receveur divisionnaire en lui adressant les renseignements et les pièces nécessaires qui lui permettront de demander l'autorisation d'inscription provisoire. Les renseignements auront trait à l'identité du débiteur, à la créance, aux immeubles à hypothéquer, comme en matière d'hypothèque légale (cf. supra 5221, n° 22). Les pièces à adresser peuvent être constituées par une copie de mise en recouvrement, des procès-verbaux ou des notifications de redressements ainsi que le cas échéant, par une copie des actes de ventes ou donations déjà consenties par le débiteur pour diminuer son patrimoine
II. Rôle du receveur divisionnaire
1. Demande d'inscription provisoire.
4C'est au receveur divisionnaire qu'il appartient de demander, par ministère d'avocat, au président du Tribunal de grande instance ou au juge d'instance suivant le cas (cf. supra n° 2 ), l'autorisation de prendre une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire.
La demande doit, bien entendu, être accompagnée de toutes justifications susceptibles de faire ressortir d'une part, que la créance du Trésor est fondée et, d'autre part, que son recouvrement est en péril et qu'il y a dès lors urgence à inscrire l'hypothèque. Ces justifications sont fournies par les documents transmis par le receveur des Impôts.
Bien entendu, avant d'adresser la requête au magistrat, le receveur divisionnaire vérifie ces documents et s'assure que la créance répond bien aux conditions énoncées par l'article 48 du Code de Procédure civile, tant en ce qui concerne l'urgence de l'inscription que le bien-fondé de la créance.
5Si l'autorisation de prendre une inscription provisoire de l'hypothèque judiciaire était refusée par l'ordonnance rendue sur requête et que les motifs invoqués par le juge ne soient pas pertinents le receveur divisionnaire devrait interjeter appel de cette ordonnance.
De même, toute ordonnance qui, en application de l'article 48, alinéa 3 précité, assujettirait l'Administration à justifier au préalable de sa solvabilité ou à donner caution devrait être attaquée.
2. Établissement des borderaux d'inscription provisoire.
6Lorsque l'autorisation d'inscription provisoire est accordée l'inscription, qui détermine le rang de l'hypothèque, doit être prise immédiatement.
A cet effet le receveur divisionnaire établit dans les meilleurs délais les bordereaux d'inscription, sur une formule n° 3267 C, dans les conditions prévues par l'article 54 du Code de Procédure civile.
Il tiendra notamment compte du fait :
- qu'il n'y a pas lieu d'indiquer la date d'effet de l'inscription, celle-ci n'est toujours valable que trois ans. Cette prescription est également valable pour les inscriptions prises pour le renouvellement de l'inscription provisoire, le conservateur étant chargé d'en déterminer la date d'effet ;
- que le montant de la créance garantie est fixé par le magistrat ;
- que celui-ci désigne les immeubles à hypothéquer.
Un modèle de bordereau d'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire figure en annexe II (cf. n° 26) auquel il convient de se reporter.
3. Envoi des documents au receveur des Impôts.
7Les bordereaux d'inscription dûment établis, auxquels est jointe l'ordonnance autorisant l'inscription, sont adressés au receveur des Impôts chargé du recouvrement de la créance aux fins de réquisition de l'inscription. A ces documents le receveur divisionnaire joint les pièces qu'il était lui-même chargé d'obtenir et dont la liste est donnée ci-avant (cf. supra C 5221 n° 25 ).
III. Rôle du receveur des Impôts
1. Réquisition de l'inscription.
8Dès réception des documents transmis par le receveur divisionnaire, le receveur des Impôts requiert l'inscription provisoire de l'hypothèque selon les modalités relatives à l'hypothèque légale du Trésor prévue à l'article 1929 ter du CGI (cf. supra C 5221 n os43 à 45 ).
Toutefois, il n'adresse pas au conservateur l'état de créance et les copies certifiées des avis de mise en recouvrement auxquels se substitue l'ordonnance du juge.
2. Information du receveur divisionnaire.
9A la réception du bordereau comportant mention de l'accomplissement de la formalité, le receveur des Impôts informe le receveur divisionnaire de la prise d'inscription dans les conditions précisées précédemment (cf. supra C 5221 n° 46 ), afin de lui permettre de tenir le répertoire départemental des inscriptions hypothécaires. Il classe ensuite le bordereau d'inscription dans la chemise R 39 ouverte au nom du débiteur (cf. infra 712 n os 65 et 66).
3. Notification de l'inscription provisoire au débiteur.
10En vertu de l'article 55 du Code de Procédure civile, l'ordonnance rendue par le juge doit être notifiée au débiteur dans la quinzaine de l'inscription avec élection de domicile dans le ressort de la conservation des hypothèques où l'inscription a été opérée.
Le receveur des Impôts doit, en conséquence, procéder à cette notification par ministère d'huissier dans le délai imparti.
B. RENOUVELLEMENT DE L'INSCRIPTION PROVISOIRE DE L'HYPOTHÈQUE JUDICIAIRE
11L'inscription provisoire de l'hypothèque judiciaire étant valable trois ans, il importe que son renouvellement soit effectué avant l'expiration de ce délai si un jugement constatant la créance du Trésor n'a pas été rendu.
Les modalités selon lesquelles ce renouvellement doit être opéré sont identiques à celles concernant le renouvellement de l'hypothèque légale commune à toutes les impositions. Sur ce point, il convient de se reporter supra C 5221 n os61 à 68 .
Naturellement, les divers cadres de l'imprimé n° 3267 R seront remplis étant entendu qu'il s'agit du renouvellement d'une inscription provisoire de l'hypothèque judiciaire.
C. INSCRIPTION DÉFINITIVE DE L'HYPOTHÈQUE JUDICIAIRE
12L'inscription définitive de l'hypothèque judiciaire doit normalement faire suite à l'inscription provisoire à laquelle elle se substitue rétroactivement. Son rang est fixé à la date de cette dernière dans la limite des sommes provisoirement garanties.
Comme elle ne peut être requise qu'après le prononcé du jugement de condamnation, le service doit s'attacher à obtenir en justice une condamnation définitive au fond.
A cet effet le receveur divisionnaire doit saisir la direction des Services fiscaux qui est compétente pour engager l'instance au fond et pour connaître de toutes les difficultés contentieuses consécutives à l'ordonnance du juge.
L'instance au fond doit être portée devant le tribunal compétent dans le délai imparti par le magistrat ayant autorisé l'inscription provisoire.
13Si l'Administration n'a pas gain de cause dans l'instance au fond ou si elle n'a pas engagé celle-ci dans le délai fixé l'inscription provisoire disparait.
14Lorsqu'en revanche l'Administration obtient satisfaction, l'inscription définitive doit être prise, aux termes de l'article 54 du Code de Procédure civile, « dans les deux mois à dater du jour où la décision statuant au fond aura acquis l'autorité de la chose jugée, sur présentation de la grosse de cette décision ».
Pour l'application de cette disposition, l'Administration avait considéré que le point de départ du délai de deux mois était le jour où la décision statuant au fond devenait irrévocable. Dans le cas, par exemple, d'une inscription provisoire d'hypothèque prise pour sûreté de pénalités correctionnelles encourues en matière de contributions indirectes, elle estimait que le délai de deux mois au cours duquel devait avoir lieu l'inscription définitive courait à partir de la date de l'arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation rejetant le pourvoi du prévenu contre la décision de condamnation de la Cour d'appel, ou, en l'absence de pourvoi, à compter de l'expiration du délai de cinq jours fixé pour l'exercice de cette voie de recours.
Or , par un arrêt de sa troisième Chambre civile en date du 15 mai 1974 1 , la Cour de cassation a décidé que le délai de deux mois imparti au créancier pour prendre l'inscription définitive commençait à courir le jour où une décision au fond reconnaissait ses droits, sans égard aux recours, ordinaires ou extraordinaires, dont cette décision est susceptible.
Il en résulte que l'inscription définitive doit être prise dans les deux mois du jour où a été rendue par la juridiction saisie au fond, une décision, même sujette à réformation ou à cassation, favorable à l'Administration. Elle doit donc être opérée, dans l'exemple précédent, dans les deux mois du jugement, frappé ou non d'appel, si le tribunal correctionnel a fait droit aux conclusions administratives.
Il est particulièrement insisté sur l'importance qui s'attache à l'accomplissement en temps voulu de cette formalité, laquelle demeure nécessaire alors même que l'immeuble aurait été vendu et le prix consigné 2 . Si, en effet, l'inscription définitive se substitue rétroactivement à l'inscription provisoire et prend rang à la date de celle-ci, c'est à la condition d'intervenir dans le délai de la loi. A défaut, l'inscription provisoire serait inopérante et sa radiation pourrait être demandée par toute partie intéressée.
I. Réquisition de l'inscription définitive et renouvellement
15La réquisition de l'inscription définitive de l'hypothèque judiciaire s'opère selon la procédure prévue pour l'inscription de l'hypothèque légale (cf. supra C 5221 n os26 à 47 ).
Toutefois, il est précisé que le titre de l'Administration à mentionner sur les bordereaux d'inscription n° 3267 C doit faire référence au jugement de condamnation rendu.
Par ailleurs le montant de la créance garantie à retenir est celui résultant dudit jugement.
Enfin dans le cadre 11 du bordereau, mention sera portée que l'inscription définitive requise se substitue à l'inscription provisoire antérieurement opérée.
D'une manière générale les bordereaux doivent être établis suivant le modèle donné en annexe III (cf. infra n° 27).
16Pour ce qui est du renouvellement de l'inscription définitive de l'hypothèque il est effectué selon les mêmes modalités que celui concernant l'hypothèque légale prévue à l'article 1929 ter du CGI. En conséquence il y a lieu de se reporter aux commentaires donnés plus haut (cf. supra C 5221 n os60 et suiv. ) en tenant compte, bien entendu, des dispositions particulières à l'hypothèque judiciaire.
1 D. 1975, page 147 et note du conseiller rapporteur.
2 Civ. 3 e , 17 juillet 1972, D. 1972, page 665.